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LA GESTION DES RESSOURCES FORESTIÈRES PAR LA POPULATION LOCALE ET LE GOUVERNEMENT GABONAIS

Jean-Pierre Profizi

Résumé

L'aménagement des PFNL au Gabon montre dans quelle mesure des marchés bien développés pour les produits forestiers contribuent à une plus forte pression sur les ressources naturelles. Un exode rural massif et la rentabilité de ces produits ont provoqué, surtout à proximité des centres urbains, l'accroissement du taux d'exploitation des PFNL les plus rentables, tels que le rotin. La question de l'aménagement des ressources à travers la négociation de contrats impliquant tous les groupes d'utilisateurs est au c_ur de la réforme actuelle de la législation forestière gabonaise.

Introduction

En Afrique centrale, l'aménagement des ressources forestières par les populations locales s'est profondément dégradé au cours des dernières décennies. Avec 80% de son territoire couvert par les forêts, le Gabon est un des pays les plus boisés d'Afrique centrale. La plupart des forêts sont riches en okoumé (Aucoumea klaineana), une espèce très prisée dans le marché international pour la fabrication de contre-plaqué de qualité.

Le Gabon a subi un exode rural important: actuellement 75% de la population vit dans les régions urbaines, surtout dans les régions de Libreville et de Port-Gentil (voir carte 2). Ce déplacement des populations rurales s'est également accompagné de la formation de villages le long des routes et des fleuves (voir carte 3). La conséquence évidente de cette migration est le déséquilibre entre la densité de population des villes et celle des campagnes.

L'aménagement forestier traditionnel, moderne et industriel.

Concernant les PFNL, on distingue couramment deux types d'aménagement écologique mis en œuvre par la population locale. Le premier est considéré "traditionnel" et le second "moderne". En plus de ces deux types d'aménagement, il en existe un troisième, qui concerne les grandes entreprises appliquant un aménagement "industriel" des produits forestiers, avec le soutien de l'état (voir schéma 1).

Le système d'aménagement "traditionnel" est lié aux stratégies de survie des individus et communautés de la région forestière équatoriale. Celle-ci est considérée comme hostile, tout en étant un pourvoyeur régulier et sans limite de produits végétaux et animaux. Le système d'aménagement traditionnel se caractérise par des méthodes de récolte itinérantes et diffuses, un faible impact sur l'environnement et un échange commercial réduit avec des personnes étrangères (qu'il s'agissse de troc ou d'échanges monétaires). Ce type d'aménagement traditionnel est pratiqué par une majorité des habitants des forêts et concerne une vaste gamme de produits forestiers.

En revanche, l'aménagement "moderne" des ressources forestières se caractérise par des méthodes de récolte et d'exploitation intensives et la distribution des produits à travers des circuits commerciaux bien établis et bien organisés. En général, les revenus dérivés des produits forestiers sont faibles, inégalement répartis et peu contrôlés par l'état. Toutefois, ce type d'exploitation constitue souvent la seule source de rémunération monétaire pour les populations rurales et, en raison d'un besoin immédiat de liquidités, des méthodes de récolte destructrices sont souvent pratiquées.

Carte 1: a) Distribution de la forêt dense, des zones forestières de savanne en Afrique centrale et en Afrique de l' ouest et exportations des bois des principaux pays exportateurs; b) Pays membres de l'Organisation Africaine du Bois (OAB, siège à Libreville); c) Pays ayant un couvert forestier élevé (% du territoire national couvert par les forêts).

(R. Pourtier, 1995 - Atlas de la zone du franc en Afrique sub-saharienne, Ministère de la Coopération, La Documentation Française, Paris, 1995).

a)

b) c)

Carte 2: Exode rural vers Libreville et Port-Gentil et son % dans la population de ces deux villes (R. Pourtier, Le Gabon, L'Harmattan, Paris, 1989).

Carte 3: Variation de la densité et de la répartition de la population gabonaise entre 1940 et 1970 (R. Pourtier, Le Gabon, L'Harmattan, Paris, 1989).

Carte 4: Expansion des zones de récolte de rotin le long des routes autour de Libreville: I) Libreville - Cap Esterias; II) Ntoum - Cocobeach; III) Kougouleu - Medouneu.

Figure 1: Vue d'ensemble du secteur des PFNL au Gabon

Stratégie de subsistance

 

Stratégie commerciale

Aménagement de type "traditionnel"

 

Aménagement de type"moderne" (schéma simplifié)

individus, communautés

 

Décideur (entreprise)

     

Récolte

 

Récolte effectuée par des employés

Consommation personnelle

surplus

Marchés intermédiaires

(accumulation de volume)

   

Négociants intermédiaires

   

Marchés au détail

   

Consommateurs urbains

Retombées socio-économiques:

- Les revenus en espèces dépendent des surplus occasionnels,

- Les PFNL sont essentiels pour la survie du ménage,

- L'ajustement des taux d'exploitation est important et immédiat.

 

Retombées socio-économiques

- Les revenus sont faibles sauf pour les chefs d'entreprise et les décideurs,

- Les PFNL ne sont pas essentiels pour la subsistance de l'exloitant,

- L'exploitation est ajustée selon la disponibilité des ressources.

Espèces exploitées

La majorité des PFNL connus.

 

Espèces exploitées:

Seules les espèces "commerciales" de PFNL (le rotin, Garcinia, les feuilles pour l'emballage,...).

Dans le cas du rotin par exemple, suite à la surexploitation considérable de cette ressource, de nombreux exploitants ont du se déplacer le long des routes principales, telles que celles qui vont de Libreville à Cap Esterias, de Ntoum à Cocobeach et depuis quelque temps, de Koungouleu à Medouneu. Le bord des routes constituent le site préféré des exploitants, en raison de la facilité d'accès aux matières premières. Actuellement, les exploitations doivent se faire plus à l'intérieur des forêts et l'aménagement de cette ressource se modifie rapidement depuis que la population locale donne accès à leurs terres aux exploitants de rotin ou se charge elle-même de transporter le rotin et le vendre directement aux négociants sur le bord des routes. De nombreuses communautés sont maintenant en mesure de tirer un revenu en accordant l'accès à leurs terres et sont également capables de contrôler le niveau d'exploitation du rotin et son transport (voir carte 4).

L'aménagement forestier "industriel" est pratiqué à des fins lucratives et est souvent soutenu par l'état auquel il procure des revenus considérables. L'aménagement "industriel" a eu un impact important sur la manière d'exploiter les produits forestiers et a favorisé la transition, par la population locale, de systèmes d'aménagement "traditionnels" vers des systèmes plus "modernes".

Toutefois cette classification en systèmes d'aménagement traditionnels et modernes est limitée car il n'existe pas d'aménagement structuré global des ressources forestières, pratiqué par la population locale, mais une multitude de comportements et de pratiques différentes selon l'espèce, le produit, les droits de propriété traditionnels, l'histoire locale ou nationale et les réseaux de commercialisation et de vente.

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