Point 5 de l'ordre du jour GF 02/9

deuxième forum mondial fao/oms des responsables de la sécurité sanitaire des aliments

Bangkok (Thaïlande), 12-14 octobre 2004

Epidémiosurveillance des maladies d'origine alimentaire et système d'alerte rapide en matière de sécurité sanitaire des aliments

(Document préparé par le Secrétariat FAO/OMS)

1. Introduction

La consommation d'aliments sains et nutritifs contribue à la croissance, au développement et à la santé de l'être humain tout au long de sa vie. Bien qu'il soit difficile d'évaluer l'impact mondial réel des maladies d'origine alimentaire, les cas de toxi-infections sont nombreux et peuvent s'avérer mortels. La surveillance des maladies d'origine alimentaire est un outil important pour assurer la sécurité sanitaire des systèmes d'approvisionnement alimentaires. Elle joue un rôle déterminant dans l'estimation de la charge des maladies d'origine alimentaire, l'identification des priorités en matière de santé publique, l'évaluation des programmes de prévention et de lutte contre les maladies, et du coût relatif des mesures de contrôle. Elle permet de détecter précocement les poussées épidémiques, d'y riposter rapidement et de contribuer à identifier les nouveaux problèmes de sécurité sanitaire des aliments et les besoins correspondants de la recherche. En outre, elle représente une source importante d'informations pour procéder à une analyse des risques dans le nouveau cadre d'analyse des risques. Dans ce cadre, l'apport des données de surveillance est fondamental pour évaluer les risques, formuler les différentes possibilités de gestion des risques et mettre en œuvre une stratégie de communication des risques (1).

Au plan international, la diversité des systèmes de santé publique se traduit par des différences importantes entre les systèmes de surveillance nationaux, notamment les systèmes de surveillance des maladies d'origine alimentaire. On remarque que dans de nombreux pays, les systèmes de surveillance des maladies ne se concentrent pas nécessairement sur celles qui sont d'origine alimentaire. Le présent document décrit les principaux aspects d'un système performant de surveillance des maladies d'origine alimentaire, et en particulier le lien qui le relie aux systèmes d'alerte rapide qui interviennent dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments. Pour des raisons de clarté, la surveillance des maladies d'origine alimentaire y est définie comme suit: collecte, compilation, analyse, interprétation et utilisation systématiques et permanentes d'informations concernant l'évaluation, la prévention et le contrôle des maladies d'origine alimentaire. Par informations, on entend les informations microbiologiques et épidémiologiques sur les pathogènes et les toxines présents dans les animaux de consommation et les aliments, dont le traitement est parfois désigné sous le nom de suivi (1).

2. Systèmes nationaux de surveillance des maladies d'origine alimentaire

Il existe divers niveaux d'intensité et de coordination dans les systèmes nationaux de surveillance. La surveillance peut être active ou passive, générale ou sentinelle, continue ou intermittente, dissociée ou intégrée. En général, l'intensité de la surveillance est le produit de facteurs sociaux (priorité de la maladie, impact sur la société), pratiques (disponibilité de la connaissance épidémiologique) et financiers. Les principaux objectifs de la surveillance de la sécurité alimentaire sont la détection de la contamination, l'évaluation des interventions de contrôle, le suivi des progrès du contrôle vers l'objectif fixé et la performance du programme. Toutefois, à l'inverse du suivi, la surveillance n'est pas seulement une mesure régulière de la situation en cours. En effet, elle sert également de base pour renvoyer des informations pertinentes aux producteurs, retrouver la source de la contamination, déterminer les points (de contrôle) critiques pendant la production et lancer des actions de riposte (2).

De nombreux États Membres utilisent des systèmes de surveillance des maladies transmissibles. Ces systèmes collaboratifs assurent une surveillance passive ou active et incluent souvent une notification obligatoire de certaines maladies et des pathogènes qui en sont la cause. Un grand nombre de ces systèmes de surveillance existants ont la capacité de détecter les agrégats d'une maladie d'origine alimentaire, à condition que ceux-ci soient suffisamment importants et que leurs effets soient suffisamment graves pour que les personnes infectées aient besoin d'une assistance médicale. Cependant, ces systèmes recherchent essentiellement les maladies transmissibles, et leur capacité à détecter et analyser rapidement une maladie d'origine alimentaire peut s'avérer limitée (3).

Un certain nombre d'États Membres utilisent déjà des systèmes de surveillance pour détecter et analyser les maladies infectieuses causées par des pathogènes d'origine alimentaire. Dans de nombreux cas, ces systèmes sont passifs et reposent sur les notifications des laboratoires ou des médecins. L'analyse statistique des informations produites par ces systèmes peut révéler des agrégats spatio-temporels inhabituels par rapport aux valeurs de référence. Malheureusement, les systèmes de surveillance passive entraînent une sous-notification des maladies parce que seul un faible pourcentage des personnes contaminées demande une assistance médicale ou soumet des échantillons au laboratoire d'analyse. En outre, les essais des laboratoires ne portant que sur un nombre restreint d'agents pathogènes, les informations communiquées aux responsables de la santé ne sont pas exhaustives (3). Par ailleurs, dans la plupart des cas, les laboratoires hospitaliers ne sont pas équipés pour analyser les contaminants chimiques présents dans les aliments. Si l'on ajoute à cela que la plupart des maladies causées par les contaminants chimiques se traduisent par des symptômes qui ne sont pas spécifiques, on est conduit à constater que les estimations de la charge des maladies produites par la plupart des systèmes de surveillance n'incluent pas les estimations de la partie de la charge liée aux dangers que présente la présence de contaminants chimiques dans les produits alimentaires.

Certains pays utilisent des systèmes de surveillance active des maladies d'origine pathogène pour évaluer plus précisément la charge qui incombe à ces maladies. L'Angleterre, les Pays-Bas et les États-Unis ont été parmi les premiers pays à conduire des études spécifiques pour comprendre la charge des maladies imputables aux pathogènes d'origine alimentaire. À la suite de cette « première génération » d'études, d'autres pays, notamment l'Australie, le Canada et l'Irlande, ont lancé des études analogues. Ces études peuvent se répartir en deux catégories: ce sont soit des études de cohorte prospective incluant des facteurs étiologiques sur les communautés, soit des enquêtes transversales incluant ou non des études ciblées en appui. Bien que chaque catégorie d'étude poursuive des objectifs qui lui sont propres, toutes deux partagent néanmoins le même dessein fondamental, qui est d'évaluer l'ampleur des maladies gastro-intestinales aiguës en prenant en compte leur sous-évaluation et de déterminer la proportion de ces maladies imputable à l'alimentation. Les experts de chacun de ces pays continuent de travailler en étroite collaboration. Ils partagent les outils de recherche, examinent et analysent les données, et définissent les futurs objectifs de recherche. Ces systèmes de surveillance actifs augmentent la mise à disposition en temps utile des informations et fournissent des données sur l'incidence de référence des maladies d'origine alimentaire, qui sert à mesurer l'efficacité des mesures de contrôle (4).

La plupart des programmes nationaux de surveillance dont l'objectif est de contrôler que les aliments ne contiennent pas des niveaux inacceptables de contaminants sont conçus pour évaluer la présence d'un certain nombre de contaminants chimiques dans un éventail de produits agricoles bruts. Le problème que pose la contamination chimique étant la maladie chronique et non l'affection aiguë, la surveillance des contaminants chimiques consiste principalement à s'assurer que les taux de contaminants sont inférieurs à un seuil maximal acceptable et prédéterminé et non à les associer à une affection aiguë. Lorsque les taux de contaminants chimiques sont inférieurs au seuil maximal acceptable, les consommateurs sont assurés que le produit a été fabriqué conformément aux bonnes pratiques agricoles et que leur seuil d'exposition aux contaminants chimiques sera inférieur au niveau d'absorption journalier acceptable fixé.

3. Mondialisation de l'approvisionnement alimentaire: la nécessité d'une surveillance à l'échelle mondiale

Du fait de la nature internationale des voyages et du commerce, la sécurité sanitaire des aliments est progressivement devenue un problème d'ordre mondial. Il existe de nombreux cas répertoriés de denrées alimentaires contaminées dans un pays ayant eu des conséquences importantes sur le plan sanitaire dans d'autres parties du monde (3). Si l'on associe les quantités impressionnantes de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux qui sont échangées dans le monde aux autres facteurs qui influent sur la sécurité sanitaire des systèmes d'approvisionnement alimentaire tels que la croissance démographique, la pauvreté, les événements climatiques et sociaux, il devient patent qu'une stratégie coordonnée au niveau mondial est absolument nécessaire pour maîtriser les maladies d'origine alimentaire.

La meilleure façon de traiter les problèmes liés à la propagation mondiale des maladies d'origine alimentaire est de s'appuyer sur des systèmes de surveillance performants, un nouvel engagement envers la santé publique et des partenariats internationaux étroits qui renforcent les actions menées au plan national en faveur de la prévention et de la lutte contre les maladies d'origine alimentaire. Compte tenu de l'écart qui existe entre les systèmes de surveillance, les partenariats en matière de surveillance mondiale sont un point de départ logique.

4. Le rôle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la surveillance de la sécurité sanitaire des aliments

4.1 Mandats et réglementations

Pour être efficace, la surveillance mondiale doit être indépendante des influences politiques. Elle exige un contexte neutre de notification et de riposte. L'OMS (Organisation mondiale de la santé) a pour mandat principal de protéger la santé publique et de fournir une assistance technique et des avis aux États Membres sur toutes les questions relatives à la santé. En 1969, l'OMS a adopté le Règlement sanitaire international (RSI) après l'accord préalable de la communauté internationale. Ces règlements représentent le seul cadre réglementaire de la sécurité sanitaire mondiale. Le RSI, dont l'objectif est d'empêcher la propagation des maladies infectieuses, donne aux États Membres les moyens de prendre des mesures de santé publique qui s'appliquent aux voyageurs et aux produits, à l'arrivée ou au départ d'un pays. Selon les dispositions du RSI actuel, les États Membres ne doivent déclarer à l'OMS que les cas de choléra, de peste et de fièvre jaune. Le RSI est donc en cours de révision pour tenir compte davantage de la menace que constitue la propagation des maladies infectieuses nouvelles et résurgentes. Les révisions proposées incluent l'obligation de déclarer toutes les urgences sanitaires de portée internationale. Dans le but de maîtriser les maladies et les risques sanitaires dès leur origine et de réduire au minimum les mesures de contrôle, les États Membres seront obligés d'identifier et de contrôler toutes les manifestations épidémiques de portée internationale, notamment les maladies infectieuses et non infectieuses, et les taux inacceptables de micro-organismes, toxines et produits chimiques présents dans les aliments (3).

Le RSI révisé contiendra les directives concernant la mise en place de programmes de surveillance et de riposte pour faire face aux urgences sanitaires. Le programme inclut les éléments essentiels suivants: détection et notification rapide des urgences sanitaires, vérification, mesures de contrôle préliminaires et capacité de riposte, y compris la notification à l'OMS des manifestations épidémiques ou des risques sanitaires de portée internationale. Le programme donne également aux pays la possibilité de déclarer leur besoin d'assistance pour maîtriser la propagation de la contamination, restreindre les voyages ou les déplacements de personnes, les transports ou la circulation de denrées alimentaires, de plantes et d'animaux. Les informations et les recommandations formulées par l'OMS serviront à orienter les ripostes appropriées aux risques sanitaires réels (3).

En 2000, la cinquante-troisième Assemblée mondiale de la santé (AMS) a adopté une résolution qui reconnaît la fonction essentielle de la sécurité sanitaire des aliments sur la santé publique et préconisé l'élaboration d'une stratégie mondiale de réduction de la charge des maladies d'origine alimentaire. La résolution WHA 53.15 a encouragé les États Membres à mettre en place et utiliser de manière permanente des mécanismes nationaux, et, le cas échéant, régionaux de surveillance des maladies d'origine alimentaire. En 2002, l'OMS a publié une Stratégie mondiale pour la salubrité des aliments (5). L'objectif global de cette stratégie est de renforcer la surveillance des maladies d'origine alimentaire pour fournir aux États Membres les informations dont ils ont besoin pour réduire la charge de ces maladies.

4.2 Initiatives mondiales pour renforcer la surveillance des maladies d'origine alimentaire

Une récente consultation d'experts organisée par l'OMS a défini quatre catégories de surveillance (aucune surveillance formelle, surveillance par syndrome, surveillance assurée par les laboratoires, surveillance intégrée de la chaîne alimentaire) et étudié la viabilité de mettre en place une surveillance sentinelle dans les régions pour lesquelles il manque des données sur les maladies d'origine alimentaire. Les caractéristiques de chacun de ces quatre systèmes de surveillance sont résumées dans le tableau 1. Suite à cette consultation, des études sur la charge des maladies d'origine alimentaire dans les pays en développement ont été lancées. La Jordanie a été sélectionnée pour être le premier site sentinelle de ce projet et la sélection d'autres sites est en cours 1(6).

Tableau 1. Rapport entre les systèmes de surveillance et l'évaluation de la charge des maladies

Catégorie de surveillance

Résultats prévus

Contribution du système de surveillance à l'évaluation de la charge des maladies

Soutien externe requis pour évaluer la charge des maladies

Ressources et coût associés à l'évaluation de la charge des maladies

Capacité du système de surveillance à attribuer la maladie à des sources alimentaires spécifiques

Contribution des données de surveillance à l'analyse du risque

1. Pas de surveillance formelle

Paramètres infectieux non spécifiques

Aucune

Élevé

Minimaux

Aucune

Aucune

2. Surveillance par syndrome

Paramètres infectieux non spécifiques

Limitée

Modéré

Minimaux

Aucune

Limitée

3. Surveillance assurée par les laboratoires

Propres

à l'étiologie,

y compris

les sous-types

Potentiellement importante

Minimal

Augmentation de la complexité et des coûts épidémiologiques et de laboratoire

Modérée

Potentiellement importante

4. Surveillance intégrée de la chaîne alimentaire

Propres

à l'étiologie,

y compris

les sous-types, précision accrue, réservoirs

de population

Importante

Aucun

Augmentation de la complexité et des coûts épidémiologiques et de laboratoire, y compris les laboratoires agricoles et alimentaires

Élevée

Élevée, permet la validation des modèles

Tableau adapté de (6).

4.3 Programmes mondiaux de surveillance de la sécurité sanitaire des aliments

Pour créer la volonté politique de lancer et de poursuivre une stratégie de réduction des maladies d'origine alimentaire, il faut d'abord saisir l'ampleur du problème. Les informations de surveillance mondiale peuvent être également utilisées par les pays pour évaluer rapidement les risques et fixer les priorités des besoins en matière de sécurité sanitaire des aliments. L'OMS a mis en œuvre un certain nombre de programmes de sites sentinelles pour élaborer des études portant sur des régions pour lesquelles on ne dispose pas actuellement de données fiables sur les maladies d'origine alimentaire. Elle a aussi créé un réseau reliant les pays engagés dans les activités de surveillance des maladies gastro-intestinales aiguës. Global Salm-Sur est l'un des programmes mondiaux conçus pour renforcer la surveillance des maladies d'origine alimentaire. Global Salm-Sur est un réseau mondial de laboratoires qui est opérationnel depuis janvier 2000. Il comprend un ensemble d'institutions et de personnes impliquées dans la surveillance de la Salmonella, le sérotypage et l'étude de la sensibilité aux antimicrobiens. Ce programme, lancé par l'OMS, le Laboratoire vétérinaire danois (DVL) et les Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) américains, bénéficie désormais de l'appui de l'Institut Pasteur, de l'Administration des États-Unis chargée des aliments et des médicaments (FDA), de Santé Canada et de l'Université de Wageningen. Il s'efforce de réduire la charge mondiale des maladies d'origine alimentaire en renforçant la surveillance régionale et nationale et les activités de riposte (7). Le système externe d'assurance qualité (EQAS) est un pas important vers l'amélioration de la qualité du sérotypage et de l'étude de la sensibilité aux antibiotiques des souches de salmonelles dans le monde entier (7). Les éléments fondamentaux du programme Global Salm-Surv comprennent des ateliers régionaux de formation, un groupe de discussion électronique encadré par un modérateur, un système externe d'assurance de la qualité, une base de données par pays des résumés annuels des données de surveillance des salmonelles, un site Web (http://www.who.int/emc/diseases/zoo/SALM-SURV/index.html), et des services d'étude de référence. Les ateliers de formation des microbiologistes et des épidémiologistes ont accueilli de très nombreux représentants d'une centaine de pays des six régions de l'OMS.

L'OMS supervise et effectue également l'évaluation du degré d'exposition humaine aux contaminants chimiques présents dans les aliments. Le Système mondial de surveillance continue de l'environnement – Programme de surveillance et d'évaluation de la contamination des produits alimentaires (GEMS/Food), mis en œuvre par l'OMS, fournit des informations sur la concentration des contaminants chimiques dans les aliments, leur contribution à l'exposition humaine totale et leur importance pour la santé publique et le commerce. GEMS/Food fournit les valeurs de référence des contaminants chimiques présents dans les aliments, et celles-ci peuvent être utilisées pour évaluer la contamination. Le Programme est un élément essentiel de l'évaluation mondiale des risques causés par la présence de contaminants chimiques dans les aliments et fournit les évaluations de l'exposition humaine qui servent de base à la définition des normes nationales et internationales en matière de sécurité sanitaire des aliments. GEMS/Food comprend un réseau regroupant des centres de collaboration de l'OMS, des centres de coordination nationaux et des institutions participantes, localisés dans plus de 70 pays. Il travaille en liaison avec des organisations internationales telles que l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et des organisations non gouvernementales telles que l'Union internationale de science et de technologie alimentaires (IUFOST) et l'Union internationale de chimie pure et appliquée (UICPA) (3).

4.4 Systèmes mondiaux d'alerte et de riposte aux poussées épidémiques

Dans le cadre de son Programme mondial d'alerte et de riposte, l'OMS a créé un mécanisme permettant de fournir des informations précises et actualisées sur les poussées épidémiques importantes. Ces informations sont communiquées systématiquement et rapidement aux principaux experts de la santé publique internationale par le biais de réseaux spécialisés dans la surveillance de certaines maladies infectieuses, dont FluNet pour la grippe, RabNet pour la rage, Global Salm-Surv pour la salmonellose et DengueNet pour la dengue (3).

La vérification des poussées épidémiques est une nouvelle approche de la surveillance mondiale des maladies qui vise à améliorer la lutte contre les épidémies par la collecte et la vérification actives des informations sur les poussées signalées. Elle repose sur des sources d'information nombreuses et diversifiées, notamment le Réseau mondial d'information sur la santé publique (GPHIN). GPHIN est un système électronique utilisant les technologies du Web et élaboré par Santé Canada en collaboration avec l'OMS. Ce système scrute le Web pour détecter les poussées épidémiques suspectes. Le cas échéant, les pays concernés sont contactés pour vérifier l'existence de ces poussées, connaître leurs causes et les mesures de lutte appliquées. Les informations sont ensuite transmises par le biais de la liste de vérification des poussées épidémiques à plus de 900 institutions et acteurs importants de la santé publique internationale, tels que les centres de collaboration de l'OMS, les instituts nationaux de santé publique et les principales organisations non gouvernementales. Depuis 1996, plus de 500 rapports de poussées épidémiques ont été étudiés, et les informations ont été diffusées lorsqu'elles présentaient un intérêt primordial pour la santé publique internationale. L'OMS fournit une aide dans tous les cas (3).

Le réseau mondial d'alerte et d'action en cas d'épidémie (GOARN) fournit une aide sanitaire immédiate pour maîtriser les poussées épidémiques et un mécanisme de coordination d'alerte et de riposte. Il intervient dans le cadre d'un partenariat technique entre des institutions et des réseaux divers et complète les systèmes existants. Son rôle est de combattre la propagation internationale des poussées épidémiques par l'identification, la vérification et la communication rapides des menaces, et de conduire à une riposte coordonnée. Il s'efforce de fournir rapidement l'assistance technique appropriée à l'État Membre menacé, de réduire au minimum l'impact sanitaire de la poussée épidémique et d'empêcher la propagation de la maladie. L'OMS répond aux demandes d'assistance des États Membres en matière de gestion des poussées épidémiques en envoyant sur le terrain des équipes d'experts spécialisés. Ainsi, l'OMS a directement participé à la gestion sur le terrain de poussées épidémiques récentes parmi lesquelles on peut citer: la fièvre de la vallée du Rift au Kenya et en Somalie, la variole du singe dans la République démocratique du Congo, la grippe aviaire (H5N1) à Hong Kong (Chine) (3).

4.5 Améliorer la sécurité sanitaire des aliments dans le monde par le biais du Réseau international des autorités de sécurité sanitaire des aliments (INFOSAN)

Si la surveillance mondiale fournit les informations nécessaires au suivi des poussées épidémiques d'origine alimentaire et évalue les mesures de contrôle qui leur sont appliquées, elle peut également servir de système d'alerte rapide aux poussées épidémiques et de justification à l'application de mesures d'intervention sanitaire, notamment la cessation, et la reprise, du commerce. La détection rapide des maladies d'origine alimentaire et l'intervention sanitaire immédiate peuvent non seulement limiter le nombre de maladies et de décès, mais aussi atténuer les effets négatifs des voyages et des échanges internationaux. La surveillance et la riposte aux maladies d'origine alimentaire à l'échelle mondiale sont des éléments décisifs de la préservation de la santé publique et de la liberté des échanges de denrées alimentaires, de plantes, d'animaux et de produits d'origine animale (8).

L'OMS, en collaboration avec la FAO, renforce actuellement sa capacité à riposter aux urgences sanitaires liées aux maladies d'origine alimentaire en créant un Réseau international des autorités de sécurité sanitaire des aliments (INFOSAN), qui est un réseau de diffusion d'informations importantes sur les questions de sécurité sanitaire des aliments au niveau mondial. En janvier 2003, l'OMS a exprimé le besoin d'un réseau de sécurité sanitaire des aliments pour compléter et soutenir les programmes de riposte et d'information de l'OMS. Le but d'INFOSAN est de renforcer la capacité du réseau GOARN à lutter contre la propagation internationale des maladies d'origine alimentaire par des moyens rapides d'identification, de vérification et de communication. Incorporé dans INFOSAN, INFOSAN EMERGENCY est un réseau d'échange d'informations relatives aux urgences sanitaires qui contribuera à la réduction de l'impact sanitaire des poussées épidémiques liées aux maladies d'origine alimentaire et empêchera la propagation des maladies causées par des aliments contaminés (8).

Chaque pays participant accueillera un ou plusieurs centres de coordination INFOSAN. Ces centres sont prévus pour recevoir et diffuser les informations provenant d'INFOSAN. On trouvera plusieurs centres de coordination INFOSAN dans les pays où les responsabilités sont partagées entre diverses autorités de sécurité sanitaire des aliments, notamment celles qui sont impliquées dans la législation relative à l'alimentation, les services de gestion et d'inspection des aliments, les services assurés par les laboratoires dans le suivi et la surveillance, l'information, l'éducation et la communication, tout au long d'une chaîne continue qui s'échelonne de « l'étable à la table » (8).

Chaque pays disposera d'un centre de coordination INFOSAN EMERGENCY qui, en plus de recevoir des informations générales, aura la capacité de traiter les principales urgences sanitaires internationales risquant de nuire gravement à la santé des consommateurs ou d'entraîner la mort. INFOSAN EMERGENCY sera utilisé pour alerter les autorités de sécurité sanitaire des aliments de cas de poussées épidémiques d'origine alimentaire ou de contamination des aliments de portée internationale. Le centre de coordination INFOSAN EMERGENCY devra sans doute accepter une certaine responsabilité en matière de notification et de riposte, et faciliter la communication de messages urgents pendant les urgences sanitaires d'origine alimentaire. INFOSAN EMERGENCY sera étroitement lié au réseau GOARN (http://www.who.int/csr/sars/goarn/en/ index.html) aux niveaux national et international. INFOSAN et INFOSAN EMERGENCY ne sont accessibles qu'aux entités gouvernementales ou aux entités nommées par les gouvernements (8).

5. Le rôle de la surveillance dans l'évaluation des nouvelles technologies et des nouveaux risques

De nombreux pays disposent de systèmes de surveillance performants et éprouvés pour détecter la présence de contaminants chimiques dans l'environnement et les aliments, tels que les dioxines, les polychlorobiphényles (PCB), les métaux lourds, les résidus de pesticides et les médicaments vétérinaires. Les systèmes de surveillance spécialisés dans la détection de pathogènes d'origine alimentaire sont plus récents, ainsi que l'évaluation des risques microbiologiques et les programmes de réduction des pathogènes. L'élaboration d'un cadre de surveillance de la sécurité sanitaire des aliments permet non seulement de garantir de manière continue la sécurité sanitaire des aliments vis-à-vis des produits chimiques et des pathogènes, mais aussi de fournir un mécanisme de protection contre les nouveaux dangers.

L'application de la biotechnologie moderne à la production alimentaire ouvre de nouvelles perspectives et de nouveaux défis à la santé humaine. Pour les consommateurs, les avantages potentiels incluent l'accroissement de la valeur nutritive des aliments, la diminution de leur potentiel allergénique et l'amélioration de l'efficacité de la production alimentaire. En revanche, les effets potentiels sur la santé humaine de la consommation d'aliments produits par le biais de la modification génétique doivent être soigneusement examinés. La biotechnologie moderne doit faire l'objet d'une évaluation approfondie si elle doit aboutir à une véritable amélioration de notre façon de produire des aliments. La mise en place d'un réseau performant de surveillance de la sécurité sanitaire des aliments permettra de donner aux consommateurs du monde entier le sentiment renforcé que la sécurité sanitaire des aliments produits par le génie génétique est suivie et contrôlée.

Les agents antimicrobiens sont des médicaments essentiels pour la santé et le bien-être des hommes et des animaux. La résistance accrue aux antimicrobiens est un problème de santé général lié à l'usage de ces médicaments pour les hommes et les animaux. Un cadre global de surveillance de la sécurité sanitaire des aliments pourra surveiller les pathogènes d'origine alimentaire et évaluer l'accroissement de leur résistance aux antimicrobiens en fonction de l'utilisation de ceux-ci dans l'agriculture et la médecine vétérinaire. Ces informations sont capitales si l'on veut évaluer les risques associés à l'accroissement de la résistance aux antimicrobiens de combinaisons antibiotiques-micro-organismes spécifiques, et pour élaborer des stratégies de gestion des risques visant à réduire les risques liés à l'utilisation d'antimicrobiens dans l'agriculture et la médecine vétérinaire.

6. Surveillance sanitaire des aliments pour détecter la contamination malveillante intentionnelle des aliments

La contamination malveillante intentionnelle des aliments n'est pas une menace nouvelle. Cependant, la centralisation de la production alimentaire et la distribution à grande échelle des aliments renforcent l'impact sanitaire potentiel des contaminations malveillantes intentionnelles. Les conséquences d'un sabotage délibéré de denrées alimentaires peuvent être déduites par extrapolation en se fondant sur les nombreux exemples connus et décrits de poussées infectieuses non intentionnelles de maladies d'origine alimentaire. Les incidents les plus importants et les mieux décrits se sont produits en 1985 aux États-Unis. Suite à la contamination de lait pasteurisé dans une laiterie, 170 000 personnes ont contracté une affection due à une poussée infectieuse de S. typhimurium. En 1991, une poussée d'hépatite A associée à la consommation de coquillages à Shanghaï (Chine) a infecté près de 300 000 personnes, ce qui représente peut-être la plus importante contamination alimentaire de l'histoire. Le nombre de personnes potentiellement victimes d'une contamination intentionnelle pourrait être beaucoup plus élevé.

En 2002, l'OMS a publié un rapport relatif aux menaces terroristes visant les aliments (3). Ce rapport présente deux stratégies fondamentales pour faire échec aux menaces de sabotage alimentaire, qui consistent à prévenir et à riposter, ce qui inclut la planification préalable. Selon le rapport, la création de programmes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments et le renforcement des programmes existants, ainsi que la mise en œuvre de mesures de sécurité adaptées, sont les principales mesures à prendre pour faire face au terrorisme alimentaire. Il faut en effet détecter la contamination alimentaire avant de pouvoir déclencher une riposte.

La détection rapide d'actes de terrorisme, dissimulés ou manifestes, visant les aliments exige qu'un système de surveillance soit suffisamment perfectionné pour être en mesure d'identifier rapidement des petits agrégats de maladies d'origine alimentaire. S'ils ont la capacité de détecter des poussées infectieuses, déclenchées intentionnellement ou non, de tels systèmes ne permettent pas nécessairement d'identifier la maladie ou son mode de transmission. Les systèmes nationaux de surveillance performants fournissent des informations prévisionnelles sur la fréquence et la taille des diverses poussées infectieuses, qui servent de référence pour identifier tout agrégat inhabituel laissant présager un acte terroriste. La détection rapide d'une maladie due à un acte terroriste visant les aliments dépendra de la finesse d'analyse des systèmes de surveillance des maladies transmissibles aux niveaux local et national, d'une coopération étroite et d'une communication renforcée entre les médecins, les laboratoires et les responsables de la santé publique. Dès que le terrorisme visant les aliments est détecté, il faut déclencher les systèmes de riposte, c'est-à-dire vérifier la menace, en gérer les impacts en aidant la population touchée, identifier et retirer les aliments de la vente, et gérer les conséquences sociales, politiques et économiques de l'acte terroriste (3).

Le rapport conclut qu'une préparation efficace contre le terrorisme visant les aliments passe par le renforcement de la surveillance générale de la santé publique et l'amélioration de la coordination et de la communication entre les secteurs responsables d'une riposte urgente. Dans de nombreux pays en développement, le manque de surveillance intégrée, de services de laboratoires et d'analyse épidémiologique, et l'absence de planification prévisionnelle en vue d'une riposte urgente sont autant d'obstacles importants à la détection et la riposte aux menaces posées par l'introduction délibérée ou non intentionnelle d'agents à risque dans les aliments (3). L'aide de l'OMS et de la FAO peut aider à prévenir, détecter rapidement et atténuer les effets du terrorisme visant les aliments, ainsi que les conséquences des poussées épidémiques d'origine alimentaire non intentionnelles et des contaminations. Le nouveau réseau INFOSAN est prévu pour appuyer ce travail.

7. Observations finales

Pour les pays industrialisés et les pays en développement, la meilleure façon d'aborder les problèmes liés aux maladies d'origine alimentaire, notamment celles qui ont un rapport avec les nouvelles technologies et les actes de terrorisme prémédités, est de s'appuyer sur des systèmes de surveillance performants, un nouvel engagement envers la santé publique et des partenariats internationaux renforcés. La sécurité sanitaire des aliments doit faire l'objet d'une normalisation commune très rigoureuse pour protéger les consommateurs dans le monde entier. Les programmes de surveillance servent d'outil de suivi et d'amélioration continue de la qualité des aliments car ils détectent les maladies d'origine alimentaire ou les contaminations des produits alimentaires et déclenchent les ripostes appropriées. Le défi étant de produire des aliments sains à des prix abordables, les programmes de surveillance doivent donc être adaptés, rationnels, efficaces et économiques. À l'heure actuelle, les infrastructures et les capacités nécessaires pour coordonner et mettre en œuvre les programmes nationaux de surveillance des maladies et des contaminants d'origine alimentaire varient selon les pays. Les organisations internationales ont un rôle important à jouer en faveur de l'intégration de la surveillance de la sécurité sanitaire des aliments aux niveaux national et international.

L'OMS et la FAO ont un rôle essentiel à jouer dans la sécurité sanitaire des aliments au niveau international. L'OMS, dans de nombreux cas en collaboration directe avec la FAO, s'efforce de mettre en œuvre les Réglementations sanitaires internationales (RSI), coordonne les réseaux mondiaux de surveillance des maladies et les ripostes internationales aux maladies transmissibles. La FAO et l'OMS évaluent les risques sanitaires associés aux agents biologiques et chimiques et aux substances radioactives ainsi que la possibilité de les atténuer. Elles appuient également la création d'une infrastructure de sécurité sanitaire des aliments dans les États Membres. Ces fonctions placent ces organisations dans une position unique pour jouer un rôle essentiel dans: 1) la coordination de la surveillance mondiale des urgences en matière de sécurité sanitaire des aliments; 2) la mise au point de ripostes rapides à ce type d'urgences à l'échelle internationale; et 3) la fourniture d'une assistance technique aux pays dans les phases de préparation et de riposte. La mise en œuvre d'INFOSAN et d'INFOSAN Emergency renforcera les efforts entrepris par l'OMS et la FAO pour garantir que les populations mondiales bénéficient d'un approvisionnement en produits sains.

8. Références

  1. Global surveillance of food borne disease: Developing a strategy and its interactions with risk analysis. Rapport d'une consultation de l'OMS. WHO/CDS/EPH/2002.21.
  2. Wong, L.F., Wegener, H.C., et Bager, F. Surveillance as a tool in an integrated approach to food safety. Préparé en vue de la Consultation de l'OMS sur l'élaboration d'une stratégie de surveillance mondiale des maladies d'origine alimentaire et d'analyse des risques, 2001.
  3. Terrorist Threat to Food: Guidance for establishing and strengthening prevention and response systems. (Food Safety Issues). OMS. Genève. 2002: ISBN 924154844.
  4. Flint, J., Van Duynhoven, Y., Braun, P., DeLong, P., Charles, L., Kirk, M., Hall, G., Scallan, E., Fitzgerald, M., Baker, M., Adak, G., Sockett, P., Angulo, F. Estimating the Burden of Food borne Illnesses: an International Review. Soumis au bulletin de l'OMS.
  5. WHO Global Strategy for Food Safety: safer food for better health. (Food safety Issues). OMS. Genève. 2002. ISBN9241545747.
  6. Methods for food borne disease surveillance in selected sites. Rapport d'une consultation de l'OMS. WHO/CDS/CSR/EPH/2002.22.
  7. Petersen A, Aarestrup FM, Angulo FJ, Wong S, Stohr K, Wegener HC. WHO global salm-surv external quality assurance system (EQAS): an important step toward improving the quality of Salmonella serotyping and antimicrobial susceptibility testing worldwide. Microb Drug Resist, 2002, 8: 345-53.
  8. Informations sur le Réseau international des autorités de sécurité sanitaire des aliments de l'OMS (INFOSAN). Adresse électronique : http:/www.who.int/foodsafety/fs_management/infosan/en/

1 Les critères d'évaluation de l'admissibilité d'un pays à une étude sur la charge des maladies étaient les suivants: i) l'absence de données sur la charge des maladies d'origine alimentaire dans le pays ou la région, ii) la préférence donnée à la catégorie de surveillance 3 (surveillance assurée par les laboratoires), iii) la disponibilité de données sur la consommation et la contamination alimentaires, iv) l'importance et la nature de l'infrastructure technique et scientifique et des ressources correspondantes, v) la préférence accordée aux pays dont la géographie est diversifiée, vi) la sélection d'un pays dont la représentation de l'ethnicité, de l'économie et de la société est large et vii) la certitude que les activités d'autres organisations ne se chevauchent pas.