Point 5 de l'ordre du jour Document de séance 46

Deuxième Forum mondial fao/oms des responsables de
la sécurité sanitaire des aliments

Bangkok (Thaïlande), 12-14 octobre 2004

Programme de sécurité sanitaire des aliments du Canada: Stratégies de surveillance

(Document préparé par le Canada)

I. INTRODUCTION:

Le programme canadien de surveillance des maladies entériques se compose d'un ensemble d'activités intégrées qui visent à atteindre les buts suivants :


Les activités de surveillance comprennent les systèmes passifs de déclaration des maladies et les systèmes actifs faisant appel à des laboratoires, ainsi que les alertes rapides en cas d'éclosions et la surveillance syndromique. Les activités de surveillance incorporent aussi les données humaines à celles recueillies pour les animaux, les aliments et l'eau pour étudier la transmission dans la chaîne de l'alimentation.

II. PRINCIPALES ACTIVITÉS

Déclaration routinière des maladies entériques au Canada

Au Canada, les données sur les cas confirmés en laboratoire de maladies gastro-intestinales sont obtenues par deux voies parallèles : la santé publique et les laboratoires (Figure 1).

Lorsque la santé publique obtient confirmation d'un laboratoire de la présence d'un agent à déclarer (Tableau 1), elle le déclare au médecin-hygiéniste de l'unité de santé publique locale (USP). Cette unité rassemble des informations détaillées sur le patient et les facteurs de risque potentiels et les transmet à l'autorité sanitaire provinciale ou territoriale. Un sous-ensemble de ces informations est transmis à Santé Canada aux fins d'inclusion dans la base de données nationale sur les maladies à déclaration obligatoire (MDO).

Du côté des laboratoires, un laboratoire local peut transmettre un échantillon ou un isolat au laboratoire provincial de santé publique pour confirmation ou analyse additionnelle (par ex. sérotypage); l'isolat peut être envoyé au laboratoire national de microbiologie (LNM) pour caractérisation additionnelle (par ex. lysotypie ou typage moléculaire).

Les laboratoires provinciaux déclarent le nombre total de nouveaux cas d'un ensemble de maladies entériques (Tableau 1) chaque semaine au Programme national de surveillance des maladies entériques (PNSME) : programme administré par le LNM et la Division des infections d'origine hydrique, alimentaire et zoonotique de Santé Canada. Chaque semaine, le nombre des cas des espèces (ou sérotypes) sont rassemblés pour chaque province/territoire et accompagnés des informations additionnelles disponibles sur les éclosions provenant des autorités chargées de la santé publique et de la sécurité sanitaire des aliments et des informations sur le typage moléculaire par l'entremise du programme PulseNet. Le nombre des cas est comparé au nombre attendu et toute hausse importante ou tout schéma ou agent pathogène inhabituel est déterminé. L'algorithme de détection d'éclosion du PNSME est particulièrement utile pour déceler des éclosions à évolution lente qui s'étendent à plusieurs provinces. Les constatations sont communiquées aux autorités sanitaires au moyen de rapports hebdomadaires et trimestriels du PNSME et de téléconférences intergouvernementales hebdomadaires.

Bien que la déclaration d'un cas de maladie entérique par l'entremise de ces systèmes soit généralement déclenchée par la confirmation par un laboratoire de la présence d'un agent à déclarer, le nombre de cas déclarés par le PNSME et la MDO tend à différer (Tableau 2). Il est plus probable que les cas déterminés par la voie de la santé publique du système de surveillance soient inclus dans la MDO étant donné que la législation provinciale exige la communication de ces données aux unités de santé locales. Pour presque toutes les maladies entériques, sauf la salmonellose, la MDO indique un nombre de cas plus élevé que le PNSME. Ces divergences sont attribuables au fait : (i) que pas tous les isolats sont envoyés aux laboratoires provinciaux (particulièrement Campylobacter sp), (ii) qu'il y a sous-déclaration et (iii) qu'il y a peut-être surdéclaration en raison du comptage de plusieurs échantillons d'un seul patient.

Figure 1 : Filière nationale de déclaration des maladies entériques du Canada

Tableau 1: Maladies incluses dans les actuels programmes de surveillance nationale

MDO

PNSME

Salmonellose
Typhoïde

Salmonella sp.*
Salmonella Typhi

Campylobactériose

Campylobacter sp.*

Shigellose

Shigella sp.*

E. coli vérotoxigène

E. coli pathogène*

Choléra

Vibrio sp.*

Cryptosporidiose

Cryptosporidium

Giardiase

Giardia

Botulisme

---

Cyclosporiase

---

Hépatite A

---

---

Rotavirus

---

virus semblable à Norwalk

---

Yersinia sp.*

---

Entamoeba histolytica

* sous-types des bactéries sont déclarés

Tableau 2. Chiffres annuels moyens des maladies et agents pathogènes (1998-2000) du Programme de surveillance nationale des maladies entériques (PNSME) et de la Banque de données nationale sur les maladies à déclaration obligatoire (MDO) et pourcentage des chiffres du PNSME inclus dans la MDO

Maladie/Agent pathogène

Moyenne annuelle
(1998-2002)

Pourcentage des chiffres déclarés:
(PNSME / MDO) X 100

PNSME

MDO

Giardia

749

4783

16%

Campylobacter

1783

11840

15%

E. coli pathogène*

1384

1608

86%

Salmonella**

6330

5866

108%

Shigella

982

1187

83%

* Désigné E. coli pathogène dans PNSME et E. coli vérotoxigène dans MDO

** Salmonella comprend parathyphoïde (S. Paratyphi) et typhoïde (S. Typhi).

Surveillance intégrée :

La comparaison des données sur les maladies entériques provenant de plusieurs sources aide à comprendre leurs tendances et les facteurs de risque qui y sont associés. L'information que fournit une telle approche peut mieux contribuer à l'élaboration de politiques sur les stratégies de réduction des infections d'origine alimentaire. L'Étude nationale des maladies gastro-intestinales aiguës (ENMGA) de Santé Canada consiste en une série d'études démographiques visant à produire des taux de prévalence de période de base et la répartition des maladies gastro-intestinales aiguës déclarées par l'intéressé et à examiner les facteurs influant sur leur déclaration. Le Rapport sur la surveillance canadienne intégrée, produit tous les cinq ans, rassemble les données humaines, animales et alimentaires provenant des multiples programmes de surveillance. Il décrit les tendances de E. coli pathogène, Salmonella, Shigella et Campylobacter et le fardeau des maladies (hospitalisation, décès) pour plusieurs années et régions géographiques. De même, le Programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (PICRA), administré par le Laboratoire de lutte contre les zoonoses d'origine alimentaire (LZA) et le LNM de Santé Canada, rassemble et intègre des données représentatives et méthodologiquement harmonisées sur l'utilisation d'antimicrobiens et la résistance aux antimicrobiens dans certains entéropathogènes et commensaux d'origine animale, alimentaire et humaine. Les rapports annuels du PICRA visent à appuyer la prise de décision fondée dans les faits, particulièrement en ce qui a trait aux répercussions sur la santé humaine des antimicrobiens employés dans la production d'animaux destinés à la consommation.

Alertes en cas d'éclosions entériques

Les insuffisances touchant les données épidémiologiques et la rapidité de leur déclaration se répercutent sur le PNSME et la MDO en ce sens qu'elles risquent de retarder la détection d'une éclosion et la réponse à cette dernière. Un système électronique d'alerte en cas d'éclosions entériques a été établi pour permettre une détection plus rapide. La composante « Alertes » du Centre canadien de surveillance des éclosions entériques (CCSEE) est une application électronique sûre qui offre aux responsables de la santé locaux, provinciaux et fédéraux une tribune pour partager l'information sur les éclosions ou les éclosions soupçonnées sous enquête dans leur administration. Le CCSEE formera également l'assise d'une base de données nationale sur les éclosions. Alertes non seulement appuie l'annonce rapide d'éclosions réelles ou soupçonnées, mais aussi facilite la détection d'éclosions géographiquement dispersées qui sont attribuables à une source commune. Alertes, qui exige l'accès à Internet et une adresse électronique, met à la disposition des professionnels de la santé publique un outil de communication facile d'emploi pour transmettre rapidement les avis d'éclosions et aide à créer un environnement de collaboration entre les différents intervenants du système de santé publique. En ce moment, toutes les agences provinciales et fédérales de santé publique et de sécurité sanitaire des aliments et plus de 98 % des unités de santé publique sont des usagers inscrits d'Alertes; les évaluations de l'utilité d'Alertes sont favorables.

Détection et réponse aux éclosions : une responsabilité intergouvernementale

La détection et l'étude des éclosions sont une responsabilité partagée de la santé publique et des fournisseurs de soins. Toutefois, au Canada, c'est aux autorités sanitaires régionales ou locales qu'incombe principalement la responsabilité d'enquêter sur une éclosion et de la maîtriser. Les autorités sanitaires provinciales coordonnent les activités en rapport avec les éclosions impliquant plusieurs autorités sanitaires et aident dans les cas d'éclosions majeures dans les unités de santé. Santé Canada coordonne les activités concernant les éclosions interprovinciales et, dans les cas d'éclosions locales ou provinciales, offre son aide si les ministères de la Santé provinciaux ou territoriaux la lui demandent. Ce processus fonctionne le mieux lorsque des cas semblables sont isolés précocement dans une administration gouvernementale et lorsque les diverses autorités de santé publique communiquent les unes avec les autres. L'application Alertes offre aux responsables nationaux un moyen de déterminer les schémas des éclosions dans plusieurs administrations et aide élaborer, coordonner et mettre en œuvre des stratégies d'intervention et de réponse rapides.

Dans le cas d'éclosions qui traversent les frontières nationales, Santé Canada sert de centre de coordination de l'enquête au Canada et contribue à l'enquête internationale. Santé Canada participe également aux réseaux de surveillance internationaux comme le programme européen EnterNet et Global Salm-Surv de l'OMS.

Surveillance syndromique

Les retards de déclaration inhérents aux systèmes actuels de déclaration routinière des cas, peuvent gêner la détection et l'étude d'une éclosion et la mise en place des contrôles indiqués. Par conséquent, les activités de surveillance du Canada comprennent également l'examen d'autres méthodes de surveillance qui viseraient à permettre la détection plus rapide de maladies gastro-intestinales excessives dans les collectivités. Ces méthodes incluraient : le suivi des principales plaintes des patients se rendant à l'urgence, les services de télésanté permettant de consulter une infirmière et les appels 911; le suivi de l'absentéisme à des endroits sentinelles comme les écoles; et le suivi de la vente de médicaments contre les troubles gastro-intestinaux aigus.

Le « Alternative Surveillance Alert Project » (A.S.A.P.) est un projet-pilote qui vérifie l'efficacité d'un système de surveillance syndromique par suivi des ventes de produits brevetés pour traiter les vomissements et la diarrhée. Les pharmaciens sont souvent les premiers à qui le public s'adresse en cas de trouble gastro-intestinal aigu et des données sur les tendances des ventes de produits pharmaceutiques pourraient offrir un moyen de dépistage rapide d'une maladie dans la collectivité. Dans le cadre du projet A.S.A.P., les principaux détaillants fournissent à Santé Canada les données agrégées de leurs ventes quotidiennes de certains produits dans les pharmacies des régions géographiques reliées à leur base de données d'inventaire électronique au point de vente.

Santé Canada fait une analyse statistique de ces données pour dégager des tendances géographiques et temporelles. On adapte et améliore un logiciel d'exploitation libre comme le Real-time Oubreak Detection System (« RODS ») de l'Université de Pittsburg à cette fin. On se servira des données historiques pour créer des données de référence, déterminer les tendances et atténuer le « bruit » des données sur les ventes des produits. Lorsque des aberrations importantes par rapport à la « norme » seront décelées, Santé Canada en informera l'unité de santé publique locale dont le rôle est de prendre les mesures indiquées et d'informer ensuite Santé Canada de leur utilité. Pour examiner plus en profondeur la validité d'A.S.A.P., Santé Canada comparera rétrospectivement les tendances des ventes des médicaments en vente libre et la fréquence des isolements d'agents entéropathogènes dans les laboratoires.

On devrait appliquer une approche plusieurs niveaux à toute étude de l'utilisation de systèmes de surveillance syndromique parce que chaque niveau a sa propre utilité. Un aspect important d'un système d'alerte est de déterminer la réponse indiquée à une alerte par les autorités de santé publique régionales, provinciales et fédérales. Au Canada et dans d'autres pays développés où beaucoup de données de ce type sont informatisées, il est généralement possible d'établir un système centralisé de collecte, d'analyse et de déclaration des données. Dans les régions où la collecte de données se fait peut-être encore sur papier, on pourrait innover en suivant de près les données locales (comme l'absentéisme ou les visites chez le médecin) qui reflètent la survenue de maladies et avoir recours au télécopieur, au téléphone ou au courrier électronique pour communiquer les alertes.

Surveillance des infections entériques par opposition aux infections alimentaires

Bien que les activités routinières de surveillance et d'étude des éclosions d'infections entériques produisent souvent des quantités considérables de données épidémiologiques et microbiologiques, les voies de transmission confirmées de ces infections (soit, aliments, eau, personne à personne) ne sont pas toujours connues ou déclarées. Un programme de surveillance sentinelle « C-EnterNet » suivra de près l'exposition humaine aux agents pathogènes d'origine animale, hydrique et alimentaire de même que la survenue d'infections entériques dans la population grâce à l'amélioration de la surveillance, des analyses de laboratoire et des enquêtes sur les éclosions. C-EnterNet fournira des données qui permettront d'intégrer et de renforcer les activités scientifiques et celles concernant les politiques, l'intervention, la prévention, la promotion et la protection en matière de sécurité sanitaire des aliments et d'infections entériques :

  1. En décelant les changements dans les niveaux d'exposition d'origine alimentaire, animale et hydrique de même que dans les infections entériques humaines liées au changement des politiques ou des pratiques;
  2. En déterminant la proportion des cas humains attribuables au contact de l'eau, d'aliments et d'animaux;
  3. En fournissant des informations pour mettre en garde précocement (avant l'exposition) contre des problèmes dans la chaîne agroalimentaire.

III. SOMMAIRE /CONCLUSION

Aucune source de données de surveillance ne peut à elle seule décrire tous les aspects des infections entériques au Canada ou répondre aux besoins divers des intervenants en matière d'informations portant sur la détection, la recherche, la prévention et le contrôle. Les systèmes de surveillance doivent être cohérents et pourtant sensibles aux besoins de la santé publique; l'évaluation des risques qui se sert des données de surveillance et y décèle des lacunes peut améliorer l'utilité de la surveillance et aussi appuyer l'établissement de politiques. Dresser un tableau complet des infections entériques au Canada exige l'intégration des systèmes passifs et actifs nationaux, des programmes de surveillance sentinelles permanents et périodiques, des recherches ciblées, des alertes rapides et de la surveillance syndromique.