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2. NATURE DE LA MALADIE


Définition

La péripneumonie contagieuse bovine (PPCB) est une maladie des bovins due à un mycoplasme. Elle existe sous forme aiguë, subaiguë ou chronique et peut entraîner des pertes de production et des mortalités importantes. Elle est caractérisée par une pneumonie fibrineuse, une pleurésie sérofibrineuse et un œdème des septums interlobulaires des poumons.

Répartition dans le monde

Actuellement, la PPCB est une maladie principalement présente en Afrique où elle est considérée comme l’une des maladies animales transfrontalières les plus graves. La plupart des pays d’Afrique subsaharienne sont infectés sous forme endémique. Au moins 27 pays ont déclaré sa présence. Les pays non infectés sont certains pays d’Afrique australe, dont le Botswana, le Malawi, le Mozambique, la République d’Afrique du Sud et le Zimbabwe et toute la Namibie exceptées les régions de la frontière nord. Dans les années 90, l’incidence de la PPCB en Afrique a connu une recrudescence et la maladie a diffusé de façon importante à l’est et dans certaines régions de l’Afrique australe, avec une réintroduction dans des zones indemnes depuis longtemps. Enfin, la PPCB fut réintroduite dans le nord du Botswana en 1995. Elle en avait été éradiquée par une campagne d’abattage et le pays devait être déclaré provisoirement indemne en janvier 1997.

La PPCB s’est vérifiée dans certains pays méditerranéens d’Europe au cours de ces 10 dernières années (Italie, 1993; Espagne, 1994; Portugal, 1999).

La maladie est peut-être encore présente dans certaines régions d’Asie mais ce n’est pas sûr. Actuellement, le Bangladesh est le seul pays ayant déclaré sa présence officiellement. Les autres continents sont indemnes.

Etiologie

La PPCB est due au Mycoplasma mycoides subsp. mycoides, variante Small Colony (biotype bovin: MmmSC). Il fait partie du groupe des «mycoides», regroupant six mycoplasmes très proches qui sont tous pathogènes chez les ruminants à des degrés variables. Les mycoplasmes de ce groupe ont une grande similitude du point de vue sérologique et de leur ADN. Il existe un seul sérotype de MmmSC.

MmmSC, comme les autres mycoplasmes est dépourvu de paroi cellulaire et il est pléomorphique. Sur les cultures jeunes il apparaît sous forme de filaments ramifiés et, sur les cultures plus âgées, sous forme de petits cocons. Pour sa croissance, il nécessite un milieu spécial riche en cholestérol (sérum ajouté).

C’est un organisme fragile qui survit difficilement à l’extérieur de l’hôte. Il est sensible à la dessiccation et aux désinfectants.

Caractéristiques épidémiologiques

Espèces sensibles

La PPCB est principalement une maladie des bovins. Les deux espèces, Bos taurus et Bos indicus y sont très sensibles. Les buffles domestiques y sont moins sensibles. La maladie a aussi été observée chez les yaks et le bison. Les camélidés, les bovins sauvages et les autres ruminants sauvages y sont résistants. L’agent causal a été isolé chez les ovins et les caprins mais il n’est pas prouvé que ces espèces jouent un rôle dans la transmission de la maladie.

Transmission de la maladie

La maladie est transmise presque exclusivement par contact direct entre un bovin infecté et un bovin sensible, par les aérosols infectés issus de l’air exhalé. On pense que la diffusion aéroportée est possible jusqu’à 200 m. Des conditions de promiscuité des bovins favorisent la diffusion rapide de la maladie. Les animaux asymptomatiques et les infectés chroniques jouent un rôle très important dans la diffusion de la maladie à de nouvelles régions. Les porteurs chroniques sont des animaux apparemment en bonne santé qui possèdent un foyer d’infection localisé séquestré dans une capsule fibreuse de leurs poumons. Ces animaux sont souvent appelés des «pulmonaires». Le mycoplasme peut persister dans de telles lésions pendant de nombreux mois et, quand la capsule fibreuse est rompue, des organismes viables peuvent sortir par les bronches et ainsi infecter des animaux sensibles en contact. Cela peut arriver plus particulièrement quand les porteurs chroniques sont sujets au stress comme lors de rassemblements ou de marche sur de longues distances. Le mycoplasme survivant mal dans l’environnement, les méthodes indirectes de diffusion (par portage par exemple) n’ont pas d’importance.

Différentes formes de la maladie

La PPCB épidémique peut apparaître lorsque la maladie est introduite dans des troupeaux, des zones ou des pays auparavant indemnes. Elle se caractérise par une forte incidence au sein des troupeaux avec une forte proportion de cas présentant un tableau clinique très aigu et de nombreuses morts. La diffusion de l’infection dans le troupeau et entre les troupeaux peut être rapide, surtout lorsque les bovins sont rassemblés, comme aux points d’eau, dans les marchés ou quand ils sont entassés dans des corrals.

Lorsque le foyer est à un stade précoce, l’intensité de l’infection peut être faible et la diffusion qui en résulte peut être lente. Dans ces conditions, l’épidémie peut mettre plusieurs mois à gagner du terrain. Cette phase précoce est particulièrement dangereuse en terme de détection précoce et d’endiguement de la maladie.

A cause de sa période d’incubation variable et souvent longue et du fait que la maladie peut être introduite par des animaux apparemment en bonne santé, il est souvent difficile de retrouver quand et comment la maladie a été introduite.

Si la maladie n’est pas contrôlée efficacement, elle finira par devenir endémique et c’est cette forme-là qui concerne la plus grande partie de l’Afrique. La PPCB endémique est caractérisée par une diffusion insidieuse et une forte proportion de cas présentant un tableau clinique dans sa forme la plus chronique. Le taux de mortalité est faible. Dans la forme endémique, on observe occasionnellement quelques pics de la maladie et en général les pertes de production sont toujours substantielles.

Signes cliniques

En général, la période d’incubation dure de 3 à 6 semaines, mais elle peut durer jusqu’à 6 mois.

Dans la forme aiguë, on observe de la fièvre (durant 3 à 10 jours), de l’anorexie, une diminution de la production de lait chez les vaches laitières, une forte dépression et une respiration rapide et difficile de nature abdominale. Ces signes sont rapidement suivis par une toux sèche qui s’accentue progressivement et une douleur thoracique visible car l’animal se place typiquement face au vent, le dos voûté, les coudes écartés et l’encolure étendue. On peut observer du jetage nasal, parfois strié de sang et de la salive mousseuse qui s’accumule autour de la bouche. Le taux de mortalité pour la PPCB aiguë peut atteindre 75 pour cent et la mort survient en général trois semaines après l’apparition des signes cliniques. Les animaux qui guérissent sont très faibles et amaigris. Beaucoup deviennent des porteurs chroniques. Une forme hyperaiguë peut se manifester chez quelques animaux en début de foyer - dans cette forme, les animaux meurent avec peu de signes annonciateurs.

Les cas subaigus et chroniques sont fréquents. Les signes cliniques sont moins marqués et peuvent ne pas être détectés. Il peut exister une fièvre intermittente, une perte de condition et les signes respiratoires sont parfois visibles uniquement lorsque l’animal accomplit un effort important. Des cas subcliniques se vérifient également.

Chez les veaux jusqu’à l’âge de 6 mois, la PPCB peut se manifester uniquement sous forme d’arthrite, avec une boiterie et un léger gonflement des articulations touchées.

Pathologie

Pathologie macroscopique

Dans la PPCB aiguë, on observe une pneumonie fibrineuse grave avec un exsudat pleural abondant. Ce dernier est tout à fait caractéristique de la maladie et, dans la cage thoracique, on peut trouver jusqu’à 30 litres d’exsudat jaune avec des caillots. Un ou les deux poumons peuvent être partiellement ou complètement fermes, présentant un aspect marbré caractéristique. Les zones touchées sont gonflées, leur couleur varie du rose au rouge foncé, leur consistance est relativement ferme et leur surface de coupe exsude un fluide clair et parfois du sang. Les septums interlobulaires sont très épaissis. La plèvre recouvrant les zones touchées est épaissie, sa couleur va du gris au rouge, et elle est souvent tapissée de fibrine jaune et friable. Les nœuds lymphatiques locaux sont hypertrophiés, œdémateux et peuvent présenter des zones nécrosées.

Dans les cas chroniques, le tissu pulmonaire nécrotique s’encapsule pour former un séquestre de 1 à 20 cm de diamètre. Le tissu à l’intérieur du séquestre a tendance à garder la même architecture que la lésion aiguë, mais il peut finir par se calcifier ou se liquéfier. La lésion peut soit s’ouvrir et libérer des mycoplasmes viables, soit se résorber. Des adhérences pleurales sont communément observées chez les cas chroniques.

Histopathologie

Au niveau microscopique, les premières lésions pulmonaires se composent de foyers de bronchiolite catarrhale avec une dilatation des vaisseaux lymphatiques des septums interlobulaires et l’épaississement des parois alvéolaires. Au même moment, ou peu après, les vaisseaux sanguins et lymphatiques se thrombosent et les alvéoles se remplissent de liquide et de cellules (des macrophages alvéolaires et parfois des leucocytes polynucléaires). Les cellules prolifèrent dans les follicules lymphatiques et, autour des bronchioles, le nombre de cellules mononucléaires augmente. On observe aussi un œdème lymphatique et une dilatation des vaisseaux lymphatiques de la plèvre.

La nécrose peut se manifester précocement et elle a plutôt une répartition lobulaire. Elle est souvent séparée du tissu vivant par une zone de leucocytes et de débris nucléaires. Une capsule de tissu conjonctif se forme rapidement, mais le tissu nécrotique peut persister pendant des mois.

Les tissus détruits sont peu à peu remplacés par du tissu conjonctif: la pneumonie est en voie de guérison. Cela débute autour des vaisseaux sanguins. Une couche de cellules mononucléaires entoure le tissu conjonctif du côté nécrotique et le tissu conjonctif s’installe progressivement pour remplacer le tissu mort.

Diagnostic

Diagnostic de terrain

L’apparition d’une maladie respiratoire chez un certain nombre de bovins dans un troupeau (planche 1) avec une toux aiguë ou chronique, de la dyspnée et une perte de poids devrait être considérée comme une forte suspicion de PPCB. Les principaux signes respiratoires à rechercher sont une respiration rapide, difficile et bruyante; du jetage nasal (planche 2) et de la toux surtout après un effort.

Les lésions générales sont particulièrement caractéristiques. La PPCB doit être fortement suspectée en présence de liquide jaune dans la cage thoracique; lorsque les poumons sont recouverts d’une matière jaunâtre (planche 3); qu’ils adhèrent à la paroi thoracique; qu’ils ne s’affaissent pas, sont fermes, hépatisés ou marbrés (planche 4); ou en présence de séquestres (planche 5) dans les poumons chez les cas chroniques.

PLANCHE 1

Aspect du troupeau

Cette vache a des difficultés à respirer. Elle se tient avec l’encolure tendue et les pattes très écartées. Les coudes sont souvent tournés vers l’extérieur. L’inflammation des membranes entourant les poumons provoque une douleur dans la poitrine, entraînant des mouvements respiratoires abdominaux. Mauvaise condition générale.

A. PROVOST


PLANCHE 2

Jetage nasal typique chez un animal atteint de PPCB.

DÉPARTEMENT DES MALADIES TROPICALES VÉTÉRINAIRES, UNIVERSITÉ DE PRETORIA, RÉPUBLIQUE D’AFRIQUE DU SUD


PLANCHE 3

Aspect post-mortem caractéristique.

Une partie du diaphragme a été retirée afin de mettre en évidence les gros dépôts de fibrine («omelette») sur les poumons et le liquide pleural jaunâtre présent dans la cage thoracique.

UNIVERSITÉ DE PRETORIA, RÉPUBLIQUE D’AFRIQUE DU SUD


PLANCHE 4

Modification générale du poumon.

PPCB aiguë. Coupe de poumon pour mettre en évidence l’hépatisation rouge, c’est-à-dire l’aspect et la consistance des poumons comparables au foie. Noter les septums interlobulaires épaissis.

W. AMANFU


PLANCHE 5

PPCB chronique avec séquestres.

Les séquestres sont les lésions typiques de la PPCB qui doivent être recherchées lors de l’inspection des viandes. Les cas chroniques de PPCB présentent souvent de telles lésions.

R. WINDSOR

Diagnostic différentiel

Les signes cliniques et la pathologie de la PPCB sont assez caractéristiques. Néanmoins, elle peut être confondue avec de nombreuses maladies, telles que:

Diagnostic de laboratoire

Bien que l’histopathologie y contribue, le diagnostic définitif est basé sur l’isolement et l’identification de l’agent causal et/ou la mise en évidence des antigènes ou des anticorps spécifiques par les tests sérologiques correspondants.

Les instructions détaillées concernant les procédures à suivre pour le diagnostic de laboratoire de la PPCB sont exposées dans le Manuel des normes pour les tests de diagnostic et les vaccins, de l’OIE (4e édition, 2000; cf. www.oie.int). Ce qui suit est un résumé qui met l’accent sur les tests utilisés habituellement.

Collecte et transport des prélèvements pour le diagnostic

Effectuer de manière aseptique des prélèvements de tissu pulmonaire issu des lésions, des nœuds lymphatiques trachéo-bronchiques et médiastinaux et au moins 10 ml de liquide pleural. Prélever également du liquide articulaire issu des articulations atteintes des veaux. Recueillir des prélèvements de tissu en double dans du formol tampon neutre pour l’histopathologie.

Effectuer des prélèvements de sang pour le sérum, d’environ 20 ml chacun, sur tous les bovins présentant des signes cliniques et sur plusieurs animaux apparemment en bonne santé au sein du troupeau touché. Il serait préférable de mettre les tissus qui ne sont pas fixés (les prélèvements de liquide pleural et articulaire) dans un milieu de transport qui protège les mycoplasmes et évite la prolifération des bactéries (milieu de culture sans peptone ni glucose, 10 pour cent d’extrait de levure, 20 pour cent de sérum, 0,3 pour cent de milieu gélosé, 500 UI/ml de pénicilline et 1:10 000 d’acétate de thallium). Ces prélèvements, ainsi que les sérums doivent être réfrigérés et expédiés au laboratoire dans de la glace ou accompagnés de packs de glace.

Culture et identification du MmmSC

Le MmmSC peut être isolé à partir de tissu non fixé et des prélèvements de liquide sur un milieu adapté aux mycoplasmes tels que les milieux de Hayflick ou de Gourlay, contenant de la pénicilline et de l’acétate de thallium. L’organisme est détecté par un examen microscopique régulier sur champ noir du milieu de culture pour les organismes filamenteux. L’agent causal est normalement identifié par des tests d’inhibition de croissance et/ou un test d’immunofluorescence. Les sous-espèces de mycoplasmes très proches peuvent provoquer des réactions croisées lors de ces tests. Plusieurs nouvelles techniques permettant d’éviter ce problème sont actuellement développées, ce sont l’immunotransfert, le test à la peroxydase et le test de réaction en chaîne de la polymérase (PCR).

Détection des antigènes

Il existe plusieurs tests de détection des antigènes qui peuvent être utiles dans le diagnostic de confirmation, en particulier lorsqu’on ne peut pas effectuer de prélèvements d’assez bonne qualité pour faire le diagnostic par isolement de l’organisme. Ils comprennent:

Détection des anticorps

Actuellement, le test de fixation du complément (FC - méthode de microtitrage) est le meilleur test sérologique pour la PPCB. La spécificité de ce test peut atteindre 99,5 pour cent chez les bovins atteints de la forme aiguë, mais la fréquence de faux-positifs peut temporairement être supérieure dans certains troupeaux. La sensibilité du test est limitée et elle ne permet pas toujours d’identifier quatre catégories d’animaux:

La réaction de FC après la vaccination est inconstante et de courte durée (généralement, moins de trois mois). La FC est en général utilisée comme un test de troupeau.

L’essai d’immuno-absorption enzymatique «de compétition» (c-ELISA) a été évalué sur le terrain dans plusieurs pays d’Afrique avec le soutien de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Il est au moins aussi sensible que la FC mais, comme pour les autres méthodes ELISA, sa sensibilité ne peut être augmentée qu’au détriment de la spécificité et vice versa. Il est utile pour apprécier le niveau d’anticorps à l’échelle d’un troupeau.

Le test d’hémagglutination passive, qui n’est pas utilisé couramment, peut trouver sa place dans le diagnostic sérologique. Il est plus sensible que la FC en début et en fin d’évolution de la maladie, mais sa spécificité est plus faible. Il peut servir de test de criblage.

Le test d’agglutination sur lame est simple à réaliser et peut être utilisé comme un test «penside» (test rapide par chromatographie par bande). Il est plus sensible en début de maladie mais il manque de spécificité.


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