Il est hors de doute que la crise écologique due au réchauffement du globe ou à ce qu'on appelle communément “l'effet de serre” représentera un problème majeur dans un proche avenir et influera inévitablement sur les programmes d'aide.
Le réchauffement de la planète, imputable à l'accumulation de gaz dans l'atmosphère, aura des répercussions immenses sur l'agriculture. On prévoit des modifications inévitables du niveau de la mer, du climat et de la température avec des conséquences tant sur l'élevage que sur l'agriculture.
L'évolution future a fait l'objet de modèles et de prévisions, mais étant donné l'état actuel de nos connaissances il est certain que ces modèles ne correspondront guère à la réalité. Le réchauffement du globe entraînera vraisemblablement une réduction de la production alimentaire mondiale, peut-être surtout par suite des perturbations dues au changement climatique.
La conclusion générale est que le monde traversera une dure épreuve, si bien qu'il faut absolument lutter contre l'accroissement rapide des gaz dans l'atmosphère (voir le rapport de 1990 du Groupe d'experts intergouvernemental pour l'étude du changement climatique).
La figure 7.1 illustre la contribution de différents gaz au réchauffement de la planète et les figures 7.2 et 7.3 l'évolution de la teneur de l'atmosphère en CO2 et en CH4.
Figure 7.2: Evolution des émissions de CO2 (Source: World Resources Institute)
Figure 7.3: Evolution de l'accumulation de methane dans l'atmosphère (Khalil et Rasmussen, 1986)
La production de CO2 à partir des combustibles fossiles est manifestement le facteur le plus important et il est nécessaire de réduire cette combustion en augmentant parallèlement la possibilité d'absorber le dioxyde de carbone à long terme (par exemple en réduisant le déboisement et en développant les plantations d'arbres).
Il faut aussi réduire la production mondiale de méthane. La figure 7.4 indique les sources de méthane atmosphérique. Les ruminants contribuent pour une part non négligeable (18% du total) à la production mondiale de méthane et ils constituent l'une des rares sources qui puissent se prêter aisément à une manipulation (voir rapport de 1990 du Groupe d'experts intergouvernemental pour l'étude du changement climatique).
Ainsi qu'il a été indiqué dans le présent rapport, le niveau de production des ruminants nourris de fourrage grossier est généralement très inférieur à ce qu'il serait possible d'obtenir avec les ressources disponibles et il représente souvent 10 à 30% seulement du potentiel génétique des espèces animales. Les motifs de cette faible production sont complexes, mais on a fait valoir que le facteur limitant de loin le plus important est la médiocrité de la base fourragère qui entraîne un déséquilibre nutritionnel (voir Leng, 1990).
Le méthane est produit lors de la digestion fermentative prégastrique des ruminants à un taux qui varie entre 8 et 17% de l'énergie digestible consommée (voir Leng, 1982, 1990).
Un ruminant qui se développe lentement parvient à matarité au bout de cinq ans environ, contre 12 à 18 mois pour une bête à l'embouche, et il peut produire jusqu'à quatre fois la quantité de méthane par unité de produit (voir figure 7.5).
Le tableau 7.1 indique l'effectif des ruminants dans le monde et leur emplacement. En principe, toute technique qui améliore l'efficacité de la conversion du fourrage en produits issus du bétail réduit l'effectif de cheptel requis pour produire la viande, le lait, la laine et d'autres articles. Cette réduction d'effectif qui peut être théoriquement réalisée pourrait avoir un effet non négligeable sur les émissions de méthane.
La réduction du cheptel aura aussi des répercussions sur les besoins en terres pour l'élevage, ce qui permettra de mettre davantage l'accent sur d'autres modes d'utilisation des pâturages, y compris l'arboriculture.
Type d'animaux et régions | Effectif mondial (x 106) | Production de CH4 (kg/tête/an) | CH4total (Tg)** |
Bovins; pays développés | 573 | 55 | 31,8 |
Bovins; pays en développement* | 653 | 35 | 22,8 |
Buffles | 142 | 50 | 6,2 |
Ovins; pays développés | 400 | 8 | 3,2 |
Ovins; pays en développement et Australie | 738 | 5 | 3,7 |
Caprins | 476 | 5 | 2,4 |
Chameaux | 17 | 58 | 1,0 |
Porcins; pays développés | 329 | 1,5 | 0,5 |
Porcins; pays en développement | 445 | 1,0 | 0,4 |
Chevaux | 64 | 18 | 1,2 |
Mulets, ânes | 54 | 10 | 0,5 |
Population humaine | 4 670 | 0,05 | 0,3 |
Ruminants sauvages et grands herbivores | 100–500 | 1–50 | 2–6 |
Total |
* Comprend le Brésil et l'Argentine.
** 1 Tg = 1 téragramme = 1012 kilogrammes = 109 tonnes. L'estimation totale des émissions provenant des animaux domestiques (bovins, buffles, ovins, caprins, chameaux, porcins, chevaux, mulets et ânes) comporte un facteur d'incertitude de ± 15%.
La biotechnologie, l'affouragement, la méthode d'élevage et la sélection peuvent être associés pour améliorer la production animale, laquelle pourrait s'accroître théoriquement à tel point que dans les pays en développement (qui groupent la moitié environ du cheptel mondial) il serait peut-être possible de réduire la production de méthane de 60% pour un même produit (voir Leng, 1990). Des réductions analogues des émissions de méthane provenant des ruminants pourraient aussi être obtenues dans les pays développés où les systèmes de production sont souvent peu efficaces.
L'une des principales raisons du développement de l'élevage dans les systèmes de culture des pays en développement est l'utilisation des résidus de récoltes, ce qui évite les pertes et permet d'employer de façon optimale la biomasse totale produite par l'exploitation modeste d'un petit agriculteur. Celui-ci a souvent besoin de bêtes de trait, la production animale ne venant qu'au second rang de ses préoccupations.
Les systèmes de production basés sur l'intégration des cultures et de l'élevage sont extrêment efficaces; les résidus des récoltes peuvent être utilisés pour l'alimentation du bétail; les déchets (par exemple les excréments et l'urine) servent à alimenter des digesteurs à biogaz et l'effluent est utilisé pour fertiliser des étangs où l'on produit des végétaux aquatiques et des algues, la pisciculture constituant l'activité terminale. Il est tout à fait souhaitable de maintenir ces systèmes comme moyen de fournir des nutriments et du combustible à la famille, de réduire au minimum la combustion des combustibles fossiles et la production de méthane et, par conséquent, de diminuer la pollution de l'environnement (Preston, 1990).
L'éventail de systèmes intégrés qui pourraient être développés est très vaste. Ils ont tous pour noyau central un flux fondamental de nutriments par l'intermédiaire d'un certain nombre de dispositifs. A chaque étape, les travaux de recherche pourraient viser à optimaliser la répartition de la biomasse disponible entre la nourriture, les combustibles et les résidus (voir figure 7.6). Sur le plan écologique, ces systèmes ont pour avantage de réduire au minimum les émissions de méthane dans l'atmosphère et l'emploi des combustibles fossiles. En outre, le captage efficace et presque total de l'énergie provenant des cultures à forte production réduit la superficie nécessaire par unité de produit (voir Preston, 1990). Les problèmes qui se posent concernent le haut niveau de gestion que doit exercer le petit agriculteur et qui dépasse souvent ses compétences actuelles.
L'exposé complet de ces systèmes dépasserait le cadre du présent document, mais on peut citer deux exemples:
l'utilisation des plantes aquatiques et des algues cultivées sur les effluents du digesteur de biomasse afin de produire des protéines pour nourrir les porcs et les ruminants, en particulier dans les régions tropicales humides;
l'élevage de poissons appropriés dans les liquides issus du digesteur produisant le biogaz.
Un système de ce genre est actuellement à l'étude, mis au point par T.R. Preston en Colombie (voir Preston, 1990) (voir aussi figure 7.7).