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I. Quelques nouveautés technique dans les domaines forestier et industriel

LINCOLN R. THIESMEYER

(...).

Emploi des engrais

Il y a quelques années seulement, les dirigeants des grandes industries d'exploitation forestière et de pâte et de papier considéraient encore la fertilisation des forêts comme une pratique que seuls les gouvernements pouvaient se permettre car il faudrait attendre très longtemps pour que les résultats aient quelque utilité pour l'industrie. Au contraire, il a été démontré en Suède que la fertilisation d'un peuplement déjà en place donne une réponse immédiate par une croissance accrue et cet effet persiste, en s'atténuant graduellement, de cinq à dix années après l'application des engrais. Si l'on fertilise des arbres approchant l'âge d'exploitabilité cinq ans avant la coupe, on obtient un accroissement supplémentaire qui suffit à payer le coût de toute l'opération de fertilisation et qui, en augmentant le diamètre des grumes, réduit les frais de débardage. D'autres recherches sur la fertilisation ont montré que les engrais - augmentent non seulement le taux d'accroissement, mais aussi la résistance des arbres à certaines formes d'attaque par les insectes, les bactéries et les virus. Les arbres fertilisés sont plus grands et plus sains.

Le diagnostic rapide des carences nutritionnelles par l'analyse foliaire et par des essais accélérés en pot réalisés en serre, ainsi que l'amélioration de nos connaissances des besoins quantitatifs des diverses essences en macro-éléments, micro-éléments et oligo-éléments pour atteindre leur optimum de croissance et de vigueur, permettent maintenant de savoir en quelques mois quels sont les traitements et les doses à appliquer. Les bienfaits de la fertilisation des forêts apparaissent immédiatement. Il n'est pas nécessaire de fertiliser tous les ans comme on le fait en agriculture. Si les possibilités du peuplement dans l'année qui suit la fertilisation peuvent être augmentées, c'est parce que quelque chose a été fait pour augmenter le taux d'accroissement immédiatement et pendant encore plusieurs années. C'est pourquoi l'attitude à l'égard de la fertilisation aérienne des forêts a changé. Actuellement, des milliers d'hectares sont traités d'en haut avec des engrais granulés. Cette pratique va certainement se répandre largement et aura un effet énorme sur les disponibilités de bois. Toutefois, il y a encore beaucoup à apprendre sur la meilleure époque d'épandage selon les stations et les essences forestières. .

TECHNIQUES DE TRAVAIL EN FORÊT

En Amérique du :Nord, les scies mécaniques ont pratiquement remplacé les scies à main dans le travail de coupe et de débranchage, même avec les arbres de très grande taille de la côte du Pacifique. Cette évolution s'est produite au cours des vingt dernières années. Maintenant, la scie mécanique cède sa place aux cisailles hydrauliques qui peuvent sectionner un arbre au ras du sol, sans presque laisser de chicot. On a vu parallèlement un développement rapide des écorceuses mobiles et il existe maintenant une machine qui équarrit les grumes et réduit en même temps les dosses et les délignures en copeaux à pâte.

L'extension prise depuis une vingtaine d'années par la mécanisation du travail en forêt dans les principaux pays producteurs de bois est absolument étonnante.

Dans de vastes zones, le cheval a été remplacé par des véhicules à chenilles ou à roues. Deux tendances très nettes apparaissent dans cette évolution: l'une vers des engins qui abordent l'arbre et effectuent toute une série d'opérations telles que l'abattage, l'ébranchage, parfois l'écorçage de la grume, le tronçonnage et qui chargent les bois sur leur plateforme arrière, ou qui réunissent les grumes tronçonnées en paquets et les empilent pour le chargement par un autre véhicule. Dans le débardage mécanique, toute une série de machines entrent en jeu qui opèrent depuis l'arbre sur pied jusqu'au dispositif de transport. Il se peut qu'avant longtemps les systèmes actuels soient remplacés par une vaste plate-forme mobile et stable, munie de tout l'équipement nécessaire pour réduire les arbres en copeaux qui seront envoyés pneumatiquement ou transportés rapidement de quelque autre manière jusqu'à l'entrée d'un réseau de conduites tubulaires à copeaux.

Dans l'autre système d'exploitation mécanisée, les arbres sont abattus et halés entiers, avec leur cime, jusqu'à une plate-forme où se font les opérations successives d'ébranchage, d'écorçage, de tronçonnage et même éventuellement la réduction en copeaux. Avec ce procédé, où l'arbre est débardé entier, les branches et le feuillage se trouvent rassemblés en un point unique, au lieu d'être abandonnés comme déchets sur le chantier d'abattage où ils constituent un risque d'incendie, mais où aussi ils protègent les semis et restituent des matières nutritives à la terre. Il faut faire quelque chose des résidus obtenus au chantier central de transformation. On peut soit les reporter sur la coupe pour protéger les semis de la génération suivante et, après décomposition, les nourrir, soit transformer convenablement ces bois et les transporter dans une usine qui les utilisera à la fabrication d'autres produits. Le débardage de l'arbre entier ouvre donc la voie à son utilisation totale. En U.R.S.S., scientifiques et ingénieurs de l'exploitation forestière avaient certainement cette possibilité en vue lorsqu'ils envoyaient à travers leur pipeline expérimental à copeaux d'abord des copeaux de bois de tronc, puis des copeaux de branchages, puis des écorces broyées et enfin des aiguilles. On discute beaucoup à propos de cette technique d'exploitation où l'arbre est enlevé entier pour savoir si elle ne prive pas le sol de quantités appréciables de substances nutritives qu'il faut remplacer ensuite, pour la génération d'arbres suivante, par des engrais. Pour répondre à cette question, il faudrait des recherches extrêmement difficiles et détaillées. Quoi qu'il en soit, il est permis de penser que les avantages économiques du débardage de l'arbre entier et de son utilisation intégrale font plus que compenser la nécessité éventuelle d'un apport ultérieur d'engrais.

Les effets sur le site du débardage mécanique, notamment en raison des dégâts causés au recru, n'ont pas encore été déterminés. La question est étudiée systématiquement au Canada. Là encore, on peut estimer que les économies résultant de la mécanisation sont plus que suffisantes pour couvrir les frais de la remise en état du terrain. Dans les zones où il n'est normalement pas nécessaire de replanter, une légère scarification du terrain pour mettre à nu le sol minéral qui doit recevoir les graines tombées des arbres, peut suffire à compenser les dégâts causés aux semis par les véhicules à chenilles ou à roues.

Transport des copeaux de bois par pipe-line

Des études faites au Canada ont exploré la possibilité de transporter le bois sous forme de copeaux depuis la forêt jusqu'aux usines en les faisant entraîner par un courant d'eau dans des pipe-lines. Le procédé est aussi à l'étude aux Etats-Unis, en U.R.S.S. et au Japon. Les travaux canadiens ont à peu près démontré que ce mode de transport est techniquement possible et il est déjà question dans beaucoup de pays de pipe-lines pour le transport hydraulique des copeaux Disons, qu'en règle générale, ces pipe-lines ne pourront être mis en service que si l'on peut accumuler au point de départ une de copeaux suffisante (de l'ordre de 250 000 cordes par an) pour que le pipe-line fonctionne 24 heures par jour pendant toute l'année. Naturellement, il peut y avoir des exceptions à cette règle si le climat, le terrain, la configuration du pays, l'importance de l'usine, etc., rendent le projet intéressant. Des pourparlers sont en cours pour construire dans l'ouest du Canada le premier prototype commercial de pipe-line pour le transport de copeaux. Il est évident que seul le fonctionnement de ce prototype commercial permettra de connaître l'économie du transport du bois par ce moyen. Ensuite, il faudra étudier cas par cas l'économie de chaque projet d'installation. Chaque fois, il faudra tenir compte dans les calculs d'un très grand nombre de variables. Les avantages théoriques de ces pipe-lines sont amplement exposés dans les publications de notre Institut de recherches de Montréal. Globalement, ils représentent de telles possibilités d'économies que la question mérite d'être examinée de près par toutes les sociétés travaillant dans cette branche.

Fabrication de la pâte et du papier

Cela nous amène à considérer les innovations réalisées dans les usines qui peuvent influer sur le mode de travail en forêt. On fait actuellement un gros effort pour établir une corrélation entre les caractéristiques morphologiques des bois fournis par les différentes essences et les différentes stations et les propriétés des pâtes et des papiers que l'on peut obtenir avec ces bois par les différents procédés mécaniques et chimiques utilises dans les usines. Il s'agit d'un travail de recherche fastidieux et lent mais, s'il aboutissait, on pourrait a lors composer les pâtes expressément en fonction du produit que l'on veut obtenir avec certaines essences ou mélanges d'essences, ou du bois de certaines provenances, ou des mélanges de bois de provenances déterminées. Les études en cours sur la qualité ou les caractéristiques des bois peuvent conduire à chois* de façon beaucoup plus scientifique les matières premières utilisées. Elles amènent aussi à des recherches sur la manière dont les caractéristiques du bois sont modifiées par la fertilisation aux différentes phases de la croissance de l'arbre, depuis le semis jusqu'au moment de l'abattage.

Pour ce qui est des procédés mécaniques ou chimiques de fabrication de la pâte et du papier, on assiste à des changements tout à fait révolutionnaires. L'un de ces procédés consiste à fabriquer de la pâte mécanique supérieure avec des raffineurs et il a pris une telle extension ces dernières années que l'on fabrique actuellement dans le monde plus d'un million de tonnes de pâte mécanique extra-fine. Les nouvelles fabriques de papier journal actuellement à l'étude ne comportent plus que des raffineurs au lieu de broyeurs. Il s'ensuit que les fabricants de papier journal commencent à envisager l'approvisionnement de leurs usines en copeaux de bois qui pourraient, dans certains cas, leur parvenir par pipe-line et leur éviteraient d'accumuler dans leur chantier d'énormes piles de grumes.

Le procédé de fabrication chimique de la pâte n'a guère changé depuis son introduction il y a une centaine d'années. Les solvants de la lignine ont changé dans le procédé acide aussi bien que dans le procédé alcalin. Mais les cycles sont restés longs, la cuisson se faisait en laissant tremper les copeaux pendant des heures dans la lessive. Jusque vers la fin des années quarante et le début des années cinquante, la fabrication de la pâte se faisait par un procédé discontinu. On utilise maintenant divers types de machines à cuisson continue. Au cours du demi-siècle actuel, le procédé kraft s'est répandu jusqu'à dominer l'industrie de la pâte chimique, parce qu'il produit une pâte plus solide et permet la récupération des produits chimiques grâce au four Tomlison. Plus récemment encore, on a vu se répandre le procédé semi-chimique neutre qui permet d'utiliser le bois de feuillus. Enfin, cette année même, on a commencé à utiliser à l'échelle industrielle un nouveau procédé continu, rapide, avec phase vapeur, de fabrication de la pâte kraft, mis au point à l'Institut canadien de recherches sur la pâte et le papier. L'usine de la Domtar Limited à Red Rock, Ontario, obtient de la pâte kraft classique de qualité supérieure dans un lessiveur continu d'une capacité de 150 tonnes par jour. Le cycle s'accomplit en moins d'une heure alors que le cycle normal dure trois heures à trois heures et demie. Il pourrait en résulter une évolution vers des machines plus petites, fonctionnant sous un contrôle plus strict et donnant un produit plus uniforme, avec une consommation moindre de produits chimiques et des dépenses en capital plus faibles.

Opérations de blanchiment

Nos clients d'Amérique du Nord exigent des papiers et des cartons d'une blancheur plus poussée pour leurs affiches et placards publicitaires en couleurs. Les papeteries ont dû ajouter de nouveaux étages de blanchiment au point qu'un retour en arrière serait presque impossible. Mais éliminer jusqu'aux dernières traces de lignine pour ajouter quelques degrés de blancheur au papier est une opération extrêmement coûteuse. Le processus de blanchiment est arrivé à comporter plus de six ou sept étages à chacun desquels il faut traiter pendant des heures de la pâte de faible densité, avec un équipement important et coûteux. On assure que, dans l'ensemble des opérations allant du défibrage jusqu'à la fabrication du papier, l'installation de blanchiment d'une usine moderne de kraft coûte maintenant à elle seule autant que toutes les opérations précédentes! (C'est-à-dire que la moitié des coûts de l'usine sont imputables au blanchiment.) Il y a là une tendance qui doit être renversée.

Une nouvelle voie a été ouverte par les excellents travaux du Professeur Howard Rapson et de ses collègues de l'Université de Toronto, qui ont découvert des procédés perfectionnés consistant à éclaircir les copeaux et à blanchir le papier à mesure qu'il se fait dans la machine, au lieu de blanchir la pâte avant de la former en feuille. L'Institut canadien de recherches sur la pâte et le papier et d'autres laboratoires ont étudié le processus de blanchiment pendant la phase vapeur avec de la pâte de densité élevée, en utilisant la totalité de la surface des éléments de la pâte en suspension dans un tourbillon gazeux. Nous avons mis au point un processus à trois étages qui donne à la pâte kraft une blancheur de 80 G.E. en quelques minutes, alors qu'il fallait normalement plusieurs heures pour l'obtenir. Ce procédé est actuellement appliqué à une échelle pilote par l'une des firmes qui patronnent le projet, et nous nous proposons d'en faire nous-mêmes l'essai également à une échelle pilote. Là encore, la simplification et l'accélération des opérations peuvent se traduire par de fortes réductions des dépenses d'investissement et d'exploitation.

Amélioration de la structure du papier

La machine à papier Fourdrinier n'a pas changé sensiblement depuis sa mise en service il y a plus d'un siècle. Elle est maintenant plus large et plus longue et elle travaille plus vite. Quelques perfectionnements, comme le rouleau pick-up à succion et le remplacement des rouleaux de la table par des « foils » (sortes de tringles coulissantes) ont amélioré le fonctionnement de la machine. Ces dernières années, on s'est aperçu que si l'on forme la feuille entre deux toiles, avec égouttage de part et d'autre, et non sur une seule face comme dans la Fourdrinier classique, la vitesse de la machine peut être beaucoup plus grande, indépendamment d'autres améliorations de la structure et de la qualité du papier. Ce dispositif a été essayé pour la première fois à l'usine Thames Board Mill, au Royaume-Uni, et cette modification de la section humide de la Fourdrinier classique a reçu le nom d'Inverform. Des modifications ont été ensuite apportées aux plans par la Time, Inc., des Etats-Unis. La Beloit Corporation, toujours aux Etats-Unis, a acheté le brevet et fabrique actuellement cette machine sous le nom de Twinverform. Le prototype a été mis en service avec succès dans une usine de la Kimberley Clark Corporation à Niagara, Wisconsin, et un deuxième exemplaire doit être installé et entrer en production dans une usine de la Crown Zellerbach Corporation de Floride.

Une version différente de la machine à deux toiles est construite par la filiale Black Clawson de la Parsons & Whittemore Organisation, de New York. On l'a appelée Verti-forma parce que la pâte y est distribuée verticalement entre deux toiles munies de part et d'autre de « foils » et de caisses aspirantes qui éliminent l'eau sur les deux faces. Nous croyons savoir que le premier prototype commercial de cette machine doit être mis très prochainement en service dans une usine. Cette machine produira naturellement un papier sans envers, à deux faces identiques, contrairement à la Fourdrinier classique où l'égouttage se fait sur un seul côté de la feuille.

A Montréal, l'Institut de recherches sur la pâte et le papier met actuellement au point une troisième version de la machine à deux toiles, la Papriformer, dans laquelle la caisse de tête est d'un modèle spécial construit par la Dominion Engineering Limited, de Montréal, et distribue la pâte horizontalement entre deux toiles, tangentiellement au bas d'un rouleau de formation. La feuille se forme instantanément et est transportée vers un second rouleau situé au-dessus où l'égouttage est porté à un degré correspondant à l'état de la feuille dans la série de cylindres coucheurs de la section humide de la Fourdrinier. On a déjà obtenu avec cette machine expérimentale du bon papier journal à la vitesse de 4 000 feet (1200 m) à la minute et du papier « bond » au bisulfite à la vitesse de 1 700 feet (520 m) à la minute. Il n'a pas encore été possible d'obtenir un échantillon non déformé de ce papier à des vitesses dépassant 1800 feet (560 m) environ à la minute. Aussi est-on en train de monter sur la machine des presses et des sécheurs classiques afin de contrôler les propriétés de la feuille après pressage et séchage par le procédé classique. D'après notre expérience de ce genre de travail, nous estimons qu'il nous faudra encore à peu près un an pour réunir les renseignements indispensables à l'établissement des plans et à la construction du premier prototype commercial de la Papriformer.

Ces nouvelles machines ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Ils apparaîtront au fonctionnement des premiers prototypes commerciaux. Nous ne considérons aucune d'elles, pas même la notre, comme le dernier mot dans la question de la formation de la feuille. D'autres chercheurs trouveront peut-être mieux dans les prochaines années. Quoi qu'il en soit, les machines à double toile marquent un progrès sensible sur les Fourdrinier classiques. Dans la Vertiforma et la Papriformer, la longueur des toiles a été considérablement réduite, les rouleaux de la table et les caisses aspirantes ont été éliminés complètement, la formation de la feuille est tout à fait différente et le coût de capital pourrait être réduit de façon considérable. En outre, du fait que les caisses aspirantes ont été éliminées et que les deux toiles marchent à la même vitesse, la durée de service de ces dernières devrait être sensiblement allongée, d'où diminution du temps perdu pour les remplacer et de l'arrêt de production qui en résulte. On ignore encore quelles sont, dans la pratique, les vitesses limites de ces machines. On ne pourra le savoir que lorsqu'elles travailleront à l'échelle de l'usine. On parle, pour la fabrication du papier journal, de vitesses de 5 000 feet (1500 m) à la minute.

Séchage du papier

Il n'y aurait pas d'intérêt à accélérer la fabrication du papier journal et des autres qualités de papiers, grâce à ces nouveaux procédés de formation de la feuille s'il fallait ensuite ajouter à la section des sécheurs des tonnes de métal tournant chauffé à la vapeur et agrandir le bâtiment qui doit abriter tout cela. Notre Institut y a pensé et nous avons inventé un nouveau système qui permet de sécher le papier beaucoup plus vite (dix fois plus que par le procédé traditionnel). Mais nos travaux ne sont pas aussi avancés que pour la Papriformer et nous ne sommes pas encore en mesure d'en publier les détails. En tout cas, cette association d'une formation plus rapide et d'un séchage plus rapide devrait aboutir elle aussi à des machines plus compactes et beaucoup moins coûteuses à construire. En outre, ces machines pourraient loger dans des bâtiments coup moins longs que ceux des papeteries actuelles.

Utilisation des déchets

Dans le domaine de la récupération des sous-produits contenus dans les déchets aussi bien solides que liquides des usines de pâte et de papier, les progrès ont été lents. La raison en est dans la quantité énorme de ces déchets, le coût élevé des procédés de récupération, enfin la difficulté de trouver des débouchés pour les sous-produits. Néanmoins, au cours de ce demi-siècle, des progrès intéressants ont été faits dans ce domaine, et l'on produit maintenant des quantités industrielles de dérivés tels que la térébenthine, le tallöl, la vanilline, l'acide lévulinique, le diméthylsulfoxyde, des dérivés chimiques du lignosol et des dispersants. Les chimistes ont déjà dressé toute une liste de produits qui pourraient être tirés des lessives résiduaires de la fabrication de la pâte, s'ils trouvaient des débouchés suffisants pour justifier le coût d'une installation.

Un jour viendra où, comme le prévoient depuis longtemps les chimistes, la valeur des produits récupérés à partir des déchets d'usine, que l'on jette actuellement, dépassera les gains réalisés sur les fibres cellulosiques. Dans ce domaine, notre Institut travaille à un procédé nouveau (AST) qui permettrait de récupérer les matières inorganiques contenues dans les lessives résiduaires de la fabrication de la pâte, plus une certaine quantité de chaleur et peut-être aussi d'autres produits chimiques. NOUE avons commencé à étudier la possibilité d'extraire des matières organiques contenues dans ces liqueurs des quantités industrielles de gaz que les industries chimique et pétrochimique pourraient utiliser pour obtenir par synthèse toute une gamme de produits chimiques nouveaux et de nouvelles matières plastiques. Les recherches sur la réduction ou l'élimination totale de la pollution prennent de plus en plus d'importance dans un monde où le législateur propose des normes toujours plus sévères pour le traitement des effluents, gazeux et liquides, de nos usines.

L'utilisation de l'écorce comme combustible ne présente au plus qu'une valeur marginale. L'écorce est une matière spongieuse qui, à la sortie des presses, reprend du volume et absorbe jusqu'à 50 pour cent environ d'humidité. La brûler dans cet état n'est pas très intéressant. Mais l'écorce contient des fibres et des substances chimiques qui pourraient être mieux utilisées. De nombreuses recherches sont encore nécessaires dans ce domaine.

Un regard sur l'avenir

Les techniques de prévisions technologiques ne sont pas assez perfectionnées pour permettre d'avancer des chiffres. La question est actuellement étudiée par l'OCDE. Il est donc encore impossible, aujourd'hui, d'évaluer avec précision les conséquences pratiques des progrès techniques que nous venons d'indiquer. On. peut cependant imaginer qu'elles seront importantes. Les besoins de notre industrie peuvent s'établir ainsi grande amélioration de la matière première-bois qui lui vient de la forêt; systèmes moins coûteux pour le transport de cette matière première de la forêt à l'usine; procédés industriels de fabrication plus efficients, moins coûteux et plus rapides; plus grande diversité dans les mélanges de pâte; utilisation plus poussée non seulement de l'arbre, mais aussi d'espèces plus nombreuses; récupération des déchets même de valeur infime, sans compter l'obtention de produits nouveaux. Il faut aussi établir des rapports plus suivis entre les hommes qui travaillent en forêt pour les industries de l'exploitation, de la pâte et du papier et autres industries des produits forestiers, et ceux qui, à l'usine, travaillent à la production et à la recherche; il faut enfin que, de leur côté, les industriels se montrent plus disposés à expérimenter et à examiner sérieusement les techniques nouvelles qui leur sont proposées.

On peut conclure de ce qui précède que la technologie permettra non seulement aux industries des produits forestiers de rester viables mais aussi les perfectionnera sous bien des aspects de telle manière qu'elles resteront compétitives à l'égard des autres industries qui actuellement empiètent sur leur production avec des films, des feuilles métalliques et des matières plastiques. Les réalisations nouvelles dans le secteur de la pâte, du papier et des cartons montrent que les industries alimentées par la forêt resteront florissantes pendant assez longtemps. Et si, comme il peut arriver, la forêt devait céder le pas aux fibres synthétiques, notre industrie pourrait encore se tourner vers les produits chimiques qu'elle peut fabriquer avec les énormes ressources renouvelables de matière première à sa disposition. On sait que les industries pétrolières, conscientes de l'expansion de l'énergie nucléaire, dépensent actuellement des millions de dollars pour leurs recherches visant à tirer des nouveaux produits du pétrole et du gaz naturel. L'énergie nucléaire avance sur la scène et le pétrole, le gaz et le bois, comme combustibles et carburants, sont en train d'en sortir. L'évolution demandera peut-être de nombreuses années, mais elle peut aussi bien s'accomplir en une ou deux générations.

Malgré notre impuissance à donner une évaluation quantitative ou monétaire des révolutions technologiques dont nous avons parlé ici, on peut cependant voir que pour les industries de la pâte et du papier, du bois d'œuvre et autres industries utilisatrices de bois, le progrès technique est réellement chargé de promesses.


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