Page précédenteTable des matièresPage suivante


9

Conclusions et perspectives

Cet ouvrage a passé en revue les tendances et les défis auxquels seront assujettis les systèmes de production agricole au cours des 30 prochaines années dans les six régions en développement du monde et a préconisé un nombre de priorités stratégiques visant la réduction de la pauvreté, pour une sécurité alimentaire accrue et la croissance du secteur agricole. Etant donné que les producteurs et leur famille constituent la moitié de la population totale dans les pays en développement - ainsi que la majorité des populations sous-alimentées et pauvres - le succès de la mise en œuvre de ces recommandations serait une avancée concrète vers la réalisation de l'objectif de développement visant la réduction de moitié de la faim et de la pauvreté dans le monde à l'horizon 2015.

Ce chapitre de conclusion examine l'incidence des priorités proposées sur les rôles que doivent jouer les principales parties prenantes, y compris les producteurs et les communautés agricoles, les ONG, le secteur privé, les gouvernements locaux et nationaux ainsi que les organisations internationales. Les perspectives au plan global et national sont ensuite discutées.

Redéfinir la contribution des parties prenantes

La réduction de moitié de la faim et de la pauvreté dans les pays en développement dépend en dernière analyse des décisions et actions que prendront 500 millions de ménages agricoles. Cependant, la plupart des parties s'accordent sur le point que l'efficacité de leurs interventions est liée à l'existence d'un secteur privé dynamique, visant à promouvoir la croissance du secteur agricole. Par ailleurs, malgré tous les avantages qu'offre la réduction de l'influence du gouvernement sur le processus de développement rural, l'idée centrale défendue dans ce livre est que la fourniture des biens et des services publics appropriés est aussi une composante essentielle du processus de développement. En effet, un développement effectif requiert la participation d'un nombre d'acteurs ou de parties prenantes dont les producteurs eux-mêmes, leurs associations, les communautés et gouvernements locaux à travers le secteur privé et les ONG, les gouvernements nationaux et les agences internationales. Les sections suivantes abordent la contribution que chacun de ces groupes pourrait apporter à l'adoption d'une nouvelle approche pour la réduction de la pauvreté et de la faim.

Permettre au potentiel des producteurs et des autres communautés de s'exprimer pleinement

Le rôle et la contribution des producteurs et de leurs communautés est un élément central dans tout effort visant la réduction de la pauvreté. Cependant, les relations de ces deux groupes par rapport aux autres acteurs dépendent de leur niveau de développement. Les systèmes commerciaux comptent tout d'abord sur le secteur privé pour la fourniture de la plupart des biens et services bien que le gouvernement joue toujours un important rôle en matière de politique, de définition du cadre réglementaire et d'activités de recherche et de développement de base. D'autre part, les communautés dotées de ressources limitées et d'opportunités de développement de leurs marchés restreintes continueront d'être fortement dépendantes des ONG et du secteur public pour la fourniture de nombreux biens et services publics. Ainsi, l'intervention du secteur public influencera forcement le processus de développement dans ces cas.

Dans les communautés plus favorisées, une importance toute particulière doit être accordée à la gestion de l'environnement et des ressources naturelles, tandis que dans les communautés défavorisées on privilégiera probablement le développement des infrastructures sociales de base. Le défi majeur consiste à mettre en place des comités de planification et de développement fonctionnels communautaires au sein desquels participent les personnes concernées au plan local (y compris les représentants du gouvernement et du secteur privé) et à leur donner les outils nécessaires à l'identification, la formulation et la mise en œuvre d'actions de développement.

Un aspect majeur souvent négligé au niveau des producteurs et des communautés paysannes portait sur le développement d'une capacité d'innovation, de développement et de diffusion de technologies. Le potentiel d'investissement dans ce domaine est énorme et bien documenté et doit figurer au centre de toute activité de mise au point des technologies. La capacité des producteurs en matière d'épargne et de financement des activités de développement est aussi fréquemment sous-estimée. Ceci s'applique tant au plan individuel que communautaire même dans les zones de pauvreté chronique. Pourtant, les mécanismes de microfinance basés sur l'épargne se sont avérés performants et devraient être promus dans tous les domaines possibles.

Appuyer la participation des partenaires de la société civile

Un aspect clé de la pauvreté est l'absence de la capacité à s'exprimer et, dans de nombreux pays en développement, les ONG ont joué un rôle essentiel dans la formulation des besoins des agriculteurs pauvres et des autres groupes vulnérables. À cet égard, le renforcement de la capacité des ONG en matière de prestation de services, comme le font le FIDA et la FAO en Afrique australe, est une priorité majeure.

Le deuxième rôle central que doivent jouer les ONG et les organisations paysannes en matière de réduction de la pauvreté sera probablement le renforcement de la cohésion sociale (par exemple les groupes d'agriculteurs, les associations et l'établissement de réseaux) ainsi que l'information du public (par exemple l'analyse des causes de la situation de pauvreté, l'évaluation de l'impact des politiques et le plaidoyer pour les groupes vulnérables).

Encourager la croissance du commerce agricole concurrentiel afin de réduire la pauvreté

Le secteur privé, même s'il est mû par l'intérêt, peut contribuer efficacement au développement rural, de par le rôle qu'il joue dans nombre de domaines, notamment la commercialisation, la valorisation des matières premières, la création d'emplois, le financement et l'assistance qu'il peut apporter aux producteurs afin qu'ils se conforment aux normes du marché. L'expérience acquise au cours des dernières décennies a également montré que le secteur privé, surtout lorsqu'il intervient à travers des associations commerciales et sectorielles, peut réellement assumer certaines responsabilités telles que l'inspection phytosanitaire, la diffusion de l'information sur les marchés, activités antérieurement considérées comme relevant du secteur public. Ce n'est que lorsque l'investissement est difficile à rentabiliser, comme c'est le cas pour les pistes rurales, l'éducation et l'obtention de semences de bonne pureté variétale que le secteur privé est incapable d'une participation effective.

Du fait de ces faiblesses, les initiatives du secteur privé doivent dépendre du secteur public pour la mise en place et le respect d'un cadre législatif et politique de base dans lequel il évolue (voir le paragraphe suivant). Lorsqu'il n'existe aucune norme ou standard - par exemple pour les poids, les mesures et les normes de qualité - ou lorsqu'elles ne sont pas appliquées ou quand les acteurs sont autorisés à ériger des barrières interdisant l'accès de nouveaux venus, le rôle du secteur privé peut devenir destructif et accroître la pauvreté parmi les petits exploitants agricoles.

Accroître l'efficacité des interventions du gouvernement aux niveaux local et national pour la réduction de la pauvreté

Malgré le rôle accru que joueront les producteurs, la société civile et le secteur privé en matière de réduction de la pauvreté, la contribution des gouvernements locaux et nationaux est essentielle surtout pour le service et les biens publics. Le terme «biens publics» est souvent associé aux structures physiques telles que les routes, les hôpitaux et les ports. Il existe pourtant d'autres biens publics de type non physique mais tout aussi importants, contribuant à l'instauration d'un environnement propice au développement et à une capacité adéquate pour une fourniture efficace des services publics. Il s'agit, entre autres, des aspects suivants: (i) la sécurité publique; (ii) la réglementation telle que la quarantaine et la sécurité alimentaire; (iii) l'existence d'institutions permettant d'instaurer la concurrence, de veiller au respect des contrats et de résoudre les conflits; (iv) l'éducation et la formation; (v) la recherche et la diffusion de l'information; et (vi) les filets de sécurité sociale.

Bien que la prestation des services publics traditionnels tels que les services phytosanitaires et la certification puisse être sous-traités à des opérateurs privés, le cadre dans lequel fonctionne le système doit demeurer sous le contrôle d'organismes publics. En outre, il conviendra de créer un système d'administration foncière publique efficace pour veiller à la sécurisation des terres des producteurs pauvres et au bon fonctionnement des marchés agraires ainsi qu'au remembrement.

Peut-être que le bien public le plus important que le gouvernement peut fournir est une éducation primaire et secondaire efficace dans les zones rurales. Associée à des processus participatifs, l'initiation d'actions éducatives auprès des agriculteurs permettra à ces derniers de devenir des partenaires au développement actifs plutôt que des bénéficiaires passifs. La plupart des études montrent que le niveau de scolarisation est étroitement lié à l'adoption des technologies, au développement local des sources d'existence alternatives, aux changements en faveur d'emplois mieux rémunérés. Il convient de veiller à ce que l'éducation rurale reconnaisse plus explicitement la réalité selon laquelle un grand nombre d'enfants et de jeunes en milieu rural gagneront leur vie à l'extérieur du secteur agricole, et qu'il convient, par conséquent, de promouvoir la formation professionnelle pour la création d'emplois non agricoles.

L'analyse des systèmes de production a démontré que la réduction de la pauvreté dépend non seulement d'un financement adéquat des biens publics mais aussi du mode d'approvisionnement des ménages agricoles pauvres et vulnérables. Une réduction de la pauvreté et une croissance agricole réussies sont souvent la résultante d'approches intégrées de développement agricole. Cela s'applique non seulement aux systèmes intensifs et complexes dans les zones à potentiel élevé mais également aux systèmes à risques dans les environnements à potentiel plus faible. Alors que les projets intégrés de développement rural (PIDR) mis en œuvre durant les années 70 et 80 se sont révélés institutionnellement peu productifs et ont donné des résultats à long terme médiocres, les récentes expériences réussies sur l'adoption d'approches participatives impliquant plusieurs parties prenantes commandent la nécessité d'expérimenter une nouvelle génération de modèles intégrés.

La décentralisation est une option appropriée pour parvenir à un contrôle amélioré au plan local de l'allocation des ressources et du respect des priorités. Dans le cadre d'un système décentralisé, la planification et la mise en oeuvre peuvent être mieux adaptées aux divers besoins des systèmes de production locaux. Trop souvent, malheureusement, la décentralisation a été associée à une diminution des ressources et de l'expertise au plan local, dans la mesure où les responsabilités sont, dans ce cas, attribuées aux administrations locales, régionales et communautaires sans que les ajustements budgétaires nécessaires ne soient effectués. Il a été également observé, dans certains cas, que les élites locales exercent leur monopole sur les ressources et les services. Les associations ou groupes de petits exploitants intervenant dans le système agricole et commercial peuvent augmenter leur influence économique de manière conséquente surtout lorsqu'ils sont confrontés à de puissants protagonistes tels que de grandes unités commerciales ou de gros négociants agricoles et réduire ainsi les obstacles à leur participation.

Renforcer le rôle des biens publics internationaux

Les institutions publiques régionales et globales ont un rôle crucial à jouer en matière de développement durable et de réduction de la pauvreté. La mondialisation a accru la nécessité de convenir de modes de comportement et de normes qui peuvent contribuer à une plus grande transparence et sécurité dans les relations commerciales internationales. Des progrès ont été réalisés dans l'adoption de codes de conduite internationale dans des domaines tels que la pêche et le commerce des organismes génétiquement modifiés et l'utilisation des pesticides. Les travaux de la Commission Codex Alimentarius sur les normes alimentaires ont aussi pour effet de renforcer le contrôle de la sécurité alimentaire et de définir des normes applicables aux biens commercialisés, réduisant ainsi les coûts des transactions. Au cours des années à venir, la nécessité d'élargir le champ d'action et la portée de tels accords se fera sentir davantage.

L'un des plus grand défis à relever dans un proche avenir consistera à développer des mécanismes
pratiques de gestion des ressources aux plan transnational et mondial. Ceci pourrait inclure la signature d'accords sur l'utilisation des ressources hydrauliques, sur la désertification, le piégeage des gaz à effet de serre par un réaménagement des méthodes de labour. On pourrait aussi envisager l'initiation de programmes de conservation de la biodiversité et de reboisement. Les mesures adoptées à l'échelle internationale pour réduire la vulnérabilité des populations rurales aux catastrophes naturelles privilégient des interventions visant à réduire les risques de conflit. Elles portent en autres sur: (i) l'amélioration des systèmes d'alerte précoce relatifs aux manifestations climatiques néfastes; (ii) des interventions promptes pour éviter la propagation transfrontalière des ravageurs et des maladies du bétail et des cultures; (iii) l'adoption de mesures permettant la productivité durable des écosystèmes agricoles et maritimes, biens communs des populations.

La création du Fonds pour l'environnement mondial (FEM) découle de la nécessité ressentie par tous de mobiliser les ressources au plan international afin d'encourager chaque pays à entreprendre des actions qui généreraient des bénéfices environnementaux dépassant les frontières et de les indemniser pour les coûts marginaux encourus pour de telles actions. Toutefois, le champ d'action de ce Fonds demeure restreint par rapport à l'ampleur des menaces qui pèsent sur l'environnement.

Les efforts de recherche au plan international pourraient créer les opportunités d'une révolution durable (ou «doublement verte») en matière de développement agricole. De nouveaux partenariats pour la mise au point de technologies sont en train d'être initiés avec pour objectif le partage des coûts et de l'expérience acquise. La communauté internationale doit également s'investir pour mobiliser des capitaux pour le financement d'activités de développement agricole durable. Les institutions financières internationales ont potentiellement un important rôle à jouer dans l'avenir, notamment pour attirer des capitaux étrangers vers les pays moins développés et réaliser des investissements qui bénéficieront aux producteurs pauvres.

Perspectives: la contribution du présent ouvrage

L'analyse effectuée dans cet ouvrage est fondée sur le jugement de divers experts, sur des données secondaires sélectionnées, ainsi que sur les données spatiales les plus récentes. Le cadre analytique est en accord avec les tendances globales récentes généralement acceptées. Cependant, certaines tendances actuelles pourraient être radicalement modifiées par des événements mondiaux imprévus dont les plus importants au cours des dernières années ont été le changement climatique, le VIH/SIDA et la mondialisation.

Bien que les jugements qualitatifs émis par le grand nombre d'experts qui ont pris part à cette analyse aient été remarquablement convergents, les données quantitatives se sont révélées beaucoup plus difficiles à compiler. Les bases de données de la FAO relatives aux zones agroécologiques et aux statistiques ont constitué un excellent point de départ mais n'ont pu être mises à profit pour l'analyse des systèmes de production agricole pris isolément. Au cours des dernières années, maintes images satellitaires et bases de données ont été produites et les données sur les ressources naturelles, la population, les indicateurs agroclimatiques et l'irrigation présentés dans cette analyse se sont largement inspirées de ces sources. Pour les systèmes de production qui ont fait l'objet d'une analyse détaillée, les données recueillies à partir d'études localisées et de zones administratives ont ensuite été extrapolées sur l'ensemble du système. Toutefois, la qualité des données disponibles au plan local variait énormément d'une région à une autre. Il a été pratiquement impossible d'en obtenir pour les pays de l'ancienne Union soviétique.

Il faut souligner qu'il s'est révélé impossible d'identifier avec cohérence, au plan local, des données statistiques ou des bases de données géographiques cartographiant l'étendue de la pauvreté et de la faim13 à l'échelle sous-nationale. C'est là que se trouve la plus grave lacune informative éprouvée par les auteurs du document. Cette lacune a été comblée par des jugements d'experts dans le cadre des données disponibles et des estimations spécifiques de la pauvreté à l'échelle nationale et régionale. Par ailleurs, les données spatiales portant sur le bétail n'étaient également disponibles que pour certaines régions.

Dans deux à trois ans, des bases de données spatialement précises sur la faim, la pauvreté, les populations humaines et animales et les superficies cultivées devraient être disponibles. A ce stade, l'actualisation de la présente analyse sur une échelle globale permettrait d'avoir une idée plus précise de la distribution, des tendances et questions émergentes ainsi que des priorités stratégiques. Les analyses pourraient être prolongées par la modélisation dynamique des systèmes de production sélectionnés, permettant ainsi aux planificateurs d'appréhender l'impact éventuel sur la faim, la pauvreté et les taux de croissance économique, des changements qui interviendraient sur les paramètres clés (tels que les revenus des ménages ou les rendements des cultures et les prix des principaux produits agricoles). Même avec les données existantes, des analyses complémentaires pourraient être effectuées pour déterminer l'impact des changements climatiques du globe, des différents niveaux de fixation du carbone, de la hiérarchisation des activités de recherche et du renforcement des institutions locales.

L'analyse effectuée dans cet ouvrage s'est focalisée sur les niveaux régional et mondial. Des applications du cadre des systèmes de production et une approche analytique au niveau national et des sous-ensembles nationaux permettraient une extrapolation très utile de ce travail. Non seulement le cadre des objectifs pourrait ainsi être défini plus précisément au plan national mais également un plus grand nombre de données biophysiques et socioéconomiques sont disponibles. En particulier, les auteurs de l'étude reconnaissent les limites imposées par l'utilisation d'un nombre relativement restreint de systèmes de production pour caractériser la diversité de l'activité dans les pays en développement. Ces limites sont explicitement reconnues par la définition de sous-systèmes dans un nombre de cas mais ces derniers restent toujours définis de manière globale au plan régional. Certains pays pourraient souhaiter définir d'autres sous-systèmes au sein de leur territoire (de préférence en consultation avec les pays voisins afin d'éviter le double emploi et les définitions contradictoires) qui pourraient être mis à profit pour redéfinir des priorités dans certains domaines spécifiques.

D'autres analyses plus approfondies, sans référence aux frontières nationales mais relatives aux systèmes de production agricole identifiés, pourraient également s'avérer utiles. Au cours des dernières décennies, des investissements de plus en plus importants ont été réalisés de manière transfrontalière ce qui atteste de l'importance des systèmes de production dans la détermination des modes d'utilisation des ressources et de la croissance économique. Cet aspect est particulièrement important par rapport à l'utilisation de l'eau dans les pays fortement dépendants des crues des fleuves saisonniers ou de la recharge de la nappe phréatique. L'un des sujets de controverse les plus importants au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est porte sur ces ressources transnationales. Les éleveurs constituent aussi un autre problème transnational dans bon nombre de pays, particulièrement en Afrique. Enfin, les principales zones où une croissance agricole est anticipée dans les décennies à venir sont de nature transnationale et incluent les savanes humides d'Afrique de l'Est, les Llanos du nord-ouest de l'Amérique du Sud et les plaines fertiles à tchernoziom de l'ancienne Union soviétique.

Conclusion

Le message le plus important que véhicule cet ouvrage est probablement le potentiel considérable dans le domaine de la réduction de la faim et de la pauvreté qui pourrait résulter de l'amélioration des systèmes de production des petites exploitations. Non seulement, l'incidence de la pauvreté et de la faim est plus marquée en zones rurales qu'en milieu urbain, mais l'étude a révélé une prédominance démographique dans les zones à haut potentiel par rapport aux systèmes à faible niveau de ressources et ayant peu de contacts avec les marchés. Au vu de ce potentiel non négligeable, l'objectif visant à réduire de moitié la faim et la pauvreté dans le monde est réalisable à la seule condition que la volonté politique existe et que les ressources adéquates soient dégagées pour financer les principales stratégies requises et les investissements qui en dérivent.

L'analyse des systèmes de production pris individuellement a mis en exergue la grande diversité des défis en matière de développement. Par ailleurs, les moyens d'existence des ménages varient non seulement entre les systèmes de production mais entre les entités spécifiques d'un même système et même entre les ménages. Cependant, cette diversité peut être perçue comme un avantage potentiel que les gouvernements peuvent mettre à profit lors de la mise en œuvre des programmes de développement agricole. Si les gouvernements peuvent créer l'environnement institutionnel et élaborer des politiques appropriées accompagnées d'une fourniture effective des principaux biens publics, les agriculteurs - hommes et femmes - pourront prendre les décisions qui s'imposent pour promouvoir la croissance agricole, l'utilisation durable des ressources naturelles et la réduction dans les meilleurs délais de la faim et de la pauvreté. Pour ce faire, il conviendra de transférer les responsabilités du développement agricole aux agriculteurs pauvres et à la communauté et de garantir le soutien local participatif de qualité et fondé sur des systèmes, des parties prenantes publiques et privées. Ceci nécessitera à son tour un financement adéquat des biens publics nationaux et internationaux.

La réduction de la faim et de la pauvreté dans les meilleurs délais, bien qu'essentielle, n'est rien d'autre qu'un pas vers la réalisation du développement durable de l'agriculture et des sociétés rurales en général. Non seulement la faim et la pauvreté peuvent être éradiquées mais les communautés agricoles ont besoin d'un accès sécurisé à la nourriture, à l'eau, au revenu et à l'information. Dans cette vision d'un futur souhaitable, les populations rurales doivent bénéficier d'actions éducatives et jouir des mêmes services de base que les populations urbaines. La diversification des sources de revenus et l'existence de filets de sécurité sociale efficaces pourraient amenuiser leur vulnérabilité actuelle aux chocs climatiques et économiques.

Les exploitations continueront d'être de taille petite ou moyenne dans la plupart des pays en voie de développement. En revanche, la gamme des technologies accessibles aux exploitants pour une gestion durable des ressources et une production durable se trouvera considérablement élargie, et cette gamme continuerait de s'élargir grâce à la contribution des exploitants eux-mêmes, engagés dans un processus d'apprentissage continu, d'innovation et d'échanges entre exploitants. Ceux-ci seront financièrement motivés pour la production de services environnementaux et de biens publics (comme c'est déjà le cas dans les pays industrialisés) alors que l'amélioration des infrastructures et la mécanisation réduiront la pénibilité du travail des femmes. Les communautés rurales disposeront de mécanismes efficaces et équitables pour une gestion commune des biens tandis que les ménages participeront activement au processus démocratique et de prise de décisions mais aussi aux négociations avec les institutions et les milieux d'affaires sur une base plus égalitaire. De plus, les communautés rurales seraient en position de prendre l'initiative pour toutes activités de planification et de mise en œuvre du développement local.

Cette vision portant sur des systèmes de production durables, sans pauvreté, peuplés d'agriculteurs ayant accès à des moyens d'existence sécurisés, devrait guider l'élaboration de toutes les stratégies futures de développement rural.

13 Des travaux de type nouveau actuellement menés par la Banque mondiale et la FAO aboutissent au développement de techniques statistiques permettant de résoudre ce problème de manque de données. Un atlas de la pauvreté en Afrique du Sud est le premier du genre à avoir été mis au point.


Page précédenteDébut de pagePage suivante