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3. LA REPRODUCTION NATURELLE CHEZ LE POISSON

3.1 Véritable sens de la reproduction

Comme tout organisme vivant, le poisson, pour pouvoir survivre et prospérer, doit être adapté à son milieu. L'apogée de cette lutte pour l'existence se matérialise dans son aptitude à procréer avec succès plusieurs fois au cours de son cycle vital et à multiplier la population de son espèce. La survie d'effectifs suffisants de cette descendance, face aux innombrables facteurs hostiles du milieu, est la clé de la réussite du jeune frai, qui, à ce stade, est extrêmement faible et des plus vulnérables.

3.2 Biologie de la reproduction

Les habitudes de fraie représentent pour le poisson la modalité d'adaptation à son milieu la plus essentielle, car c'est d'elle que dépend la survie de l'espèce. Pour que la reproduction réussisse, l'emplacement où le poisson lâche ses oeufs (la frayère) doit réunir les conditions optimales d'oxygénation, de température, de nourriture, etc., et doit être quasiment indemne d'ennemis. Les poissons qui n'ont pas été capables de trouver de telles conditions de fraie ont été progressivement éliminés.

Tout poisson se conforme à des habitudes de fraie selon des règles plus ou moins prédéterminées, liées à un certain type de protection parentale. Ce souci, chez quelques espèces, est à peine décelable, alors que chez d'autres il est extrèmement développé, auquel cas c'est l'un des parents ou tous les deux qui prennent soin des oeufs, des larves et des juvéniles. Dans chaque espèce, la nature de ces habitudes de frai est déterminée par l'âge ou l'époque de la maturité sexuelle, la saison et l'emplacement de la reproduction, le degré de protection parentale (Fig. 1).

3.2.1 Age de la maturité sexuelle

Certains poissons comme les Tilapia spp deviennent sexuellement matures en peu de mois, tandis que d'autres ne le sont qu'au bout de quelques années. La maturité sexuelle dépend de plusieurs facteurs. Elle est retardée sous les climats froids, accélérée dans un environnement plus chaud: aspect qu'illustrent parfaitement la carpe commune et les carpes chinoises. La carpe commune est habituellement mature dès sa première année dans les régions tropicales et subtropicales, tandis qu'elle ne le devient qu'au bout de trois ans en Europe centrale et de quatre ans en Europe septentrionale. Quant aux carpes chinoises, leur maturité sexuelle survient dans leur seconde ou troisième année (parfois même dès la première) dans les régions tropicales et subtropicales, alors que, en Europe, elles peuvent atteindre jusqu'à cinq ou sept ans et atteindre le poids de 5 à 10 kg. C'est un fait connu que les poissons qui se reproduisent deux ou trois fois par an sont sexuellement plus précoces que les géniteurs à reproduction saisonnière, qui ne frayent qu'une fois par an à une époque déterminée.

Tableau 1
Poissons d'un élevage courant, en étangs d'eaux douce chaude et tempérée

FamilleEspèceaDistribution naturellePays/région d'élevageType d'alimentationMode de fraieRemarques
1. AcipenséridésHybride de Huso huso (Hucho hucho, Acipenser ruthenus (Esturgeon)Cours d'eau d'Europe orientale se jetant dans la mer Noire et dans la CaspienneURSS et Europe orientaleSe nourrit au fondbPeut être reproduit artificiellementAtteint une bonne croissance en étangs bien oxygénés
2. ChanidésChanos chanos (Milkfish)Mer de la région indo-pacifiqueInde et Extrême OrientHerbivore, se nourrit de petits végétaux, d'algues filamenteuses et de détritus; aussi de petits animauxSe reproduit en merb- oeufs pélagiquesTolère de gros écarts de température et de salinité; bonne croissance en eau douce. Jeune frai et alevins peuvent être recueillis dans les eaux côtières
3. PlecoglossidésPlecoglossus altivelis (Ayu)Mers et eaux douces de Japon, Corée et ChineJaponHerbivore, se nourrit de diatomées, d'algues bleu-vert et d'algues attachées à des galets sur le fond des cours d'eauSe reproduit dans les biefs inférieurs des rivièresOeufs adhérents minuscules qui éclosent en 10 à 24 jours
4. Corégonidési) Coregenus peled (Peled, “Syrok”)Lacs et rivières de Sibérie (URSS)URSSSe nourrit de zooplanctonSe reproduit en rivièreb pendant l'hiver, sur fonds graveleux ou sableuxTolère températures extrèmement froides
ii) C. lavaretus (lavaret)Europe septentrionaleTchécoslovaquieZooplanctonSe reproduit l'hiver dans des lacs d'eau profondeElevage limité, car demande élevée en oxygène et tolérance thermique mediocre
iii) C. marena
5. Anguillidési) Anguilla anguilla (Anguille comune)Eaux littorales Europe et Méditerranée, cours d'eau côtiers et lacs accessiblesEuropeCarnivoreSe reproduit en merbPoisson catadromeb, larves récoltées dans les estuaires; de plus en plus utilisé en élevage intensif. Reproduction artificielle pas encore réalisée
ii) A. japonica (Anguille japonaise)Japon, Chine et Viet NamJapon et ChineCarnivoreSe reproduit en merbIdem A. Anguilla en ce qui concerne la migration, la reproduction, l'élevage, etc.
6. Characidési) Colossoma spp.Bassins de l'Amazone et de l'Orénoque en Amérique du sudVenezuela, Colombie, Pérou, Equateur et BrésilOmnivore, se nourrit dans la masse de hauteur d'eau Se reproduit en rivièrebCroissance rapide. Alevins de collecte facile dans les zones inondées adjacentes des cours d'eau. Reproduction induite sera probablement réalisée prochainement
ii) Mylossoma spp.
iii) Brycon spp.
7. AnastomidésLeporinus copelandi (Piava) et autres espècesCours d'eau d'Amérique du sudAmérique du sudOmnivoreSe reproduit en rivièreA été reproduit par hypophysation au Brésil
8. Prochilodontidési) Prochilodus argenteus (Curimata pacu)Bassin de l'AmazoneBrésilOmnivore, se nourrit au fondSe reproduit en rivière, a des oeufs flottants non adhérentsPeut être reproduit par hypophysation
ii) P. marias (Coporo)Bassin de l'OrénoqueVenezuelaSe nourrit de détritusSe reproduit en rivièrePeut être reproduit par hypophysation; croissance rapide
9. Citharinidési) Citharidium spp.Cours d'eau Congo et du du Nigeria-Se nourrit de détritusSe reproduit dans les cours d'eauElevage pratiqué en Afrique
ii) Citharinus spp.
iii) Distichodus spp.
10. Catastomidési) Catastomus Commersonii
(cyprin sucet, ou carpe d'Amérique du nord)
Amérique du nord Amérique du nordSe nourrit sur le fondSe reproduit en rivière; fraie au printemps en eau peu profonde autour de creux graveleux oeufs enfouis dans cailloutis meublePeu cultivé; aime les eaux claires; peut être reproduit par pression abdominale et fécondation à sec
ii) Ictiobus bubalus (poisson-buffle à petite bouche)Amérique du nordEtats-UnisSe nourrissent sur leReproduction sur plantes aquatiques immergées dans terrains inondés (comme la carpe ordinaire); peuventêtre également mis en étangs de reproductionNe sont cultivés qu'occasionnellement, comme poisson d'appoint dans les bassins à poissons-chats
iii) I. cyprinellus (poisson-buffle à grosse bouche)
iv)I. Niger
(black buffalo)
11. Cyprinidési)Cyprinus carpio
(carpe commune)
De l'Europe à la ChineMonde entierOmnivore, se nourrit principalement sur le fondReproduction sur plantes aquatiques immergées en terrain fraîchement inondé ou en étangs Se reproduit en rivière. Peut être reproduit par hypophysationCroissance rapide. Techniques de reproduction artificielle et semi-artificielle employées à grande échelle
ii)Ctenopharyngodon idella
(carpe chinoise)
Sibérie et Chine (fleuve Amour)Nombreux pays dans le monde entierHerbivore, se nourrit de plantes aquatiques immergées et flot tantes, également de graminées terrestres, verdure diverse et d'aliments artificiels Croissance rapide. Pisciculture possible en zones tropicales et tempérées. Utile en polyculture et pour la lutte biologique contre la végétation aquatique
iii)Hypophthalmichthys molitrix
(carpe argentée)
Sibérie et Chine
(fleuve Amour)
Nombreux pays dans le monde entierSe nourrit de phytoplancton; dans la masse de la hauteur d'eauSe reproduit en rivière. Peut être reproduit par hypophysationCroissance rapide; utile en polyculture; grande tolérance thermique
iv)Aristichthy nobilis
(carpe à grosse tête)
Sibérie et Chine
(fleuve Amour)
Nombreux pays dans le monde entierSe nourrit de grosses algues et de zooplancton, dans la masse de la hauteur d'eauSe reproduit en rivière. Peut être reproduit par hypophysationCroissance rapide; utile en polyculture, grande tolérance thermique
v)Mylopharyngodon piceus
(Carpe noire)
Chine méridionale et centraleMalaisie, Viet Nam, Thaïlande et JaponSe nourrit de petits escargotsSe reproduit en rivière. Peut être reproduit par hypophysationCroissance rapide, utile en polyculture, grande tolérance thermique
vi)Cirrhinus molitorella
(carpe de vase)
Chine méridionale et centraleChine, Taïwan, Thaïlande et MalaisieEboueurSe reproduit en rivière. Peut être reproduit par hypophysationCroissance rapide, utile en polyculture, grande tolérance thermique
vii)Megalobrama amblicephala
(brème de Wuchan)
Cours d'eau chinoisChineLes jeunes se nourrissent de planctons, les adultes sont herbivoresSe reproduit en rivièreCultivé en Chine en mélange avec les grandes carpes chinoises
viii)Parabramis pekinensis
(Brème “white amour”)
Cours d'eau chinoisChineLes jeunes se nourrissent de planctons, les adultes sont herbivoresSe reproduit en rivière 
ix)Catla catla
(catla)
Cours d'eau de l'IndeBangladesh, Inde, Pakistan, Birmanie, Népal, Malaisie et autres pays d'Extrême-OrientSe nourrit de plancton de surface, surtout de zooplanctonReproduction en zones inondées; peut être introduit par hypophysationCroissance rapide; de grandes quantités de pontes et d'alevins de toutes ces espèces de grandes carpes indiennes sont régulièrement recueillies dans les cours d'eau; constituent la base de la pisciculture indienne
x)Labeo rohita
(rohu)
idemidemSe nourrit dans la masse de la hauteur d'eau, aussi de matière végétaleidemidem
xi)Cirrhinus mrigala
(mrigal)
idemidemBenthique; omnivoreidemTaux de croissance moyen
xii)Labeo calbasu
(kalbasu)
idemidemOmnivore; se nourrit aussi de détritusidemTaux de croissance moyen
xiii)Puntius spp.
(P. javanicus,
P. gonionotus,
P. carnaticus,
P. belinka,
P. Ophoïdes et P. schwanefeldi
Rivière et autres plans d'eau douce en Extrême-OrientIndonésie, Malaisie, Thaïlande, Inde, etc.OmnivoresCertaines espèces se reproduisent en rivière, d'autres aussi en étangs; peuvent être reproduits artificiellementTaux de croissance moyen
xiv)Tinca tinca
(tanche)
Europe et Sibérie occidentaleEurope, Inde, Indonésie, Japon et AustralieOmnivores, alimentation benthiqueSe reproduit en étang; peut être reproduit artificiellementCultivé en association avec la carpe dans les étangs d'Europe
xv)Tor tor
(Mahseer)
Inde et NépalIndeOmnivoreSe reproduit en rivière; peut être reproduit artificiellementUtilisé actuellement surtout pour le réempoissonnement des rivières
xvi)Osteochilus hasselti
(nilem)
Extrême-OrientIndonésie, Malaisie et ThaïlandeSe nourrit de phytoplancton et de feuilles tendres ou décomposées de végétaux supérieursSe reproduit normalement dans les lacs et rivières; se reproduit aussi dans des étangs spéciaux à fort courant d'eauCultivé en Extrême-Orient
12. SiluridésSilurus glanis
(grand silure, ou glane, d'Europe centrale)
Bassin du Danube, EuropeEuropeCarnivoreSe reproduit en eaux fermées. Aussi artificiellementUtilisé dans les étangs à carpe européens comme poisson carnivore. Alevins et juvéniles délicats à élever
13. IctaluridésIctalurus punctatus
(ictalure tacheté)
Amérique du nordEtats-Unis et pays d'Amérique centraleCarnivore et aussi omnivore; accepte facilement alimentation en boulettesSe reproduit en zones inondées; peut être induit pour reproduction en eaux fermées, en fournissant réceptacle par oeufs, ou par hypophysationConvient à la pisciculture intensive et surintensive
14. Claridési)Clarias batrachus (magur)Asie du sud-est et sous-continent indienThaïlande, Inde, Pakistan, Malaisie et Viet NamSe nourissent de zooplancton au début de leur cycle biologique, pour devenir ensuite omnivores éboueursSe reproduisent en eaux fermées; la reproduction naturelle peut être stimulée en creusant des trous de 20 à 30 cm de diamètre près des berges; l'hypophysation provoque facilement la reproductionPossèdent dans leurs cavités branchiales des organes ramifiés qui leur permettent de respirer l'air extérieur et donc de survivre dans une eau pauvre en oxygène, en restant plusieurs heures hors de l'eau
ii)  C. macrocephalus
iii)C. lazeraAfriqueAfriqueOmnivorePeut se reproduire par hypophysationidem
iv)Heteropneustes fossilis
Singhi)
Inde, Pakistan, Sri Lanka, Birmanie, Thaïlande, Kampuchea et BangladeshInde et PakistanCarnivoreSe reproduit en étangs; artificiellement aussi par hypophysationidem
15. Pangasidési)Pangasius sutchi
(Pla swaï: poissonchat d'Asie
Sud-est asiatiqueThaïlande et Viet NamCarnivore en eaux libres, omnivore en étangSe reproduit en rivière; peut être reproduit par hypophysation 
ii)P. pangasius (Pangas)Inde et BangladeshIndeOmnivore, mange à peu près n'importe quoi, avec préférence pour les mollusquesSe reproduit en rivièrePeut être utilisé en polyculture
16. EsocidésEsox lucius (Brochet)Europe, Asie et Amérique du nordEurope et Amérique du nordCarnivoreSe reproduit en rivière; peut être multiplié sous contrôle à partir d'oeufs récoltés sur des reproducteurs sauvages; reproduction induite également pratiquée, avec succès modéréExcellent poisson de pêche sportive
17. Anabantidési)Helostoma temmincki (kissing gourami)Zones tropicales d'Extrême-OrientExtrême-OrientSe nourrit de Plancton (surtout de phytoplancton)Se reproduit en eaux fermées; maturité sexuelle en 12 à 18 mois, ponte tous les 6 mois préparation spéciale des étangs de reproduction, qui sont asséchés et dont une partie est recouverte de paille humide avant la mise en eau et le lâcher des reproducteurs; en flottant, la paille assure une protection aux oeufs et aux larves contre le soleilCette espèce de gourami est, comme les autres du même genre, cultivée en étangs et champs de riz. Leur cavité branchiale possède des organes respiratoires annexes, qui leur permettent de survivre dans une eau pauvre en oxygène
ii)Osphronemus (Olfax) goramy (gourami géant)Zones tropicales de l'Extrême-OrientInde et Extrême OrientPhytophage; occasionnellement se nourrit d'insectes, de grenouilles et de vers; accepte volontiers la nourriture artificiellePond en étangs suffisamment profonds (1 m à 1,50 m), avec végétation immergée; la ponte peut également être provoquée si on lui fournit du feuillage (par ex. de palmier indjuk) pour sa nidification: le gourami dépose ses oeufs dans le nid immergéC'est le plus gros et le plus important des gouramis. Utile pour la lutte biologique contre la végétation aquatique
iii)Trichogaster pectoralis,
(gouram “snake skin”, ou Sepat Siam)
Extrême-OrientExtrême-OrientSe nourrit de plancton, également de matières en décompositionSe reproduit en eaux fermées, riches en oxygène et en plantes aquatiques immergées Cette espèces construit son nid en “radeau d'écume”
(bulles d'air accolées qu'insuffle en surface le poisson)
 
iv)T. trichopterus (gourami d'aquarium à 3 taches)
18. Mugilidési)Mugil cephalus (mulet cabot)Océans Atlantique et PacifiqueDans de nombreuses régions du monde entier (Chine, Taîwan, Hawai, Hong-Kong, Inde, Japon, Israël, etc.)Se nourrit d'algues de détritus et de planctonSe reproduit en mer; reproduction induite possible par hypophysationLes alevins peuvent être recueillis dans les eaux du littoral et des estuaires, puis stockés dans des étangs d'eau douce après mise en condition progressive. Bonne croissance en eau douce
ii)M. tade (mulet)Mer Rouge et eaux côtières du sous-continent indien, Extrême Orient et AustralieInde, Pakistan et IndonésieHerbivore, se nourrit d'algues unicellulaires et filamenteuses vertes, d'algues bleu-vert et de diatomées qui tapissent le lit de l'étang, en même temps que de petits animaux, de détritus et de matière végétale tendreSe reproduit en mer. Reproduction induite possiblePoisson marin, qui s'adapte facilement à des conditions d'eaux douces et d'estuaires
iii)M. dussumier (mulet)Eaux côtières du sous-continent indien, Extrême Orient, Nouvelle Guinée, Australie et Sri LankaInde, Pakistan, et IndonésieSe nourrit sur le fond d'algues benthiques, de microfaune, de matière végétale en décomposition et de détritusSe reproduit en mer. Reproduction induite possiblePoisson marin s'adaptant facilement aux conditions d'eaux douces et d'estuaire
19. Percidési)Stizostedion (Lucioperca lucioperca) (sandre)EuropeEuropeCarnivorePond sur “nids” en eaux ferméesCultivé en étangs en association avec la carpe
ii)S. vitreum vitreum (“walleye”)Amérique du nordAmérique du nordCarnivoreSe reproduit en eaux fermées 
20. Centrarchidési)Lepomis spp. (perche-soleil)Amérique du nordAmérique du nordSe nourrit surtout d'invertébrés, parfois d'alguesSe reproduit en eaux ferméesPisciculture seulement occasionnelle; ne répond pas bien au traitement hormonal
ii)Micropterus salmoides (black bass à large bouche)Amérique du nordEn de nombreuses parties du mondeCarnivore: invertébrés et petits poissonsSe reproduit en eaux fermées; protection parentale bien développéeExcellent poisson de pêche sportive; utilisé pour limiter les populations de poisson de rebut
21. SciaenidésPlagioscion squamosissimusAmérique du sudAmérique du nordCarnivore, se nourrit principalement de crevettesSe reproduit en eaux fermées  
22. Cichlidési)Tilapia spp.bAfriqueAfrique, Asie et AmériqueOmnivore, herbivore ou planctonivore; quelquesunes des espèces peuvent être utilisées pour le contrôle biologique des plantes aquatiquesSe reproduit facilement en eaux fermées; la reproduction commence dès le 3ème mois et se répète plusieurs fois par an; témoigne d'un très vif souci parental; incubation buccale chez certaines espècesTrès largement cultivé dans les régions tropicales et subtropicales; poissons très robustes, faciles à manutentionner et à transporter; leur surpopulation rapide dans les étangs pose souvent des problèmes. Bonne croissance en eau douce ou saumâtre
ii)Haplochromis mellandiAfriqueZaïre et ZambieCarnivores se nourrissent de mollusquesReproduction facile en eaux fermées; incubation buccaleAussi utilisés pour lutter contre les Bilharzia en Afrique et contre la multiplication excessive des Tilapia dans les étangs
iii)H. carlottae
iv)Astatoreochromis alluandi
v)Cichla spp.Amérique latineAmérique latineCarnivoreReproduction facileidem
vi)Astronotus spp.Amérique latineAmérique latinePrincipalement carnivoreReproduction facileidem
vii)Serranochromis spp.AfriqueKatanga (Congo)Se nourrit d'insectesIncubation buccaleidem
viii)Etroplus suratensis (“pearlspot”)Inde, Pakistan et Sri LankaIndeHerbivore principalement, se nourrit d'algues vertes et bleuvert, aussi de résidus de plantes décomposées; mange également les feuilles tendres des plantes aquatiques et le zooplanctonReproduction spontanée en étangs d'eau douce et saumâtre; témoigne de soins parentaux, auxquels participent le mâle et la femellePoisson d'eaux saumâtres facilement acclimatable en eau douce

a Entre parenthèses, noms communs de l'espèce en français, ou dans le pays d'origine

b Selon la terminologie scientifique:
• l'alimentation au fond est dite “benthique”
• la reproduction en mer est dite “thalassochoque”
• la reproduction en rivière “potamotoque”
• les poissons “catadromes” sont les espèces fluviales qui descendent vers la mer pour frayer

b T. mossambica, T. endersonii, T. galilea, T. nigra, T. sparmanii, T. variabilis, T. hornorum, T. macrochir, T. macrocephala, T. zillii, T. nilotica, T. rendalli, T. leucosticta, etc.

3.2.2 Saison de reproduction

Certaines espèces de poissons se reproduisent deux ou trois fois par an. Ces géniteurs témoignent habituellement d'un souci parental bien développé, qui assure la survie de leur progéniture en dépit de conditions du milieu défavorables.

Parmi les espèces cultivées, les Tilapia fraient toute l'année, ce qui crée un problème pour l'éleveur. Chez ces poissons, le développement des gonades suit son propre cours, sans être à peine influencé par l'alimentation et la température. La ponte commence chez la femelle quand ses oeufs sont mûrs et dès qu'elle a trouvé un partenaire.

Les géniteurs tributaires d'une saison ne se reproduisent que pendant cette période, au cours de laquelle ils peuvent cependant frayer plusieurs fois: c'est le cas de la carpe commune sauvage. Le développement des gonades, chez ces géniteurs saisonniers, ne s'effectue que jusqu'à un certain stade, après quoi les glandes sexuelles demeurent au repos jusqu'à ce que surviennent des conditions de milieu favorables. Cette phase de dormance peut durer plusieurs mois, l'arrivée de la saison appropriée déclenchant le redémarrage du développement gonadal qui, finalement, se conclut par la reproduction. Cette phase finale du développement des ovules ne peut, une fois déclenchée, ni être arrêtée ni régresser. Si les modifications du milieu ne sont pas suffisamment marquées pour provoquer le développement final des ovules, la phase dormante se poursuit jusqu'à ce que l'un des facteurs de milieu, (l'oxygène ou la température) venant à empirer, les oeufs entament le processus de résorption. Pendant cette année-là, le poisson n'a plus aucune chance de frayer.

Il arrive souvent dans la nature que la ponte de poissons matures avorte. Si un géniteur de rivière est mis en eaux fermées, ses gonades ne se développent que jusqu'à un certain stade et restent dormantes jusqu'à résorption. Ce processus peut se répéter tous les ans sans jamais aboutir à la ponte. Chez ces poissons, la reproduction peut cependant s'effectuer par induction artificielle de l'ovulation au moment convenable. Après la ponte, de nouveaux ovules commencent aussitôt à se former et continuent de se développer jusqu'à la phase dormante. En ayant recours à l'induction artificielle de l'ovulation, le même poisson, qui, par nature, est un géniteur saisonnier, peut se reproduire deux à trois fois par an.

La plupart des poissons d'eau douce fraient au printemps, les autres au moment des crues quand le niveau de l'eau monte dans les rivières et les lacs. Les poissons tropicaux et subtropicaux fraient pendant la saison des pluies, lorsque la ponte a plus de chances de survivre dans des eaux troubles et à courant rapide.

Il est intéressant de noter que chez beaucoup d'espèces carnivores, la fraie est plus précoce en saison que pour la masse des poissons non carnivores, ce qui assure aux jeunes prédateurs des proies en quantité suffisante.

3.2.3 Zones frayères

La fraie des poissons d'eau douce se répartit entre trois types d'emplacement: eaux fermées, eaux courantes, zones inondées. A l'intérieur de ces trois sortes d'emplacements, les endroits que choisissent les poissons pour se reproduire dépendent de leurs habitudes de frai (Fig. 2).

Figure 1

Figure 1 Adaptation pour la conservation de l'espèce

Figure 2

Figure 2 Zones frayères des poissons d'eau douce

Figure 3

Figure 3 Principaux modes de soins parentaux

3.2.3.1 Frai en eaux fermées. Les endroits choisis pour la reproduction diffèrent souvent selon les espèces. Celles dont les oeufs sont adhérents, comme les cyprinidés européens et le brochet, disséminent leurs oeufs sur la végétation immergée, sur les pierres ou le gravier. La sciaenidé Plagioscion squamosissimus lâche ses oeufs flottants au fil de l'eau où ils se développeront plus tard. D'autres, comme le sandre, le grand silure européen (glane), l'ictalure tacheté, etc., pondent sur un emplacement unique auquel leurs oeufs adhèrent en bloc, ou dans une sorte de nid. Certains poissons, comme le Plecostomus, pondent dans des trous et des fissures qu'ils trouvent dans l'argile et les rochers.

Les poissons nidificateurs se mettent en quête de matériaux (racines buissonnantes de plantes aquatiques ou d'arbres des berges, cailloux, etc.) qu'ils nettoient et débarassent de la vase pour construire leur nid. Certains recueillent chaque matériau l'un après l'autre, comme plusieurs espèces de Tilapia, le gourami géant, etc., tandis que d'autres d'Extrême-Orient et d'Amérique du sud (Trichogaster, Hoplosternum spp.) font en surface des nids de bulles d'air accolées (nids en “radeau d'écume”). L'incubation buccale, que pratiquent par exemple les Tilapia, est une méthode très efficace de protection parentale.

Très peu de géniteurs tropicaux et subtropicaux, en général, abandonnent leurs oeufs à la merci de la nature: la plupart pratiquent une protection parentale active en assurant la garde, la défense et l'aération de leurs oeufs et de leurs larves. Quelques-uns montent même la garde autour de leurs juvéniles.

3.2.3.2 Reproduction en eau courante. La ponte en eau courante a ce très gros avantage que la turbidité et le mouvement continu de l'eau protègent très efficacement les oeufs et les larves. Les oeufs non-adhérents flottants, semi-flottants ou qui roulent dans les remous absorbent assez d'oxygène pour leur développement, et les larves peuvent se dissimuler à l'abri des prédateurs. Le courant fait dériver en aval et vers les rives les oeufs et larves, dont un grand nombre est chassé dans les zones inondées qui sont riches en organismes vivants nécessaires au développement des juvéniles et des alevins.

Beaucoup de poissons d'élevage sont par nature des géniteurs d'eaux courantes, bien qu'ils puissent prospérer dans les eaux fermées. Au moment de la montée des eaux, ils migrent en bancs ou par paires vers l'amont et se reproduisent quand les conditions préalables sont remplies. Quelques espèces pondent leurs oeufs sur les matériaux qui tapissent le lit de la rivière - racines, branches ou feuilles d'arbres, pierres, gravier etc., - où l'eau trouble empêche la masse d'oeufs d'être découverte par leurs ennemis.

Parmi les géniteurs de rivière cultivés (ou que l'on pourrait cultiver) dont les oeufs non-adhérents sont flottants ou semi-flottants, mentionnons les grandes carpes chinoises, les Barbus spp., Pangasius spp., des membres de la famille des Characidés, des Anastomidés et des Prochilodontidés. Ce type de ponte est très courant chez les poissons des rivières tropicales et subtropicales.

3.2.3.3 Reproduction en zones fraîchement inondées. Les champs fraîchement inondés sont des lieux de frayères idéaux pour la ponte comme pour la croissance des juvéniles. Ils sont généralement libres d'ennemis, étant donné que la crue tue la faune terrestre et que les prédateurs aquatiques n'ont pas suffisamment de temps pour se développer. L'eau est habituellement chaude et riche en oxygène, facteurs favorables au développement rapide des oeufs et des larves. Des micro-faunes et des micro-flores se développent sur les résidus de la végétation terrestre en décomposition, qui offrent une nourriture abondante au jeune frai et aux alevins. Les poissons qui se reproduisent dans ce milieu ont en général des oeufs adhérents dont les larves sont du type suspendu.

Parmi les espèces les plus importantes qui se reproduisent en zones inondées, signalons la carpe commune et les autres cyprinidés européens, le poisson-buffle d'Amérique du nord et les grandes carpes indiennes.

3.2.4 Protection parentale

La protection parentale constitue une adaptation très importante du poisson pour assurer la survie de sa progéniture. Le ou les parents veillent sur leur ponte au moment le plus critique, lorsque le jeune frai sans défense est très vulnérable.

Au sens le plus large, chaque espèce, ou presque, pratique un genre de protection parentale - passive ou active.

3.2.4.1 Protection parentale passive. C'est en fait la "prévoyance maternelle atavique de la femelle qui fournit davantage de vitellus à l'embryon pour le maintenir longtemps en vie, ou qui dépose ses oeufs là où s'offrent les conditions de milieu optimales les plus probables, hors de portée de ses ennemis. Chez certaines espèces, les oeufs contiennent une substance vénéneuse qui tient les prédateurs à l'écart.

3.2.4.2 Soins parentaux actifs. Dans ce cas, l'un des géniteurs ou tous les deux participent activement aux soins et à la défense de leurs oeufs et larves, parfois même du jeune frai. Cette vigilance implique le choix et la préparation d'un emplacement convenable pour y déposer les oeufs, la sélection d'un substrat idoine auquel les oeufs puissent adhérer, la recherche de matériaux pour le nid et enfin sa construction (Fig. 3).

Les poissons qui se bornent à aménager l'emplacement de leur ponte, en nettoyant simplement le buisson radiculaire de la végétation, ont la forme la plus primitive de “nid”, sans recherche de matériaux ni véritable construction d'abri. En revanche, les “constructeurs” tels que le gourami géant, qui vont cueillir avec leur bouche des cailloux, feuilles, racines etc., sont de véritables nidificateurs. D'autres gouramis préparent leur nid avec des débris végétaux qu'ils cimentent de mucus. Les constructeurs de “radeaux d'écume”, comme les Trichogaster spp., font leur nid de bulles d'air agglutinées de mucus, d'un goût désagréable, dont l'amas protège les oeufs au milieu duquel ils sont cachés. Et puis, viennent les Cichlidés à incubation buccale (Tilapia leucosticta, T. galilea, T. macrochir, T. nilotica, T. variabilis, T. macrocephala, Haplochromis spp., Astatoreochromis alluandi, Serranochromis spp., Petenia spp., etc.). Ces poissons recueillent les oeufs dans leur bouche, où ils les gardent jusqu'à éclosion. Chez les tilapias, c'est la femelle qui se charge de cette incubation pour T. leucosticta, T. macrochir, T. nilotica et T. variabilis, le mâle pour T. macrocephala et les deux parents pour T. galilea. Dans le cas d'Etropus suratensis (dénommée “pearlspot” dans le sous-continent indien), les oeufs sont collés par la femelle sous des matériaux immergés où le mâle les féconde et où ils restent jusqu'à l'éclosion: puis les larves nouvellement écloses sont emportées par le mâle dans des excavations voisines qu'il a creusées, changeant de trou environ une fois par jour; finalement, c'est la femelle qui assure la garde des juvéniles. Ceux des tilapias qui ne pratiquent pas l'incubation buccale (T. zillii, T. melanopleura et T. sparmanii) déposent leurs oeufs sur des pierres ou d'autres substrats, au-dessus desquels ils maintiennent une veille fébrile jusque et y compris le stade larvaire.

Outre le dépôt des oeufs dans un endroit sûr et approprié, les soins parentaux se poursuivent avec l'oxygénation et la protection des oeufs, parfois aussi celle des larves et même du jeune frai. C'est l'un des géniteurs qui se charge de l'oxygénation en produisant avec ses nageoires un courant d'eau permanent, l'autre assurant la garde des oeufs ou des larves contre les petits ennemis ou de plus gros prédateurs. Ils nettoient aussi les oeufs au fur et à mesure de leur développement et enlèvent du “nid” ceux qui n'ont pas été fécondés.

D'une manière générale, à propos de l'influence des soins parentaux sur le nombre d'oeufs produits, on peut tirer les conclusions suivantes:

  1. les poissons qui exercent une protection parentale passive produisent plus d'oeufs que ceux qui l'assurent activement;

  2. les poissons à soins parentaux actifs produisent beaucoup moins d'oeufs que ceux qui n'exercent aucune protection;

  3. les poissons qui délaissent leurs oeufs après la ponte en produisent davantage que ceux qui ne les abandonnent pas.

Le nombre d'oeufs produits par kg de poids corporel dépend de la taille des oeufs. Les espèces qui pondent des oeufs très petits (de 0,3 à 0,5 mm de diamètre) produisent entre 500 000 et 1 million d'oeufs par kg de leur poids corporel; celles dont les oeufs sont de taille moyenne (de 0,8 à 1,1 mm) seulement de 100 000 à 300 000, tandis que celles dont les oeufs ont de 1,5 à 2,5 mm de diamètre n'en produisent plus que de 5 000 à 50 000 par kg de leur poids.

Lorsqu'ils élèvent des poissons dont la protection parentale est bien développée, les pisciculteurs n'ont pas besoin d'avoir recours à la reproduction artificielle. Toutefois, ces espèces, particulièrement les tilapias, posent souvent un problème de surpopulation des étangs. Le pisciculteur devra donc prendre certaines mesures pour prévenir une multiplication excessive: c'est ainsi que l'on est amené à pratiquer souvent l'élevage unisexué, ou bien l'élevage combiné avec des espèces prédatrices.

Aussi, avons-nous exclu ces espèces (tilapias et autres) du champ de notre étude.

3.3 Développement des produits sexuels

Le développement des produits sexuels dans les gonades (ovules ou oeufs, spermatozoïdes ou sperme) est un processus long et complexe où plusieurs stades, ou phases, peuvent être différenciés (Fig. 4).

3.3.1 Développement de l'oeuf (ovogenèse)1

Le cours du développement ovocytaire passe par les stades énumérés ci-après (Fig. 5). La taille des cellules à leurs différents stades de développement, telle qu'indiquée ici, se réfère à celle de la carpe commune:

Stade I: les cellules primitives de l'ovogenèse (ovogonies) sont très petites, leur taille est à peine supérieure à celle des autres cellules (8 à 12 microns). Elles se multiplient par mitose normale.

Stade II: la cellule mère de l'ovocyte grandit à 12 ou 20 microns et un follicule commence à se former autour de chacune.

Ce follicule, qui a pour fonction de nourrir et de protéger l'ovule au cours de son développement, finit par donner naissance à une double assise de cellules.

Stade III: la cellule constituant l'ovocyte s'accroît sensiblement pour atteindre de 40 à 200 microns; le follicule l'entoure à présent complètement.

Ces trois premiers stades marquent la période de premier ordre pour l'ovocyte, avant qu'il accumule des réserves nutritives.

Stade IV: c'est le début de la vitellogenèse, avec production et accumulation de vitellus (le “jaune” de l'oeuf de poule).

L'ovocyte s'accroît à 200–350 microns: les premiers globules lipoïdes apparaissent dans le cytoplasme.

Stade V: c'est la seconde phase de la vitellogenèse. Le cytoplasme est maintenant rempli de globules lipoïdes et le vitellus commence à produire ses plaquettes. Dimension de l'ovule: 350 à 500 microns.

Stade VI: troisième phase de la vitellogenèse, pendant laquelle les plaquettes du vitellus poussent les gouttelettes huileuses vers le bord de la cellule où deux anneaux commencent à se former: les nucléoles, qui participent à la synthèse protéique et à l'accumulation de réserves nutritives, et qui adhèrent à la membrane du noyau de la cellule. Sa taille est maintenant de 600 à 900 microns.

Stade VII: la vitellogenèse, ou synthèse du vitellus, se termine pendant cette phase où l'ovule atteint 900 à 1 000 microns. Lorsque l'accumulation de vitellus s'achève, les nucléoles se retirent au centre du noyau. Le micropyle, orifice microscopique percé dans la membrane de l'ovule (pour permettre la pénétration du spermatozoïde lors de la fécondation), s'ouvre pendant cette phase.

Les stades IV, V, VI et VII sont ceux de la vitellogenèse; qui correspond à la synthèse protéique du vitellus et à son accumulation dans l'ovocyte (ou ovule). Celui-ci est essentiellement prêt à accomplir sa fonction d'oeuf. Pour parvenir à ce stade de développement, la femelle du poisson doit trouver dans son alimentation beaucoup de matière protéique et une échelle de température favorable.

Au terme du stade VII, l'ovule peut demeurer inchangé pendant plusieurs mois: c'est le stade de “dormance” ou de “repos”.

Ou bien cette phase dormante se conclura par l'ovulation si les conditions sont favorables, ou bien, en l'absence de celles-ci, il y aura putréfaction folliculaire et résorption (Fig. 6).

Il est intéressant de noter que l'ovaire est irrigué par quelques vaisseaux sanguins, mais n'est pas très riche en capillaires. Ce qui signifie que ce sont les sinus lymphatiques qui jouent le rôle principal dans le transport de matériaux tels que hormones, lipides, acides aminés, oxygène, gaz carbonique, etc., jusqu'à et depuis la paroi ovarienne et les cellules de l'ovule.

Le développement ultérieur de l'ovocyte jusqu'à l'ovulation (maturation finale) est réglé par les hormones, dites gonadotropes, qui se forment et s'emmagasinent dans la glande pituitaire, ou hypophyse. Ces gonadotrophines, la FSH (folicle stimulating hormone) 1, gonadostimuline des follicules ovariens chez la femelle, et la LH (luteinizing hormone)1, responsable de la seconde phase “lutéinique” du cycle ovarien (rupture folliculaire et ponte des ovules), sont continuellement secrétées et déversées dans le circuit sanguin. D'autre part, les oestrogènes, du type stéroïde, secrétés par la membrane (ou “thèque”) du follicule “informent” le cerveau sur le stade de développement de l'oeuf.

Lorsque le milieu évolue favorablement, le poisson, par l'intermédiaire des mêmes organes, commence à recueillir toutes les informations sur les conditions extérieures: température, emplacements idoines pour la ponte, courant de l'eau, crues, présence de poisson du sexe opposé, etc. Ces informations sensorielles s'accumulent dans l'hypothalamus du cerveau et, quand un certain seuil est atteint, l'hypothalamus transmet ses ordres à la glande pituitaire par l'intermédiaire d'une substance hormonale (la GRH, ou gonadotrophin releasing hormone)1: l'hypophyse libère alors dans le circuit sanguin les gonadotrophines qui parviennent aux gonades et déclenchent le processus final du cycle: préovulation et ovulation (Fig. 7).

Les gonadotrophines ont pour premier effet de déplacer le noyau de l'ovule vers le micropyle. Puis l'ovule absorbe de l'eau (hydratation).

Au terme de cette préovulation, la membrane du noyau disparaît, les chromosomes deviennent visibles et la première division cellulaire, ou première méiose, se produit, au cours de laquelle a lieu la réduction des chromosomes à la moitié de leur nombre normal. En même temps, le follicule qui tenait l'ovocyte fixé sur la paroi de l'ovaire est dissoute par des enzymes: désormais “mûr pour la fécondation”, l'ovule tombe dans la cavité ovarienne. La seconde méiose, ou division cellulaire, se produit normalement en présence du sperme qui introduit un spermatozoïde dans le noyau de l'ovule par le micropyle. Toutefois, la présence du pronucleus mâle est nécessaire au développement du pronucleus femelle.

1 On a suivi dans ces chapitres la terminologie de Max Aron et Jem Rostand (1972)

1 Les endocrininologistes français utilisent la terminologie anglaise

3.3.2 Développement du sperme (spermatogenèse)

La spermatogenèse est bien moins compliquée que l'ovogenèse.

Les spermatogonies primitives, qui constituent le matériel de base de la spermatogenèse, se multiplient activement par mitose à la périphérie des tubes séminifères. A partir des spermatogonies de dernière génération, se développent les spermatocytes de premier ordre dont chacun donnera naissance plus tard à deux spermatocytes de second ordre (ou spermatides), qui, à leur tour, se transformeront chacun en deux spermatozoaires. C'est le sperme qui s'amasse dans les cavités des tubes séminifères, où il reste à l'état dormant jusqu'à l'apparition de conditions de milieu favorables et où, au signal donné par la gonadotrophine, le mâle devient prêt à frayer. Les spermatozoaires, même dans leur phase dormante, sont capables de féconder les ovules. Sans mouvement dans les testicules, les spermatozoaires deviennent mobiles quand ils entrent en contact avec l'eau. Mais cette période de mobilité est de très courte durée et dépend de la température de l'eau. Les spermatozoaires des poissons des eaux chaudes ont une motricité active, grâce à leur flagelle, qui dure environ une minute à une minute et demi. Très petits chez les poissons, on estime leur nombre à environ 10 à 20 milliards par cm3 de sperme, selon la densité.

3.4 Fécondation

Les ovules tombés dans la cavité ovarienne n'ont pas de forme définie. Leur membrane, qui est molle, entoure complètement le “germe” de la cellule, comprenant le noyau et la masse du vitellus. Lorsque l'oeuf mûr tombe dans l'eau, il s'arrondit et commence à gonfler. L'eau pénètre entre la membrane et le contenu cellulaire et crée ainsi un espace périvitellin. En une minute, le micropyle se ferme: aucun spermatozoaire ne peut plus pénétrer dans l'oeuf. Celui-ci, qui continue de gonfler pendant une ou deux heures, prend alors sa forme finale et devient imperméable à l'eau. La turgescence, toutefois, ne modifie pas la dimension du contenu cellulaire.

Les oeufs fécondés de poisson peuvent être de différents types. Mais, pour des raisons pratiques, on en distingue deux catégories principales: adhérents, ou non-adhérents (Fig. 8).

3.4.1 Oeufs non-adhérents

Eux-mêmes peuvent se répartir entre les types suivants, en fonction de leur poids spécifique:

  1. oeufs flottables (dont le poids spécifique est légèrement inférieur à celui de l'eau);

  2. oeufs flottants (dont le poids spécifique est légèrement supérieur à celui de l'eau);

  3. oeufs semi-flottants (dont le poids spécifique est plus élevé que celui de l'eau);

  4. oeufs roulant sur le fond (dont le poids spécifique est plus élevé que celui de l'eau).

Le poids spécifique des oeufs est déterminé par la dimension de l'espace prévitellin et par le poids spécifique du contenu cellulaire. Celui-ci peut être lourd s'il n'y a pas de gouttelettes huileuses, ou léger en présence d'une ou de plusieurs gouttelettes.

3.4.2 Oeufs adhérents

Leur membrane (ou enveloppe) a une assise adhésive, qui s'active lorsque l'oeuf entre en contact avec l'eau. La couche adhésive fait coller les oeufs sur certains objets, ou bien agglutine les oeufs eux-mêmes entre eux. D'où deux sortes d'adhérence:

  1. les oeufs qui collent à des objets;

  2. ceux qui s'agglutinent les uns aux autres, formant un bloc ou un dépôt d'oeufs.

L'adhérence est parfois très forte et les oeufs sont alors endommagés si on les arrache de leur substrat, tandis qu'ils peuvent être enlevés facilement lorsque l'adhérence est faible.

L'adhérence s'affaiblit graduellement au cours du développement de l'oeuf. Une salinité élevée a une incidence négative sur elle. La taille des oeufs de poisson varie également, en fonction de la quantité de vitellus qu'ils renferment, de l'épaisseur de leur membrane et de la dimension de l'espace périvitellin. Les deux premiers facteurs déterminent la taille des oeufs “à sec”, c'est-à-dire avant qu'ils entrent en contact avec l'eau, tandis que le troisième agit sur celle des oeufs durcis par l'immersion.

Le chapitre qui traite du travail pratique en écloserie donne de plus amples détails sur les mécanismes de la fécondation, du gonflement des oeufs, du développement du germe et de l'embryon, des larves, du jeune frai etc.

Figure 4

Figure 4 Schéma général du développement des produits sexuels chez les poissons

Figure 5

Figure 5 L'environnement et la maturation des oeufs de poisson

Figure 6

Figure 6 Destin de l'oeuf: des ovogonies aux blastomères

Figure 7

Figure 7 Cycle de la fraie naturelle

Figure 8

Figure 8 Types d'oeuts de poisson


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