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Rentabiliser la force des nombres dans la lutte contre la faim, de statisticien en statisticien


Investir dans les femmes et les hommes jeunes d’Afrique pour améliorer les données agricoles nationales

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Associant la théorie et la pratique, la Stratégie mondiale d’amélioration des statistiques agricoles et rurales, dirigée par la FAO, offre des bourses d’études pour former la génération suivante de statisticiens de l’agriculture. ©FAO/Hug Tiadji

13/03/2024

Lorsqu’on évoque le travail des statisticiens, l’image d’étendues cultivées et de pâturages ne vient pas naturellement à l’esprit, mais en fait, les statistiques agricoles sont indispensables pour comprendre les réalités de l’insécurité alimentaire sur le terrain et y apporter des solutions, et il est nécessaire de disposer de professionnels plus nombreux dans ce domaine pour améliorer la productivité alimentaire et la production durable dans le monde et éliminer la faim. Bien qu’ordinairement sous-représentés, les jeunes Africains, et les femmes en particulier, s’emploient aujourd’hui à combler les lacunes dans les données dans la perspective de mieux définir les contours de l’agriculture en Afrique.

Ayant traversé les savanes verdoyantes de Côte d’Ivoire, Désirée Christelle et Deborah Conan arrivent dans la région de Dabou, plus précisément dans le village de Konou, dans le cadre d’un programme de master en statistiques agricoles relevant du Programme de la Stratégie mondiale pour l’amélioration des statistiques agricoles et rurales (GSARS). Dirigé par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et bénéficiant du soutien de la Fondation Bill & Melinda Gates et de l’Union européenne, ce programme est une initiative de longue haleine visant à permettre la production de statistiques agricoles plus complètes et de meilleure qualité dans les pays en développement.

Le village de Konou est particulièrement renommé pour ses hévéas, ses palmiers et sa production de manioc, et Désirée et Deborah ont appris à connaître l’activité agricole qui se cache derrière les chiffres.

«Les rendements sont-ils aussi bons qu’avant? Qu’est-ce qui a changé dans la productivité?», demande Désirée à un groupe d’agriculteurs locaux.

Leurs réponses aideront ces deux jeunes statisticiennes de l’agriculture à apprendre comment la théorie statistique s’applique à la production et aux rendements de l’agriculture telle qu’elle se pratique.

Le rendement est un paramètre quantitatif d’importance déterminante pour les agriculteurs et les agronomes, mais aussi pour les statisticiens, qui en tirent des données sur la réussite d’une culture. Des rendements élevés signalent des usages agricoles productifs et efficaces.

Or, pour bien connaître un rendement, on doit savoir comment une culture est produite et récoltée dans les faits. Aux côtés d’homologues de différentes parties de l’Afrique, Désirée et Deborah sont là pour observer comment le latex est recueilli par les arboriculteurs et comment se mesure cette production. Pour ce faire, ils doivent connaître le travail de «saignée» de l’hévéa.

Muni d’une machette, l’exploitant commence par «saigner» l’écorce de l’arbre en y pratiquant une incision pour récolter le latex. Cette sève laiteuse qui s’écoule du tronc est recueillie dans des godets avant d’être transformée pour fabriquer différents produits en caoutchouc.

À l’issue de cette démonstration, Ankouvi Nayo, un statisticien de la FAO, enseigne aux étudiants comme mettre en place des «placettes de rendement» où se mesurent les niveaux de récolte par arbre, cette technique pouvant être appliquée à d’autres produits comme le cacao et la noix de cajou. En associant la théorie et les mécanismes à l’œuvre sur le terrain, les jeunes statisticiennes peuvent procéder à leurs calculs.

«Les chiffres sont des outils indispensables pour améliorer le monde agricole. Les chiffres dirigent les décisions et ne trompent pas», affirme Déborah.

Pour des statisticiennes de l’agriculture, comme Deborah et Désirée (à gauche), il est essentiel de savoir comment sont pratiquées les récoltes des cultures qu’elles étudient. ©FAO/ Hug Tiadji

Deborah et Désirée sont des agronomes ivoiriennes. L’idée d’embrasser cette carrière est venue à Deborah au contact de ses grands-parents, qui sont producteurs de cacao, et cette vocation a été inspirée à Désirée par la vue de semences en germination, alors même qu’elle est une enfant des villes.

Au bout du compte, leur désir intense d’aider leur pays les a toutes les deux conduites à l’École nationale supérieure de statistique et d’économie appliquée (ENSEA) d’Abidjan, où elle se sont rencontrées. Elles préparent à présent un master de statistiques agricoles. Ce programme est conçu pour fournir aux jeunes statisticiens africains une formation de pointe leur permettant d’améliorer la qualité des statistiques agricoles dans leurs pays respectifs.

La FAO, aux côtés de son partenaire la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, offre des bourses d’études à des candidats de pays africains qui leur permettent de suivre ce programme de master d’un an, hautement compétitif.

Ce programme comporte une expérience d’immersion, qui combine l’acquisition de connaissances théoriques à des applications pratiques, conçues pour répondre aux difficultés spécifiques auxquelles est confronté le secteur agricole. Les enseignements figurant au programme couvrent une gamme de sujets, de la collecte et de l’analyse des données à la mise en œuvre de pratiques durables et l’exploitation des technologies.

«Ce que j’aime le plus dans mon travail est d’aller à la source, pour recueillir les informations auprès des producteurs, les traiter et voir les résultats. Et l’impact que cela pourrait avoir sur la durabilité et sur mon pays», explique Deborah. «Cela permet aux dirigeants de mon pays de prendre des décisions bien éclairées, tant pour le développement de la nation que pour le bien-être des producteurs eux-mêmes.»

En effet, les statistiques sur l’agriculture sont d’une importance déterminante pour améliorer la production, mais aussi pour l’élaboration des politiques, l’affectation des ressources et la planification commerciale. Elles aident ainsi les gouvernements à formuler des stratégies pour la sécurité alimentaire, le développement rural et la durabilité.

La FAO promeut activement l’importance des statistiques agricoles, en aidant les États membres à renforcer leurs systèmes statistiques, en encourageant les pratiques optimales et en soulignant le rôle des données fiables dans la réalisation de la sécurité alimentaire et de la durabilité de l’agriculture. Sans données fiables, il est difficile de connaître les réalités sur le terrain, de savoir si les rendements agricoles augmentent ou diminuent et si cela a un impact sur la faim dans les communautés locales.

«Depuis 2012, la FAO est fière d’héberger la Stratégie mondiale pour l’amélioration des statistiques agricoles et rurales afin de remédier à l’affaiblissement des systèmes de statistiques agricoles dans de nombreux pays en développement. Les bourses d’étude en sont l’une des composantes», explique Mme Neli Georgieva Mihaylova, Statisticienne principale à la FAO et Coordonnatrice du programme GSARS.

En 2023, des bourses d’étude ont été offertes à 48 étudiants de 24 pays africains pour ce programme de master, qui ont obtenu leur diplôme. Parmi ceux-ci, 43 pour cent étaient des femmes.

Les statistiques agricoles sont essentielles pour connaître les réalités de l’insécurité alimentaire sur le terrain et y apporter des solutions. Davantage de professionnels sont nécessaires dans ce domaine. ©FAO/Hug Tiadji

Dans un monde où les femmes continuent d’être fortement sous-représentées dans les domaines scientifiques, la FAO s’emploie à corriger les disparités de genre dans l’accession aux ressources, à l’enseignement, et aux perspectives de carrière dans le secteur agricole.

«Plus les femmes seront armées pour occuper des postes de direction dans le domaine des statistiques, plus elles pourront apporter des améliorations à nos réalités», déclare Deborah.

«Grâce à nous, les statisticiens agronomes nouvellement formés, il devient possible fournir des chiffres qui permettront à nos décideurs politiques de prendre des décisions éclairées en fonction de l’état réel de nos terres et des informations que nous recueillons. C’est donc assez important», ajoute Désirée, qui invite tous les autres curieux de statistiques agricoles à ne pas hésiter à se lancer dans ce domaine.

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