Béla Keresztesi
BÉLA KERESZTESI est directeur général de l'Institut de recherche forestière à l'université Frankel Leo de Budapest. Cet article est adapté d'une communication présentée à la Consultation technique de la FAO sur les feuillus à croissance rapide pour la plantation dans les zones méditerranéennes et tempérées, tenue à Lisbonne en octobre 1979, en coopération avec l'Union internationale des instituts de recherches forestières (IUFRO).
Le robinier faux-acacia (Robinia pseudoucacia L.) fut, en 1601, la première essence forestière apportée d'Amérique du Nord en Europe. Depuis lors il s'est largement répandu non seulement en Europe mais dans toutes les zones méditerranéennes ou tempérées du monde; il ne vient pas bien sur les basses terres tropicales. Il s'adapte à des sols très divers à l'exception de ceux qui sont excessivement secs ou argileux. Son habitat idéal a un climat tempéré humide et des sols limoneux ou sableux légers.
Selon les informations disponibles, il existe à l'heure actuelle dans le monde environ 1 million d'ha de forêts artificielles de robinier. Les pays les plus importants à cet égard sont, par ordre de superficies plantées, la République de Corée, la Hongrie, l'U.R.S.S., la Roumanie, la France, la Bulgarie, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie et la Chine. En superficie, le robinier occupe la seconde place dans le monde, après les eucalyptus, parmi les essences feuillues à croissance rapide.
Pour les agriculteurs, le robinier répond à presque tous les besoins de la vie rurale. Il est facile à planter et à régénérer, n'a pas de maladies sérieuses et pousse bien sur les bonnes stations. Son bois est dur, très résistant et durable, et se travaille aisément. Il pourrait être utilisé bientôt aussi bien pour des panneaux de fibres de haute qualité que pour des charpentes en planches collées et jointes. Sous forme de perches, on l'emploie dans les mines, les vignobles et les vergers. En raison de sa résistance à l'abrasion et de sa belle couleur, on peut l'utiliser en menuiserie intérieure pour les parquets et les panneaux muraux. Etant très durable, le bois de robinier convient également pour les meubles de jardin, les équipements de loisirs en forêt et les installations pour le sport de plein air. En raison de sa valeur calorifique élevée et du fait qu'il brûle bien même étant humide, il est apprécié également comme bois de feu.
L'intérêt du robinier comme espèce fixatrice d'azote atmosphérique doit être souligné face à l'augmentation des prix du pétrole. Comme l'emploi massif d'engrais en agriculture et en sylviculture risque de devenir de plus en plus coûteux, les espèces d'arbres et d'arbustes forestiers fixatrices d'azote verront leur importance s'accroître.
On voit également cette essence plantée dans les villes et les villages comme arbre d'avenue. C'est en outre l'essence forestière mellifère la plus importante. Elle est appréciée du gibier sylvestre; en Bulgarie et en République de Corée son feuillage sert à l'alimentation du bétail. Enfin elle est intéressante tant pour la lutte contre l'érosion que pour le reboisement des ravines et des déblais de mines. Il convient de noter que le robinier a par ailleurs la capacité de se régénérer vigoureusement à partir de ses drageons racinaires. C'est une qualité utile quand cette essence est plantée pour combattre l'érosion par exemple, mais qui peut être aussi un inconvénient dans d'autres cas.
Afin de déterminer la viabilité économique du robinier, l'Institut de recherche forestière de Hongrie (ERTI) a procédé en 1968 à des études détaillées sur les coûts, les recettes et la rentabilité. D'après ces études, il faut pour que la production de bois par Robinia soit rentable ne planter celui-ci que sur des stations de qualité moyenne. Les coûts ont été calculés sur le rendement en bois d'uvre, de sorte que les autres productions, telles que le miel, n'ont pas été prises en considération. Les analyses étaient basées sur des données résumées provenant d'une enquête à l'échelle nationale. Les coûts de plantation, d'entretien et d'exploitation et les coûts primaires totaux ont été étudiés séparément.
Les peuplements initiaux issus de semences sont d'environ 10 pour cent moins rentables que les peuplements ultérieurs de futaie issus des mêmes porte-greffes.
Le revenu des coupes intermédiaires n'était pas pris en considération, l'expérience hongroise ayant montré que le produit des ventes était dans ce cas à peu près équivalent aux frais correspondants.
En raison de ses caractéristiques favorables et de ses multiples usages, le robinier a été planté aux Etats-Unis à grande échelle sur les terres agricoles abandonnées, pour la production de bois d'uvre et la lutte contre l'érosion. Sur les 170 millions de plants forestiers utilisés pour le reboisement de la vallée du Tennessee, 65 millions étaient des robiniers. Rien qu'en 1941 25 millions de plants ont été mis en place sur 5600 ha de reboisements.
Cette essence est également très utilisée pour le reboisement des mines à ciel ouvert. Dans les Etats du centre, 100000 ha avaient fait l'objet d'extraction de houille à ciel ouvert à la date de 1947, et 15000 ha avaient été reboisés. Depuis cette date le rythme d'exploitation ne s'est pas ralenti. On plante le robinier sur les terrains décapés par l'exploitation minière, en peuplements purs ou en mélange, pour combattre l'érosion et améliorer les sols. Selon les informations les plus récentes, on plante annuellement 200 ha en robinier.
En dehors des Etats-Unis, la grande plasticité du robinier et ses excellentes caractéristiques sylvicoles lui ont permis de se propager rapidement. C'est ainsi que:
· En Hongrie, c'est l'essence forestière à croissance rapide le plus largement répandue, occupant en 1976 19 pour cent de la superficie boisée totale, soit 271000 ha. On considère une essence comme étant «à croissance rapide»lorsque son accroissement annuel moyen excède 10 m³/ha (tableau 1).· En U.R.S.S. il y a environ 144000 ha de forêts de robinier, principalement situées dans certaines parties de la Moldavie et en Ukraine méridionale. Dans les républiques d'Asie centrale, on l'emploie pour les plantations dans les villes et les villages.
· En République fédérale d'Allemagne, il s'étend sur environ 3000 hectares.
· On recense également environ 3000 ha en République démocratique allemande, où des mines à ciel ouvert ont été reboisées avec succès.
· En Roumanie on trouve une superficie totale de peuplements de robinier de 100000 ha. Le grand centre de plantation est l'excellente région des sables de Calafat, où se trouve la plus grande forêt artificielle de robinier d'un seul tenant en Europe.
· En Tchécoslovaquie il y a 28000 hectares de forêts de robinier, concentrées principalement en Moravie méridionale, en Bohème centrale et en Slovaquie.
· En Yougoslavie les plantations de robinier couvrent 50000 ha. De nouvelles plantations sont prévues sur le plateau sableux du Deliblat.
· En République de Corée Robinia occupe plus de 100000 ha, on l'utilise principalement pour la production de bois de feu, la lutte contre l'érosion et l'affouragement. C'est pourquoi le robinier est largement répandu dans les régions agricoles.
· On dénombre 73000 ha de peuplements de robinier en Bulgarie (principalement dans la Dobroudja méridionale), où c'est l'essence exotique la plus utilisée dans les reboisements occupant 2,3 pour cent des superficies boisées totales.
· En France 100000 ha de robinier ont été inventoriés en 1979, concentrés dans le triangle Paris-Lyon-Belfort.
· En Argentine il y a environ 3000 ha de forêts de robinier, dont quelques plantations irriguées.
· L'Espagne possède quelque 3000 hectares de peuplements de cette essence.
1. Aire naturelle du robinier aux Etats- Unis
2. Machine à tamiser la couche supérieure du sol qui contient les graines de robinier:
a) Petit tracteur avec lame de terrassement
c) Tamis pour nettoyer les graines
3. Plants de robinier âgés d'un an dans la pépinière de Derecske
La demande annuelle de plants en Hongrie (Halmágyi et Keresztesi, 1975) s'élève à 25-30 millions d'unités, ce qui correspond à environ 2,5 t de semences. Les peuplements les plus âgés et les plus hauts se trouvent dans le district forestier sableux de Pusztavacs, qui peut fournir toutes les semences nécessaires. On y a construit une machine pour extraire les semences par tamisage des 10 cm supérieurs du sol, où elles se sont accumulées depuis des dizaines d'années.
Dans ce district on peut extraire environ 770 kg/ha de semences sous des peuplements de robinier âgés de 30 ans, chiffre qui correspond sensiblement à la production de 10 années de semences. On utilise, pour la préparation des graines dures de robinier avant le semis, des scarificateurs appropriés. L'élevage des plants de robinier ne présente pas de problèmes particuliers. La préparation du sol, la culture, la protection et l'arrachage des plants se font de la même manière que pour les autres essences. La taille minimale des plants est de 4 mm de diamètre, mesurée à 4 cm au-dessus du collet. Il est recommandé de trier les plants avant la mise en place, en deux catégories de diamètre, au-dessus de 8 mm et au-dessous, et de les planter sur des parcelles différentes.
En Bulgarie on produit annuellement 25 millions de plants.
En Hongrie les nouveaux peuplements de robinier sont créés par plantation, tandis que pour la régénération on pratique aussi bien la plantation que le taillis. La régénération par taillis étant moins coûteuse, on y recourt chaque fois que cela est possible.
Pour la régénération dans les régions sableuses, on concentre les opérations sur de grandes superficies exploitées à blanc. Le dessouchage se fait à l'aide d'une lame d'affouillement (grubber) et les souches sont ensuite andainées au bulldozer en rangs parallèles pour dégager les lignes de plantation. La préparation du sol est faite par un labour à 60-70 cm. La plantation se fait suivant un dispositif en carré et la culture mécanique du sol dans les deux sens se poursuit jusqu'à fermeture du couvert.
On dispose pour les parcelles exploitées à blanc d'un équipement mécanique moderne, comprenant un tracteur à chenilles S-100, une lame dessoucheuse de type K 1-A ou TK-1, des charrues forestières PP-50-PG et Nardi OODMR/F, des planteuses à un et à deux rangs SLC- 1 et ERTI, un tracteur à roues MTZ-50 et un tracteur à chenilles à voie étroite TL, et divers cultivateurs à disques.
Le choix de la méthode de taillis est déterminé par l'âge du peuplement. La durée de vie des arbres et des racines de robinier est estimée à environ 90 ans. Par conséquent, la régénération par taillis est possible dans les peuplements plantés, trois fois avec une révolution de 20 ans ou deux fois avec une révolution de 30 ans. L'emploi de la sous-soleuse ameublisseuse de type ERTl s'est avéré intéressant pour les taillis. Après enlèvement des rémanents, on fait passer cet outil qui travaille le sol sur 80 cm de large et 70 cm de profondeur, à intervalles de 1,5 à 2,5 m. Lorsqu'elle rencontre une souche, la lame passe par-dessus mais les racines sont sectionnées par les ailes de l'outil. Il se produit en même temps une aération du sol, améliorant les conditions de végétation du recrû. La puissance de traction nécessaire pour la sous-soleuse est d'environ 90 ch pour les tracteurs à roues (type D-4K-B), ou 75 ch pour les tracteurs à chenilles (DT-75), la capacité quotidienne de travail variant de 3 à 5 hectares.
On plante également le robinier en mélange. Il prospère particulièrement sur les sols de sables calcaires secs oligotrophiques de la région des sables entre Danube et Tisza où, au cours des dernières décennies, on a créé environ 30000 ha de peuplements de pin sylvestre et pin noir d'Autriche en mélange avec le robinier. Dans les peuplements de pins purs sur ces sols il se forme une litière sèche qui retarde la décomposition des aiguilles. Par contre, dans les peuplements de pins en mélange avec le robinier la décomposition est accélérée, activant le cycle des éléments nutritifs et fixant ainsi l'azote dans le sol. Selon l'expérience des ingénieurs forestiers, les peuplements mélangés de pin et robinier donnent des pins plus sains et plus vigoureux.
4. Collecte de graines dans le verger semencier d'Albertirsa
6. Multiplication à partir de boutures racinées:
c) Boutures prenant racine dans des sacs en papier d'aluminium
d) Arbre de deux ans, d'environ 5 m de haut, issu d'une bouture racinée
5. Boutures vertes prêtes à être racinées:
b) Nébulisation et réchauffement du sol en serre avec feuilles d'aluminium
L'installation et l'entretien des peuplements forestiers sont réglés en Hongrie par ce qu'on appelle des «modèles culturaux» (Kiss, Faragó et Kapusi, 1977). Ceux-ci quantifient la synchronisation entre étapes des processus biologiques et travaux sylvicoles programmés, en temps et en paramètres de peuplement.
Le modèle cultural normalisé pour le robinier (tableau 1), établi en 1976, contient des données sur les paramètres de structure des peuplements et de rendement les plus importants pour les coupes d'entretien et les coupes intermédiaires et définitives selon quatre classes de productivité potentielle (A, B. C, D) (Kiss, Faragó et Kapusi, 1977).
Tableau 1. Robinier et peuplier en Hongrie
|
m³/ha |
t/ha |
Peuplier euraméricain |
17,09 |
7,01 |
Robinier, futaie |
8,76 |
6,39 |
Robinier, taillis |
6,80 |
4,96 |
Un modèle sylvicole renferme les principes rationnels modernes de culture du robinier avec un mode de régénération par coupes progressives uniformes. Les interventions dans les peuplements sont réduites au minimum. Les tables indiquent en général deux opérations d'entretien et trois, deux, une ou aucune coupe intermédiaire, selon la classe de productivité. D'où des coupes sévères. Dans les groupes A et B le peuplement définitif comprend un nombre de tiges à l'hectare bien plus faible que la normale, parce que l'on cherche à produire des grumes de sciage de dimensions exigées par l'industrie. L'âge d'exploitation a donc été sensiblement relevé dans les meilleures classes de productivité. L'application du modèle permet d'espérer un accroissement appréciable du rendement en bois d'uvre déjà d'ici à 15-20 ans. Dans le groupe A, par exemple, on pourra obtenir un diamètre de 32 cm à 40 ans, avec 350 tiges/ha et un volume sur pied de 400 m³/ha. Pour atteindre ces objectifs, il faut commencer la sélection des meilleures tiges en même temps que les opérations d'entretien et d'élagage.
Il faut s'attendre à des résultats différents selon les régions. C'est ainsi qu'en République de Corée la croissance du robinier est remarquable, comme le montre le tableau 2.
Tableau 2. Croissance du robinier en République de Corée
Age |
Diamètre moyen à hauteur d'homme |
Hauteur moyenne |
Volume moyen |
Nombe de tiges/ha |
Volume/ha |
Accroissement annuel moyen |
|
cm |
m |
m³ |
|
m³ |
m³ |
12 |
15 |
16,4 |
0,15 |
1143 |
165,89 |
13,82 |
36 |
30 |
25,8 |
0,91 |
508 |
463,30 |
12,87 |
44 |
40 |
26,8 |
1,68 |
508 |
855,66 |
19,45 |
Source: Forêt expérimentale de Kwangnung, République de Corée.
En Hongrie, par contre, on estime que sa croissance se ralentit tellement après 35 ans, qu'il n'est pas souhaitable de maintenir le peuplement au-delà de cet âge.
Le facteur non biotique plus dangereux en Hongrie est le gel. auquel le robinier, essence exotique, est sensible. Les dommages dus au froid sur les jeunes pousses et les tumeurs cancéreuses sont fréquents. Dans les trous à gelée ou les stations défavorables, les arbres se rabougrissent sous l'effet de gels répétés. La croissance en hauteur et en diamètre est ralentie, et divers parasites et maladies secondaires attaquent les arbres.
Par ailleurs, les branches du robinier étant fragiles et son bois se fendant facilement, les arbres subissent fréquemment des bris de vent, de neige et de verglas.
Les ennemis vivants, surtout des insectes et des mammifères, sévissent en particulier dans les pépinières et dans les reboisements. En raison du potentiel élevé de régénération de l'essence, les dégâts aux racines (vers blancs et autres larves), ainsi que ceux à la tige et aux feuilles (puceron du chanvre, agrotis des moissons, lapins), n'ont pas d'effet durable sur la croissance.
Le diaspis du robinier (Lecanium corni Bache) est un parasite secondaire, qui apparaît en grand nombre dans les peuplements souffrant de dommages dus à d'autres facteurs, surtout non biotiques. tels que le gel, des conditions de station défavorables ou un éclairement insuffisant.
Les principales maladies détruisant le bois sont Fomes fraxineus (Fr.) Cooke, Grifola sulphurea (Bull) Pil. et Phellinus robustes (Karst.) B. & G. La première apparaît sporadiquement, mais peut causer des dégâts considérables, tandis que les deux autres affectent principalement des arbres de bords de route déjà endommagés. La meilleure prévention contre ces maladies cryptogamiques est d'éviter les blessures mécaniques à la tige et aux racines. Ces blessures sont fréquentes dans les peuplements de taillis, dans les forêts pâturées et sur les troncs élagués.
7. Régénération de foréts de robinier par rejets:
b) Bandes préparées par la sous-soleuse
8. Variété de robinier "Ulloi":
9. La variété de robinier "Szajki" est fort demandée: a) et
9. La variété de robinier "Szajki" est fort demandée: b) Arbres plus
10. Multiplication d'arbres plus par greffage:
11. Essai de clones à Gödöllö, Hongrie:
a) Cv. 'Jászkiséri', âgés de 15 ans
b) Cv. 'Pénzesdombi', âgés de 14 ans
c) R. ambigua decaisneana cv. 'Rose-AC', âgés de 12 ans
d) Parcelle témoin âgée de 15 ans
En 1975, on a coupé en Hongrie 1386300 m³. de robinier. Le diamètre moyen à hauteur d'homme (sur écorce) des coupes définitives était de 17,6 cm, celui des éclaircies de 11,9 cm. Le tableau 3 montre les divers usages du bois de robinier.
Les études techniques montrent que le bois de robinier est très dur et de densité moyenne. Il est stable, et durable même dans des conditions extrêmes d'exposition aux produits chimiques, à l'humidité et à la chaleur. Ses bonnes caractéristiques mécaniques en favorisent l'utilisation industrielle, celle-ci étant toutefois gênée par le faible diamètre actuel des grumes et par des tiges souvent tortueuses, ainsi que par des chicots de branches et des pourritures du cur.
La couleur du bois est vert-jaune, mais elle peut être altérée par le traitement à la vapeur à pression normale ou haute. Les nuances possibles sont: vert-jaune, jaune d'or, brun-jaune, brun clair (couleur chêne), brun foncé. Le traitement à la chaleur permet de le travailler plus facilement et réduit l'hygroscopicité et le retrait, mais diminue la résistance mécanique. Le séchage se fait bien.
Les grumes saines d'un diamètre suffisant peuvent être utilisées pour le déroulage. Par traitement à la vapeur à 1-2 atm, on peut obtenir des nuances jaunes, brunes ou presque noires d'une qualité très uniforme.
Dans l'industrie des panneaux de fibres, le robinier est surtout traité selon des procédés à sec. Dans des essais à échelle semi-industrielle effectués à l'usine de panneaux de fibres de Mohacs en Hongrie, on a produit des panneaux de bonne qualité avec un procédé humide légèrement modifié, à partir de copeaux de robinier pur obtenus avec une coupeuse-déchiqueteuse Morbak TL-22. Le prix de revient était le même que pour les essences traditionnelles. L'emploi du robinier comme matière première pour les panneaux de fibres permet d'utiliser industriellement les peuplements de moyenne et basse qualité. On peut également l'employer en mélange pour les panneaux de particules.
La fabrication de pâte de robinier pour l'industrie de la cellulose n'est pas rentable. Par contre le bois se prête à la carbonisation et à la distillation à sec.
On peut fabriquer des charpentes modernes en utilisant des planches de robinier collées et jointes par aboutage à entures multiples, on les a employées pour la première fois pour des bâtiments agricoles (Erdélyi, 1976).
Les pieux de robinier se vendent bien pour les vignobles et les vergers. Le bois peut également être utilisé en tonnellerie.
Dans l'industrie du meuble, le bois de robinier est employé sous forme naturelle ou étuvée pour divers éléments. Il est de plus en plus apprécié pour la fabrication d'articles de sport, en raison de ses excellentes propriétés mécaniques.
Sa durabilité et ses qualités esthétiques le rendent propre à la parqueterie ainsi qu'aux revêtements muraux. Dans les mines on l'utilise pour les étais et les planches. Le robinier, enfin, est apprécié comme bois de feu en raison de sa valeur calorifique élevée et de sa bonne combustibilité même à l'état humide.
Tableau 3. Utilisations du bois de robinier en Hongrie
Catégorie |
Milliers de m3 |
% |
Grumes de sciage et de placage |
146,3 |
10,5 |
Autres bois de scierie |
169,6 |
12,2 |
Bois de mine et pieux |
73,7 |
5,3 |
Bois à pâte |
69,4 |
5,0 |
Bois pour panneaux de fibres et de particules |
32,6 |
2,4 |
Autres bois d'uvre et d'industrie |
164,7 |
11,9 |
Total bois d'uvre et d'industrie |
656,3 |
47,3 |
Bois de feu, gros diamètre |
604,1 |
43,6 |
Bois de feu petit diamètre |
125,9 |
9,1 |
Total, volumes abattus sous écorce |
1386,3 |
100,0 |
Note: Le diamètre moyen sur écorce à hauteur d'homme dans les coupes définitives était de 17,6 cm, et dans les éclaircies de 11,9 cm. En 1975, année à laquelle correspondent ces chiffres les volumes totaux de robinier exploités en Hongrie ont été de 1386 300 m³.
13. Exploitation du robinier:
a) Abattage à la scie à moteur
14. a) et b): Construction avec des panneaux de robinier à jointage en doigts et collés
14. a) et b): Construction avec des panneaux de robinier à jointage en doigts et collés
15. Construction du toit de la station thermale d'Harkány, conçue et réalisée par l'Institut hongrois de recherche pour l'industrie du bois:
b) Voûtes d'une portée de 37 m faites de robinier collé et lamellé
Le miel est le plus important produit mineur que permet de produire le robinier. Celui-ci constitue en fait la base de la production commerciale de miel en Hongrie. De 1885 à 1970, les superficies occupées par le robinier ayant augmenté, cet arbre est devenu la principale ressource pour l'apiculture. Sans lui l'apiculture commerciale ne pourrait exister, du fait de la mécanisation généralisée et de l'emploi de produits chimiques dans l'agriculture actuelle.
Dans les bonnes années de floraison du robinier, les deux tiers de la production annuelle de miel, qui est de 10000 t, sont du «miel d'acacia», caractérisé par sa couleur jaune et la douceur de son goût. La cristallisation ne se produit que très lentement, parfois des années après.
C'est dans les peuplements âgés de 10 à 20 ans que le rendement en miel est le plus élevé; il est moindre dans les peuplements plus jeunes ou plus âgés. La valeur du miel récolté même dans un peuplement à faible rendement d'une quarantaine d'années, à un taux d'intérêt de 3 pour cent, s'élève à 30622 forints/ha, ce qui signifie que la production de miel peut couvrir le coût élevé d'une plantation faite avec des plants de pépinière. (A titre indicatif, le taux de change touristique du forint était en 1979 de 20,31 FOR pour 1 $ U.S.).
Le principal avantage de l'apiculture n'est cependant pas le miel lui-même, mais le bénéfice indirect de la pollinisation par les abeilles. On a estimé que le surcroît de production de fruits et de graines obtenu grâce aux abeilles s'élevait à 3 milliards de FOR par an. De toute évidence, il faut pour cela que les abeilles disposent d'une forêt de robinier pour butiner.
En République de Corée le feuillage du robinier sert de fourrage (Dong Am Kim; Hwang Yung Koo et al.). Réduit en farine et mélangé à raison de 30 pour cent au son de riz, il sert à l'alimentation des porcs. Dans celle des poulets, il peut remplacer la luzerne. On utilise pour cet usage un robinier tétraploïde, le clone Robinia pseudoacacia 'Gigas', qui a des feuilles trois fois plus grandes contenant 1,4 fois plus de protéines que les robiniers diploïdes normaux.
Depuis son introduction en Hongrie au dix-huitième siècle, le robinier est utilisé non seulement comme essence forestière, mais également pour la création de boqueteaux, de bandes boisées, de rideaux-abris et pour agrémenter les alentours des fermes et des agglomérations rurales. Au début les grands propriétaires l'introduisirent dans leurs domaines pour planter de grandes étendues de sables mouvants, mais bien vite il devint l'arbre favori des paysans hongrois. Ce peuple de grandes plaines presque nues découvrit l'arboriculture grâce à lui.
En Bulgarie il n'y a pratiquement pas de village ou de ville qui n'ait ses plantations d'alignement de robinier, non seulement pour ses fleurs décoratives mais aussi parce qu'il tolère bien l'élagage.
En République populaire de Chine, le robinier fut planté tout d'abord dans la presqu'île de Shantung entre 1900 et 1918. Depuis lors il s'est largement propagé le long du fleuve Jaune au nord et dans la vallée du Yangtsé au sud. Dans ces régions on le rencontre partout en rideaux-abris et en boqueteaux au milieu des terres agricoles. Bien acclimaté, il y joue un rôle important dans les reboisements de protection et dans la lutte contre l'érosion.
Du fait de son installation relativement facile et de sa large gamme d'utilisations économiques, esthétiques ou écologiques, le robinier apparaît comme une essence quasi idéale pour les pays en développement au climat tempéré ou méditerranéen et aux sols appropriés. Il convient particulièrement bien pour la foresterie rurale. C'est en vérité un arbre qui depuis longtemps a fait ses preuves et qui promet donc d'être aussi très utile pour bien des régions du monde.
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16. Fabrication de poteaux en robinier pour vignoble
18. Usine de traitement du robinier, Société forestière Felsotisza, à Haiduhadhaz, Hongrie:
d) Grumes déroulées et produits finis
19. Production de l'usine de Hajduhadhaz:
c) Eléments pour bâtiments agricoles
20. Robinier âgé de 194 ans, à Budapest, devant l'Académie des sciences
Tous les clichés ont été pris par les photographes de ERTI, Istvan Michalovszky et René Jérôme, à l'exception des numéros 15 a et b. qui sont dus à Janosné Molnar, FKI.