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QU'EST-CE QUE L'APPROCHE FONDÉE SUR DES MOYENS DE SUBSISTANCE DURABLES?

La nécessité de préciser cette notion s'est révélée être au cœur des préoccupations du forum. On s'est accordé à reconnaître que l'approche comportait deux éléments: les principes directeurs et le cadre. Les outils et méthodes utilisés pour mettre en pratique des moyens de subsistance durables sont indispensables, mais ne sont pas propres à cette approche.

Les principes directeurs. Ils constituent un guide des questions en jeu dans les moyens de subsistance durables. Ce sont eux qui donnent leurs caractéristiques propres aux interventions d'aide au développement conçues de manière à répondre aux problèmes recensés à l'aide du cadre. Mais il ne s'agit que de principes directeurs, qui ne prescrivent pas plus de solutions qu'ils ne dictent de méthode, ne serait-ce que parce qu'ils privilégient la flexibilité et l'adaptation à la diversité des conditions locales. Ils se veulent:2

1. centrés sur la personne

2. holistiques

3. dynamiques

4. appuyés sur des forces

5. générateurs de liaisons entre niveaux central et local

6. axés sur la durabilité

Le cadre de travail sur les moyens de subsistance durables est un outil d'analyse pour comprendre les systèmes et les stratégies de subsistance et leurs interactions avec les politiques et les institutions. Toutefois, ce cadre est à adapter en fonction du contexte, ce qui impliquera souvent de changer ou d'ajouter des éléments pour tenir compte des réalités locales d'ordre social, culturel, politique et économique.

Les outils et les méthodes qui peuvent être utilisés pour concevoir et appliquer des projets susceptibles de créer des moyens de subsistance durables sont nombreux et divers, mais les méthodes ne sont pas propres à cette approche.

TABLEAU 2

Outils et méthodes utiles pour les stratégies de moyens de subsistance durables

OUTILS DE DIAGNOSTIC

OUTILS ET MÉTHODES DE MISE EN OEUVRE

OUTILS ET MÉTHODES DE SUIVI ET D'ÉVALUATION

  • PER
  • MARP
  • Enquêtes dans les ménages
  • Analyse et consultation des parties prenantes
  • Études de cas
  • Analyse des capacités institutionnelles
  • Vulnérabilité
  • Cartographie de la pauvreté (ACV/SICIAV)
  • Évaluation de la sécurité des moyens de subsistance
  • Planification participative
  • ZOPP
  • Plans d'action communautaire
  • Renforcement des capacités institutionnelles
  • Recherche sur les systèmes agricoles
  • Recherche active
  • École pratique d'agriculture
  • Élaboration intégrée et participative d'une politique
  • Suivi et évaluation participatifs
  • Suivi et évaluation des effets

LE CONSENSUS SUR LES PRINCIPES DIRECTEURS DE L'APPROCHE RELATIVE AUX MOYENS DE SUBSISTANCE DURABLES

Les participants ont reconnu qu'un consensus sur les principes directeurs de l'approche constituait un atout:

COMMENT L'APPROCHE DES MOYENS DE SUBSISTANCE DURABLES VALORISE-T-ELLE NOTRE TRAVAIL?

Les participants au forum ont convenu que l'utilisation du cadre de travail sur les moyens de subsistance durables et l'incorporation des principes directeurs dans la planification et l'application de la politique d'aide au développement pouvaient représenter une valeur ajoutée à plusieurs égards:

1. Les stratégies axées sur des moyens de subsistance durables sont centrées sur les personnes plutôt que sur les ressources, et sur leurs forces, leurs chances, leurs stratégies dans l'adversité et l'initiative locale plutôt que sur leurs problèmes, leurs contraintes et leurs besoins;

2. Elles encouragent le diagnostic précoce et la création de mécanismes de recyclage de l'information dans les projets permettant de mieux repérer et comprendre la pauvreté et de mettre au point diverses stratégies pour la combattre (Ces stratégies n'impliquent pas obligatoirement de travailler exclusivement avec les pauvres).

3. Cette approche nécessite une évaluation plus systématique de la vulnérabilité et des ressources des personnes visées, ce qui permet de repérer plus facilement les points d'intervention appropriés.

4. L'application du cadre révèle comment l'incapacité de faire face aux chocs et aux tensions accroît la vulnérabilité des pauvres. On a jugé que le fait d'énoncer explicitement le lien entre la vulnérabilité et la pauvreté représentait une contribution d'une extrême importance.

5. L'utilisation du cadre aide les organisations à s'intéresser aux effets plus qu'à l'efficacité. La recherche de l'efficacité diminue la flexibilité et peut réussir au détriment de la durabilité du processus. Les participants ont reconnu que chercher à obtenir des effets plutôt que l'efficacité permettait de répondre à ces deux aspects.

6. L'accent mis sur la synergie entre différents types de capital est aussi un facteur valorisant. Les projets qui renforcent le capital humain et social en synergie avec le capital physique, naturel ou financier sont plus susceptibles d'avoir des résultats durables.

7. Les stratégies de moyens de subsistance durables rendent aussi plus pertinentes les interventions axées sur la pauvreté. Elles peuvent impliquer d'établir des partenariats avec des organisations qui étaient auparavant "invisibles" pour les décideurs.

8. Le cadre en question constitue une structure intéressante pour promouvoir et intégrer un travail d'équipe pluridisciplinaire. En fait, les principes directeurs fournissent un langage commun et le cadre aide les organisations à structurer les informations émanant de différentes disciplines.

9. En fournissant des informations essentielles sur la manière dont les structures et les processus en vigueur influent sur les moyens de subsistance de la population, les stratégies fondées sur des moyens de subsistance durables font en sorte que les aspects politiques et institutionnels ne soient pas négligés.

10. Le recours à ces stratégies peut favoriser la mise au point d'actions de développement souples, non limitées dans le temps. En fait, les principes directeurs épousent un processus d'apprentissage et d'analyse continu tout au long de la vie du projet ou du programme. Cela implique que tout "diagnostic" découlant d'une approche relative à des moyens de subsistance durables doit obligatoirement être dynamique et itératif.

11. Lorsque le diagnostic dynamique et itératif est incorporé dans un projet, il augmente sa capacité de réagir et de s'adapter à des besoins nouveaux et à des conditions qui évoluent et permet de mieux modeler les interventions en fonction des pauvres.

12. Ces mécanismes incorporés et participatifs de retour de l'information peuvent aussi contribuer à améliorer la conception et l'application des projets en les rendant plus proches des problèmes de subsistance rencontrés à l'échelle locale. Dans plusieurs des projets analysés au cours du forum (Bolivie, Honduras, INTERFISH, Zambie), les praticiens se fiaient à ces mécanismes pour ajuster la conception de leurs projets et en améliorer la mise en œuvre.

13. L'approche relative à des moyens de subsistance durables valorise l'application lorsqu'elle suscite un cycle continu d'action répondant à une demande, de réactions participatives et de réajustement de l'action.

14. Étant donné qu'il s'agit d'une démarche holistique qui nécessite de la flexibilité, elle offre une capacité accrue de réaction aux contingences.

15. Cette approche reconnaît la nécessité des relations de partenariat parce que les stratégies de subsistance des gens sont plurisectorielles et qu'aucune organisation ne peut être experte dans tous les domaines. Cela souligne la nécessité d'identifier les compétences essentielles et les avantages comparatifs des organisations. L'accent mis sur l'établissement de relations de partenariat nouvelles et innovantes entre projets, organisations spécialisées, ONG, société civile, secteur privé et organismes donateurs a été considéré comme une contribution importante des stratégies axées sur des moyens de subsistance durables.

GRANDS PRINCIPES DES PARTENARIATS (CARE)

  • Tisser des liens durables
  • Admettre l'interdépendance
  • Bâtir la confiance
  • Trouver les communautés de vues, de buts, de valeurs et d'intérêts
  • Respecter la diversité des ressources
  • Engendrer une culture de l'entraide
  • Trouver des possibilités de synergie créative
  • Traiter les problèmes de relations au fur et à mesure qu'ils se présentent
  • Considérer le partenariat comme un processus continu d'apprentissage

ENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX

Participation et approche des moyens de subsistance durables. Les approches participatives sont essentielles pour rendre opérationnels les principes directeurs, mais elles doivent être adaptées, mises au point et utilisées, ainsi qu'internalisées et institutionnalisées par toutes les parties prenantes.

L'élément participatif des stratégies fondées sur des moyens de subsistance durables et l'accent qu'il met ainsi sur les moyens de subsistance des personnes, contribue fortement à en assurer la durabilité. La première phase du projet du PAM en Éthiopie a été appliquée sous un régime coercitif et autoritaire. Les interventions visaient à enrayer la dégradation des sols, mais les activités ont été appliquées par une "mobilisation de masse" sous l'effet de la contrainte. À la chute du régime de Derg, en 1991, les communautés ont commencé à se révolter contre le système, entraînant des destructions massives de bois communaux et de structures de conservation des ressources physiques. Les rares bois communaux qui aient été épargnés étaient ceux que les communautés avaient expressément demandés et dont ils avaient choisi les essences.

Durabilité. Dans le cadre de travail sur les moyens de subsistance durables, la durabilité doit être envisagée dans une optique holistique comprenant les dimensions

Différents niveaux de travail. Il est essentiel de faire en sorte que les institutions et/ou organisations à l'échelle locale agissent sur l'élaboration des politiques pour créer un milieu porteur et que les macrostructures et processus aident les gens à prendre appui sur leurs propres forces.

Mettre au point une vision commune du changement. Les pauvres ont des problèmes et des faiblesses. Ils ont aussi des points forts et des possibilités, et souvent des aspirations bien définies quant à leur avenir. Il est important de les aider à concrétiser leur vision.

MALI - COMMENT LE MANQUE DE DIAGNOSTIC INITIAL A CONDUIT À DES POINTS D'INTERVENTION INAPPROPRIÉS

Le projet du Fonds de développement du village de Ségou au Mali est passé largement à côté des ménages les plus pauvres parce qu'une attention insuffisante avait été portée au stade de la conception du projet à la différenciation socio-économique dans le domaine du projet ou aux systèmes de subsistance des pauvres. Le principal point d'intervention, la traction animale, excluait les ménages les plus pauvres. De plus, le projet n'a pas atteint les femmes ni les jeunes parce qu'il avait retenu comme point d'intervention de l'institution les associations villageoises, composées d'hommes d'âge mûr dirigeant des unités de production axées sur la famille élargie. Cet écueil a pu être corrigé au cours des phases ultérieures du projet grâce à l'évaluation.

"Prendre des parts" dans les stratégies axées sur des moyens de subsistance durables. Les personnes chargées d'élaborer les politiques et de les mettre en application à tous les niveaux doivent "prendre des parts" dans les principes et les processus relatifs aux moyens de subsistance durables. Plusieurs projets, dont DELIVERI et le Honduras, indiquent le rôle crucial que les chefs de file nationaux peuvent jouer pour faciliter ce processus.

Compétences, attitudes et connaissances. L'utilisation de méthodes relatives à des moyens de subsistance durables requiert des compétences, des attitudes et des connaissances nouvelles qu'il faut diffuser dans les organisations et auxquelles il faut former le personnel à tous les niveaux.

AUTRES LEÇONS ACQUISES: DIAGNOSTIC ET CONCEPTION

Le diagnostic participatif des moyens de subsistance est un préalable indispensable à la conception des projets et au choix des points d'intervention. Les projets qui n'avaient pas fait précéder la conception d'une analyse holistique des moyens de subsistance ont souvent adopté des stratégies et des points d'intervention de peu d'intérêt pour la population locale, surtout pour les pauvres. Pour prendre l'exemple des projets de gestion des ressources naturelles en Bolivie et au Pakistan, le personnel du projet a dû consacrer beaucoup de son temps et de ses ressources à sensibiliser la population à ces projets parce qu'ils ne correspondaient pas aux besoins ressentis par la population.

Points d'intervention inappropriés. Les organisations devraient veiller à ne pas s'engager sur un point d'entrée institutionnel étroit ou défini en termes d'approvisionnement à moins que les communautés n'aient été consultées ou qu'une analyse participative des moyens de subsistance ait été réalisée. Les engagements institutionnels peuvent rendre difficile une modification du point d'intervention du projet une fois la mise en œuvre commencée.

TABLEAU 3

Typologie des ménages - Étude de cas bolivienne

PARAMÈTRE

À TENDANCE URBAINE (ménages privilégiés)

MILIEU RURAL (ménages de classe moyenne aisée)

MARGINAL
(ménages pauvres et ménages appauvris de classe moyenne)

Emplacement de (la) maison(s)

Maison(s) à Santa Cruz, Samaipata et dans la communauté

Maisons dans la communauté et Samaipata

Maison dans la communauté

Activité

Professions libérales ou commerçants

Agriculteurs travaillant leur propre terre

Ouvriers agricoles ou métayers

Accès au crédit crédit

Accès aux services bancaires et au crédit officiels

Accès au micro

Aucun accès au crédit

Emploi de personnel

En mesure d'employer des métayers ou des journaliers

En mesure de participer des échanges de main d'œuvre

Souvent exclus des échanges de main d'œuvre

Taille et type de l'exploitation

Propriétaires de plus de 20 ha de terres avec vergers

Propriétaires de 5 à 20 ha de terres avec vergers

Sans terre ou propriétaires de moins de 5 ha de terres dégradées

Bétail

Possédant plus de 20 têtes de bétail

Possédant moins de 20 têtes (parmi les Vallunos)

Pas de bétail

Moyens de transport

Possédant un camion ou une plate-forme

Possédant une plate-forme ou une moto

Pas de moyen de transport

Niveau d'éducation

Instruits, avec des fils étudiant en ville

Sachant lire et écrire

Analphabètes

Rôle dans la politique locale

Influents dans la vie politique locale

Engagé dans des groupes d'entraide ou des associations communautaires

Ne participent pas aux organisations communautaires

Les données résultant de l'analyse des moyens de subsistance devraient toujours être ventilées par sexe, âge et catégorie socio-économique. Pour que les interventions répondent aux problèmes des pauvres et s'appuient sur leurs points forts, il est essentiel que les études de diagnostic aient pour point de départ une analyse faisant ressortir séparément la base d'avoirs et les systèmes de subsistance de différentes catégories socio-économiques et qu'elles adoptent une typologie des ménages3. Dans une même communauté, des ménages de catégories socio-économiques différentes peuvent avoir des modes de subsistance très différents.

Importance et programmation du diagnostic. Il y a eu consensus au Forum sur le fait qu'un diagnostic initial suivi d'une réévaluation continue à la lumière de l'expérience acquise était indispensable pour les raisons suivantes:

Les concepteurs du projet ne peuvent compter exclusivement sur les données secondaires. Il leur faut comprendre, par les yeux de la population locale, surtout des pauvres, l'évolution historique de ses systèmes de subsistance et des stratégies qu'elle utilise face aux difficultés pour définir la stratégie du projet.

Même les projets mettant en œuvre des processus répondant à une demande doivent examiner les problèmes liés à l'offre. Les auteurs ont besoin de savoir quelle sera l'étendue de l'aide que les bénéficiaires peuvent être amenés à demander pour déterminer quelles sont les institutions locales (publiques, privées ou ONG) en mesure de fournir ces services.

Le diagnostic commun peut être un moyen de créer un processus commun d'apprentissage et de mettre un programme ou un projet entre les mains d'une communauté locale. "Chercher à connaître est instructif et formateur pour tous les intéressés", dit le groupe d'étude sur la Mongolie.

La participation au diagnostic peut être un moyen de créer un consensus entre les organismes de financement, les organismes d'exécution et les bénéficiaires visés. "Un consensus entre les parties intéressées dont les priorités sont en concurrence" dit encore le groupe d'étude sur la Mongolie.

Le dialogue direct développe le sentiment de responsabilité du personnel de l'organisme d'exécution vis-à-vis des bénéficiaires visés.

ADAPTATION CULTURELLE DES OUTILS DE DIAGNOSTIC: PAKISTAN

S'assurer que les vues et l'expérience des femmes en purdah étaient prises en considération a posé quelques problèmes spécifiques aux praticiens de PER. Peu de femmes du pays savent lire et écrire, la plupart n'ont aucune expérience de participation à des réunions et n'ont eu que très peu d'occasions de réfléchir à des choix et de prendre des décisions en connaissance de cause. Le projet a donc mis au point des outils spéciaux de PER, visuels et interactifs plutôt que basés sur l'abstraction et la réflexion. Beaucoup de temps et d'argent ont été consacrés à mettre au point un ensemble d'outils propres aux femmes permettant de décrire en détail l'emploi du temps quotidien d'une femme Brahui. L'un de ces instruments représentait une femme en costume Brahui et une série de photos prises par un artiste local illustrant le triple rôle des femmes (production, reproduction et gestion communautaire). L'outil a eu beaucoup de succès. Les femmes pouvaient s'identifier par les photos et au fur et à mesure qu'elles progressaient dans leurs travaux quotidiens et saisonniers, elles prenaient conscience de la quantité de travail qu'elles avaient fournie. Elles prenaient ainsi plus d'assurance. Le projet a aussi utilisé des albums photos et un montage de diapositives constitués par le village comme base de discussion. Le fait de permettre aux groupes de choisir et de mettre au point leurs propres outils renforce leur sentiment que les activités et l'organisation du développement dépendent d'eux.

Les participants du Forum étaient généralement d'avis que les projets s'appuyant sur une expérience de 10 à 15 ans comportant des analyses de systèmes de subsistance et des actions assorties d'un processus de recherche active et d'évaluation devraient éviter d'investir trop de temps et de ressources dans le diagnostic. Les concepteurs des projets devraient plutôt s'appuyer autant que possible sur les données secondaires et les interventions pilotes, et pratiquer en parallèle un suivi et un ajustement participatifs pendant l'exécution du projet.4 En revanche, pour aborder un nouveau domaine, un diagnostic plus conséquent s'imposerait au préalable. Les outils de diagnostic doivent cependant être adaptés au contexte local et culturel.

L'analyse holistique peut conduire à une ou plusieurs interventions ciblées. Une fois terminée l'analyse holistique, une décision peut être prise quant à l'étendue du point d'intervention, c'est-à-dire s'il doit être plus ou moins vaste, et dans quel secteur, à quel niveau ou dans quel groupe il doit se situer. Il est en revanche indispensable de tenir compte des besoins des pauvres.

Les points d'intervention initiaux peuvent, dans un premier temps, aborder les priorités d'une communauté dans un secteur donné pour s'élargir ensuite à d'autres secteurs au fil de l'évolution du programme. Le programme peut ainsi progresser par étapes dans des domaines nécessitant une sensibilisation accrue de la communauté, comme, par exemple, les projets ou programmes portant sur la gestion des ressources naturelles. Les projets ou programmes devraient saisir les possibilités offertes par la décentralisation pour résoudre les problèmes des points d'intervention sectoriels. Lorsque tous les services gouvernementaux se retrouvent sous l'autorité du district, les crédits affectés au projet au niveau du district ou à un niveau inférieur (évitant les ministères centraux) peuvent être distribués à un secteur ou à un autre au fur et à mesure de l'apparition des demandes des communautés. Il n'est pas nécessaire que les services décentralisés soient fournis par les ministères, ils peuvent être sous-traités à des prestataires de services plus diversifiés, par exemple au secteur privé, aux ONG ou à d'autres organisations de la société civile.

POINTS D'ENTRÉE UNISECTORIELS OU PLURISECTORIELS?

Le projet DELIVERI du DFID en Indonésie est un exemple de démarche axée sur des moyens de subsistance durables comportant un point d'intervention dans un secteur unique qui a opéré à plusieurs niveaux de ce secteur. Le but du projet était de rendre les services d'élevage existants plus conscients de leur clientèle et plus sensibles aux pauvres. Il a commencé par opérer aux niveaux du sous-district et de la communauté pour remonter progressivement vers les niveaux administratifs plus élevés pour faire infléchir les décisions en utilisant les résultats des expériences pilotes menées au niveau local le plus bas. En mettant en présence les décideurs du niveau provincial et les bénéficiaires du projet de villages pilotes, le projet a permis de faire efficacement pression pour infléchir les politiques et les institutions.

Le programme pour assurer des moyens de subsistance durables réalisé par le PNUD au Malawi a suivi une démarche exactement inverse. En cherchant à définir un programme d'action globale couvrant tous les secteurs concernés, le projet est arrivé à la conclusion que l'adoption d'une démarche axée sur des moyens de subsistance durables n'impliquait pas que le programme doive englober tous les secteurs et qu'il était préférable de se concentrer, pour l'exécution, sur quelques points de levier à l'intérieur du système de subsistance.

Les projets de gestion de ressources naturelles peuvent exclure certains groupes vulnérables de pauvres (par exemple les paysans sans terre, les métayers) en centrant leurs interventions ou leurs activités sur la terre. L'approche relative à des moyens de subsistance durables permet de définir d'autres interventions allant dans le sens des stratégies de subsistance des pauvres. Une stratégie possible consisterait à rechercher les ménages qui ne participent pas aux activités du projet et à recenser, par des méthodes participatives, les besoins et les forces des membres qui les composent. Des initiatives peuvent ensuite être introduites pour répondre aux besoins identifiés à condition qu'elles relèvent du mandat du projet. Ou bien les besoins des plus pauvres pourraient être abordés indirectement par des réformes des politiques et des institutions (création d'emplois, renforcement des institutions locales). Le projet bolivien, par exemple, aurait pu influencer les politiques de propriété de la terre pour qu'elles tiennent compte des besoins ressentis au niveau des paysans sans terre et des métayers. Plutôt que de s'employer exclusivement à améliorer la durabilité des pratiques agricoles, le projet aurait pu explorer d'autres options pour procurer des revenus autres qu'agricoles, ce qui aurait réduit la pression exercée sur la terre. L'autre possibilité aurait été de commencer un autre projet, apparenté, visant spécifiquement les segments de la société privés de terre à cultiver.

EXEMPLES DE PROJETS QUI ONT RÉUSSI À MODIFIER LES POINTS D'INTERVENTION

Bolivie: En dépit d'un point d'intervention dans un secteur unique, ce projet a réussi à répondre à des besoins ne relevant pas du secteur de l'agriculture ou de la gestion des ressources naturelles en reliant des communautés à des ressources provenant de donateurs ayant des activités dans d'autres secteurs.

Honduras: Ce projet, parti d'un point d'intervention dans un secteur unique pour répondre à un besoin ressenti, a évolué vers d'autres secteurs pour répondre à des besoins complémentaires.

Pakistan: Le point d'intervention initial de ce projet - aménagement d'un bassin versant - intéressait peu la population locale, mais il a réussi à déplacer l'accent vers la culture des fruits et les infrastructures communautaires.

Zambie: Le point d'intervention initial de ce projet, la sécurité alimentaire des ménages, était trop étroit pour permettre l'amélioration de l'état alimentaire. Le projet a fait prendre conscience que les activités centrées sur la nourriture devaient aller de pair avec des interventions telles que les soins de santé élémentaires, l'accès à l'eau et l'assainissement, l'éducation en matière d'alimentation et de santé et l'amélioration des pratiques de sevrage et d'allaitement.

Le Projet INTERFISH du Bangladesh a eu recours à l'école pratique d'agriculture pour introduire la pisciculture dans les rizières. Bien que le projet ait donné de l'autonomie aux petits exploitants, un point d'intervention de ce type n'aurait pas permis d'atteindre les ménages les plus pauvres, qui n'ont pas de rizières. Pour justifier l'accent mis sur la pauvreté dans le projet, ses dirigeants ont qualifié le groupe ciblé de "pauvres de demain", c'est-à-dire "les petits paysans autonomes considérés comme vulnérables face à une crise ou un choc secouant l'économie rurale".

Puisqu'il faut, pour atteindre les paysans pauvres sans terres, un point d'intervention et une stratégie différents, le DFID finance un projet complémentaire intitulé "Développer l'accès des ménages au projet de développement de jardins à Bari", qui a pour but d'aider les hommes et les femmes sans terres à cultiver à améliorer la sécurité alimentaire du ménage en augmentant la productivité des terres normalement consacrées à la culture de légumes et d'arbres fruitiers. Les bénéficiaires comprennent les ménages qui disposent au total d'un acre (0,4 ha) de terre ou moins y compris le terrain sur lequel est bâtie la maison.

Il y aurait une autre possibilité qui consisterait à établir des accords de partenariat avec d'autres organismes ou donateurs pour couvrir les besoins dans des domaines ne relevant pas du mandat ou des objectifs du projet.

Il faudrait s'efforcer, durant la phase de conception du projet, de négocier avec les communautés pour inclure les groupes marginalisés ou les plus pauvres. Définir les règles du projet par un processus participatif, voire les mettre par écrit, pourrait donner au projet un mandat pour veiller à ce que les droits des pauvres soient respectés. Les communautés demandant à participer au projet devraient alors en accepter l'approche.

Le projet P4K soutenu par le FIDA en Indonésie vise à réduire la pauvreté en créant des groupes d'épargne et de crédit pour les personnes sans terre ou fonctionnellement sans terre. Selon les règles du P4K, les membres de la communauté doivent déterminer quelles sont les personnes nécessitant l'aide du projet qui se trouvent en dessous du seuil de pauvreté défini à l'échelle locale. Une fois identifiées, ces personnes bénéficient d'une période de maturation pendant laquelle elles économisent et reçoivent une formation et peuvent emprunter sur les économies du groupe. Après avoir remboursé leurs emprunts au moins trois fois, elles sont considérées aptes à emprunter à une banque commerciale. Comme l'a montré la crise financière des années 1997-98, les participants du projet P4K se sont avérés être mieux à même de résister au choc de la crise que le reste de la population de la même communauté.

Le choix des partenaires est crucial. Les organisations (plurisectorielles) à l'échelon municipal ou du district peuvent être de bons partenaires locaux pour des projets axés sur des moyens de subsistance durables, mais elles sont limitées lorsqu'il s'agit d'influer sur les politiques à des niveaux plus élevés. On ne peut préconiser de changements au niveau des macro-politiques sans faire appel aux ministres concernés.

AUTRES LEÇONS ACQUISES DE L'EXPÉRIENCE: APPLICATION ET SUIVI

La majorité des participants au Forum et à la conférence électronique/Internet avaient de sérieuses réserves quant à l'intérêt de l'approche axée sur des moyens de subsistance durables pour l'application. Ils pensaient que la valeur ajoutée de l'application n'était pour une grande part pas spécifique à cette approche mais provenait de la mise en pratique des leçons tirées de vingt ou trente années de mise en œuvre de projets participatifs et orientés sur des systèmes (par exemple la recherche sur les systèmes agricoles ou la sécurité alimentaire des ménages).

Les leçons tirées de l'application devraient guider le remodelage des projets. Le processus itératif est susceptible de réduire les risques et d'améliorer la précision du projet. Les projets au Malawi, en Bolivie, en Zambie et au Honduras ont tous bénéficié du remodelage effectué, qui s'est répercuté sur l'application dont il tirait ses éléments. Ce processus a pris plusieurs formes allant d'une évaluation participative intégrale du projet réalisée chaque année par les communautés (par exemple dans le cas du Honduras) à un suivi participatif plus traditionnel. D'autres projets (par exemple INTERFISH, Mali, Éthiopie et Mongolie) ont aussi été partiellement remodelés à mi-parcours ou au début de phases successives.

Nécessité d'une gestion évolutive et adaptée aux circonstances. Les initiatives sectorielles les plus réussies ou les projets ou programmes n'ayant qu'un point d'intervention doivent beaucoup à une approche comportant un processus évolutif et s'adaptant aux circonstances, qui leur a permis de réagir aux besoins de moyens de subsistance en dehors du secteur initial, soit en ajoutant de nouveaux éléments au projet existant, soit en créant des liens de partenariat avec d'autres projets. C'était le cas pour le projet de Zambie, de Bolivie et du Honduras et, dans une moindre mesure pour le projet éthiopien.

Nécessité de disposer d'indicateurs de résultats holistiques. Les indicateurs les mieux à même de refléter les effets attendus d'un projet sur les moyens de subsistance n'ont pas encore été trouvés. Les analyses holistiques du problème effectuées avant d'élaborer le programme devraient indiquer quels devraient normalement être les liens intersectoriels réels et aider ainsi à déterminer le jeu minimal d'indicateurs des effets à mesurer.

Renforcement des capacités institutionnelles au niveau local. Le renforcement des capacités et l'autonomisation comptaient parmi les éléments dominants de la plupart des projets analysés (Bangladesh, Bolivie, Honduras, Malawi, Mali, P4K, Zambie et la phase récente du projet éthiopien). Le développement du capital humain et social par le renforcement institutionnel au niveau local et le développement des compétences techniques avaient une place prépondérante.

Les groupes d'école pratique d'agriculture promus par INTERFISH apparaissent comme des institutions villageoises solides susceptibles de répondre aux préoccupations et aux priorités de la communauté en plus des technologies adoptées par expérimentation. Les groupes d'entraide encouragés par le projet sur la sécurité et l'hygiène alimentaires en Zambie pour mettre au point et appliquer des plans d'action communautaire se regroupent pour former des organisations de haute stature (associations ou fédérations) capables de faire pression pour obtenir de meilleurs services de l'État et de soutenir des initiatives communautaires. De même, dans le projet DELIVERI, en Indonésie, les groupes de paysans organisant une action communautaire sur l'élevage mettaient à l'origine l'accent sur les problèmes d'élevage. Les bases prévues par la planification participative ont permis à certains groupes d'élargir leur mandat à de nouvelles questions telles que:

Développement des capacités de gestion des risques. Le renforcement des capacités doit être axé sur la fourniture des services ainsi que sur la gestion des risques. Les institutions qui ne sont pas en mesure de gérer efficacement les risques peuvent rapidement se trouver débordées et voir leur capacité de continuer à fournir des services sérieusement mise en péril. Cet aspect de la gestion des risques est souvent négligé dans les actions de renforcement des capacités". 5

En l'absence d'une bonne analyse des facteurs de vulnérabilité, le projet malien n'a pas accordé une attention suffisante au développement d'une capacité locale de gestion des risques. Le résultat s'est fait sentir aussi bien au niveau individuel (par l'incapacité des ménages d'agriculteurs de réduire le risque de mauvaise récolte) qu'au niveau collectif (par la fragilité des associations villageoises et des fonds villageois de développement exposés au risque d'insolvabilité en cas de mauvaise récolte).

En Mongolie, la privatisation des collectifs de garde des troupeaux (negdels) a transféré tous les risques liés à la garde des troupeaux sur les gardiens, dans un environnement cerné de risques. Les services que fournissaient habituellement les negdels (par exemple commercialisation, camions et tracteurs pour les migrations saisonnières et les urgences, matériel de fenaison) se sont en grande partie effondrés. En outre, les gardiens de troupeaux n'assurent pas leurs animaux, par manque d'argent et parce qu'ils jugent les conditions inintéressantes. De ce fait, ils ont recours à des stratégies traditionnelles de minimisation des risques en mélangeant les espèces dans les troupeaux et en s'associant à d'autres ménages pour former des groupes, ou khot ails, qui gardent les troupeaux afin de faire face au surcroît de main d'œuvre que demande la garde de troupeaux mixtes. Un nouveau Programme de coopération technique de la FAO vise à renforcer la capacité des institutions locales de gérer les risques de pacage dans les prairies d'Asie centrale.

Stratégies de sortie. Une stratégie cohérente permettant d'éliminer le soutien externe devrait être mise au point au début de la mise en œuvre. À titre d'exemples de stratégies de sortie adoptées dans le projet de Lempira Sur, au Honduras, on peut citer:

Les pauvres aux commandes. Rapprocher les décisions et le financement des pauvres est une stratégie importante. À cet égard, la décentralisation, appliquée correctement, favorise la création de passerelles entre institutions du secteur public, communautés et société civile. Ces passerelles sont indispensables pour rendre les moyens de subsistance réellement durables et institutionnaliser correctement l'approche visant à réaliser des moyens de subsistance durables.

Statut juridique des organisations locales. La reconnaissance juridique des organisations locales peut être déterminante pour leur viabilité. En 1996-1997, le projet bolivien a aidé des petits groupes d'entraide à fusionner. Ces groupes, créés sous l'impulsion du projet, se sont transformés en organisations communautaires à part entière (Organisations Territoriales de Base), qui, en vertu de la nouvelle Ley de Participation Popular, ont pu obtenir un statut juridique et devenir des partenaires de base pour le développement local. Cette reconnaissance juridique a permis à ces organisations

Le rôle des parties intéressées. Un contrôle et un examen techniques réguliers auxquels participent pleinement les parties au projet à tous les niveaux peuvent faciliter la transparence et permettre de rendre compte du projet (Groupe de l'étude de cas du Honduras).

AUTRES ENSEIGNEMENTS: POLITIQUES

Contenu et processus. Les participants ont reconnu la nécessité de s'attacher davantage au processus de changement des politiques plutôt qu'à leur seul contenu afin de donner aux gens les moyens d'agir sur les politiques.

Progression du niveau d'action. Pour agir sur l'environnement des politiques de manière à ce qu'il joue en faveur de moyens de subsistance durables, il faut intensifier le retour de l'information depuis la base pour qu'elle atteigne les instances de décision et d'élaboration des politiques des institutions et des administrations.

Renforcement des capacités. L'élaboration de politiques qui favorisent les stratégies axées sur des moyens de subsistance durables, leur application et leur contrôle dépend de structures et de processus de gouvernement multiples. Le renforcement des capacités des organisations locales de base et de la société civile devrait faire partie intégrante, à tous les niveaux, de toute stratégie visant des moyens de subsistance durables. À cet égard, comme l'a montré la conférence électronique/Internet, il faut également mettre au point des instruments adaptés de renforcement des capacités et des stratégies de formation auxquels les organisations de la société civile et les bénéficiaires de projets visant des moyens de subsistance durables pourraient avoir recours pour renforcer leur capacité d'analyse des politiques.


2 D'aprés C.Ashley & D. Carney, 1999, "Sustainable livelihoods: lessons from early experience," Londres, DFID.

3 L'histoire personnelle s'est révélée être un outil efficace pour apprendre à connaître la dynamique et l'évolution des moyens de subsistance. Elle aide à comprendre les mécanismes de capitalisation et de décapitalisation.

4 Dans les établissements scolaires et universitaires locaux, les collectivités locales et les ONG, les connaissances devraient autant que possible puiser dans le fonds des connaissances indigènes.

5 CARE.

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