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2 ASPECTS TECHNIQUES DES SYSTEMES D'IRRIGATION

Puisque cette étude traite des possibilités offertes par les canaux d'irrigation pour les pêches et l'aquaculture, la section suivante fera le point sur les caractéristiques générales des systèmes d'irrigation. Dans les pays en voie de développement, les systèmes les plus fréquemment rencontrés sont les canaux découverts avec ou sans revêtement intérieur.

Le plan de ces systèmes étant établi d'après un modèle courant, il existe ainsi de nombreuses similitudes entre les systèmes d'irrigation mis en place dans des parties du monde très éloignées. La description qui va suivre des caractéristiques des systèmes d'irrigation est donc très générale et le lecteur devra se référer a Jones (1981), Mather (1983) et Michael (1978) pour de plus amples informations sur les principes généraux des techniques d'irrigation.

2.1 Irrigation de surface

2.1.1 Canaux sans revêtement intérieur (cannaux non renforcés)

Les systèmes d'irrigation de surface sont habituellement constituès d'un réseau de canaux découverts munis ou non d'un revêtement intérieur destiné à empêcher les infiltrations et/ou les érosions. Dans les pays en voie de développement, les canaux ne possèdent généralement pas de revêtement intérieur car ils sont ainsi plus faciles à construire, les dépenses de capital sont faibles et leur entretien peut facilement être assuré par un personnel inexpérimenté.

Les canaux sont conçus pour recevoir un débit spécifié qui n'entraînera pas d'érosion et leur forme est traditionnellement trapézoïdale. Les éléments de base des canaux découverts sont illustrés dans les Figures 1 et 2.

Berges du canal - La pente est généralement de 1:1,5. Cependant, ce rapport est habituellement augmenté jusqu'à 1:2 en présence de sols sableux et diminués jusqu'à 1:1 en présence de sols argileux.

Dénivellation du canal - Celle-ci dépend de la disposition du terrain mais, généralement, la pente est d'approximativement 0,1 pour cent. Des pentes inférieures à 0,05 pour cent entraînent souvent un colmatage du canal. Dans les canaux ayant de plus fortes pentes, la vitesse de l'eau peut être contrôlée par des structures de dénivellation ou en consolidant le lit du canal. Selon Michael (1978), les vitesses maximales de l'eau selon les différentes textures du sol doivent être les suivantes:

Texture du solVitesse max. recommandée
 cm/s
Canaux sans végétation
Sable et limon45
Terreau, terreau sableux, terreau de limon60
Terreau argileux65
Argile70
Canaux avec végétation
Végétation pauvre90
Végétation assez fournie120
Végétation fournie150

Pour éviter une érosion, il convient d'empêcher l'eau d'atteindre des vitesses supérieures à celles indiquées dans le tableau.

Coupes transversales du canal - Pour les canaux découverts, la forme la plus efficace de coupe transversale est un demi-cercle, puisque le périmètre mouillé est ainsi minimal et le rayon hydraulique maximal (le rayon hydraulique est représenté par la superficie de la coupe transversale divisée par le périmètre mouillé). On recommande de recourir à un rayon hydraulique élevé pour les canaux supportant des débits importants. Cependant, la construction semi-circulaire n'est possible que pour les canaux de petite taille avec revêtement intérieur ou pour les canalisations recouvertes. Par conséquent, la coupe transversale de la plupart des canaux sans revêtement intérieur est trapézoïdale (Figures 1, 2) pour faciliter l'adaptation à des débits importants.

En ce qui concerne les canaux reforcés (munis d'un revêtement intérieur), la coupe transversale en est souvent rectangulaire. Ces canaux ont l'avantage d'occuper moins de terre agricole, mais leur construction est en revanche plus onéreuse (Figure 3).

Figure 1

Clé:

T - largeur supérieure du canal

t - largeur de surface lorsque l'eau est à la hauteur d

D - hauteur du canal après addition de la revanche

d - hauteur d'ecoulement dans de canal

c - côtés mouillés du canal

f - revanche

1 - angle des pentes avec l'horizontale

Figure 1 : Eléments d'un canal découvert

Figure 2

Figure 2 : Coupe transversale typique d'un canal quartenaire non renforcé

Figure 3

Figure 3 : Coupe transversale d'un canal renforcé de briques

Les canaux sans revêtement intérieur sont intéressants en raison de leur faible coût de construction, mais ils ont de nombreux inconvénients qui peuvent avoir des conséquences graves pour les productions végétales, et également pour la production de poissons. Ces probleèmes sont abordées dans la section 3.

2.1.2 Canaux avec revêtement intérieur (canaux renforcés)

Ces canaux sont généralement renforcés par du béton, des briques ou des pierres. D'autres types de revêtement sont plus récents: couches de polythène, mélanges bitumeux, ciment, produits de scellement chimiques et matériaux imperméable(s) (Michael, 1978). La résistance de ces revêtements est cependant limitée et ils peuvent être endommagés par le bétail ou par des vitesses d'eau excessives. En revanche, les revêtements en béton sont coûteux, mais leur durée de vie est plus longue, avec un minimum de réparations et de coût d'entretien.

Berges du canal - La pente des berges peut être plus importante dans les canaux renforcés que dans les canaux de terre, mais elle ne doit pas dépasser 1:1, sauf si le béton est placé manuellement et si la profondeur du canal est supérieure à 60 cm. Il est recommandé de recourir à des briques, des tuiles d'argile plates et des pierres pour les cours d'eau dont la vitesse est supérieure à 30 cm/s. La Figure 3 présente une coupe transversale typique.

2.1.3 Systèmes d'irrigation à puits tubulaires

Dans certaines régions du monde, on trouve des nappes aquifères très étendues; le Bangladesh en est l'exemple principal, et une grande partie de son irrigation provient de nombreux puits tubulaires qui prélèvent l'eau dans les réserves souterraines. Chacun de ces puits n'approvisionne que de petites surfaces, au maximum quelques hectares. L'eau est pompée à la demande pour ensuite être distribuée dans les champs par une série de canaux tertiaires et quaternaires. Dans un tel système, les canaux d'irrigation ne peuvent être d'aucun recours pour l'élevage des poissons.

2.2 Irrigation profonde

2.2.1 Irrigation par canalisations souterraines

L'utilisation de systèmes souterrains pressurisés présente plusieurs avantages comparée à celle des canaux découverts. Les conduites d'eau suppriment moins de terres cultivables et n'interfèrent pas avec le fonctionnement agricole. Elles sont avant tout étanches, difficilement endommagées, ont une durée de vie longue et nécessitent peu d'entretien. L'eau est fournie aux plantations par des systèmes d'aspersion ou d'irrigation goutte-à-goutte exigeant peu de travail. L'utilisation de l'eau est ainsi très efficace, bien qu'onéreuse. Les canalisations souterraines et leurs principaux éléments de base sont présentés dans la Figure 4. Enfin, l'essor de ces systèmes pressurisés, en particulier dans les pays développés, et pour des cultures de valeur économique importante, pourrait considérablement réduire les possibilités de pêche dans les canaux d'irrigation (surtout au niveau local).

Figure 4

Figure 4 : Principaux elements d'un systeme d'irrigation par canalisations souterraines

2.3 Schéma général de l'irrigation de surface

Cette section décrit le plan d'ensemble et les caractéristiques d'un système de distribution d'eau en canaux non renforcés. Elle repose sur des projets indonésiens (aimablement mis à notre disposition par le collège Silsoe, Bedford, Royaume-Uni) et le “Farahaane Irrigation Rehabilitation Scheme” en Somalie (fourni aimablement par Sir McDonald & Partners Ltd, Cambridge, Royaume-Uni).

2.3.1 Système de distribution

La Figure 5 présente le plan d'ensemble d'un système standard (cet exemple provient d'Indonésie) et la Figure 6 un système d'irrigation soudanais, qui représente une variante de ce thème.

En général, des canaux primaires distribuent l'eau à partir de la source vers des canaux secondaires qui, à leur tour, approvisionnent des canaux tertiaires. L'eau passe ensuite à des canaux quaternaires ou canaux d'extrémité (arroseurs, destinés aux champs) et arrive ainsi jusqu'aux cultures. Les dimensions et caractéristiques de débit de chaque type de canal sont présentées dans le Tableau 3. Les données proviennent de plusieurs exemples de systèmes d'irrigation et ont été par conséquent généralisées.

Tableau 3 Dimensions et débits de différents types de canaux dans un système d'irrigation non renforcé (Weatherhead, communication personnelle)
Type de canalLargeur du lit* (m)BergeProfondeur (m)Débit l/s
Primaire5–61,5–21–1,2800
Secondaire2–31,5–20,5–0,720–400
Tertiaire0,01–0,11,00,10–20
Quaternaire""""

* Note : il s'agit de la largeur du lit du chenal, non de la largeur à lasurface

Les débits indiqués reposent sur un besoin d'écoulement de 2 l/s/ha pour une rizière.

2.3.2 Longueurs des canaux

La forte standardisation des systèmes d'irrigation permet ainsi d'estimer de façon assez précise la longueur de chaque type de canal dans un système donné. Il est évidemment primordial de connaître ce paramètre pour pouvoir estimer le potentiel des systèmes d'irrigation pour l'aquaculture ou les pêches. Basées sur un projet standard de 5 000 ha (qui représente une taille rencontrée couramment), les longueurs moyennes des canaux de chaque catégorie sont les suivantes pour chaque unité de 1 000 hectares:

Figure 5

Figure 5 : Plan d'un systeme d'irrigation (ex: Indonésie)

Figure 6

Figure 6: Le système d'irrigation de Gezira, Soudan (approvisionnement gravitaire en eau par des canaux de terre non renforcés)

Primaires2,5 km
Secondaires10 km
Tertiaires100 km
Quaternaires400 km

Avec ces formules, et en supposant une largeur standard donnée pour chaque type de canal, il est possible de calculer approximativement la superficie de l'eau dans un système d'irrigation d'une taille donnée.


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