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Cedrus atlantica en plantations artificielles : Variation des épaisseurs des cernes

Kadi-Bennane Saliha 1


Résumé

L'étude de la variation des épaisseurs des cernes de trois plantation artificielles de Cedrus atlantica Manetti en Algérie a permis d'évaluer la croissance de cette espèce dans les milieux totalement différents.

Les résultats obtenus par l'analyse des carottes mettent en évidence la bonne croissance de cette espèce dans les milieux d'introduction à savoir dans les étages bioclimatiques subhumide frais, humide frais et perhumide ainsi que sur des subtrats de schist, d'alternance de grès dans les marnes et de grès. L'analyse des courbes individuelles et globales de croissance fait ressortir une chronologie de réponse des individus d'une même plantation qui ne sont pas toujours significative par rapport au condition du milieu .

Enfin, notre approche rentre dans le cadre de la lutte contre la dépérissement des forêts algérienne et la déforestation au niveau des pays du Nord de l'Afrique.


1. Introduction:

Dans les régions où le climat se présente en saisons froides et saisons chaudes, la végétation se présente généralement en saisons de croissance et de repos. Les espèces ligneuses élaborent tous les ans, au niveau de leur troncs, branches et rameaux, des anneaux de croissances communément appelés "cernes annuelles". Ceux-ci résultent de la division de l'assise génératrice appelée "cambium".

L'étude des cernes permet de révéler l'influence des conditions environnementales sur la croissance proprement dite de l'espèce ainsi que sur sa pérennité.

En Algérie, la déforestation et la désertification font qu'il est important de s'intéresser à toutes les espèces et plus particulièrement celles qui sont menacées. Bien que le cèdre de l'Atlas soit une espèce endémique et montagnarde, il est capable de combler les vides et les zones marginales laissées par différentes espèces résineuses; il se retrouve dans des régions à ambiance bioclimatique subhumide ou perhumide.

Toutefois, cette espèce laisse apparaître d' implorants problèmes de régénération naturelle sur tout le territoire Algérien voire maghrébin. Ezzahiri et al (2002) expliquent que la cédraie du Maroc est généralement surpâturée, vieillie, non renouvelée, caractérisée par la brièveté de sa période de régénération et de surcroît l'absence d'opérations sylvicoles préalables pour la préparation des peuplements à la régénération .

Ces problèmes conjugués au terrorisme qui sévit en Algérie et qui empeche tout suivi sur le terrain, accentue la décadence de la cédraie algérienne.

Des reboisements ont été réalisés dans différentes régions et ce depuis fort longtemps :

Il existe très peu d'études sur l'évaluation de la croissance du cèdre de l'atlas dans les peuplements artificielles.

On se propose, dans le present travail, d'évaluer la croissance du cèdre de l'Atlas dans différentes conditions climatiques et édaphiques et ceci en se basant sur l'étude de l'évolution des épaisseurs des cernes de trois plantations artificielles : Akfadou, Ben chicao et Meurdja.

2. Matériel et méthodes

2.1 - Présentation des zones d'études

La station de l'Akfadou est caractérisée par une topographie en plateau et un substrat essentiellement composé de grès numidien

Ben chicao se présente en collines vallonnées à substrat alternant des grès dans les marnes. La plantation a était réalisée en 1973 puis regarnis en 1983 après le passage d'un incendie qui avait ravagé presque la totalité du reboisement.

La station de Meurdja est constituée de deux lambeaux différents: la plantation de Meurdja proprement dite et la plantation de Tisselit. Elles sont caractérisées par un relief montagnard à substrat schisteux du Miocène .(Tableau n°1)

Tableau n°1: Caractéristiques écologiques des stations d'étude.

Facteurs écologiques Stations
  Akfadou Ben chicao Meurdja

Localisation

Agoulmim aberkan Ben chicao Arboretum et Tisselit

Altitude (m)

1226 1100 650

Pente (%)

5-10 20-30 30-50

Précipitation annuelle (mm)

1710.6 605 1159

Température moyenne annuelle

minimale (°c)

2.3 1.3 1.2

Etage de végétation

Chêne zeen Chêne vert Chêne vert et Chêne liège

2.2 - Recolte des échantillons:

A l'aide de la tarière de Pressler, trente carottes ont été prélevées pour l'ensemble des stations, à raison de 10 carottes par placette. L'arbre de surface terrière moyenne sur lequel on extrait une carotte est determiné à 1.30 m du niveau du sol.

Lors du prélèvement, les conditions suivantes ont été respectées : 

2.3 - Analyse des carottes et mesure des épaisseurs des cernes

Les cernes ont été Polies à l'aide du papier abrasif pour que les cernes soient nettement distinguées.Ces derniers sont comptabilisées et mesurées à l'aide d'une loupe micrométrique oculaire qui permet la lecture à un dixième de millimètre.

2.4 - Analyse statistique

L 'analyse des données a été réalisé à l'aide du logiciel EXCEL. L'analyse de la variation a confirmé la normalité de la distribution. Par contre, la comparaison des moyennes a fait ressortir une différence significative entre la station de l'Akfadou et Ben chicao et entre l'Akfadou et la station de Meurdja.

3.Resultats:

3.1 Interprétation des courbes "épaisseur des cernes"

L'interprétation a été réalisée en faisant abstraction de la variation individuelle propre à chaque arbre ou du mois amoindrit au risque de voir disparaître l'information relative à l'incidence édaphique, biotique et du facteur interne sur la croissance radiale de chaque individu. Néanmoins, l'effet de l'environnement général sur la croissance de tous les arbres d'une même station est conservé.

Pour chaque station, les quatres courbes les plus représentatives ont été choisies.

a- Station de l'Akfadou

L'analyse des courbes fait ressortir une variation d'amplitude faible sur toute la série des cernes ainsi qu'un profil général similaire. Les coefficient de variation variant de 20.77 à 50.77 déterminent une certaine régularité de la croissance des cernes.(Tableau n°2).

Tableau 2: Analyse statistique des courbes des épaisseurs des cernes dans la station de l'Akfadou

Courbe

C1

C2

C3

C4

C5

Moyenne

2.34

3.88

3.92

3.02

2.90

Ecart type

1.18

0.82

2.60

1.12

1.77

Coefficient de variation

50.77

20.77

40.74

37.12

40.25

Un synchronisme se fait observer pour les trois courbes (cn1,cn2 et cn4) pour la décennie 1963-1973. Selon Guibal (1984), ce dernier est généralement dû à une intervention sylvicole sur l'environnement immédiat des arbres. Cependant, le manque de synchronisme totale des courbes serait atribuable à l'effet génotype. (Figure n°1)

Il apparaît de l'analyse de la totalité des courbes une diminution des épaisseurs des cernes. De ce fait, la réalisation d'éclaircies au niveau de la cédraie et de sa régénération serait souhaitable.

b- Station de Ben chicao

Les coefficients de variation, dont la valeur minimale et maximale sont de 27.93 et 51.36 et les amplitudes inter-annuelle déterminées par l'écart type variant de 0.48 à1.56 assez faibles attestent de la régularité de la croissance .(Tableau 3)

Tableau 3: Analyse statistique des courbes "épaisseurs des cernes" de la station de Ben chicao.

Courbe

C1

C2

C3

C4

C5

C6

C7

C8

C9

C10

C11

M

2.1

3.04

2.57

2.21

1.58

2.98

3.15

1.92

1.62

2.99

1.54

δ

0.76

1.56

1.13

0.92

0.48

0.97

1.41

0.54

1.53

1.31

0.48

CV

34.94

51.36

43.25

41.59

30.60

32.68

44.94

27.93

32.93

43.68

30.94

M : moyenne δ : Ecart type CV : coefficient de variation

L 'allure des courbes de l'épaisseur du cerne individuelle se présente en dents de scie (Figure n° 2).

En ce qui concerne ce peuplement, nous notons une nette diminution de l'épaisseur du cerne avec l'âge probablement dû aux mauvaises conditions stationnelles et au fortes densités des tiges à l'hectare (effet de compétition). Une éclaircie et des travaux d'élagage sont importants.

c- Station de Meurdja

De très fortes amplitudes de variation inter-annuelle sur toute la série des cernes ont été observées au niveau de cette population. Le grand écart entre les coefficients de variation oscillant entre 21.89 et 88.46 atteste de la grande hétérogénéité du peuplement.(Tableau 4)

Tableau 4: Analyse statistique des courbes "épaisseurs des cernes" de la station de Meurdja.

courbes

C1

C2

C3

C4

C5

C6

C7

C8

C9

C10

C11

C12

C13

C14

M

6.99

3.97

5.88

5.06

3.92

5.87

5.65

3.67

4.29

4.35

2.43

3.35

5.49

4.53

δ

1.56

1.62

1.29

1.37

3.2

2.34

2.42

0.88

3.38

2.24

1.76

3.03

2.23

3.63

CV

22.4

40.7

21.9

27

88.5

39.6

42.9

24.1

78.9

51.5

72.4

60.5

40.4

80.6

M : moyenne δ : Ecart type CV : coefficient de variation

Les courbes présentent une allure en dents de scie et se caractérisent par une diminution de l'épaisseur des cernes à partir d'un âge moyen de 20 ans.(Figure n° 3)

Ce phénomène n'est cependant pas normale puisque, selon Till (1986), ce stade de croissance jeune-adulte du cèdre dure jusqu'à 120 ans. D'après le constat in situ, le jumelage et le manque d'opérations sylvicoles sont à déplorer. Ce qui serait à l'origine de cette diminution de la croissance.

3.2 La croissance moyenne annuelle du cerne des trois stations

La croissance moyenne annuelle du cerne est très variable d'une station à l'autre. Il varie de 2.34 à 3.92 pour la station de l'Akfadou, de 2.43 à 6.99 pour la plantation de Meurdja et de 1.54 à 3.15 pour la station de Ben chicao .

Il en ressort que les sujets de la plantation de Meurdja présentent une plus forte épaisseur des cernes avec 6.99 de dixième de millimètre par rapport à celle de la station de l'Akfadou et de Ben chicao. Ceci peut probablement être dû à l'effet provenance des graines de cèdre utilisées dans cette plantation.

La régularité des accroissement des sujet de l'Akfadou et de Ben chicao atteste de la bonne qualité du bois. Lanier (1986) rapporte que plus les épaisseurs des cernes sont régulieres, plus est la qualité du bois provenant de ces populations.

3.3 Relation accroissement cumulé - âge

L'allure général des courbes des accroissements cumulés - âge suit un profil logarithmique proche du linéaire. Elles présentent deux phases, contrairement au trois phases signalées par Toth (1990).(figure n°4)

Une première phase qui consiste en une phase d'adaptation du plant au nouveau milieu et au choc de la transplantation ; la croissance est alors relativement lente. Elle va dans, le cas de nos peuplement, jusqu'à l'âge de 10 ans.

La deuxième phase consiste en une période de croissance rapide. Les épaisseurs des cernes sont relativement importantes et régulières. Cette phase va jusqu'à 100 ans voire 120 ans .

Les coefficients de détermination de 1.13; 0.29 et 0.47 respectivement pour Ben chicao, Meurdja et Akfadou font ressortir une faible relation des accroissements de l'épaisseur de cernes avec l'âge.(Tableau 6)

Tableau N°6: Equation et coefficient de détermination des trois stations d'étude.

Station

Coefficient de détermination r 2

Equation des accroissement cumulé âge

Akfadou

0.47

Acc = 7.07 âge - 0.34

Ben chicao

0.13

Acc = 7.07 âge - 0.53

Meurdja

0.29

Acc = 9.3 âge - 0.24

La phase d'adaptation au niveau de la station de Meurdja s'effectue très rapidement du fait que la plantation a été réalisée sur gradins et éléments de gradins (Zeraia,1979, in Azzouni, 1980). Un bon travail du sol favorise une meilleure adaptation des plants aux conditions du milieu (Toth,1990).

La légèreté du sol et la pluviométrie de 1710.6 mm par an dans la station de l'Akfadou profèrent au peuplement le meilleur accroissement des cernes par rapport aux deux autres stations.

Par contre, les sujets de la station de Ben chicao présentent un accroissement lent. Ceci serait dû aux conditions édaphiques asphyxiantes et aux faibles précipitations.

Conclusion

L'analyse des cernes fait ressortir une bonne croissance radiale des arbres dans les milieux

où il a été introduit. Les reboisements de l'Akfadou et de l'arboretum de Meurdja se sont bien régénérés contrairement aux veilles cédraies Nord africaines qui ont une faible regénération. Il est interessant de signaler que le cèdre de l'Atlas s'installe en basse altitude au niveau de l'étage mixte du chêne vert ( 900 m d'altitude) et qu'il présente une bonne coissance. Il se révéle être d'un très grand intérêt dans les programmes de reboisement.

Il est à noter que les reboisement n'ont pas été soigneusement réalisés, les normes n'ont pas été respectées et le suivie des travaux sylvicoles tels que le dépressage et les éclaircies n'ont pas été réalisés.Toutefois, il serait intéressant de faire suivre cette étude après une dizaine ou une vingtaine d'année pour mieux connaître la finalité de ces peuplements.

Réferences bibliographique :

Azzouni A 1980 : Etude de la connaissance de Cedrus atlantica M introduit au Moyen Atlas Tellien . Thése d'ingenieur. INA El Harrach ,60 P.

Derridj A. 1990 : Etude des populations de Cedrus atlantica M. en Algérie. Thèse de Doctorat, Université Paul Sabatier de Toulouse, 288p.

Ezzahiri M. et Belghazi B. 2002 : synthèse de quelque résultats sur la régénération naturelle du cèdre de l'Atlas au Moyen de l'Atlas. Sciences et changement planétaire/ Sécheresse. Vol. 11,2, juin 2000 : 79-84, synthèse

Guibal F 1984 : Contribution dendroclimatologique à la croissance du cèdre de l'Atlas dans les reboisements du Sud Est de la France. Thèse de 3 ème cycle, Université d'Aix Marseille III, 123p.

Lanier B 1986 : Précis de sylviculture. CNGREF, Nancy, 468p.

Till C 1986 : L'influence des facteurs écologiques sur l'épaisseur des cernes du cèdre de l'Atlas (Cedrus atlantica M.) au Maroc. Ecologia meditterranea, XII (3-4) : 34-46.

Toth J (1990) : Le cèdre croissance et production ligneuse. Extrait de la forêt privée, 193 : 81-92.


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