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Les forêts, le cycle mondial du carbone et le changement climatique

M.J. Apps 1


Introduction

Le climat de la Terre a évolué au cours du siècle dernier et continuera de changer de façon significative dans les siècles à venir. Bien que les variations de la température moyenne du globe soient jusqu'à présent relativement modestes - + 0,6 ± 0,2 oC - leurs effets sur l'environnement et sur les infrastructures humaines sont déjà évidents. Les changements attendus pour les 50 à 100 prochaines années sont plus importants et plus rapides que ne l'indiquaient les rapports précédents (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat [GIEC], 1990; 2001). Ils sont aussi plus certains. A défaut d'une politique d'atténuation dirigée, les variations de la température moyenne du globe sur les 100 prochaines années atteindront ou dépasseront la limite supérieure de la fourchette des prévisions du GIEC pour 2001, qui est de +1,4 à 5,8 oC par rapport aux températures de la décennie 90 (Reilly et al., 2001), qui atteignaient déjà des niveaux records (Organisation météorologique mondiale [OMM], 2002).

Le changement n'a pas été, et ne sera pas, distribué de manière égale sur toute la planète. Les changements climatiques sont plus importants aux altitudes moyennes ou élevées et au-dessus des masses de terre continentales où vivent des populations nombreuses tributaires des écosystèmes forestiers pour leur subsistance. De plus, ces modifications ne devraient pas être de simples augmentations linéaires de la température ou d'autres variables climatiques : des changements brusques et par nature imprévisibles (surprises) du type de ceux dont notre géologie a conservé les traces, doivent être attendus à l'avenir. Tout porte à croire que les effets déjà enregistrés durant le siècle passé s'intensifieront au XXIème Siècle, ce qui aura des répercussions profondes sur les écosystèmes naturels et sur les services dont la société est devenue tributaire.

Le changement climatique est, dit-on, le grand problème environnemental du XXIème siècle. Il aura des conséquences importantes pour les stratégies de gestion des ressources. Les forêts et la foresterie sont-elles un élément du problème ou de la solution (Apps et Kurz, 1991) ? Ce document examine la contribution des écosystèmes forestiers et de leur gestion au cycle mondial du carbone.

Les changements climatiques et le cycle mondial du carbone

En 2001, le GIEC a conclu que le réchauffement observé durant la deuxième moitié du XXème siècle était essentiellement attribuable aux activités humaines qui ont accru les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Le Groupe a aussi averti que ces changements continueraient à engendrer des changements climatiques rapides durant les siècles à venir (GIEC, 2001). Parmi ces gaz à effet de serre, le plus important est le CO², dont les concentrations atmosphériques ont été altérées de façon catastrophique par les perturbations anthropiques du cycle mondial du carbone.

Au moins pendant les 420 mille années qui ont précédé le XXème siècle, la concentration atmosphérique de CO² a relativement peu varié, oscillant entre environ 80 ppmv (parties par million en volume) (durant les glaciations, où la température du globe était inférieure de 8 à 9 °C à celle d'aujourd'hui) et 180 ppmv (durant les périodes interglaciaires où la température était comparable aux valeurs actuelles). La fourchette de variation du CO² atmosphérique est extrêmement étroite, étant donné que sa concentration est déterminée par un cycle biogéochimique fortement dynamique. Ceci laisse penser que le cycle mondial du carbone était régulé par de puissants processus de réaction biologique tendant à maintenir un équilibre étroit entre l'absorption photosynthétique nette de CO² par la biosphère et sa respiration totale - les forces nettes de la biosphère comme sources et comme puits ont été très proches de zéro, au moins pendant ces 420 000 années.

Des éléments convaincants indiquent que la biosphère a joué un rôle majeur dans la régulation du climat de la Terre. Des données récentes montrent en particulier que, bien qu'il y ait eu des périodes durant lesquelles la température de la planète a changé brusquement sans que cela s'accompagne d'altérations notables des concentrations de CO² atmosphérique, l'inverse n'apparaît pas dans les archives glaciaires-interglaciaires (Smith et al. 1999). La phase de réchauffement des conditions glaciaires à interglaciaires a été relativement rapide alors que la phase de refroidissement conduisant à la glaciation a été d'abord rapide (ce qui semble être le signe d'une perturbation par un événement extérieur), mais ensuite progressive (ce qui indique de puissantes réactions tendant à contrecarrer le changement).

Ces schémas indiquent une asymétrie à long terme dans les taux mondiaux d'absorption et de libération du CO² par la biosphère (Falkowski et al., 2000). Les écosystèmes terrestres et marins font office de tampons pour maintenir la température du globe dans une fourchette compatible avec la vie. La concentration de CO² atmosphérique est aujourd'hui de l'ordre de 370 ppmv - soit près de 35% de plus qu'à n'importe quel moment au cours des 420 000 dernières années - une situation en contraste avec les statistiques à long terme, due à des perturbations anthropiques du cycle mondial du carbone. La concentration augmente aussi à un rythme au moins dix fois, sinon cent fois plus rapide que jamais auparavant (Falkowski et al., 2000). Il est clair que la manière dont la biosphère régularise le cycle mondial du carbone - et, partant, le système climatique - a changé. Bien que l'on puisse facilement quantifier les apports anthropogéniques directs de CO² vers l'atmosphère, il s'est avéré extrêmement difficile de donner une explication quantitative des taux d'augmentation des concentrations atmosphériques, précisément en raison des puissantes réactions des écosystèmes terrestres et marins aux changements. Il est indispensable de comprendre les réactions de la biosphère - la réponse du biote de la planète aux perturbations - à la fois pour évaluer les effets futurs et pour concevoir des mesures d'atténuation appropriées.

Les perturbations anthropiques du cycle mondial du carbone

Les perturbations anthropiques du cycle mondial du carbone ont été à la fois directes et indirectes. Les effets directs évidents sont l'adjonction de nouveau carbone au cycle mondial du carbone actif2 dérivant de la combustion de combustibles fossiles, et la modification de la structure et de la distribution de la végétation dérivant de changements dans l'utilisation des terres. La déforestation, c'est-à-dire la suppression de la végétation forestière et son remplacement par un autre couvert de surface, est le changement d'utilisation des terres qui a l'impact le plus marqué sur le cycle du carbone, à cause de la perte de capacité de photosynthèse de la végétation forestière et de la libération simultanée d'importants stocks de carbone accumulés dans les écosystèmes forestiers sur de longues périodes. Parmi les effets indirects de l'activité de l'homme sur le cycle du carbone on peut citer les modifications d'autres cycles biogéochimiques mondiaux majeurs, l'altération de la composition atmosphérique résultant de l'adjonction de polluants et de CO² et les modifications de la diversité biologique des paysages et des espèces.

Actuellement, environ les trois quarts des perturbations anthropiques directes du cycle mondial du carbone sont dues à la combustion de combustibles fossiles, dont les émissions dépassent aujourd'hui 6 Gt C(/an (gigatonnes de carbone par an) et continuent à augmenter. Pour donner une idée de leur ampleur, ces émissions sont équivalentes à celles que produirait chaque année l'incinération totale de la moitié des arbres existant au Canada - sans résidus, charbon de bois ou suie. Depuis le milieu du XIXème siècle, cependant, l'adjonction cumulée de CO² anthropogénique dans l'atmosphère dérivant de changements dans l'utilisation des terres a été presque aussi importante (environ 156 GT C) que celle dérivant de l'utilisation des combustibles fossiles (environ 280 GT C), et reste une émission anthropogénique majeure (2,2 GT C/an) (Houghton, 2003).

Sur les 7,6 ± 0,8 GT C/an de CO² ajoutés à l'atmosphère par les activités humaines entre 1980 et 1995, seuls 3,2 ± 1,0 GT C/an y demeurent, le reste étant absorbé à peu près en quantités égales par les écosystèmes terrestres et marins (Houghton, 2000)3. La biosphère terrestre enlève donc activement une partie du « nouveau » carbone que les hommes ont ajouté. Les écosystèmes terrestres en particulier ont piégé (c'est-à-dire absorbé et retenu) 2,3 ± 0,9 GT C/an, même en tenant compte de la perte de 2,0 - 2,2 GT C /an due à la déforestation (Houghton, 2003).

Absorption par les terres

Dans la recherche de stratégies d'atténuation - c'est-à-dire d'activités qui ralentissent ou inversent le processus d'accumulation de CO2 atmosphérique - il est absolument impératif de comprendre les mécanismes responsables de l'absorption nette actuelle de la biosphère. Ces mécanismes vont-ils continuer à compenser les émissions anthropogéniques directes ? Ou vont-ils perdre de la force, voire devenir complètement inefficaces lorsque le système cycle du carbone/climat passera à un nouveau mode de fonctionnement (Falkowski et al., 2000), comme le suggèrent de façon alarmante plusieurs nouvelles simulations de modèles terrestres et océaniques (Betts et al., 1997; Sarmiento et al., 1998; Cox et al., 2000)? Les réponses à ces questions sont évidemment fondamentales pour l'humanité.

L'anatomie des sources et des puits à l'échelle du peuplement et du paysage

Un écosystème forestier fait office de « puits » (enlèvement net de CO2 atmosphérique), lorsqu'il y a une augmentation de la somme de tous les stocks de carbone retenus dans la végétation forestière et des stocks dérivés de carbone organique dans d'autres réservoirs. Parmi ces réservoirs dérivés, les plus importants sont les détritus et les réserves de matière organique du sol de l'écosystème forestier.

La figure 3 montre les réserves et les transferts théoriques de carbone observés dans les écosystèmes et dans le secteur forestiers. En plus des compartiments des écosystèmes (végétation, détritus et réserves du sol) et des réserves exportées qui se trouvent en dehors du site (y compris les produits forestiers et les déchets produits durant leur fabrication et abandonnés dans les décharges), l'utilisation des réserves de combustibles fossiles par le secteur forestier est également décrite.

Le bilan net du carbone dans un écosystème forestier (PNE - Productivité nette de l'écosystème) peut être estimé en additionnant toutes les variations des stocks de carbone de l'écosystème (méthode de « l'inventaire »), ou en mesurant directement les flux nets de CO2 avec l'atmosphère (techniques de corrélation de tourbillons). Si tous les stocks et tous les flux sont pris en compte, les deux méthodes doivent donner des résultats identiques (conservation de la masse). Dans la pratique, les deux approches sont combinées.

Le bilan net du carbone d'un peuplement forestier donné (pièce) varie en fonction des conditions dominantes (qui ont une incidence sur les taux d'absorption et de libération du CO2), mais il dépend aussi dans une large mesure du stade de développement du peuplement et de son histoire. À l'échelle du paysage (biome), une forêt est une mosaïque composée de nombreux peuplements forestiers (écosystèmes individuels) ayant atteint des stades de développement divers. Le bilan net du carbone à cette échelle représente la somme de celui de tous les écosystèmes du paysage.

Les changements dans l'accumulation nette de carbone à l'échelle du paysage ont donc deux composantes : les changements de la productivité des écosystèmes individuels, avec des variations environnementales, et les changements dans la répartition des classes d'âge associés aux variations du paysage en termes de mortalité et de recrutement. La répartition des classes d'âge est un histogramme de la fraction de forêt appartenant à chaque classe d'âge (en général dix à vingt ans), et une archive des événements passés de mortalité et de recrutement.

À l'échelle du paysage, les sources et les puits de carbone atmosphérique peuvent découler de changements dans la productivité de l'écosystème ou dans le régime des perturbations. Si le rythme des perturbations augmente, la distribution des classes d'âge se déplace vers la gauche (jeunes peuplements) et le carbone total retenu dans les écosystèmes du paysage diminue - le paysage est une source nette transitoire de CO2 vers l'atmosphère jusqu'à l'atteinte d'une nouvelle distribution des classes d'âge stable. (Si le carbone est transporté en dehors du paysage de l'écosystème pour se décomposer dans des réservoirs hors site, comme les produits forestiers, la source du paysage est réduite d'autant - en substance, cette composante de la source est exportée.) De même, si les perturbations sont supprimées, la composition par âge se déplace vers la droite (peuplements plus vieux) et les stocks de carbone augmentent, avec une suppression nette transitoire de CO2 atmosphérique.

Le puits à carbone terrestre existant et ses perspectives d'avenir

Jusqu'à une époque récente, on pensait que le puits à carbone terrestre net nécessaire pour équilibrer le bilan mondial du carbone perturbé (Figure 2) était principalement créé par l'accroissement des taux d'absorption des forêts - Productivité primaire brute (GPP) accrue - associé à une concentration élevée de CO2 atmosphérique, à l'augmentation des apports nutritifs dus à la pollution et à une réaction positive aux augmentations de la température du globe. On sait cependant aujourd'hui que les changements dans les pratiques d'utilisation des terres sont responsables de quelques puits de carbone terrestre actuels.

Alors que des mécanismes physiologiques dictés par des variations climatiques peuvent expliquer certains changements à court terme (saisonniers ou interannuels) dans les quantités de carbone absorbées par l'écosystème forestier (GPP), l'évolution à long terme de l'absorption et de la rétention nettes (GPP -R ) est plus incertaine (Canadell et al., 2000, Steffen et Tyson, 2001). La distribution du carbone absorbé dans les écosystèmes forestiers et la respiration de ces stocks de carbone renforcés, peuvent aussi augmenter sous l'effet des mêmes stimuli environnementaux. En outre, chaque mécanisme de stimulation a des facteurs limitants qui font que son importance décroît au fil du temps (Canadell et al., 2000). Enfin, on craint que les changements du régime de perturbation (taux, intensité et forme) augmentent de façon substantielle avec les changements climatiques. Au cours des dernières décennies, l'impact des changements du régime des perturbations dans les forêts du Canada explique qu'après avoir été un puits important, celles-ci soient devenues une petite source de CO2 atmosphérique (Kurz et Apps, 1999).

Options d'atténuation

La gestion des terres, et plus particulièrement des forêts et de la foresterie, peut contribuer à atténuer ces effets à la fois en maintenant les écosystèmes en bonne santé et, partant, en contribuant à préserver, voire à augmenter, les puits de carbone terrestre naturels, et en réduisant les émissions anthropogéniques de CO2 provenant de ces forêts (Figure 2). Ces deux possibilités ne s'excluent pas l'une l'autre et nous allons les décrire brièvement en termes très généraux.

Gérer les forêts pour accroître ou maintenir le carbone stocké dans l'écosystème terrestre

Les différentes activités de gestion des écosystèmes forestiers qui ont été proposées (Binkley et al., 1998 ; Kauppi et al., 2001) rentrent dans trois grandes catégories : stratégies visant à maintenir et à préserver les forêts existantes ; stratégies visant à accroître la superficie de forêts ; et stratégies visant à accroître la densité des stocks de carbone présents dans les forêts (C/ha).

Gérer les services procurés par les forêts aux fins du carbone

Les produits récoltés dans des écosystèmes forestiers qui sont gérés jouent de multiples rôles dans le cycle mondial du carbone; ils font office de réservoirs de carbone « hors site » « gérables »; ils peuvent être brûlés pour fournir une source d'énergie renouvelable ; et ils remplacent des matériaux concurrents causant des émissions plus importantes de CO2 atmosphérique.

Les produits forestiers, comme réserve de carbone gérable

Le commerce des produits forestiers entraîne un déplacement dans l'espace de la composante source (sur le site du produit en décomposition) par rapport à une composante puits comparable (dans l'écosystème forestier). Le carbone contenu dans les produits forestiers apporte une contribution modeste, mais gérable, au bilan mondial du carbone.

Au niveau mondial, l'effet net sur la concentration atmosphérique est négligeable, sauf si le taux de décomposition dans les réserves des produits qui ont subi un déplacement géographique est différent de celui de l'écosystème forestier dans lesquels ont été prélevés ces produits. En maîtrisant ces taux par une gestion avisée, on peut cependant atténuer dans une certaine mesure les augmentations de CO2 atmosphérique.

Utiliser la biomasse forestière comme source de bioénergie

Les matières organiques dérivées des forêts peuvent aussi servir à réduire les émissions anthropogéniques, principalement de deux manières: en fournissant directement des services énergétiques (bioénergie), et en procurant des produits et des services essentiels qui, autrement, entraîneraient des émissions de CO2 par combustion de combustibles fossiles. (La figure 3 présente cette fonction de réduction des émissions, comme un contrôle des émissions de combustibles fossiles).

La tendance croissante à remplacer les matériaux de construction traditionnels en bois par du ciment, des métaux (acier et aluminium) et du plastique, a eu un effet négatif sur le cycle mondial du carbone, en augmentant la combustion de combustibles fossiles pour les produire. Par exemple, les émissions de CO2 causées par les mâts des lignes de transmission électrique sont estimées à 10 t C/km s'ils ont été fabriqués avec des tubes d'acier et à 4,3 t C/km s'ils sont en béton, contre 1 t C/km s'il s'agit de poteaux de bois rond (Richter, 1998). Les ratios sont similaires pour d'autres matériaux comme l'aluminium et le PVC, dont la production coûte cher en énergie (Richter 1998) mais qui sont de plus en plus utilisés à la place des produits dérivés du bois traditionnels.

Conclusions: le secteur forestier mondial et le cycle mondial du carbone

Durant les 420 000 années passées, au moins, le bilan mondial du carbone est resté étonnamment stable, avec de légères variations (± 20%) du bilan net, exprimées par les stocks de carbone atmosphérique, accompagnant des fluctuations relativement faibles (± 5° C) de la température moyenne du globe. Le XIXème siècle a cependant marqué le début d'un bouleversement spectaculaire de cet équilibre, avec une forte augmentation du CO2 (+ 68 %) par rapport à la moyenne des 420 000 années passées, qui ne fait que s'accélérer. Ce changement a été dicté par des perturbations anthropiques du cycle mondial du carbone. Ces perturbations ont été à la fois directes - introduction de nouveau carbone dans le cycle actif, due à la combustion de combustibles fossiles et à des changements dans l'utilisation des terres - et indirectes, touchant l'élément biosphérique du cycle du carbone actif, à travers d'autres changements environnementaux, ainsi que des perturbations d'autres cycles biogéochimiques mondiaux. La réaction observée du système climatique mondial à ce changement au cours des cent dernières années, exprimée par la température mondiale du globe, est modeste (+ 0,6°C), mais a déjà eu des effets décelables.

Les changements climatiques prévus pour les 100 prochaines années ont un caractère plus certain et devraient être plus importants et plus rapides qu'on ne l'avait estimé précédemment - la variation pouvant atteindre ou dépasser +6°C d'ici 2100. Bien que les écosystèmes terrestres (et marins) parviennent aujourd'hui à « gérer » environ 60% des adjonctions anthropogéniques directes de CO2 dans l'atmosphère, les mécanismes physiologiques jugés responsables de cette absorption accrue ont peu de chances de fonctionner aussi efficacement à l'avenir. Ainsi, à défaut d'une politique d'atténuation dirigée, le puits terrestre de CO2 diminuera probablement, jusqu'à éventuellement se transformer en source durant le siècle à venir (Cox et al., 2000), ce qui ne ferait qu'accentuer les changements climatiques.

Le développement durable, dans le secteur forestier, peut contribuer dans une large mesure à inverser ces tendances. Loin de consister uniquement à maintenir ou à renforcer les stocks de carbone présents dans les écosystèmes forestiers, ce rôle peut aussi inclure la réduction des émissions de combustibles fossiles. L'utilisation durable des produits forestiers - notamment de la bioénergie pour supplanter les combustibles fossiles et éviter l'utilisation de matériaux de substitution à teneur énergétique plus élevée - peut contribuer de manière encore plus significative à atténuer le changement climatique à plus long terme, car elle permet d'éviter d'introduire du nouveau carbone dans le cycle actif, tout en fournissant des biens et des services essentiels à la société.

L'utilisation durable des forêts peut permettre d'arriver à une situation bénéfique pour tous : maintien des stocks de carbone dans des écosystèmes forestiers sains, dont le coût peut être compensé par le courant continu de produits forestiers, qui eux-mêmes contribuent à éviter l'apport direct de nouveau carbone dans l'atmosphère. La foresterie rationnelle est une partie de la solution.

Références

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1 Natural Resources Canada, Canadian Forest Service, Pacific Forestry Center, 506 West Burnside Road, Victoria, BC, V8Z 1M5, Canada. [email protected]

2 Le terme "actif" est utilisé ici pour faire une distinction entre les réserves et les processus du carbone qui prévalent dans les flux qui se produisent à des échelles de temps relativement courtes - de l'ordre d'années ou de décennies - , et ceux qui sont importants à des échelles de temps géologiques, comme l'accumulation de carbone organique dans les réserves de combustibles fossiles.

3 Les erreurs d'estimations (±) indiquées reflètent les écarts-types de la variabilité annuelle, et non l'incertitude globale (Houghton, 2003).