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La lutte contre les fléaux de la forêt aux Etats-Unis

W. V. BENEDICT1

1 Director, Division of Forest Pest Control, Forest Service, U.S. Department of Agriculture, Washington, D.C., U.S.A.

La communication ci-après a été présentée à un symposium sur les maladies et insectes des forêts dangereux sur le plan international, organisé par la FAO avec l'appui de l'Union internationale des instituts de recherches forestières (UIIRF), et qui s'est tenu à Oxford (Angleterre) du 20 au 30 juillet 1964.

Les motifs qui ont présidé à l'organisation de ce symposium peuvent se résumer comme suit:

a) La tendance actuelle de la sylviculture est à la forêt artificielle de plantation, qui exige de plus gros investissements en vue d'une production plus élevée.

b) Cette tendance, conséquence nécessaire de l'industrialisation et du désir d'augmenter et de rationaliser la production, conduit à la création de grands peuplements forestiers équiennes, formés de quelques essences seulement ou même d'une seule, et couvrant de vastes étendues.

c) Contrairement à la forêt naturelle, le peuplement artificiel crée des conditions dans lesquelles les risques d'épiphyties graves et d'attaques d'insectes sont grandement accrus.

d) La foresterie de plantation absorbe de gros efforts et d'importants investissements pour la préparation du terrain, la fertilisation, l'amélioration des essences, etc. Or, les maladies et les attaques des insectes peuvent avoir pour effet d'en réduire sensiblement ou même d'en annuler complètement les effets. Ces facteurs négatifs de la production, au même titre que les facteurs positifs, exigent la plus grande attention, étant donné surtout leur caractère imprévisible.

Le rapport du symposium sera publié par la FAO.

Principes' méthodes et problèmes

PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA LUTTE CONTRE LES ENNEMIS DE LA FORÊT

La lutte contre les ennemis et les maladies des arbres forestiers aux Etats-Unis s'inspire des principes et considérations que nous allons énoncer et discuter brièvement ci-après.

1. Le fléau doit constituer une menace grave pour les ressources forestières atteintes. Cela une fois établi, il faut: une méthode efficace de lutte directe ou indirecte; un rapport favorable dépense-bénéfice; enfin, si l'emploi d'insecticides chimiques présente des risques, la possibilité de s'en préserver efficacement.

Avant de décider de l'opportunité d'une campagne de lutte, nous effectuons toujours une évaluation précise du fléau. Celle-ci consiste en une estimation complète du danger actuel ou potentiel que représente l'insecte ou la maladie, avec les considérations écologiques et économiques qui s'y rattachent. Il s'agit de déterminer, d'une part, les résultats positifs à attendre de la suppression du fléau et, d'autre part, les dégâts ou les pertes à envisager s'il n'est pas combattu. A notre avis, on ne peut sans une évaluation complète et approfondie de la situation, préparer de programme de lutte sur une base sérieuse. Nous savons par expérience que si l'estimation est incomplète ou superficielle, la campagne de lutte est d'une valeur discutable. Nous considérons, par conséquent, la détermination d'un fléau par des faits positifs comme un facteur essentiel de toute décision pour ou contre un programme de lutte. Nous estimons que l'enquête doit être techniquement aussi parfaite et aussi large qu'il est possible de le faire.

2. L'application des mesures de lutte doit être absolue et complète. Quand on entreprend de lutter contre un ennemi de la forêt, insecte ou maladie, il importe au plus haut point que les méthodes dont on dispose soient appliquées absolument et complètement. La lutte doit répondre aux normes techniques fixées et prescrites par la recherche, sinon on risque de n'obtenir que des résultats imparfaits, et comme il arrive souvent, de travailler en pure perte. Les forestiers américains semblent parfois l'oublier. Ils peuvent, dans certaines branches de l'aménagement forestier, négliger certains détails et obtenir néanmoins des résultats passables. Mais il leur est difficile de comprendre qu'il n'en va pas ainsi dans la lutte contre les ennemis de la forêt. On peut, par exemple, au prix d'un long et coûteux travail, arriver à supprimer 90 pour cent des Ribes (hôtes intermédiaires de la rouille vésiculeuse du pin Weymouth) existant dans un secteur forestier, et cependant l'avoir fait presque inutilement si les Ribes restés sur pied hébergent assez de rouille pour détruire tout un peuplement de pins. De même, un programme de lutte, si coûteux soit-il, contre un insecte déterminé, peut n'avoir que des résultats médiocres ou nuls si les survivants se multiplient rapidement en assez grand nombre pour attaquer et détruire le peuplement.

Ce que nous recherchons avant tout c'est l'élimination du fléau, non la destruction d'un grand nombre d'insectes, de germes ou de plantes-hôtes. En d'autres termes, l'ennemi de la forêt doit être annihilé au point de ne plus causer de pertes économiques et, pour y parvenir, il faut se conformer strictement aux normes techniques.

3. La recherche doit être active et suivie. C'est surtout de la recherche pure et appliquée que découlent les méthodes de lutte. La lutte ne peut donc progresser que dans la mesure où la recherche lui fournit les instruments nécessaires. Pour être au maximum utile à la lutte, la recherche doit non seulement étudier scientifiquement les insectes et les maladies, mais aussi perfectionner les méthodes et travailler aux problèmes qui se posent de jour en jour pendant le déroulement des opérations.

Aux Etats-Unis, l'opinion publique, de plus en plus sensible aux dégâts et aux pertes occasionnés par les ennemis de la forêt, élève sa voix pour que ces dégâts et ces pertes soient évités ou limités. En se développant, cet intérêt nouveau et ces exigences soulèvent d'autres problèmes. Il arrive souvent, par exemple, qu'une intervention soit demandée et qu'il ne soit pas entièrement possible d'y donner suite. Malgré la somme de recherches déjà effectuées et les travaux en cours actuellement, il y a, en effet, beaucoup de choses que l'on ignore encore en matière de lutte contre les insectes et les maladies de la forêt. Cela met souvent les responsables dans des situations embarrassantes. Nous faisons constamment notre possible pour assurer un service de protection, mais nous sommes souvent obligés de refuser notre approbation à certaines interventions, même extrêmement souhaitables, parce que nous n'avons pas encore de méthode efficace ou sûre.

Cette prise de conscience croissante de l'importance des maladies et des insectes qui menacent la forêt et les pressions qui s'exercent pour mettre un terme aux dégâts causés, confèrent à la recherche, dans ce domaine, un caractère d'urgence qu'elle n'avait certainement pas aux Etats-Unis il y a seulement dix ans. La nécessité de trouver rapidement des solutions aux nouveaux problèmes techniques et autres que doivent affronter les services de lutte est inculquée de plus en plus au personnel de recherche.

4. Les exploitants forestiers et l'opinion publique doivent être exactement informés. Pour que la forêt soit bien protégée, il faut que ceux qui administrent les ressources forestières, mais aussi le grand public, voient clairement et avec réalisme ce qu'il est possible et ce qu'il n'est pas possible de faire pour prévenir ou pour supprimer les attaques d'insectes ou de maladies dans la forêt. On obtient déjà de bons résultats, sur le plan général de la prévention et de la suppression, quand on met en œuvre tous les moyens culturaux connus pour réduire au minimum l'action des parasites. Quand on examine la nécessité et les possibilités d'une campagne de lutte, il ne faut pas oublier de considérer aussi les valeurs multiples que menacent dans la forêt les invasions d'insectes et les maladies: bois, eau, fourrage, faune sauvage, récréation. Avant de passer à la réalisation d'un projet de lutte, il serait très souhaitable d'en exposer à l'opinion publique les plans, les méthodes et les résultats escomptés.

5. Nécessité d'entretenir de bons rapports avec les gens. Il ne s'agit pas là, à vrai dire, de principe à suivre, mais d'une considération importante dans la lutte contre les fléaux de la forêt. La connaissance des moyens à appliquer n'aurait guère qu'une valeur académique si on ne mettait pas ces moyens en œuvre. Pour cela, il faut en général amener les gens à faire ce qui doit être fait et ce que l'on veut qu'ils fassent. Il importe donc, dans une campagne de lutte, de bien s'entendre avec eux. La plupart du temps cette qualité joue un rôle aussi indispensable que la connaissance de la pathologie, de l'entomologie et de la foresterie. Dans certains cas, elle est plus importante encore. Tout ce que nous faisons est, en effet, conditionné, dans une grande mesure, par les réactions et l'attitude des gens.

INCIDENCE DES MALADIES ET DES INSECTES SUR LA FORESTERIE AMÉRICAINE

Les maladies et les insectes causent de gros dégâts dans les forêts des Etats-Unis. On estime qu'ils détruisent en année moyenne 16 millions de mètres cubes de bon bois de sciage. Quant aux pertes résultant de la réduction de l'accroissement des arbres restés en vie on les estime à 50 millions de mètres cubes. Ce sont là des pertes énormes, en dépit des efforts que représentent chaque année les programmes d'intervention préventive et de suppression.

Que représentent ces pertes pour la foresterie aux Etats-Unis? Pour commencer, la maladie a éliminé le châtaignier américain qui était un de nos meilleurs feuillus. Elle risque d'éliminer aussi de nos forêts l'orme d'Amérique. Quant aux résineux, l'excellent pin Weymouth ne peut plus être cultivé que dans certaines stations et à grands frais à cause de la rouille vésiculeuse et du charançon qui l'attaquent. Le puceron lanigère du sapin baumier constitue une sourde menace pour nos grandes sapinières. Quelle que soit l'essence dont s'occupe le forestier, et dans toutes les phases du traitement sylvicole qu'il applique pour mener à bien sa récolte de bois, il doit lutter plus ou moins énergiquement contre quelque insecte ou quelque maladie. Les forestiers américains résument la question par cette boutade: «Nous n'avons pas besoin de faire des plans d'abattage; les insectes et les rouilles s'en chargent.»

PROCÉDÉS UTILISÉS DANS LA LUTTE CONTRE LES ENNEMIS DE LA FORÊT

Les méthodes fondamentales suivies aux Etats-Unis pour lutter contre les ennemis de la forêt peuvent se compter sur les doigts de la main: ce sont le dépistage, l'appréciation du fléau, la protection, la suppression et l'éradication. Ces cinq méthodes ont toutes la même importance et ne vont pas l'une sans l'autre.

Dépistage. Le dépistage rapide et sûr est la condition essentielle d'une suppression rapide et efficace. Aux Etats-Unis nous inspectons actuellement toutes les forêts pour déceler toute activité anormale de parasites. L'inspection se fait de deux manières; d'abord, en utilisant au maximum les observations du personnel occupé dans la forêt et, en second lieu, par des reconnaissances aériennes et sur le terrain effectuées par des forestiers spécialisés dans la lutte phytopathologique.

Appréciation. Il bien certain que toute activité anormale de germes et d'insectes nuisibles ne nécessite pas une intervention. C'est pourquoi il faut évaluer dans chaque cas l'importance de l'attaque et les risques qu'elle présente pour établir s'il y a lieu ou non de passer à l'action. Cette évaluation est de deux sortes. En premier lieu le fléau est évalué du point de vue biologique pour apprécier, d'une part, les dégâts et les pertes qu'il peut occasionner au patrimoine forestier si l'on n'intervient pas et, d'autre part, les avantages escomptés des mesures de lutte prescrites. En second lieu, on analyse la situation du point de vue économique pour déterminer la valeur des ressources en jeu et voir si le bilan financier d'une action de suppression est positif ou non.

Dans toute évaluation biologique d'une invasion ou d'une infestation on utilise tous les renseignements disponibles sur la biologie et l'écologie du fléau pour interpréter la situation. On mesure les populations d'insectes et leur évolution et l'on analyse les possibilités de propagation et la nocivité des maladies. On estime la somme des dégâts que le fléau causera s'il n'est pas supprimé à temps et la réduction des pertes que l'on peut attendre d'une action de suppression. On passe en revue tous les moyens existants d'enrayer le fléau et l'on choisit les plus sûrs, les plus économiques et les plus efficaces si l'on décide de passer à l'action.

Quand l'examen biologique montre qu'un fléau doit se prolonger, se développer et occasionner de sérieux dégâts dans la forêt, on passe à la deuxième phase de l'évaluation qui est l'analyse économique. Cette analyse sert à établir l'incidence du fléau sur chacune des valeurs de la forêt (bois, faune, récréation, eau, fourrage et paysage) et sur le milieu forestier dans son ensemble. Il s'agit de pondérer toutes ces incidences, de déterminer les moyens disponibles pour combattre le fléau et d'établir le bilan coût/bénéfice de l'opération.

Ces évaluations - biologique et économique - sont effectuées par des pathologistes, des entomologistes, des forestiers et autres savants qualifiés. Elles sont aussi précises que possible, mais rarement aussi bonnes que nous le voudrions. Nous nous efforçons constamment de les améliorer.

Protection. Nous considérons la protection comme notre première ligne de défense contre les maladies et les insectes de la forêt. Notre objectif est de faire adopter, dans l'aménagement des forêts nationales, les mesures que l'on sait capables de réduire l'importance d'un fléau, et d'insister pour que ceux qui ont la charge des forêts privées en fassent autant. Nous ne pouvons malheureusement pas, pour le moment, faire tout ce que nous voudrions dans le domaine de la protection. En fait, nous avons encore beaucoup à apprendre sur ce qu'il faudrait simplement faire pour éviter le fléau des maladies et des insectes. Nous faisons néanmoins tout ce que nos connaissances actuelles et la situation économique nous permettent de faire.

Partout où cela se peut, les peuplements forestiers attaqués ou en danger de l'être par des insectes ou des maladies sont abattus. Mais la récolte du bois, en tant que mesure de protection, a aussi ses limites aux Etats-Unis: des peuplements atteints ou en danger de l'être sont inaccessibles, ou n'ont pas de valeur commerciale, d'autres encore sont mis en réserve pour des buts récréatifs ou autres et l'abattage du bois y est limité ou même interdit; enfin il est évidemment beaucoup de fléaux contre lesquels on ne peut lutter par l'abattage des arbres ou par des moyens culturaux.

Suppression. On arrive à réduire des attaques dévastatrices d'insectes et de maladies dans la forêt par diverses méthodes. Dans la mesure où il est possible de le faire, on utilise des parasites, des prédateurs et des germes pathogènes pour contenir le développement des maladies et insectes nuisibles. Malheureusement, la lutte biologique est souvent insuffisante pour empêcher l'apparition de ces maladies et de ces insectes et, en général, son action est trop lente pour être de quelque utilité dans la suppression d'une épiphytie.

Quand toutes ces méthodes de lutte ne réussissent pas autant qu'on le voudrait, on a recours aux insecticides chimiques. Si l'on considère l'ensemble des problèmes posés par les ennemis de la forêt, nous nous trouvons actuellement dans l'obligation d'utiliser surtout les insecticides, et il faudra probablement continuer ainsi pendant bien des années encore. Ces produits ont aussi leurs inconvénients: a) ils peuvent mettre en danger la vie d'animaux et de plantes utiles; b) ils permettent rarement de corriger la cause première d'un fléau; c) leurs effets ne sont pas toujours permanents. On tend de plus en plus, aux Etats-Unis, à intégrer les moyens chimiques, biologiques et culturaux de lutte, de manière que leurs actions se complètent. Dans la mesure où on peut l'appliquer, cette méthode donne des résultats plus certains, plus complets et plus durables.

Eradication. Notre principal effort de lutte est dirigé contre les maladies et insectes indigènes et contre ceux qui, provenant de l'étranger, se sont fermement établis dans le pays. On ne cherche pas à les supprimer d'une manière absolue. Cela ne signifie pas que l'éradication n'ait pas une place dans nos programmes. En fait, l'éradication complète, jusqu'à la dernière spore ou au dernier individu, est considérée tout à fait souhaitable quand un nouvel insecte ou une nouvelle maladie venus de l'étranger commencent seulement à se propager dans un secteur encore relativement limité, ou quand l'ennemi signalé ne s'est encore installé que sur quelques-uns de ses nombreux hôtes et que l'on estime nécessaire d'en empêcher la diffusion.

Le dépistage rapide d'un début d'infestation par de nouveaux envahisseurs est la condition essentielle de l'éradication. Une autre condition importante est l'application d'une quarantaine stricte par les autorités fédérales et celles des Etats pour éviter la propagation tandis que les programmes d'éradication sont en cours ou que l'on attend la mise au point des méthodes de lutte appropriées. Simultanément, on applique dans le secteur infesté un programme de suppression pour réduire numériquement l'invasion, éviter des dégâts et limiter au maximum le risque de propagation dans des secteurs éloignés.

Pour être efficace, l'éradication exige le maximum de coopération entre les autorités fédérales, celles des Etats et les autres secteurs intéressés. Elle a besoin aussi que tous lui apportent leur plein concours avec la ferme détermination de mener la campagne rapidement et avec vigueur, sans transiger dans le choix ou la poursuite d'un plan d'action visant à la localisation et à la destruction des derniers éléments nuisibles.

ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LES ENNEMIS DE LA FORÊT

Le Service forestier du Département de l'agriculture des Etats-Unis est la principale autorité fédérale en matière de lutte contre les ennemis de la forêt. Avant d'expliquer comment est organisée cette lutte au Service forestier, il est utile de dire succinctement comment est organisé ce Service.

Le Service forestier exerce son activité dans trois grands domaines: a) protection et aménagement des forêts nationales, qui s'étendent sur 75 millions et demi d'hectares; b) travail de recherches de l'administration fédérale dans le domaine forestier; c) direction des programmes coopératifs fédéraux votés par le Congrès pour aider les administrations des Etats et les propriétaires privés tant à protéger et améliorer les forêts nationales et privées qui s'étendent sur 176 millions d'hectares qu'à y appliquer de bonnes méthodes d'aménagement.

Pour accomplir la tâche que lui impose la responsabilité de ces vastes programmes nationaux, le Service forestier entretient un petit groupe de fonctionnaires à son siège de Washington. Pour le reste, ses nombreuses fonctions sont décentralisées dans dix centres régionaux, 154 forêts nationales, 805 districts forestiers (ranger districts), 11 stations expérimentales, 1 laboratoire des produits forestiers, et 80 stations de recherche.

Au Bureau central de Washington et dans les centres régionaux, le travail du Service forestier est organisé par divisions correspondant aux principaux secteurs d'activité: bois, parcours, faune, eaux, récréation, protection contre l'incendie, maladies et insectes. La recherche est répartie de même en divisions analogues au Bureau de Washington et dans les stations expérimentales régionales.

Au Bureau de Washington se trouve une Division de la lutte contre les ennemis de la forêt (Division of Forest Pest Control) et une Division de recherches en matière de protection de la forêt (Division of Forest Protection Research). En outre, chacun de nos dix bureaux régionaux possède sa section phytosanitaire, et des spécialistes effectuent des recherches sur les maladies et les insectes dans chaque station expérimentale forestière. Dans certaines forêts nationales, le directeur compte dans son personnel des fonctionnaires des services phytosanitaires et des chercheurs, pathologistes et entomologistes, sont détachés dans quelques grands secteurs de recherche.

Le Bureau de Washington assure la direction générale de toutes les opérations de surveillance et de lutte effectuées dans les forêts publiques ou privées; il élabore des directives indiquant dans quelles circonstances et de quelle manière doivent être engagées les opérations de lutte; il examine les propositions relatives aux projets de suppression et décide en la matière; il distribue les fonds; il inspecte les travaux sur le terrain; il prépare le budget et la justification des dépenses pour les attributions annuelles de crédits; il maintient la liaison avec les autres divisions du Service forestier et les autres organismes intéressés à la lutte phytopathologique.

La Division de la lutte contre les ennemis de la forêt opère conformément aux lois votées par le Congrès pour protéger le domaine fédéral contre les maladies et les insectes dangereux et aider les Etats et les propriétaires à protéger leurs forêts contre ces fléaux. En vertu de cette législation, le Gouvernement fédéral assume entièrement les frais de la lutte pour les forêts fédérales et en prend à sa charge 25 à 50 pour cent, selon la nature du fléau, pour les autres forêts.

Le personnel régional, qui comprend 118 entomologistes, pathologistes et forestiers, est chargé du service de dépistage et de lutte pour toutes les catégories de forêts.

Dans les forêts nationales, la lutte s'effectue sous la direction de brigadiers forestiers de district et de contrôleurs forestiers, qui reçoivent les directives et l'aide technique des fonctionnaires de la lutte phytopathologique stationnés aux centres régionaux.

Dans les autres forêts fédérales - parcs nationaux, terres du domaine public et réserves d'indiens - la lutte s'effectue sous la direction des administrateurs de territoire, avec l'aide technique des spécialistes de la lutte phytopathologique du Service forestier.

Dans les autres forêts, la lutte est menée sous la direction de sections spéciales d'organisations des Etats, en général dans le bureau du forestier d'Etat. L'assistance technique et financière est fournie aux Etats par le Service forestier.

Les entomologistes et les pathologistes détachés dans les centres régionaux et les chercheurs des stations forestières expérimentales sont constamment en rapport étant donné la corrélation de leurs travaux. Le personnel chargé de la surveillance et de la lutte est tenu constamment au courant des derniers résultats de la recherche; le personnel de la recherche est informé des problèmes rencontrés dans le travail de surveillance et de lutte. Tous les fonctionnaires, qu'ils soient affectés ou non à la recherche, doivent souvent préparer, réaliser et apprécier les essais pilotes portant sur de nouveaux produits, méthodes ou techniques pour la protection ou la lutte contre les maladies et insectes dévastateurs.

COOPÉRATION ENTRE L'ADMINISTRATION FÉDÉRALE, L'ADMINISTRATION DES ETATS ET LES PARTICULIERS

La législation phytosanitaire en vertu de laquelle le Service forestier entreprend ses enquêtes de surveillance et ses opérations de lutte contre les maladies et les insectes nuisibles à la forêt s'inspire du fait que tous ces fléaux ne sont arrêtés par aucune limite de propriété et qu'ils attaquent souvent des ensembles de forêts appartenant à différents propriétaires sur des territoires très étendus. Ces lois n'exigent pas la participation des administrations des Etats et des propriétaires, mais elles prévoient la coopération des groupes intéressés. Cette coopération est volontaire et le Service forestier établit des plans de coopération pour la lutte contre les ennemis de la forêt bien avant que la nécessité s'en présente. Cette coopération est réglée par des mémorandums d'accord ou par des accords de coopération entre les organismes fédéraux et ceux des Etats. Ces documents définissent nettement le rôle de chacun et les sphères de responsabilité. Ce sont les Etats qui sont chargés d'organiser la participation des propriétaires particuliers. Les accords de coopération sont complétés par des plans annuels d'intervention qui indiquent, pour chaque année, les accords financiers réalisés et l'attribution des tâches.

Le Service forestier collabore aussi avec des groupes de non propriétaires qu'intéresse d'une manière ou d'une autre la lutte phytosanitaire: organismes fédéraux et des Etats qui s'occupent de pêche et de chasse, autorités chargées d'appliquer les quarantaines et autres réglementations, services de la pollution des eaux, groupes qui s'occupent de tourisme et de conservation, enfin autorités sanitaires. La coopération de ces groupes avec le Service forestier est particulièrement importante quand les opérations de lutte ou d'éradication envisagées doivent se faire avec des insecticides chimiques. Elle doit être préparée bien à l'avance pour pouvoir examiner tous les aspects de la lutte et déterminer les effets secondaires éventuels.

INCONVÉNIENTS DES INSECTICIDES DANS LA LUTTE CONTRE LES ENNEMIS DE LA FORÊT

Comme il a déjà été dit, les insecticides sont largement utilisés aux Etats-Unis pour éliminer les insectes nuisibles à la forêt et dans une moindre mesure contre les maladies, surtout lorsque les mesures culturales ou biologiques sont inefficaces ou inapplicables. Nous savons que si les insecticides chimiques sont appliqués convenablement, à des doses minima et en prenant les précautions nécessaires, ils sont inoffensifs et efficaces. Au cours de la dernière décennie, nous avons répandu des insecticides par avion sur environ 6,4 millions d'hectares de forêt, sans grand dommage pour les autres valeurs de la forêt.

Il faut admettre naturellement la possibilité de certains risques, encore incomplètement connus, dans l'emploi de certains insecticides et surtout des hydrocarbures chlorés à effet persistant. Aux Etats-Unis, on constate déjà un peu partout la présence de parcelles résiduaires d'insecticides dans l'atmosphère, les eaux et le sol. La possibilité que l'absorption de quantités minimes de ces résidus par les plantes et les animaux devienne à la longue dangereuse pour la faune et l'espèce humaine a été largement discutée dans la presse des Etats-Unis en 1963. Une publication laissa même entrevoir comme une menace l'éventualité d'un «printemps silencieux» pour les oiseaux, les poissons, les animaux et même les populations humaines de la nation. Ces articles déterminèrent toute une série d'enquêter sur l'emploi des insecticides, notamment de la part du Congrès des Etats-Unis. L'opinion publique fut mise en garde contre les dangers et le mauvais usage des insecticides. Une avalanche de questions s'abattit sur les utilisateurs d'insecticides de la part d'un public soudainement alarmé.

Le public américain exigea que les utilisateurs et les fabricants d'insecticides lui donnent l'assurance que les hommes, leurs amis les oiseaux et les animaux, ainsi que les insectes utiles ne seraient pas exterminés en même temps que les insectes et les germes nuisibles. Le Service forestier reçut à ce propos un tel courrier qu'il lui fallut trois mois entiers pour y répondre. La situation était grave car, en 1963, il nous fallait pulvériser par avion près de 700000 hectares de forêt pour enrayer une invasion du ver des bourgeons de l'épicéa, de la chenille arpenteuse et d'autres défoliateurs dans quinze Etats de la Fédération.

On se demanda alors ce qu'il fallait faire: aller de l'avant malgré tout ou renoncer à notre programme. Le Service forestier des Etats-Unis se décida en fin de compte pour les pulvérisations parce que nous étions persuadés qu'on pouvait le faire sans danger. Jamais une opération de lutte contre les ennemis de la forêt n'avait été surveillée et contrôlée par tant de personnes aux Etats-Unis. Grâce aux précautions prises au cours des pulvérisations, non seulement nous avons atteint notre objectif, mais encore nous l'avons fait sans grand dommage pour les poissons, la faune et les autres valeurs de la forêt.

Quand je me reporte à ces évènements de 1963, je considère avec optimisme l'avenir des insecticides dans la lutte contre les ennemis de la forêt. Il faut cependant prévoir, me semble-t-il, que les règlements relatifs à l'emploi des insecticides deviendront un peu plus rigoureux Je crois aussi que les recherches se développeront pour trouver une réponse aux questions qui se posent encore sur l'utilisation de ces produits et mettre au point des insecticides moins dangereux et des systèmes de lutte non chimiques. Les études se poursuivront certainement pour déterminer les quantités de résidus chimiques en suspension dans l'air, dans l'eau et dans le sol et leurs effets sur l'homme, la faune et les poissons. Je suis sûr aussi que l'on s'efforcera encore plus de faire connaître les précautions à prendre pour utiliser sans danger les insecticides. Tout cela devrait permettre de diminuer les risques d'utilisation de ces produits; je crois aussi que nous arriverons à travailler avec succès, même avec des restrictions plus sévères.

Je voudrais, pour conclure, souligner que la mesure dans laquelle nous arriverons à réduire aux Etats-Unis, au cours des prochaines années, les pertes occasionnées par les maladies et les insectes nuisibles à la forêt dépendra: a) des progrès de la recherche, b) de la suppression des vieux arbres, c) des progrès réalisés dans l'utilisation des bois infectés ou infestés, d) de la transformation des forêts naturelles en exploitations forestières aménagées et e) de la coordination que nous saurons réaliser entre l'Administration fédérale, les Etats et les propriétaires forestiers pour resserrer la surveillance et lutter plus efficacement. Le plus important de ces facteurs est, j'en suis convaincu, le rythme de nos progrès dans le domaine de la recherche. C'est là que se trouve la clé du problème, car ceux d'entre nous qui doivent assurer la lutte ne peuvent pas aller plus vite que la recherche ne leur en fournira les moyens.


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