Page précédente Table des matières

Page suivante


DEUXIEME PARTIE - IDENTIFICATION, PREPARATION ET APPRECIATION DES PROJETS

1. COMPARAISON ENTRE LES PROJETS D'AQUACULTURE ET LES PROJETS D'AGRICULTURE

La première partie était une présentation du cycle des projets, illustrée par des exemples des processus de formulation et d'exécution. Dans la deuxième, on se propose de décrire en détails les stades de la formulation des projets à savoir identification, préparation et appréciation.

Il faut signaler d'emblée que les projets de développement de l'aquaculture axés sur la production sont très différents des projets typiques de production dans le secteur de l'agriculture.

Les projets de production agricole intéressent souvent de vastes zones où diverses cultures sont possibles par exemple sorgho, blé, maïs, tabac, légumes, etc. Même lorsqu'une seule spéculation est envisagée, par exemple l'élevage ou l'aviculture, les projets de production ne sont souvent pas limités à un seul endroit.

Les projets de production aquacole sont en général soumis à des contraintes plus strictes, ne serait-ce parce qu'ils doivent être situés dans l'eau ou sur des terrains appropriés proches de ressources en eau. Dès le départ, les options possibles sont limitées en ce qui concerne:

Ces contraintes physiques déterminent les types de projets qui peuvent être formulés. On notera que les projets dont les activités s'étendent sur de vastes zones sont rares en aquaculture; la plupart des projets sont relativement petits et ont des objectifis très spécifiques.

Le présent document traite principalement des projets financés par le secteur public, mais il faut bien reconnaître que dans l'aquaculture comme dans l'agriculture, les investissements viennent principalement du secteur privé, sans intervention ou presque sans intervention directe du gouvernement. Les décisions d'investir peuvent être prises suivant le cadre général de formulation des projets décrits ici, mais l'effort consacré à chaque stade variera d'un projet à l'autre.

A cause des contraintes et limitations indiquées ci-dessus, on peut grosso modo classer les projets d'aquaculture en quatre catégories ou modèles à savoir:

MODELE A: Projets du secteur privé financés par des investissements commerciaux. Par exemple, un entrepreneur décide d'élever des truites sur ses terres ou une société de crevetticulture veut construire une nouvelle écloserie; ou encore une multinationale veut convertir ses plantations de canne à sucre peu rentables en élevages de poisson-chat.

MODELE B: Projets du secteur public financés par un organisme public. Par exemple, le Ministère des pêches veut construire une écloserie pour appuyer son programme d'amélioration des pêches continentales; ou le service national de vulgarisation a besoin d'une nouvelle pisciculture pour faire des démonstrations de crevetticulture en eau douce; ou encore le Ministère de la technologie veut construire un centre national de recherche-développement; ou bien c'est un organisme para-étatique qui veut construire un nouveau marché du poisson.

MODELE C: Projets du secteur public financés par des pisciculteurs privés appuyés par les services de l'Etat. Par exemple, le Ministère de l'agriculture veut accroître la production des pêches continentales; ou le Département de l'aquaculture souhaite accroître la production nationale de mollusques, ou bien le Ministère du Plan et du Développement veut accroître les recettes en devises du pays grâceà la production de crevettes de mer.

MODELE D: Projets de caractère exclusivement institutionnel du secteur public. Par exemple, le Ministère de l'agriculture a besoin d'être renforcé pour mieux organiser et gérer le sous-secteur aquacole; ou bien un organisme para-étatique a besoin de former son personnel pour les études de marché et la promotion des produits; ou bien, une université veut améliorer ses programmes d'aquaculture du deuxième et du troisième cycles.

2. IDENTIFICATION

L'identification du projet est le premier stade de la formulation. Elle comporte deux phases, une phase préparatoire et une phase de reconnaissance et de conception préliminaire du projet.

PHASE I : Préparation de la formulation du projet

La Phase I a pour but de préparer la formulation du projet pour que celle-ci soit bien organisée, c'est-à-dire plus précisément de prendre toutes les dispositions nécessaires (administratives, logistiques et financières) pour que la formulation se fasse dans les meilleurs délais et au moindre coût.

Cette phase doit aboutir à quatre principaux produits:

  1. description de l'idée de projet: objectifs fondamentaux, activités possibles, limites géographiques. L'idée est mise en forme et décrite dans un document, sur la base des informations disponibles. Le cadre préliminaire du projet est construit (projets du secteur public);

  2. préparation d'un mandat déterminant de façon générale la teneur des activités à exécuter. Ce mandat servira par la suite de référence pour mesurer l'efficacité de l'équipe de formulation;

  3. préparation, dans toute la mesure possible, du plan de travail pour la formulation. Il est essentiel que le chef et tous les membres de l'équipe participent à cette phase pour qu'il soit dûment tenu compte des divers impératifs techniques;

  4. sélection et recrutement des membres de l'équipe de formulation, représentant les différentes disciplines nécessaires. Déblocage des fonds pour financer les dépenses de fonctionnement, affectation de bureaux de ressources pour les communications, mise en place du système de transport et de tout le soutien logistique en général.

La Phase I comprend en général deux étapes: début du projet (Etape 1) et préparation de la formulation du plan de travail (Etape 2). La figure 4 illustre les activités que comportent ces deux étapes, qui sont décrites de façon détaillée dans les paragraphes qui suivent.

Pour les projets financés totalement ou en partie par une aide publique extérieure, il faut souvent établir à ce stade un cadre logique. Ce cadre est un outil de planification et de gestion, qui est complémentaire des procédures classiques de formulation du projet. Le tableau l reproduit un cadre logique, établi au stade de l'idée du projet, pour une pisciculture municipale en Chine.

Le cadre logique est destiné a aider ceux qui devront concevoir l'ensemble du projet en les faisant passer par une série d'étapes logiques. Ainsi, le plus tôt possible dans le processus de formulation, les resposables du projet doivent, après avoir défini les objetifs sectoriels, élaborer le premier projet den cadre. Pour cela ils doivent:

A ce stade du processus de formulation, les informations disponibles sont encore assez générales, comme il est indiqué au tableau l. Toutefois, ceux qui sont chargés de développer les idées de projet ou de mobiliser des financements pour la formulation, trouveront ce cadre utile. A mesure que l'on recueillera davantage d'informations au cours du processus d'identification et de conception du projet, on pourra insérer plus de détails.

Figure 4

Figure 4 Phase I. Préparation de la formulation des projets

La méthode du cadre est surtout utile dans les projets dont le produit est spécifique et quantifiable, par exemple, les projets de production. Il est moins pratique dans les projets plus généraux ou losqu'il est difficile de vérifier la réalisation des objectifs, par exemple, dans les projets de recherche, de formation ou de renforcement des institutions, pour lesquels la vérification est essentiellement qualitative.

Certains organismes donateurs se basent sur le cadre logique pour prendre la décision de procéder à la formulation du projet.

Etape 1 - Début du projet

Les procédures varient selon les pays, mais il est souhaitable que le promoteur du projet (organisme donateur ou investisseur du secteur privé) rédige un mandat préliminaire. Le mandat définitif sera rédigé ultérieurement, de préférence par l'équipe de formulation de concert avec l'organisme de parrainage ou l'investisseur.

Tableau 1

Cadre logique, au stade du début du projet, pour un project proposeé de pisciculture municipale en Chine
DescriptifIndicateurs quantifiablesMoyens de vérificationPostulats et risques
Objectifs sectoriels
Accroître de x tonnes la production de poisson d'eau douce pour le marché intérieur(1) Accroissement de la production de poisson d'eau douceStatistiques officielles(1) Disponibilité des ressources
(2) Existence de débouchés pour le surcroît de production
(2) Accroissement de l'offre de poissons d'eau douce sur le marchéStatistiques officielles 
Accroître l'emploi de x %Nombre de nouveaux emplois créésStatistiques officiellesDisponibilité de main-d'oeuvre suffisamment qualifiée
Accroître de 5 % la contribution au PNBRevenus créésStatistiques officiellesRecettes supérieures aux coûts
Buts/objectifs immédiats
Investissement dans la construction de 100 ha d'étangs, d'une écloserie, d'une station de pompage, de canaux, de bâtiments, de routes d'accès, d'un laboratoire(1)Décaissement des fonds à la date prévueEtat financier(1) Disponibilitéde matériaux et construction de qualité acceptable
(2)Construction et entrée en activité de la pisciculture vérification(a) Rapport d'achèvement(2) Coûts conformes aux devis
(b) Rapport du groupe de
(3) Disponibilité de cadres, de techniciens et d'ouvriers possédant les qualificationsvoulues
(3) Ventes de poissonRegistre des ventes
Rentabilité financièreBénéficesLivres de comptesRecettes supérieures aux coûts (d'équipement et de fonctionnement)
Produits
Vente de poissonQuantité vendueRegistres de vente(1) Existence d'une demande proportionnée à la production
(2)Production correspondant aux estimations du rendement et de la mortalité
Formation sur le tas des techniciens et gestionnairesNombre de personnes formées et transféréees à de nouveaux projetsDossiers du personnel de la pisciculture(a) Disponibilité de gestionnaires et techniciens pour assueer la formation voulue
(b)Disponibilité de personnes qualifiées pour la formation sur le tas
Création d'emploisNombre et type d'emploisDossiers du personnel àla pisciculture(a) Disponibilité de gestionnaires, techniciens et ouvriers possédant les qualifications voulues
Excédents financiersBénéficesComptes(b)Réussite de la pisciculture
Apports
TerresAffectation de terres par le gouvernementCertificat d'utilisation des terresTerres ne convenant pas à d'autres usages
EauAttribution par le gouvernement de droits del'eauCertificat d'utilisation de l'eauDisponibilitéd'eau suffisante sur le plan qualitatif et quantitatif
Routes d'accèsAchèvementRapport d'acceptationDéblocage des fonds et achèvement des travaux conformément au calendrier
Electricité et services
Construction des étangs et des canaux
Pompes/Bâtiments/Véhicules
Matières premières pour les produits d'alimentation du poissonBordereaux de livraisonFactures/reçusDisponibilité des matières premières
Personnel qualifiéPrésence de personnel qualifiéDossiers du personnelDisponibilité
Fonds de roulementVirement bancaireComptesDisponibilité

Etape la - Préparation du cadre logique, description provisoire du projet et mandat provisoire

Le processus de formulation d'un projet commence avec une idée de projet. Cette idée peut avoir des origines très diverses: projet antérieur, études sectorielles, demandes des personnes intéressées. Elle peut être brève et exprimée en termes généraux ou très précise, elle peut être ou non déjà liée à un ministère ou à une source de financement donnés.

Quand le promoteur du projet a décidé qu'il y a lieu si possible de formuler le projet, il est souhaitable d'établir une brève description du projet ainsi qu'un mandat préliminaire. Ce faisant, il importe de respecter un juste équilibre entre d'une part la nécessité de maintenir une certaine souplesse (de façon à n'exclure a priori aucune zone, aucun secteur, aucune institution ou aucun groupe cible pouvant être intéressant) et d'autre part la nécessité de limiter les enquêtes en fonction du temps et des ressources disponibles. C'est pourquoi, les organismes donateurs désignent généralement un fonctionnaire expérimenté pour cette tâche.

Lors de l'établissement du mandat, il est utile d'énoncer des options préliminaires en ce qui concerne les limites géographiques, les institutions qui pourraient être appelées à participer et les groupes cibles. Sur la base de ces options, il faudra tenir compte dans le mandat:

Etape lb - Recrutement et mobilisation de l'équipe de formulation

La composition de l'équipe - disciplines représentées, expérience technique ou professionnelle du type de travail envisagé - dépend essentiellement de la nature du projet tel que présenté dans la description provisoire et dans le mandat préliminaire. Il est préférable que l'équipe soit relativement petite (en général un maximum de 5 personnes y compris le chef d'équipe). Il faut donc que chacun ait des qualifications et une expertise dans une vaste gamme de disciplines.

L'aquaculture étant un domaine relativement nouveau, il n'est pas toujours facile de réunir des personnes ayant la vaste expérience nécessaire et capables de s'attaquer immédiatement aux tâches essentielles du projet proposé, et il peut être difficile de trouver les spécialistes dont on aura aussi besoin. Par exemple, pour un projet ayant une composante de production commerciale, il est essentiel de faire intervenir dés le début une ou plusieurs personnes ayant gagné leur vie dans des entreprises commerciales du secteur (par exemple, un pisciculteur ou quelqu'un qui a l'expérience de la transformation du poisson) et non pas seulement des personnes n'ayant d'autre expérience de la production que les informations acquises à l'occasion de travaux de recherche-développement. Dans le même ordre d'idée, les ingénieurs chargés de construire les écloseries peuvent être des experts de certains systèmes adaptés aux espèces tempérées, mais ne sont souvent pas familiers avec les techniques applicables aux espèces tropicales; toutefois, leurs connaissances peuvent faciliter le transfert de technologies.

Le choix du chef d'équipe est déterminant. Il doit avoir une expérience dans les activités d'au moins une des composantes du projet, être suffisamment qualifié pour mériter le respect de tous les membres de l'équipe, avoir l'esprit de synthèse et être capable de rédiger le rapport du projet.

Etape 1c - Examen des tâches (équipe de formulation)

A partir de la description provisoire du projet et du mandat préliminaire, l'équipe de formulation doit se familiariser avec les tâches à accomplir avant de commencer le travail sur le terrain. Pour cela, les membres de l'équipe doivent:

Le travail à consacrer à cette étape varie considérablement. Il arrive assez souvent que l'équipe puisse se rendre sur le terrain dès qu'elle est constituée, presque sans activité préalable de mise au courant, ou même qu'elle se réunisse directement sur le terrain. Ce peut être le cas par exemple quand le promoteur est une organisation de développment qui peut faire fonds sur une vaste “mémoire institutionnelle” ou quand, ce qui est fréquent, le chef d'équipe a une expérience récente de la zone du projet. Même quand ce n'est pas le cas, il n'est pas nécessaire de consacrer un temps énorme à la collecte de données ou la préparation de matériel nouveau: il suffit de réunir les connaissances existantes et de les utiliser pour identifier les grands problèmes. Ce processus facilitera l'identification du projet et la rendra plus efficace.

Toutefois, il importe que l'équipe soit au courant de tous les critères énoncés par l'investisseur ou l'organisme de parrainage pour le projet proposé. On peut distinguer deux types de critères: ceux qui se réfèrent aux objectifs et ceux qui concernent les contraintes.

Critères relatifs aux objectifs: il peut s'agir par exemple du souci de limiter au minimum les dépenses en devises (pour l'achat d'intrants et d'équipement), d'assurer un certain taux de rentabilité, de maximiser les recettes en devises fortes (par la production de cultures d'exportation), d'optimiser l'utilisation des ressources humaines, d'accroître les approvisionnements alimentaires, etc.

Critères relatifs aux contraintes. Il s'agit de facteurs prédéterminés: coût maximum du projet, coût par bénéficiaire, coût maximum de l'assistance technique, situation géographique du projet, choix des espèces à cultiver, etc.

Etape 1d - Mandat

Il s'agit du mandat global de l'équipe de formulation. Le mandat préliminaire (Etape la) a maintenant été réécrit, compte tenu de l'analyse des informations existantes effectuée pendant l'Etape lc. Il constitue un guide utile pour l'équipe.

La rédaction d'un bon mandat n'est pas une tâche facile ni rapide. Dans bien des cas, les carences de la formulation d'un projet peuvent être imputables à un mandat mal rédigé. Un mandat trop bref et vague risque d'entraîner l'équipe dans une tâche beaucoup trop vaste et sans fin. Mais si le mandat est trop détaillé et spécifique, l'équipe n'a guère de marge de manoeuvre et n'est pas incitée a user d'imagination et de créativité.

Un bon mandat doit donner à l'équipe de formulation:

Le mandat ne doit pas dépasser quelques pages dactylographiées de format standard. Il doit définir une tâche raisonnable, pouvant être réalisée dans les délais alloués.

A partir de là, l'équipe est responsable de l'organisation de son travail.

Différences entre les procédures du secteur privé et celles du secteur public (Etape 1)

Toutes les tâches comprises dans l'Etape l sont communes aux quatre modèles de projets d'aquaculture; mais pour chacune, il y a des différences entre les procédures du secteur public et celles du secteur privé. Ainsi, dans l'Etape la, la construction du cadre logique est généralement omise dans les projets du secteur privé, tandis que dans l'Etape lc (examen des tâches) les critères applicables aux projets du secteur privé (Modèle A) sont très différents de ceux qui valent pour les projets de production du secteur public (Modèles B et C). Par exemple, quand le promoteur du projet est un entrepreneur qui veut valoriser un terrain et des ressources en eau qui lui appartiennent par l'élevage des truites, l'emplacement sera une contrainte déterminante pour les critères du projet. Dans le cas d'un gouvernement qui veut construire une nouvelle écloserie de poissons-chats pour améliorer la pêche dans un grand réservoir (Modèle B), l'espèce à élever et la production attendue peuvent être déterminées, mais l'emplacement exact de l'écloserie n'est pas nécessairement décidé.

Etape 2 - Préparation du plan de travail pour la formulation

Si le mandat est bon, la tâche de l'équipe et de son chef peut être accomplie, et le calendrier et les objectifs sont réalistes. Au cours de cette étape, l'équipe programme l'exécution de sa tâche dans les délais alloués. Le temps et les ressources disponibles pour la formulation d'un projet sont toujours limités. Il faut donc que le travail soit bien défini et programmé afin que l'équipe puisse l'achever à temps, en respectant des critères du projet et sans dépasser le budget.

Etape 2a - Réunion de planification

Cette réunion a pour objet de préparer les membres de l'équipe à leurs tâches. Si possible le promoteur du projet, que ce soit un entrepreneur, une société commerciale ou un comité directeur (ce qui est le cas dans la plupart des institutions) doit être présent ou représenté. La réunion permet d'assurer que les membres de l'équipe comprennent bien ce qu'on attend d'eux et acceptent et adoptent une approche commune de leurs tâches (sur le plan des méthodes et des procédures). Le document de travail de la réunion est le mandat (Etape ld). Il arrive que des décisions importantes soient prises pendant cette réunion de planification, par le calendrier des travaux ou le choix du type d'analyse de projet qu'il est prévu d'adopter. la réunion doit faciliter au chef d'équipe la préparation du plan de travail.

Les comptes rendus de la réunion sont rédigés par le chef d'équipe et distribués à l'équipe et au promoteur.

Il arrive souvent que la réunion ne soit pas aussi rigoureuse qu'il serait souhaitable. Dans les projets du secteur privé, elle peut se limiter à une discussion avec le client ou avec les représentants de la société; dans le secteur public, ce peut être une table ronde à laquelle participent des représentants de l'organisme de parrainage et de l'administration nationale compétente.

Etape 2b - Préparation du plan de travail et attribution des responsabilités

Dans la plupart des cas, les projets d'aquaculture ne nécessitent qu'un plan de travail simple qui peut être représenté par un graphique en barre des tâches essentielles. Dans les projets relativement complexes, comportant de nombreux apports, le chef d'équipe peut construire un “diagramme logique” qui fait apparaître l'organisation dans le temps des différentes tâches et le temps total nécessaire. Il peut alors être utile qu'il établisse une “matrice des temps alloués” dans laquelle la mention de chaque tâche renvoie au membre de l'équipe qui en sera responsable, seul ou en groupe. Il est essentiel que le calendrier, la description des tâches, les produits attendus et l'attribution des responsabilités pour ces produits, ainsi que la date de livraison, soient acceptés et adoptés à ce stade par les membres de l'équipe.

Le calendrier est maintenant prêt et une liste précise des responsabilités de chaque membre de l'équipe a été établie. Le chef d'équipe doit alors préparer, sur la base des tâches alloués, un mandat pour chaque membre de l'équipe, afin d'éviter les malentendus et pour que chacun sache ce qu'il doit faire et quand.

Pour la formulation des projets relativement vastes et complexes, il est en général nécessaire d'utiliser la méthode du “chemin critique”, une technique de gestion qui permet d'établir un plan de travail réaliste, généralement au moyen de techniques d'évaluation et d'examen des programmes (PERT).

Différences entre les procédures du secteur public et celles du secteur privé (Etape 2)

Les deux tâches de l'Etape 2 sont communes aux quatre modèles (A, B, C et D).

Illustration se la Phase I: Préparation de la formulation du projet (Etapes 1 et 2)

Project 1 - Projet d'écloserie commerciale dans un pays méditerranéen

Projet du secteur privé L'idée émane d'un investisseur qui avait déjà des activités de recherche-développement dans le pays dans le domaine de l'élevage en cage des bars et des daurades. Après plusieurs années de difficultés - irrégularité de l'approvisionnement en alevins, impossibilité d'obtenir des aliments de bonne qualité - maladies - il a pensé qu'il serait rentable de concentrer ses activitiés sur la production d'alevins à vendre dans toute la région méditerranéenne. Il avait déjà proximité de son exploitation et pour protéger celle-ci, un terrain qu'il pensait adapté à l'établissement d'une écloserie et d'une nourricerie.

Après en avoir parlé avec des experts de pisciculture à l'occasion d'une foire commerciale (Etape la), il a jugé qu'une écloserie et une nouricerie produisant environ 5 millions de juvéniles de quatre mois par an seraient rentables. Il est allé visiter plusieurs des bureaux d'étude qui avaient exposé à la foire et àé a trois d'entre eux de lui soumettre une offre en indiquant leurs qualifications et les coûts unitaires de leurs services, sur la base d'un mandat préliminaire et d'informations de base qu'il leur a fournis (Etape lb).

Un mois plus tard, il a reçus les trois offres dans lesquelles les bureaux d'études présentainent, sur la base des informations disponibles, leurs points de vue sur les principaux problèmes (Etape lc) ainsi qu'uune description générale de l'approche proposée (Etapes 2a, 2b et 2c). Il a choisi celui qui avait préparé le mandat le plus clair (Etape id); un contrat a été établi pour l'étude préliminaire du terrain; des devis distincts étaient également soumis pour l'étude complète de préfaisabilité et l'étude de faisabilité elle-même (Etape ld). Selon le bureau d'étude, l'éfaisabilité pouvait être réalisée en neuf mois à condition que l'on puisse compter sur une assistance locale pour les levés topographiques, et les analyses du sel et de l'eau; l' étude de faisabilité proprement dite pouvait demander six mois de plus.

L'investisseur a rencontré les consultants (Etape 2a) pour confirmer les délais et le plan de travail (Etape 2b). Au about de trois jours de discussions ils se sont accordés sur un contrat forfaitaire pour l'étude de préfaisabilité. Celle-ci comprenait l'étude du terrain, mais l'investisseur s'est chargé de fournir lui-même le levé topographique ainsi que les analyses de sol et d'eau (Etape 6b).

La phase de préparation de la formulation du projet a pris moins de deux mois.

Projet 2 - Projet de crevetticulture en eau samaâtre dans un pays d'Asie du Sud-Est

Le projet d'assistance extérieure, tel que décrit à titre provisoire dans le mandat préparé pour l'équipe de formulation (Etape la) envisageait la construction ou la restauration de canaux et d'étangs de pisciculture et de crevetticulture existants pour améliorer le rendement en crevettes et de construire des écloseries, le tout dans des zones déterminées. Il était prévu en outre de renforcer la recherche en crevetticulture et de fournir des services de vulgarisation et de crédit.

La formulation devait se faire en deux stades: (a) identification et classement par ordre de priorité de sous-projets et propositions préliminaires pour leur exécution; (b) conception des sous-projets, étude de faisabilité et établissement des plans d'infrastructure institutionnelle (écloseries, vulgarisation, crédit et recherche) pour l'ensemble des sous-projets.

Des crédits étaient prévus pour une équipe de cinq experts qui devaient passer trois semaines sur le terrain et trois semaines à la rédaction du rapport pour la Phase II. L'équipe était composée d'un chef d'équipe/ économiste et d'experts dans le domaine des institutions, du génie civil, de la crevetticulture et de la commercialisation (Etape lb). Le chef d'équipe et deux des experts avaient récemment travaillé à des projets analogues dans le pays, de sorte qu'il n'était pas nécessaire de prévoir une étape formelle pour rassembler l'information sur le pays (Etape 1c).

L'Etape ld, deuxième rédaction du mandat, a été omise.

A l'exception de l'expert en matière de crédit, retardé, l'équipe a été mobilisée dans la capitale, où elle s'est réunie avec les représentants du service des pêches (Etape 2a). Au cours de cette réunion, le service des pêches a confirmé les objectifs du projet et, à l'issue de disscussions, l'intéraire de l'équipe et le rôle de chacun de ses membres ont été convenus. Le chef d'équipe a présenté des propositions pour la structure du rapport intérimaire et une liste des annexes qui à ce stade semblaient devoir être nécessaires.

Les délais disponibles et l'itinéraire fixé dictaient en grande partie le plan de travail de sorte qu'en dehors de l'attribution des tâches à chaque membre il n'a pas été jugé nécessaire d'effectuer un travail plus détaillé (Etape 2b).

Projet 3 - Projet d'amélioration de la conchyliculture en Asie du Sud-Est

Au cours d'une réunion entre des représentants de la CEE et un organisme intergouvernemental d'Asie du Sud-Est, organisée pour examiner des questions de coopération technique et de développement, il a été reconnu qu'une amélioration générale du contrôle sanitaire de la production et de la commercialisation des coquillage d'élevage était urgente. Il a été convenu qu'une équipe de consultants de la CEE ferait une tournée dans la région, car l'Europe possède en matière de culture et de contrôle sanitaire des coquillages des connaissances techniques qui pouvaient utilement être transférées dans la région. Le surcroît de production pourrait être les marchés nationaux et à l'exportation et le projet ouvrirait de nouveaux débouchès au matériel européen d'assainissement et d'épuration.

Six mois plus tard, une équipe d'experts de la CEE (un économiste, chef d'équipe, un conchyliculteur et un industriel ayant l'expérience au traitement des coquillages) a fait une tournée dans la région et a rencontré des représentants des services nationaux des cinq pays concernés; elle a établi composantes (Etape la), qu'une délégation de la région devait réexaminer après un voyage d'étude en Europe.

Des détails sur le projet ont éeté communiqués aux instituts des pêches de la CEE de la région; le voyage d'étude a été financé et organisé. Dix mois plus tard, une troisième réunion a eu lieu à Bruxelles. Les objectifs du projet - aider les artisans pêcheurs à se reconvertir à la conchyliculture - ont été redéfinis et acceptés.

La CEE a préparé un appel d'offre sur la base d'un mandat préliminaire établi au cours de la réunion. Huit mois plus tard, les formalités administratives nécessaires à la mobilisation de l'équipe de six membres chargée de formuler le projet en un an à Singapour (Etape lb) étaient accomplies.

Pendant le premier mois, l'équipe a rencontré des responsables région, rassemblé et examiné la documentation existante et défini sa tâche (Etape lc). Elle a ensuite révisé son mandat, indiquant qu'il faudrait 15 mois et non 12 pour faire le travail. Cette question a été soulevée au cours d'une réunion sur le projet (Etape 2a) tenue en présence d'un Comité directeur composé de représentants des pays participants et d'experts. Le Comité a accepté d'examiner l'aurmentation de budget. Un mois aprés la réunion, l'équipe avait établi un diagramme logique du prroject. Sur la base de ce diagramme, les délais nécessaires ont été précisés, le plan de travail a été validé et les tâches et programmes de travial indifiduels des membres de l'équipe ont été établis (Etape 2b).

La phase de préparation de la formulation du projet avait pris 16 mois.

Thèmes de discussion

Les exemples ci-dessus pourraient susciter des réflexions sur les points suivants:

PHASE II: Reconnaissance et conception préliminaire du projet

But et produits

Le but de cette phase est de réfléchir sur l'idée du projet et d'en tirer toutes les cons équences. L'équipe peut, au cours des quatre étapes de cette phase (3–6) identifier et étudier toutes les contraintes et toutes les possibilités, déterminer qui sera concerné, quelles activités auront lieu, quelles technologies pourront être utilisées et quels résultats positifs pourront être obtenus.

A ce stade, il y a une différence entre les projets spécifiques du point de vue de l'emplacement, des espèces à élever, etc. (Modéles A et B) et les projets de nature plus générale (Modèles C et D). Presque tous les projets d'aquaculture du secteur privé appartiennent à la premiére catégorie, de même que certains projets de production du secteur public. La plupart des projets du secteur public sont de nature générale.

Cette phase n'en est pas moins importante pour la formulation des projets tant du secteur privé que du secteur public. La différence est de degrés, non de nature. Il est évident que quand l'emplacement des activités, les participants, la technologie, la production, etc, sont précisément définis dans l'idée de projet, les possibilitiés d'identifier de nouvelles options sont limitées. Mais même ainsi, cette phase est importante car elle permet de confirmer que l'idée primitive était bien valable. Quand l'idée du projet n'est pas précisément définie, l'équipe doit au cours de cette phase identifier et analyser toutes les façons possibles d'atteindre les objectifs du projet.

Compte tenu des différences entre les deux types de projet - il ne faut pas oublier que même pour les projets spécifiques, cette phase permet de vérifier si le projet s'intègre bien dans l'environnement physique, social et économique - la phase II aboutit à quatre produits principaux, à savoir:

  1. Une bonne compréhension des lacunes du développement, des potentiels et des contraintes existant dans la zone où le sous-secteur du projet, tant du point de vue général que du point de vue des principaux agents ou groupes d'intérêt concernés.

  2. Des hypothèses de travail sur la façon dont évoluerait la zone ou le sous-secteur en l'absence d'intervention délibérée telle que le projet envisagé.

  3. L'identification des grandes options pour la conception du projet (définition des groupes cibles, contenu des ensembles technologiques, emplacement des infrastructures matérielles, institutions participantes).

  4. Une définition préliminaire d'un projet (ou de plusieurs projets) approprié(s) y compris des spécifications schématiques des componsantes du projet, un devis estimatif et une analyse indicative de l'impact prévu.

Les activités de la phase II s'articulent en quatre étapes: analyse et diagnostic de la situation du projet dans une perspective d'ensemble (Etape 3) analyse et diagnostic de la situation du projet dans la perspective des principaux agents concernés (Etape 4) évaluation prospective de ces situations en l'absence du projet (Etape 5) spécification schématique d'un projet possible (Etape 6). Les activités de ces Etapes sont illustrées à la figure 5 et décrites ci-après. Les activités des Etapes 3 et 4 se déroulent généralement simultanément comme il est indiqué dans les paragraphes qui suivent.

Etape 3 - Analyse et diagnostic généraux

Cette étape a pour objet de comprendre et d'expliquer la nature des problèmes de développement existant dans la zone ou dans le sous-secteur et intéressant l'aquaculture, ainsi que les solutions possibles.

Etape 3a - Examen de l'environnement national, régional et sectorial

Il est important de situer les produits attendus du projet par rapport aux plans et programmes de développement existants ou envisagés pour le secteur et les secteurs voisins. Cela se fait en général au moyen d'un examen du contexte global dans lequel le projet est envisagé: structures économiques et tendances récentes du secteur aquacole dans la zone vixée, principales caractéristiques des grands systèmes aquacoles utilisés, structures des marchés et des prix, institutions, organisations et gestion, revenus et conditions sociales dans l'aquaculture et les sous-secteurs connexes, politiques et priorités stratégiques du gouvernement en matière de développement aquacole.

Il arrive souvent que le secteur aquacole soit petit ou même inexistant. En tel cas, l'équipe doit évaluer la base de ressources et examiner et analyser les activités directement comparables telles que les pêches (pour les informations sur les structures de commercialisation et de prix) ainsi que les aspects pertinents du secteur agricole (par exemple la petite agriculture, les élevages de porcs ou de volaille). Cette étude comparative doit englober les allocations de ressources financières et de main-d'oeuvre, les systèmes d'exploitation et les caractéristiques sociales pertinentes. Il peut également être utile que l'équipe procède à une brève récapitulation de la situation dans un pays comparable où le secteur aquacole est déjà assez développé pour s'autofinancer et, en particulier des stratégies et politiques qui ont permis d'en arriver là. Au contraire, s'il existe dans le pays ou dans la zone concernée un secteur aquacole dynamique, l'équipe dispose déjà d'une bonne base d'informations pour appuyer son travail.

Etape 3b - Evaluation générale de la zone et du sous-secteur du projet

Après cet examen du contexte national et sectoriel d'ensemble, l'équipe de formulation étudie la zone géographique ou le sous-secteur dans lequel le projet doit se situer. Il importe alors de choisir les informations les plus pertinentes pour le projet proposé et d'évaluer leur signification. Les questions à examiner sont normalement:

Figure 5

Figure 5 Phase II. Reconnaissance et conception préliminaires du project

Aspects physiques: Importance pour le projet du climat, de la géologie, de la pédologie, de la topographie, des ressources hydriques disponibles pour l'aquaculture, du peuplement humain et de l'utilisation actuelle des terres. Des cartes sont souvent le meilleur moyen de présenter cette information. Il faut aussi étudier les changements qui interviennent régulièrement: modifications régulières de l'utilisation des terres, importance des inodations et leurs conséquences (par exemple, en établissant la carte des sols sulfatés, il faut indiquer la répartition des substances lessivées en cas d'inondation).

Infrastructures: Recensement des infrastructures existantes et accessibles au projet (équipement et services et leur qualité et leur état d'entretien); ainsi il faut étudier les viabilités existantes par exemple les sources d'énergie; si le rélectrique est souvent en panne, ou s'il y a de fréquentes ruptures d'approvisionnements en carburant, il faut en tenir compte et notamment pour le choix de systèmes de pompage. Dans le même esprit, et même lorsque la zone ou le terrain semblent bien reliés aux voies de communication, il faut vérifier si les ponts permettent le passage des camions chargés qui livreront régulièrement les aliments pour les poissons et emporteront la production, et si les routes ne sont pas parfois impraticables pendant les pluies.

Activités économiques: Principales caractéristiques des pratiques aquacoles existantes, techologies utilisées, productivité et analyse des tendances et des perspectives à long terme, systèmes de commercialisation en amont et en aval des principales unités de production. Quand une nouvelle technologie est développée, il arrive que beaucoup de pays l'exploitent et que les prix du marché tombent. Ainsi dans un projet de production de poissons de mer en Méditerranée pour les marchés de la CEE l'équipe devrait examiner les potentiels existant dans d'autres pays possédant des ressources côtières analogues, analyser la concurrence potentielle et prévoir l'impact du projet sur les prix.

Comme aux autres stades de la formulation du projet, c'est la situation qui déterminera le type d'informations que recherchra l'équipe. Par exemple, quand le projet vise à créer les conditions propres à stimuler la production, cela n'est dans certains cas possible qu'en détournant vers l'aquaculture une partie des ressources - terre, eau, main-d'oeuvre, capital - utilisées dans d'autres parties du secteur agricole. En tel cas, il importe de déterminer les coûts des intrants agricoles et les prix des produits à la sortie de l'exploitation pour déterminer dans quelle mesure la pisciculture semblera une option rentable aux producteurs. S'il est prévu d'accroître des activités aquacoles existantes, il faut examiner et analyser les systèmes économiques qui fournissent les intrants ainsi que les filières de commercialisation pour déterminer les changements qui pourraient être nécessaires.

Caractéristiques socio-économiques: Caractéristiques des ménages, régimes fonciers, taille des exploitations, utilisation de l'eau et droits d'eau, population et migrations, disponibilité de main-d'oeuvre et emploi, revenus et conditions sociales, organisation sociale. Pour les projets de production, il faudra déterminer des paramètres sociaux généraux qui conditionnent la production de produits commercialisables: disponibilité de main-d'oeuvre, participation possible des femmes, les rites et coutumes intéressant les poissons et l'eau, etc. A ce stade, il peut être aussi utile de procéder à une évaluation préliminaire du taux approprié d'adoption de la nouvelle technologie.

Comme l'aquaculture a besoin avant tout de terre et d'eau, il faut établir une carte de ces ressources, recenser les utilisations concurrentes et tenir compte des facteurs juridiques et sociaux qui conditionnent les droits d'usage - qui conservent indéfiniment leur importance dans les projets de production.

Institutions et administrations s'occupant du développement: On examinera les responsabilités et l'organisation de chacune de ces institutions et administrations aussi bien au niveau local qu'au niveau national, leurs fonctions et leur efficacité et les effets que cela peut avoir sur le projet. Dans la plupart des pays, il existe des institutions gouvernementales et autres qui appuient les différents secteurs: département des universités, instituts de formation, centres de recherche, etc. A ce stade, on recensera les institutions qui appuient ou devraient appuyer le secteur aquacole de façon à identifier leurs points forts et leurs points faibles. Par exemple, lorsqu'il existe un service de vulgarisation agricole, il faut évaluer son efficacité et la possibilité de l'utiliser pour la vulgarisation aquacole.

Politiques et stratégie: On ne reviendra pas ici sur les aspects généraux, déjà examinés pendant la précédente phase, mais il faudra identifier les points particulièrement importants pour le projet au moyen de discussions et de visites au cours du travail de terrain.

S'il n'y a pas d'antécédents aquacoles dans la zone, il importe d'étudier les informations pertinentes dans d'áutres parties du secteur agricole. Par exemple, si les agriculteurs bénéficient d'une assistance généreuse de l'Etat, sous forme de dons, de prêts et de toute une gamme de services de soutien, il convient d'examiner ces prestations pour déterminer si elles pourraient ou devraient être étendues au sous-secteur aquacole.

Etape 3c - Identification des lignes d'action possible

Au cours des activités précédentes (Etapes 3a et 3b), l'équipe s'est employée à situer l'idée de projet dans le contexte global du secteur aquacole. L'équipe s'emploie alors à faire la synthèse et l'analyse des informations recueillies. Grâce à leur expérience et à leur connaissance technique, les membres de l'équipe doivent pouvoir indiquer maintenant les grandes lignes d'action possible.

Dans les projets dont l'emplacement est prédéterminé (Modèles A et B), l'équipe doit examiner les options techniques disponibles, leurs exigences organisationnelles ainsi que leurs contraintes écologiques.

Les options technologiques peuvent avoir trait aux systèmes et pratiques ou au terrain. L'équipe peut par exemple étudier s'il vaut mieux produire des truites en étang ou en couloirs à poissons ou élever des mollusques sur radeau ou sur corde, ou développer la crevetticulture dans des étangs nouvaux ou dans des étangs réaménagés ou s'il y a lieu d'améliorer le renouvellement de l'eau au moyen d'un système de pompage dans un canal central. Dans les grands projets commerciaux, les options peuvent être d'ordre organisationnel: gestion centrale, ou gestion et budgets séparés pour l'écloserie, le grossissage et la commercialisation.

En étudiant les systèmes technologiques, l'équipe devra tenir compte des différents types d'organisation nécessires pour les divers systèmes aquacoles. Par exemple, si l'aquaculture s'est développée avec succès dans des étangs en terre, il ne faut pas en conclure à la hâte que, du fait qu'il existe des plans d'eau appropriés, il serait possible d'introduire sans difficulté la pisciculture en cages. Ce système exige en effet une infrastructure commerciale bien développée capable de fournir divers services: livraison d'oeufs d'alevins et d'aliments, crédit, équipement, recherche, formation, et souvent aussi transformation et commercialisation du produit. L'équipe devra danms ce cas vérifier si ces services de soutien existent ou pourraient être mis en place.

Même si le choix des options décrites ci-dessus est souvent déjà implicite dans l'idée de projet, l'équipe devra procéder à un examen critique pour vérifier si l'idée de projet est réaliste, pour identifier et évaluer d'autres options et pour étudier les conséquences écologiques potentielles des options retenues.

Les principaux risques écologiques sont les suivants:

Pour les projets sectoriels l'équipe doit envisager toutes les lignes d'action possible, mais sans entrer dans le détail. Par exemple, dans un projet destiné à accroître la production des pêches continentales du pays (Modèle C), elle étudiera les diverses approches possibles du problème, les nouveaux procédés et techniques pouvant être introduits pour réaliser divers objectifs chiffrés, et identifier les activités économiques existantes qui pour aient être évincées. Ce faisant, elle pourra envisager de développer la production de poisson (i) par l'empoissonnement des plans d'eau existants; (ii) par la petite pisciculture et (iii) par les deux moyens à la fois. Chacune de ces activités peut avoir des effets sur l'autre. Le programme d'empoissonnement, qui suppose un aménagement de la pêche, peut nécessiter une limitation du nombre de pêcheurs, mais leur assure un meilleur niveau de vie; une grande pêcherie aménagée peut créer indirectement plus d'emplois qu'une petite pêcherie commercialisée. Un programme de petite pisciculture, qui nécessite de la terre et de l'eau, peut priver les riziculteurs locaux de ces ressources; mais la pisciculture peut donner à ces derniers, ainsi qu'aux établissements d'usinage du riz, des débouchés pour leurs résidus qui serviront à produire des aliments pour le poisson. Pour chaque option, l'équipe doit envisager les limites géographiques du projet (choix des plans d'eau et des bassins versants), déterminer la dimension du projet, estimer le nombre de pêcheurs et de pisciculteurs, et prévoir les installations nécessaires et la logistique opérationnelle. A partir de ces estimations, l'équipe peut alors calculer les besoins de services de soutien: nombre d'écloseries et de nourriceries, usines de production d'aliments, fabriques de glace, éventuellement agrandissement des marchés. Elle peut aussi prévoir des services tels que la vulgarisation et la formation et comparer différents systèmes de crédit. Elle doit en outre envisager les diverses options possibles pour l'organisation et la gestion du projet.

Dans un projet de renforcement des institutions (Modèle D), l'équipe peut par exemple s'intéresser à la formation et à la recherche sur la pathologie des poissons: elle aura tiré parti de l'Etape 3a pour procéder à un examen d'ensemble du secteur aquacole et des constraintes générales auxquelles il est sujet. Dans l'Etape 3b, elle aura concentré ses efforts sur les maladies des poissons et sur l'adaptation des espèces et des systèmes aux conditions locales ainsi que sur les institutions ayant des activités de recherche, de formation et de vulgarisation. Dans l'Etape 3c, elle examinera les raisons pour lesquelles le centre existant de formation et de recherche progresse de façon décevante et comment il est possible de surmonter les contraintes et d'améliorer les institutions responsables de la vulgarisation piscicole. Dans ce cas, le produit de l'Etape 3c sera une série de réponses proposées aux questions soulevées par les activités des Etapes 3a et 3b.

Les membres de l'équipe de formulation devront discuter de ces options entre eux et, sur une base informelle, avec les autres personnes et organismes intéressés, et se mettre d'accord sur une liste provisoire des lignes d'action les plus prometteuses. Cette liste sera réexaminée par la suite à la lumière des informations qui seront obtenues lorsque l'on aura étudié, dans l'Etape 4c, les divers agents présents dans la zone et le sous-secteur du projet, leurs activités et leurs besoins.

Différences entre les procédures du secteur public et celles du secteur privé (Etape 3)

On notera que l'Etape 3 est surtout pertinente pour les projets du secteur public de nature générale (Modèle C) ou portant sur le renforcement des institutions (Modèle D).

Etape 4 - Analyse du projet dans l'optique des personnes concernées

Après avoir examiné les grands aspects du développement dans la zone ou le sous-secteur et formulé une première évaluation des possibilités qui s'offrent, l'équipe de formulation doit s'employer à comprendre l'organisation des activités économiques et sociales dans la zone ou le sous-secteur. Par exemple: que font les gens? Que consomment-ils et que produisent-ils? Quels systèmes d'aquaculture sont utilisés? De qui dépendent les ressources (eau, terre, crédit, etc.)? Qui prend ou influence les décisions et comment?

L'équipe utilise pour cela une approche voisine de l'analyse des systèmes: les divers agents sont étudiés non pas isolément mais dans le contexte de leurs relations et interactions avec les autres agents du “système”.

En pratique, beaucoup des activités de la quatrième étape chevauchent les enquêtes de terrain de la troisième.

Etape 4a - Identification des groupes d'intérêt concernés

La spécification provisoire du système est une vue d'ensemble des personnes concernées par le projet et de leurs activités. Il est souvent utile de construire un modèle montrant leurs relations économiques et sociales. On s'efforce normalement d'inclure dans ce modèle tous les grands groupes qui ont des chances d'être touchés d'une façon ou d'une autre par le projet.

On peut décrire les trois grandes catégories de groupes d'intérêt, constituées de ce que l'on peut appeler des “agents” à savoir:

agents “instruments”: personnes, ménages ou organisations qui sont les principaux utilisateurs des ressources mises à la disposition du projet; ce groupe comprend non seulement les participants proprement dits tels les pisciculteurs mais aussi d'autres tels que les fournisseurs et les négociants.

agents “cibles”: il s'git de ceux dont la direction du projet tient à améliorer la situation matérielle et socio-économique; c'est à l'évolution de cette situation que sera principalement mesuré l'impact du projet.

agents “régulateurs”: ce sont ceux qui ont une influence importante sur les activités et le bien-être des agents instruments et des agents cibles par leurs pouvoirs de contrôle, de régulation, d'intervention ou autres.

En étudiant la structure du système, l'équipe de formulation envisage ainsi les grands intérêts par lesquels ces divers agents sont liés. Ces liens peuvent être illustrés par des organigrammes.

L'organigramme des relations économique et sociales entre les agents d'un système est illustré à la figure 6 qui montre les relations existant dans un projet de crevetticulture du secteur public (Modèle C).

On peut identifier les agents et liaisons entre agents ci-après:

  1. agents instruments, à savoir (i) agents “en amont” tels que fournisseurs d'oeufs, d'alevins et d'aliments (industries produisant des aliments pour animaux), prêteurs villageois, et responsables du crédit officiel, agents privés de vulgarisation (consultants);(ii)les agents producteurs tels que les pisciculteurs déjà établis ou qui commencent leurs activités et (iii) les agents “en aval” tels que les fabriques de glace, les sociétés s'occupant de transformation et de commerce des crevettes et les négociants en poisson;

  2. les agents cibles, à savoir, les pisciculteurs (qui sont aussi les agents producteurs dont il est question plus haut) et leurs familles, les consommateurs de poisson, les personnes qui pourraient être employées aux activités après récolte (familles résidant dans la zone) et les bénéficiaires des retombées économiques du projet (familles dans le pays tout entier);

  3. les agents régulateurs, et notamment le service de l'aquaculture du Ministère des pêches.

Lorsqu'il n'existe pas encore de secteur aquacole ou que celui-ci est petit, il est plus difficile d'identifier les groupes d'intérêt. En tel cas, l'équipe du projet effectue néanmoins une analyse des systèmes dans la zone où on se propose d'établir cette nouvelle activité pour déterminer les meilleurs moyens de l'intégrer dans le système socio-économique existant.

Etape 4b - Etude détaillée des agents et de leurs besoins

A partir de la spécification provisoire du système qui résulte de l'étape précédente, l'équipe de formulation doit maintenant étendre ses enquêtes de terrain. Ce travail peut produire des informations qui l'inciteront à réviser le système de relations économiques et sociales entre agents ou à modifier certains des critères utilisés pour définir les agents (Etape 4a).

Les principaux buts des activités de terrain de cette étape sont de:

Ainsi, la première tâche de l'équipe est de rassembler en peu de temps toutes les informations nécessaires pour lui permettre d'atteindre ces deux buts. Des études statistiques, basées sur des questionnaires bien préparés, sont la meilleure méthode, mais elles demandent du temps et peuvent nécessiter une formation spéciale des membres de l'équipe. Il est parfois plus pratique d'avoir recours à des méthodes d'“observation participative”, c'est-à-dire à des entretiens relativement longs et détaillés avec des informateurs ou groupes d'informateurs bien choisis, auxquels on consacrera autant de temps que possible. Les interlocuteurs doivent comprendre non seulement des personnes directement concernées par le projet mais aussi des personnes qui ne sont pas concernées mais qui connaissent bien la zone et sa population.

Mais une certaine prudence s'impose. Il est difficile à une équipe qui ne connaît pas du tout une zone de bien faire ce travail au cours d'une brève tournée de terrain. Même si le chef d'équipe a déjà rassemblé des rapports, études, livres, etc. sur la zone (Etape 1) il vaut mieux, chaque fois que possible, qu'un sociologue du pays connaissant bien la zone et parlant les langues locales soit intégré à l'équipe. Faute d'un tel sociologue, il faut s'efforcer à tout prix d'inclure quelqu'un qui connaisse bien la zone et sa population et qui puisse guider l'équipe. Il existe sur cette technique d'évaluation rurale rapide une documentation abondante que l'équipe devra étudier avant de se mettre au travail.

Au cours de ces entretiens et discussions, les membres de l'équipe doivent éviter de mettre en avant leurs idées préconçues. Les informateurs surtout ceux qui appartiennent aux groupes les plus pauvres de la communaté, sont toujours trop bien élevés ou trop timides pour contredire des opinions émises par les membres de l'équipe. Cette dernière doit toujours avoir pour principal souci d'écouter tout ce que peuvent leur dire les agents représentatifs avec lesquels elle s'entretient, et éviter d'avancer de suggestions avant d'avoir bien compris les pratiques, méthodes et techniques locales.

Par exemple, les observateurs signalent souvent que le manque de crédit est l'une des raisons pour lesquelles le secteur de l'aquaculture ne se développe pas aussi vite qu'il le pourrait dans les pays en développement. L'équipe pourrait penser que tel est bien le cas après ses entretiens avec des pisciculteurs qui empruntent auprès d'usuriers locaux. Mais elle peut apprendre ensuite des responsables du crédit dans la filiale locale de la banque agricole qu'il existe un programme de crédit à des taux d'intérêt raisonnables qui est accessible aux pisciculteurs mais auquel ceux-ci n'ont pas recours. Un complément d'enquête parmi les pisciculteurs peut révéler que ces derniers ne comprennent pas les procédures bancaires ou qu'ils ne peuvent offrir les garanties requises (ils ne sont pas toujours propriétaires de leurs étangs et la valeur de leurs stocks n'est pas acceptée comme garantie). Ou bien on peut constater que les responsables du crédit ne comprennent pas les besoins de trésorerie spécifiques des pisciculteurs (qui ne sont pas les mêmes que ceux des agriculteurs car la récolte du poisson s'étend sur beaucoup de mois).

Figure 6

Figure 6 Organigramme d'un systéme de crevetticulture et de commercialisation des crevettes

Si l'équipe n'avait pas consulté les trois types d'agents concernés, elle aurait facilement pu croire que son idée préconçue était correcte et que le crédit manquait pour la pisciculture. Elle aurait alors consacré son attention au cours de l'étape suivante (Etape 4c) à chercher des sources de crédit plutôt qu'à faire connaîre les besoins des pisciculteurs aux banques.

L'équipe doit veiller à faire participer aux discussions tous les usagers potentiels des ressources naturelles qui seront touchés par le projet. Certains de ces usagers peuvent n'être pas très visibles. Par exemple, dans un projet de transformation d'étangs de pisciculture en étangs de crevetticulture, l'équipe doit penser à prendre en compte les pêcheurs qui exploitent une pêcherie hauturière de crevettes dont le recrutement dépend des nourriceries de la mangrove, ainsi que les communautés côtières dont la seule source de revenu est la collecte et la vente à des intermédiaires d'oeufs de poisson destinés aux pisciculteurs. L'équipe doit impérativement discuter du projet proposé avec tous ces groupes pour être sûre que le projet ne les prive pas de ressources essentielles ou ne modifie pas leur mode de vie de façon indésirable.

Comme l'Etape 4a, cette tâche est plus difficile à accomplir quand il n'y a pas encore d'aquaculture dans la zone du projet. Il est évident qu'en tel cas les agents n'ont aucune expérience qui leur permette d'estimer de quoi ils auront besoin s'ils participent. L'équipe doit donc entreprendre une tâche délicate d'éducation, veillant là encore à ne pas imposer ses vues, et essayer de déterminer quelles seront les réactions à l'établissement du projet. Par exemple, pour presque tous les projets de production, il faut en engagement du gouvernement de créer des infrastructures institutionnelles appropriées. L'équipe doit donc passer beaucoup de temps avec les administrateurs de rang moyen et supérieur (agents régulateurs) pour les informer des besoins typiques, par exemple incitations financières (primes, prêts et subventions), services de soutien (services de vulgarisation, écloseries, recherche, éducation, formation technique, publication d'information). Dans le même esprit, l'équipe doit s'entretenir longuement avec les agents potentiels du secteur privé tels que ceux dont il est question plus haut.

En résumé, tout au long de cette première étape, l'équipe doit non seulement recenser les besoins des divers agents, mais acquérir une compréhension critique des relations entre les divers besoins existant au sein du système (lorsqu'il existe déjà un secteur aquacole) ou des liens qui s'établiraient (lorsqu'il n'y a pas d'aquaculture dans la zone).

La deuxième tâche est d'identifier les principaux goulets d'étranglement du système dont la suppression aurait des résultats favorables. En d'autres termes, l'équipe doit comprendre non seulement la structure et le fonctionnement du système mais aussi comprendre pourquoi il est ainsi c'est-à-dire élaborer un modèle de comportement. Elle doit réfléchir de façon précise, systématique et objective aux raisons pour lesquelles les choses se passent dans la zone ou le sous-secteur d'un projet donné. Cela fait, on est très près d'avoir identifié les contraintes qui pèsent sur le système.

Ce faisant, l'équipe doit veiller à définir le plus précisément possible les contraintes. Par exemple, les facteurs limitants typiques dans un système de crevetticulture (voir figure 6) peuvent être les suivants:

A l'issue de cette étape, l'équipe doit être en mesure d'établir une liste complète des problèmes, options possibles, potentiels et contraintes du système, qui servira de base à l'étape suivante du processus de formulation.

Etape 4c - Identification des lignes d'action possible

L'Etape 3c est aussi une étape d'identification des lignes d'action, mais principalement sur la base d'une évaluation générale de la zone et du soussecteur du projet (Etape 3b). Il s'agit d'étudier, dans la mesure où le temps et les ressources disponibles le permettent, des facteurs tels que la physiographie de la zone, l'activité économique, l'infrastructure, les caractéristiques socio-économiques, les institutions et les politiques officielles. Dans les Etapes 4a et 4b, la tâche était plutôt axée sur l'examen du système socio-économique dans lequel le projet doit fonctionner. Les membres de l'équipe ont dû se poser des questions telles que: qui fait quoi? Quelles sont les relations socio-économiques dans la zone et le soussecteur du projet? Quels sont les facteurs limitants qui empêchent le système de mieux fonctionner?

L'Etape 4c comprend quatre activités, à savoir:

Tout d'abord, au cours de cette étape, l'équipe fait une synthèse des résultats de la troisième étape - qui portait principalement sur les aspects matériels - et de ceux des premières activités de la quatrième étape - qui portaient sur des aspects humains - en réexaminant les interventions possibles proposées à l'Etape 3c à la lumière de l'analyse des aspects humains effectuée au cours des Etapes 4a et 4b. Ainsi, il peut arriver qu'une ligne d'action identifiée à l'Etape 3c doive être abandonnée parce que l'on s'est rendu compte qu'elle nuirait aux relations sociales et économiques existant entre les agents ou parce que l'analyse effectuée à l'Etape 4c a permis d'identifier des problèmes et des besoins plus prioritaires.

A ce stade, l'équipe doit avoir compris que le projet risque de ne pas provoquer les transformations voulues ou d'avoir des effets indésirables. Par exemple, un projet de pisciculture en enclos de filet ou en cages flottantes dans un vaste plan d'eau intérieur peut créer des obstacles matériels qui privent de leur gagne-pain les artisans pêcheurs. Ou bien dans le projet de crevetticulutre décrit ci-dessus, l'équipe peut s'apercevoir que la conversion de tous les étangs et de tous les pisciculteurs produisant du poisson à la crevetticulture aurait de graves répercussions sur la situation économique et sociale de ceux qui gagnent traditionnellement leur vie en ramassant des oeufs de poisson et que les marchés locaux perdraient leur source d'approvisionnement en poisson. On peut alors conclure qu'il vaudrait mieux ne convertir que la moitié des étangs de pisciculture. Ou encore elle peut se rendre compte qu'en détruisant tous les marécages de mangrove pour construire de nouveaux étangs de pisciculture, on risque de détruire les pêcheries hauturières dont vivent beaucoup de pêcheurs et décider qu'il vaut mieux construire les étangs derrière la lisière de la mangrove de façon à préserver les nourriceries naturelles.

Deuxièmement, une fois opérés tous ces ajustements, l'équipe peut, dans le cas du projet de crevetticulture, commencer à choisir les principaux agents cibles (bénéficiaires) ou déterminer, selon ce qui doit être réalisé par le projet, qui utilisera activement les technologies améliorées ou bénéficiera de l'infrastructure ou d'une ligne de crédit, etc.

A ce stade, sur la base du travail de terrain limité qu'elle a effectué, elle peut tout au plus tenter une première estimation du nombre d'agents cibles. Le taux d'adoption sera influencé par des facteurs tels que l'attitude des agents cibles à l'égard des nouvelles technologies, la disponibilité d'intrants et de crédit, et le nombre estimatif des agents qui sont disposés à investir le temps nécessaire.

Troisièment, comme toute intervention dans une partie d'un système socio-économique a des chances d'avoir des conséquences dans le reste du système, l'équipe peut être appelée à identifier des lignes d'action supplémentaires. Par exemple, un investissement du secteur privé dans la production de crevettes peut nécessiter de nouveaux investissements dans des fabriques de glace et des entrepôts réfrigérés pour assurer la qualité des crevettes destinées à l'exportation, et peut-être aussi la création d'une petite unité de surveillance au Ministère de la santé publique. Un projet d'encouragement de la pisciculture en étang peut rendre nécessaire la constitution de coopératives, associations ou autres groupements qui pourraient au départ bénéficier de l'appui de l'Etat. Ces interventions supplémentaires dans d'autres parties du système constitueront de nouvelles composantes du projet.

Les mesures institutionnelles rendues nécessaires par exemple par les composantes de production et de commercialisation d'un projet peuvent être immédiatement évidentes: on a besoin de services de vulgarisation, de piscicultures de démonstration, de voyages d'étude, etc. Mais certains autres changements nécessaires ne sont pas toujours aussi apparents; c'est pourquoi l'équipe doit bien comprendre les responsabilités et fonctions des institutions, et particulièrement de l'administration publique. Si l'équipe est mal informée, elle peut par exemple ne pas se rendre compte qu'un projet entraînant l'introduction d'espèces exotiques de poisson ou des déplacements d'adultes, d'oeufs et de juvéniles doit nécessairement être appuyé par une politique gouvernementale et des règlements régissant l'introduction et les transferts de poissons, et qu'il peut être nécessaire d'établir une petite unité vétérinaire d'Etat avec une station de quarantaine pour autoriser et surveiller ces activités.

Quatrièmement, les membres de l'équipe de l'équipe de formulation doivent discuter de ces idées et les classer par ordre d'importance en fonction de leur impact sur les agents. Ils doivent ensuite discuter leurs conclusions préliminaires avec des personnes compétentes qui puissent formuler des observations et des avis.

Différence entre les procédures du secteur public et celles du secteur privé (Etape 4)

Dans les projets de production du secteur privé (Modèle A), les trois tâches de l'Etape 4 peuvent être omises; elles ne sont nécessaires que lorsqu'elles sont demandées par le promoteur du projet. Ainsi, celui-ci peut tenir à vérifier que son projet de production s'intègre bien dans le système socio-économique local pour éviter des difficultés, par exemple s'il a besoin de main d'oeuvre bon marché. Parfois, l'équipe accomplit toutes les tâches de l'étape; dans d'autres cas, le promoteur connaît bien la structure socioéconomique de la zone; c'est par exemple le cas de la multinationale qui veut convertir ses plantations de canne à sucre en étang de pisciculture pour la production de poisson-chat.
En revanche, dans les projets du secteur public (Modeles B, C et D), il est évident que les trois tâches de cette étape sont en général très importantes. C'est seulement dans les projets analogues à ceux du secteur privé, par exemple, les piscicultures d'Etat, qu'elles le sont moins.

Etape 5 - Evaluation prospective “sans le projet”

L'équipe connaît maintenant bien l'état du développement dans la zone et le sous-secteur du projet. Elle a une idée assez claire non seulement des moyens d'améliorer les choses, mais aussi de ce qui pourrait se passer indépendamment du projet (que celui-ci soit exécuté ou non) ou en l'absence du projet. C'est cette situation “sans le projet” qu'il lui faut maintenant analyser et évaluer afin de pouvoir estimer l'impact du projet.

Etape 5a - Projections démographiques

Cette activité vise à étudier comment la population de la zone du projet et des zones voisines qui sont en relation avec elle peut augmenter et évoluer pendant la durée du projet, en tenant dûment compte des facteurs qui peuvent compliquer les choses, tels que les migrations et l'emploi.

La démographie est particulièrement importante pour la planification de projets aquacoles parce que les ressources en terre et en eau, qui sont les deux principaux facteurs nécessaires à l'aquaculture, sont finies. Par exemple, une augmentation notable de la population de la zone du projet peut se traduire par une concurrence accrue pour les ressources relativement limitées en eaux douces. Par ailleurs, le projet lui-même peut être à l'origine d'une telle évolution. Ainsi, lorsqu'on met en valeur une zone, de marécages comme dans le cas du projet cité en exemple, l'ouverture de voies d'accès aux plages peut stimuler le tourisme et la construction d'hôtels.

Etape 5b - Projection de l'évolution de la demande, de l'offre et des prix

Une tâche fondamentale à ce stade est d'évaluer la demande des produits du projet. Pour cette évaluation, il faut bien distinguer entre d'une part le besoin d'un produit ou d'un service (qui est déterminé par des critères non commerciaux, par exemple la ration énergétique minimum) et la demande de ce produit ou service (c'est-à-dire la quantité que les consommateurs veulent et peuvent acquérir au prix demandé).

Il existe des méthodes bien établies pour évaluer la demande. Les principaux déterminants de celle-ci sont la croissance démographique et le revenu par habitant. En l'absence d'une étude sectorielle comprenant des estimations de l'évolution prévue de la demande, l'équipe peut en général demander aux responsables du plan national les prévisions de croissance démographique qui, dans les grands pays, sont ventilées par région. Mais l'effet des variations du revenu sur la demande de poisson est souvent très complexe. Dans bien des cas, on peut utiliser une estimation approximative de l'élasticité-revenu de la demande, c'est-à-dire du pourcentage de variation de la demande qu'entraîne un pourcentage donné de variation du revenu; cela donne une indication grossière, mais généralement suffisante, de l'ordre de grandeur probable de la demande (cette élasticité peut elle aussi parfois être demandée aux responsables du plan). Dans les pays où les revenus sont bas et où le poisson joue un grand rôle dans l'alimentation, l'élasticité de la demande peut être très élevée: par exemple, la demande de poisson peut augmenter de 5 % chaque fois que les revenus des familles augmentent de 10 %, en admettant que le prix relatif du poisson n'ait pas changé.

La projection de l'offre ne se fait pas de la même façon pour tous les projets, car elle dépend des circonstances. Dans certains cas, il faut tenir compte de l'offre totale de poisson et dans d'autres, seulement de l'offre de poissons provenant de l'aquaculture. D'autres facteurs à prendre en compte peuvent être les types ou espèces de poissons et produits dérivés et les attitudes des consommateurs.

Une fois établies les projections de l'offre et de la demande, il faut les équilibrer. Dans bien des cas, on constatera que l'écart entre la demande et l'offre (le déficit) augmente (dans beaucoup de pays pauvres, cela est dû plutôt à la croissance de la population qu'à celle des revenus). En tel cas, le prix réel du poisson (c'est-à-dire son prix relatif) augmente.

Si l'on compare les projections de la demande et les projections de l'offre en l'absence du projet, on obtient des projections de prix, toujours en l'absence du projet. A partir de cela, l'équipe de formulation peut évaluer les débouchés futurs de la production du projet et indiquer le sens et l'ampleur des variations des prix du marché avec et sans le projet.

Dans les projets dont l'objectif est la production pour l'exportation, par exemple le projet d'élevage de crevettes de mer donné en exemple ci-dessus, les projections de l'offre, de la demande et des prix sont les éléments importants pour déterminer la rentabilité du projet. Cependant, il est peu probable que le surcroît de production de crevettes influe sur l'offre et les prix à l'échelle mondiale. Il n'en est pas moins important, lorsqu'un projet est destiné à approvisionner en poisson le marché local relativement limité, de déterminer si ce marché peut absorber toute la production du projet sans que les prix baissent.

Etape 5c - Projections de l'impact d'autres projets

Il importe que l'équipe soit au courant des autres projets, en cours ou prévus, qui pourraient avoir un impact sur le projet en cours de formulation. Cela est particulièrement nécessaire dans le cas des projets qui peuvent donner lieu à une concurrence pour les ressources en terre et en eau. Il ne faut pas non plus négliger les projets ayant besoin du personnel et des compétences de l'institution de contrepartie éventuellement associée au projet. L'expérience montre que beaucoup de gouvernements prennent trop d'engagements à l'égard de projets de développement sans recruter le personnel supplémentaire ou libérer une partie de leur personnel de ses autres responsabilités.

Il est en général assez facile de prendre en compte les projets déjà en cours, mais il est souvent plus difficile de savoir quels autres projets peuvent être dans la filière ou envisagés. De plus, on ne sait jamais si ces projets seront un jour exécutés totalement ou en partie, ni au bout de combien de temps. Dans ce genre de situation, on peut en être réduit à faire plusieurs hypothèses sur la situation “sans le projet”, avec ou sans un ou plusieurs des autres projets en cours ou potentiels.

Etape 5d - Définition de la situation “sans le projet”

On postule implicitement que tout projet se traduira par un surcroît de produits dans la zone et le sous-secteur concernés, c'est-à-dire que la production de biens et services sera plus grande ou de meilleure qualité qu'en l'absence du projet. Il est donc essentiel de formuler des hypothèses précises sur ce qui se passerait effectivement en l'absence du projet.

Ce faisant, l'équipe ne doit pas céder à la tentation trop facile, mais souvent dangereuse de postuler que la situation restera pratiquement inchangée en l'absence du projet. De plus, elle doit se rendre compte que si le projet à l'étude n'est pas exécuté, un autre pourrait l'être à sa place. L'effet de cet autre projet fait aussi partie de la situation “sans le projet”.

D'où l'importance à ce stade d'établir un tableau réaliste représentant les meilleures prévisions qu'aura pu faire l'équipe de ce qui devra se passer dans la zone et le sous-secteur si le projet à l'étude n'est pas exécuté. Cette prévision servira de référence pour évaluer les résultats du projet. Par exemple, si l'on prévoit qu'au cours des cinq prochaines années, il n'y aura aucune recette en devises provenant des exportations de crevettes, on peut considérer que toutes les recettes d'exportation résultant du projet (par exemple 20 millions de dollars EU) représentent une réalisation du projet. D'un autre côté, en l'absence du projet, la production de poisson dans la zone pourrait rester au niveau actuel d'environ 5 000 t par an, alors qu'elle diminuerait de moitié avec le projet. On peut faire le même genre de calcul pour les revenus des exploitants, l'emploi, etc., et présenter ainsi des “résultats” du projet.

Différences entre les procédures du secteur public et celles du secteur privé (Etape 5)

Les quatre tâches de cette étape sont communes aux quatre modèles de projets d'aquaculture décrits plus haut. Evidemment, elles seront en général plus complexes dans les projets du secteur public comportant plusieurs composantes (Modèle C) et intéressant un grand nombre d'agents des différents groupes.

Page précédente Début de page Page suivante