Département des pêches de la FAO

Résultats de la Conférence de Kyoto et documents présentés

CONTRIBUTION DE LA TRANSFORMATION DU POISSON A LA SECURITE ALIMENTAIRE
par
P. Howgate

La surexploitation des ressources ichtyologiques et halieutiques, jointe à la demande croissante de produits de la pêche, invitent à mieux utiliser le niveau actuel des prises à l'échelle mondiale et à réduire les pertes liées aux opérations de récolte et de transformation. Une façon d¦y parvenir est de mieux appliquer la technologie du poisson aux opérations de manutention, de transformation et de distribution du poisson et des produits de la pêche, depuis la récolte proprement dite jusqu'à la consommation finale.

Les véritables percées technologiques sont rares. En règle générale, les techniques progressent régulièrement par le biais des améliorations apportées aux pratiques existantes et en intégrant des idées, des matériaux et des méthodes nouvelles provenant d'autres horizons. A cet égard la technologie du poisson ne fait pas exception. Il est cependant possible d'attirer l'attention sur les changements notables introduits par certains développements -- congélation en mer, fabrication et utilisation de filets en bloc, introduction de machines à désarêter, produits de cryoconservation pour le surimi, procédés MAP d'emballage sous vide -- bien que toutes ces innovations aient simplement intégré des méthodes existantes adaptées aux objectifs des technologies du poisson. Cette évolution par étapes continuera certainement au cours du siècle prochain et il est possible de distinguer différentes tendances.

La tendance à la mécanisation et à l'automatisation des processus se poursuivra et les systèmes robotiques qui jouent d'ores et déjà un rôle dans les processus industriels d'autres secteurs d¦activité serviront à la transformation du poisson. Il convient de noter qu'une grande partie des prises mondiales, soit près de 40 %, sont réalisées, puis transformées dans le sud-est asiatique et dans la partie orientale de l'Asie: cette région est celle des nouveaux ¦dragons économiques¦ dont les responsables sont désireux d'investir dans l'acquisition de nouveaux équipements et prêts à accepter et à développer des techniques nouvelles, en particulier les techniques fondées sur l'électronique et la robotique. A présent, la plupart des machines de manutention et de transformation du poisson sont fabriquées dans des pays développés, mais les pays en développement de la périphérie de l'océan Pacifique commencent à occuper une plus grande place dans le domaine de la fabrication des divers équipements, notamment de réfrigération, nécessaires aux installations de transformation du poisson. Ces mêmes pays pourraient jouer un rôle en matière de mise au point de systèmes mécanisés et automatisés destinés à l¦industrie de la transformation du poisson.

Les débouchés offerts aux produits à valeur ajoutée se développeront et les innovations se poursuivront tant en matière de produits proprement dits que de conditionnement et de présentation.

Ces innovations apparaîtront en liaison avec des réalisations similaires dans d¦autres secteurs des industries alimentaires. La qualité, notamment la salubrité, restera une préoccupation importante au stade de la transformation du poisson. Les progrès accomplis en termes de mécanisation et d¦automatisation procèdent tant de la nécessité de maintenir constamment un niveau de qualité élevé que de la volonté de réaliser des économies de main-d¦oeuvre, en particulier de main-d¦oeuvre qualifiée.

A condition d¦être correctement mises en oeuvre, les techniques existantes permettraient très aisément de réduire le niveau actuel des pertes et des déchets. Le poisson est maintenant un produit coûteux et les pénuries prévues par rapport à la demande auront pour effet de pousser les prix à la hausse. Les mécanismes économiques en présence renforceront la tendance à limiter les déchets ainsi qu¦à mieux employer les espèces sous-exploitées.

Les pertes dues au gaspillage pourraient être réduites surtout en mettant en place des systèmes éprouvés de réfrigération et de distribution rapide des produits. Pour réduire les pertes imputables aux infestations par des ravageurs et aux autres dommages auxquels les produits traités sont exposés, il conviendrait par ailleurs d¦appliquer les techniques existantes et d¦en mettre au point de nouvelles.

Les prises accessoires, surtout celles rejetées à la mer, représentent une précieuse source potentielle d¦approvisionnement en poisson destiné à l¦alimentation humaine. On estime à 27 millions de tonnes le tonnage annuel des prises accessoires rejetées. Parmi ces rejets, il y a des espèces et matériaux non-consommables, comme le poisson-étoile ou les pierres, mais la plupart d'entre eux sont des petits poissons commercialisables. Aussi une meilleure sélectivité des engins de pêche contribuerait-elle à résoudre ce problème; il serait néanmoins possible de réduire davantage l¦importance des déchets en utilisant les prises accessoires, de préférence pour la consommation humaine. Dans le cadre de l¦amélioration de la sécurité alimentaire humaine, il y aurait lieu d¦envisager sérieusement d¦inciter les pêcheurs à mettre à disposition les prises accessoires ou même de les obliger à le faire. A cet effet il faudra prévoir des systèmes de manipulation et de manutention adaptés, y compris le transfert des prises accessoires en mer, et des méthodes de transformation adéquates. Enfin, comme une grande partie des prises accessoires est réalisée dans le tiers-monde et se compose d¦espèces de faible valeur marchande, ces poissons devront être traités et commercialisés dans les filières traditionnelles, mais un effort approprié de promotion commerciale pourrait s¦avérer nécessaire.

D¦autres sources d¦approvisionnement alimentaire pourraient également provenir des captures actuellement destinées à la fabrication de la farine de poisson. En 1993, la fabrication de farine de poisson a consommé quelque 28 millions de tonnes de poisson, qui auraient pu être en partie dirigées à la consommation humaine. En particulier, certaines petites espèces pélagiques sont généralement bien acceptés par les consommateurs dans maintes régions du monde. Toutefois, l¦utilisation et la commercialisation de ces ressources soulève des difficultés d¦ordre logistique. Nombre de pays en développement capturent et consomment d¦ores et déjà différentes espèces pélagiques : il y existe déjà un marché pour les espèces comprenant les captures industrielles, mais les prix correspondants ne devraient pas être élevés.

Le développement de ce marché est davantage tributaire des aspects économiques et commerciaux que de l¦évolution des techniques. Cependant, il est techniquement possible d'approvisionner des grands centres urbains, comme Lima ou Mexico, en sardines sous glace au lieu de la transformer en farine de poisson. Egalement de grandes quantités de produits à bon marché, comme les sardines salées, peuvent en être fabriquées.

La contribution de l¦aquaculture à l¦offre de poisson continuera de progresser; il conviendrait donc de chercher davantage à mettre à profit les avantages des produits de l¦aquaculture par comparaison aux produits de la pêche de capture en ce qui concerne la manutention après capture et la satisfaction des besoins des consommateurs.

Les industries de la pêche des pays en développement, autant le secteur de la capture que celui de la transformation, ont reçu une aide considérable des donateurs. Que cette aide soit ou non à l'origine de l'augmentation constante des prises des pays en développement depuis les années 1950, celles-ci représentent à l¦heure actuelle plus de 60% des prises mondiales. Toutefois, le niveau technologique des pêches et l¦industrie de la transformation du poisson présentent des différences considérables d¦un pays en développement à l¦autre et à l¦intérieur de chacun d¦eux. Il faudra engager des investissements considérables pour améliorer la qualité des opérations de transformation, de distribution et de commercialisation du poisson dans les pays en développement, compte tenu en particulier de la priorité accordée actuellement d¦une part aux conditions d¦hygiène et de salubrité lors de la manutention, du stockage et de la transformation des produits de la pêche et d¦autre part, aux objectifs d¦assurance qualité dans les usines de transformation.

La plupart des stocks mondiaux de poisson sont à présent pleinement exploités ou surexploités et la surcapacité des flottes de pêche mondiale est notable. Cela est certainement le cas du secteur industriel mécanisé et sans doute également du secteur artisanal. Les flottes de pêche sont généralement subventionnées d¦une façon ou d¦une autre -- subventions pour la construction de bateaux, prêts à taux avantageux, prix préférentiels pour le fuel -- et l¦on estime que le déficit annuel d¦exploitation des flottes mondiales, c¦est-à-dire leurs frais de fonctionnement diminués de la valeur des prises, atteint quelque 22 milliards de dollars E.-U. Or, ce chiffre ne comprend pas les frais d¦investissement. Les prises des pêches de capture ne sont guère susceptibles de s¦accroître notablement au cours de la prochaine décennie; aussi tout accroissement de l¦offre en fonction de la progression démographique prévue devra-t-il provenir de l¦aquaculture ou d¦une utilisation plus complète des captures actuelles, notamment d¦une réaffectation des stocks, au détriment de la production de farine de poisson et au profit de la consommation humaine. Sans doute conviendrait-il à cet effet de réorienter les ressources consacrées aujourd¦hui au soutien des pêches de capture et de les consacrer à l¦aquaculture et aux activités de manutention après capture, de transformation et de commercialisation du poisson.