D'une superficie totale de 18.000 Ha (lacs, marais, estuaires), les PANGALANES situés sur la côte Est de Madagascar renferment en continuité tous les types de biotopes depuis les eaux douces jusqu'aux eaux marines et par conséquent devront offrir de nombreuses possibilités d'aménagements qu'il convient d'analyser. Les motivations de ces aménagements sont nombreuses et ont été déjà exposées dans de nombreux travaux et rapports. Nous ne retiendrons que les principales :
l'absence de pâturage dans cette région fait que l'élevage est fort peu développé, et que les poissons constituent la seule ressource animale de la région, y compris pour l'approvisionnement de la ville de TAMATAVE. L'exploitation marine est inexistante ou limitée à certaines zones proches de TAMATAVE. L'exploitation des lacs des PANGALANES constitue donc à l'heure actuelle le seul secteur de production animale qui puisse être développé. En 1967 il occupait 600 pêcheurs;
la présence d'une ligne de chemin de fer rend possible à peu de frais l'expédition rapide de toute production animale fraîche.
Pour citer WELCOMME et HENDERSON, 1977 : “alors que la production biologique est un élément clé de la détermination de la valeur d'une pêche particulière, d'autres facteurs tels que la facilité d'accès, par la route et la voie ferrée, la proximité de marchés ou de centres de population humaine et l'esthétique naturelle doivent aussi être pris en compte”, les conditions du développement de l'exploitation de ces lacs sont réunies.
D'après, les travaux de MOULHERAT et VINCKE, 1968, de VINCKE, 1972, de COLLART et RANDRIAMANALINA, 1978 et enfin avec les dernières données statistiques recueillies par la Brigade de pêche, la situation des pêches du secteur de 10.000 Ha (9 822 Ha)* situé entre TAMATAVE et ANDEVORANTO peut être décrite avec les chiffres suivants :
* ou 11 022 Ha en incluant le système fluvial cours d'eau et canal.
ANNEES | POISSONS (Tonnes) | CREVETTES (Tonnes) | CRABES (Tonnes) | TOTAL (Tonnes) |
1960 | 320 a) | |||
1961 | 330 | |||
1962 | 340 | |||
1963 | 350 | |||
1964 | 358 | |||
1965 | 365 | |||
1966 | 298 | 74 a) | 9 a) | 381 |
1967 | 390 | |||
1968 | 398 | |||
1969 | 390 | |||
1970 | 351 | |||
1971 | 119 b) | 16 b) | 14 b) | 343 a) |
149 b) | ||||
1972 | 115 | 10 | 11 | 136 |
1973 | 91 | 14 | 10 | 115 |
1974 | 86 | 16 | 14 | 116 |
1975 | 70 | 13 | 12 | 95 |
1976 | 52 | 14 | 12 | 78 |
1977 | 68 | 13 | 12 | 93 |
1978 | 49 | 12 | 10 | 71 b) |
N.B. a) de 1960 à 1971 il s'agit d'une production globale, donnée par VINCKE, 1972.
Dans la mesure où le marché de TAMATAVE reflète une tendance générale de l'exploitation du secteur étudié, on peut dire que la production de poisson a diminué de 59% de 1971 à 1978. En revanche celle des crustacés ne semble pas avoir varié de manière significative.
De même pour l'espèce commercialement la plus intéressante, en raison de son prix de vente producteur élevé (300 FMG) de même qu'écologiquement, car c'est un herbivore à croissance rapide (500 gr. en moyenne par an jusqu'à 4 ans), les captures de Zompona (Mugil macrolepis) ont été les suivantes:
Année | 1910 | 150 tonnes | Nbre de barrages | 25 | d'après M. COLLART et RANDRIAMANALINA, 1978 |
1958 | 37,5 | 33 | |||
1967 | 7,5 | 39 | |||
1969 | 3 | - | |||
1979 | 1,5 | 43* | (observations personnelles) |
* 34 barrages intégraux plus 19 démis.
A signaler une diminution du poids moyen des poissons capturés et une stagnation de l'effort de pêche traduisant une surexploitation du stock autochtone et par conséquent pas d'amélioration notable des rendements à attendre par la seule modernisation des engins de pêche ou des techniques de captures.
A mettre en liaison avec cette chute de rendement deux faits majeurs toujours signalés:
une diminution des communications avec la mer qui sont passées de 4 à 2 actuellement, ayant pour effet d'une part, une diminution du recrutement d'espèces marines et d'autre part une augmentation des zones oligohalines peu productrices.
une mauvaise gestion des stocks avec un déséquilibre des chaines alimentaires. Or à l'heure actuelle étant donné le niveau de production observé, extrêmement bas, la gestion seule, dont les effets sont longs, ne semble pas pouvoir permettre le retour à la situation antérieure. Une solution urgente et à long terme doit être trouvée avant que ne disparaisse ce secteur d'activité favorable et vital pour la région.
Compte tenu de ces quelques remarques préliminaires nous avons analysé en détail l'évolution de la situation piscicole et écologique des PANGALANES (secteur RIANILA - IVONDRO) durant ces dix dernières années, dans le seul but de diagnostiquer la situation et de pouvoir proposer des aménagements raisonnables accompagnés de prévisions les plus probables sur les rendements des pêches. Nous avons donc tenu compte de tous les travaux réalisés dans cette région que nous avons complétés par une intervention ponctuelle et actuelle.
Deux séries de sondages ont été réalisées dans l'ensemble du secteur situé entre les estuaires de l'IVONDRO et du RIANILA réunis par le canal des PANGALANES (Planche I).
Ce secteur, qui recouvre une grande variété de milieux depuis les zones estuariennes directement sous influence marine jusqu'aux eaux douces, en raison de nombreuses rivières qui débouchent dans les lacs, a été subdivisé en 8 sous secteurs : IVONDRO, NOSIVE Nord, NOSIVE Sud, TAMPINA, AMPITABE, RASOAMASAY, RASOABE et RIANILA.
de Novembre 1966 à Décembre 1967 les échantillonnages ont été réalisés mensuellement au filet dans chacun des sous secteurs (voir caractéristiques et méthodologie dans MOULHERAT et VINCKE, 1968).
d'Octobre 1978 à Octobre 1979 les échantillonnages ont été réalisés trimestriellement dans chacun des sous secteurs selon la même technologie qu'en 1966/67.
Nous avons donc analysé, d'une part les variations spaciales qualitatives et quantitatives depuis les milieux saumâtres sous influence marine (région du RIANILA et de l'IVONDRO) jusqu'aux lacs les plus éloignés des communications avec la mer, d'autre part les variations qualitatives pour les mêmes sous secteurs de 1966/67 à 1978/79.
Le tableau 1 ci-dessous (d'après les annexes I et II) permet de tirer les conclusions suivantes :
S/Secteur | Ivondro Ouverture mer | Nosive N. | Nosive S. | Tampina | Ampitabe | Rasoamasay | Rasoabe | Rianila ouverture mer | A n n é e s |
Richesse | 31 | 15 | 12 | 12 | 15 | 10 | 12 | 43 | 1966/67 |
Diversité Shanon | 3,89 | 3,15 | 2,02 | 2,85 | 2,98 | 2,75 | 2,89 | 4,52 | |
Diversité | 0,85 | 0,71 | 0,64 | 0,65 | 0,70 | 0,65 | 0,69 | 0,85 | |
Motomura et R | 0,99 | 0,98 | 0,97 | 0,94 | 0,99 | 0,93 | 0,96 | 0,94 | |
Richesse | 17 | 3 | 2 | 5 | 7 | 7 | 11 | 23 | 1978/79 |
Diversité Shanon | 2,77 | 1,22 | 0,49 | 1,81 | 2,48 | 1,21 | 2,57 | 3,09 | |
Diversité Motomura et R | 0,64 0,99 | 0,46 0,91 | 0,12 NS | 0,50 0,96 | 0,65 0,94 | 0,34 0,94 | 0,63 0,95 | 0,76 0,99 |
Tableau 1 - Richesse et diversité des peuplements de poissons dans chaque secteur de prélèvement (calcul selon DAGET 1976, R est le coefficient de corrélation).
Les résultats obtenus cette année confirment ceux obtenus à partir des données de 1966/67 à savoir :
La richesse spécifique d'une part et la diversité calculée selon DAGET 1976, d'autre part, diminuent toujours au fur et à mesure que l'on s'éloigne des communications avec la mer (secteur de l'IVONDRO et du RIANILA) ; les minima ont été observés au niveau des Lacs NOSIVE Sud et RASOAMASAY.
On note cependant que les résultats de cette année présentent quel que soit le secteur, un niveau de richesse et de diversité toujours inférieurs à ceux de 1966/67. Ceci traduit bien une détérioration de la situation depuis 10 ans : 23 au lieu de 43 pour le maximum de richesse et 2 au lieu de 10 pour le minimum ; la différence particulièrement importante au niveau des minima de diversité observés dans les Lacs RASOAMASAY et NOSIVE Sud. Cette détérioration de la situation peut être liée soit à la diminution des zones sous influence marine ou bien à un appauvrissement du milieu Un certain nombre d'espèces en provenance de la mer, autrefois abondantes dans les Lacs (ANTROTRIOKA*, FIAMPOTSY, TSARASAINA, ZOMPONA …) y pénètreraient plus rarement actuellement.
* voir correspondance, nom malgache - nom scientifique en Annexe V.
Nous avons résumé au tableau 2 les résultats obtenus d'après les données de MOULHERAT et VINCKE, 1968.
S/SECTEUR | IVONDRO | NOSIVE | TAMPINA | AMPITABE | RASOAMASAY-RASOABE | RIANILA |
Surface (ha) | 200 | 4.451 | 766 | 1.148 | 2.857 | 400 |
Exploitation (tonnes) | 110,25 | 32,5 | 13,65 | 31,25 | 20,10 | 83,05 |
Nombre d'engins (total, tous types) | 634 | 138 | 96 | 145 | 113 | 218 |
Prises/engin/ha (kg) (1) | 11,78 | 0,32 | 1,43 | 1,10 | 0,44 | 8,56 |
Prises filet maillant (tonnes) | 13,7 | 14,5 | 1,9 | 7,8 | 4,7 | 30,6 |
Nombre filet | 22 | 31 | 6 | 25 | 15 | 33 |
Prises/filet/ha (kg) | 3,11 | 0,11 | 0,41 | 0,27 | 0,11 | 2,32 |
Tableau 2 - Rendements d'exploitation pour l'année 1967. (concernant
uniquement les poissons ; les Vovo qui capturent
essentiellement des crevettes ne sont pas pris en compte.
(1) concerne la somme des captures pour un engin
de chaque type).
Les rendements des pêches par engin et par hectare diminuent au fur et à mesure que l'on s'éloigne des communications avec la mer, d'une part de l'IVONDRO vers le Sud, et d'autre part du RIANILA vers le Nord, avec une très légère remontée au niveau des Lacs AMPITABE et TAMPINA.
Ce résultat vérifie bien celui obtenu avec les indices de diversité et la richesse spécifique. Il confirme l'opinion de WELCOME et HENDERSON, 1977 : “le rendement maximum à obtenir d'une masse d'eau donnée tend à être une fonction de la “richesse” du potentiel biologique de la masse d'eau, plutôt que d'un élément particulier de son stock”.
N.B. : la meilleure corrélation r = 0,97 est obtenue entre la constante de Motomura
et les rendements bruts.
L'exploitation, prises/filet maillant/ha, représente l'évolution spaciale
quantitative de la situation générale. En conséquence les pêches de contrôles
sont en bonne mesure de donner une idée sur la situation quantitative
(pas obligatoirement qualitative).
Pour l'année 1978, nous avons moins de détails que pour 1966/67 mais deux chiffres sont toutefois significatifs. Les captures commercialisées à BRICKAVILLE relatives à la région du RIANILA ont représenté 11 Tonnes, soit 28 kg/ha et celles du reste, ensemble des lacs plus l'IVONDRO, 50 tonnes soit 5,23 kg/ha. Ce résultat partiel, confirme la situation de 1966/67 ; à savoir que les zones sous influence marine ont un rendement bien supérieur aux autres secteurs. Il est en outre probable que la diminution de la colonisation des lacs par les espèces saumâtres marines soit à l'origine d'une chute de rendements au niveau des communications avec la mer (IVONDRO et RIANILA).
Les Annexes I et II montrent qu'à de rares exceptions près (Hétérotis par exemple) toutes les espèces qui sont capturées dans les lacs le sont aussi dans les zones environnantes des communications avec la mer. Certaines dont le Saroy ou le Masovoatoka y sont faiblement représentées. En revanche beaucoup d'espèces saumâtres marines, fréquentes dans les estuaires ou zones avoisinantes, qui représentent 30 à 50% des captures expérimentales en poids dans ces mêmes zones, ne se retrouvent pas dans les lacs. Ce sont donc elles qui sont responsables des différences de rendements observées entre les lacs et les secteurs directement sous influence marine. La situation au niveau des chaines alimentaires a peu changé dans les zones estuariennes depuis 1967 et actuellement les carnivores dominent toujours dans les pêches de contrôle avec plus de 50% des captures en poids. En revanche dans les lacs, les carnivores comme l'Ambatsy, le Tohobe et l'Antriotroka ne représentent plus actuellement que 13% de la biomasse capturée (Annexe III) alors qu'ils représentaient plus de 30% en 1967. De plus l'Antriotroka, réputé ichtyophage ne semble plus se contenter actuellement que d'un régime carnivore à base de petits crustacés. Il semble donc que la chaîne alimentaire se soit rééquilibrée naturellement, ou est en voie de l'être, sans pour autant conduire à un accroissement des rendements d'exploitation dans les secteurs concernés, bien au contraire. En conséquence, cette diminution semble être davantage liée à une situation physique (communication avec la mer) ou écologique (productivité du milieu) ou aux deux qui font que les espèces d'origine marine colonisent de moins en moins le milieu, plutôt qu'à un déséquilibre quelconque.
Les espèces d'origine marine sont essentielles pour la production des PANGALANES. Il s'agit, d'une part par la composition de son peuplement en poissons et d'autre part par les techniques de pêche traditionnelles utilisées, d'un milieu à vocation lagunaire. L'adaptation d'espèces d'eau douce strictes n'y est guère possible dans ce milieu. La diminution des rendements observés ces dernières années est certainement imputable à une diminution de pénétration des espèces saumâtres d'origine marine dans l'ensemble du milieu. Toute intervention ou aménagement doit respecter la vocation du système.
Nous avons repris les analyses antérieures, MOULHERAT et VINCKE, 1968 après avoir effectué les moyennes annuelles. Comme elles portent en général sur un cycle complet, elles sont bien plus représentatives que celles que nous aurions pu obtenir en Octobre 1979. De tout manière comme pour le peuplement piscicole, les comparaisons spaciales restent valables. L'essentiel est résumé en Annexe IV. Nous ne retiendrons que les faits importants :
la température de l'eau oscille entre 21° et 34°C ce qui est correct pour la région. Mais parfois en certains endroits peu profonds (inférieurs à 2,5m) on observe des températures supérieures à 40° sur le fond. Cette température excessive est certainement un facteur limitant. Elle est dûe à une pénétration trop intense des rayons du soleil dans une eau pauvre en matières en suspension (plancton compris).
la turbidité comme la richesse en plancton n'est appréciable qu'aux niveaux des communications avec la mer.
les mesures d'oxygène dissous variant de 3,41 mg/l à 9 mg/l ne montrent pas de valeur excessivement basse.
d'une manière générale la concentration en substances nutritives et sels minéraux est très basse, traduisant un milieu pauvre comparé à celui de la mer (selon KIENER, 1966) ex. sulfates en mer 2 726 mg/l contre 875 mg/l au maximum dans les PANGALANES près des communications avec la mer, or les sulfates jouent un rôle important dans le développement de la production primaire.
magnésium en mer 1309 mg/l contre 29,49 mg/l au max. dans les Pangalanes
phosphates -"- 416 mg/l contre 13,80 mg/l au max. -"-
Enfin l'azote sous n'importe quelle forme n'a pas pu être décelé dans les eaux des PANGALANES.
S'il est vrai qu'en milieu aquatique d'eau douce les facteurs physico-chimiques ne sont limitants qu'à de faibles doses, il n'en est pas de même en milieu saumâtre où les réactions ioniques sont complexes (de même que les réactions physiologiques d'osmorégulation des organismes). Tel facteur à dose non limitante en eau douce peut le devenir en milieu saumâtre (les valliculteurs connaissent bien le problème lorsqu'ils inondent d'eau douce leurs étangs pour prévenir les crises graves). Or il est certain que les PANGALANES demeurent un milieu saumâtre en raison, d'une part des communications avec la mer encore existantes et des lacs entre eux, réalisées par le canal naviguable, et d'autre part des infiltrations salines à travers le cordon dunaire particulièrement nettes au niveau des lacs TAMPINA et AMPITABE (Annexe IV). En dehors des zones de communications avec la mer, c'est dans ce secteur que la salinité et les résidus secs sont les plus importants (mais restent à un faible taux). De même c'est dans ce secteur que les rendements des captures, la diversité et la richesse spécifique des poissons augmentent légèrement, mais sans jamais atteindre celles des zones avoisinantes avec la mer.
Ce bref rappel des conditions physico chimiques montre bien la pauvreté du milieu aquatique des PANGALANES en substances nutritives et en plancton, pauvreté à l'image du peuplement piscicole, diversité et rendement, où seules sont privilégiées les zones sous influence marine (600 ha). Les autres secteurs des lacs qui couvrent 9 221 ha sur 9 811 ha (soit 94% de la surface totale) peuvent être qualifiés de “désert aquatique” (lagunaire).
• interprétation possible de la situation actuelle :
Les seuls éléments d'enrichissement actuels proviennent de la mer (directement ou par infiltration). Cet apport est très limité ou nul car le nombre de points de pénétration de la mer ne dépasse jamais deux pour 10 000 ha et en zone estuarienne uniquement. Les terrains environnants ce secteur sont en général “dépourvus de matière fertilisante” à “réserves minérales médiocres” et “chimiquement pauvre” avec un pH acide (MOULHERAT et VINCKE, 1968). Actuellement, grâce aux eaux de ruissellement, c'est la seule source d'enrichissement des lacs qui existe.
On peut penser que jusqu'en 1961 et très brièvement en 1959, ces lacs étant ouverts sur la mer, ils ont accumulé des substances nutritives d'origine marine. A la suite de la fermeture des communications, le milieu aquatique vit maintenant sur des réserves accumulées depuis des siècles ; elles sont maintenant en cours d'épuisement sans possibilité de renouvellement à partir du bassin versant, d'où la chute des rendements des pêches de 59% en 7ans. Dans les conditions actuelles l'estimation de KIENER de 70 kg/ha est largement surévaluée ; il s'agit plutôt 10–15 kg/ha. Le problème des aménagements est donc urgent.
Nous reprendrons dans ce chapitre les recommandations fort justifiées qui avaient été faites par MOULHERAT et VINCKE (1968) puis par COLLART (1978) en y ajoutant les derniers éléments obtenus cette année.
On trouve 2 grands types de recommandations concernant :
les chaines alimentaires et l'exploitation
la préservation, le contrôle des stocks et l'aquaculture.
a) - il a été recommandé le rééquilibrage des stocks, en ce qui concerne les chaines alimentaires, qui étaient jusqu'à ces dernières années à dominance ichtyophages. Ceci est l'image donnée par les captures au filet maillant. Les sondages effectués cette année montrent que l'ichtyophage dominant, Antriotroka, non seulement est devenu plus rare car ses remontées de la mer sont devenues de plus en plus difficiles, mais aussi est devenue carnivore. L'abondance pondérale des Sarcy et des Masovoatoka fait que les chaines alimentaires ont tendance à se rééquilibrer naturellement sans pour autant enregistrer une amélioration des rendements. En effet la base même de la production primaire étant très étroite, faute de substance nutritive en quantité suffisante, fait que la pyramide alimentaire ne peut pas être bien haute, d'où les rares niches écologiques probablement toutes occupées et la faible diversité qui en résulte.
De toute manière, en milieu lagunaire, il est souhaitable de développer la capture d'ichtyophages au filet maillant tout en favorisant l'alevinage des herbivores ou des détritivores, en ayant bien conscience comme le signale fort justement MOULHERAT et VINCKE, 1968, que les pêches ne fournissent que l'image d'un stock exploitable, mais pas forcément du stock en place ; en témoigne l'Hétérotis présent, mais qui figure rarement dans les captures composées surtout d'herbivores. De toute manière les engins artisanaux ; nasses, vovo, villa, filet maillant, sont bien adaptés aux PANGALANES, car reposent sur l'utilisation des migrations de poissons qui viennent ou vont à la mer. Ils témoignent bien de la vocation lagunaire traditionnelle du milieu.
b) - plusieurs engins nouveaux ont été expérimentés :
Le trabaque a donné comme rendement 912 gr en 4 jours de pêche contre 15 kg en moyenne dans les lagunes de méditerrannée. Cela ne veut pas dire qu'il n'est pas adapté, car il a été posé à un endroit et à une saison où les eaux sont claires, sans végétation sur fond sableux. Aussi serait-il souhaitable de réaliser d'autres essais à d'autres saisons pour pouvoir conclure. Mais il ne faut pas se faire trop d'illusions, car sans aménagement visant à modifier la productivité du milieu, le trabaque ne permettra pas d'améliorer les rendements.
L'acadja est une introduction heureuse qui mérite d'être développée ; mais elle reste cependant tributaire de la productivité du milieu et sans autre aménagement, elle ne permettra pas de résoudre le problème de la chute des rendements. Le développement algual que l'expert a pu observer sur l'acadja mis en place au mois d'Août est très pauvre (comparé à des milieux normalement riches).
D'Août 79 à Octobre 79 l'acadja a permis la capture totale de 5.510 gr. dont 2.020 gr de crevettes pour une surface de 200 m2. En 1977 au bout de 1 an l'acadja de 2.500 m2 avait donné un rendement de 63 kg de poissons. L'expérience est intéressante et mérite d'être développée car elle constitue, en plus d'une méthode d'exploitation, une zone refuge pour les herbivores.
c) - jusqu'à présent toutes les espèces introduites aux PANGALANES, à savoir :
le Gouramier (1857) “un véritable stock ne s'est jamais constitué”
Carpe commune et Cyprin doré (1925/30) “aucun exemplaire capturé en 1966/67 et 1978/79”
Tilapia rendalli, Tilapia macrochir, Tilapia mossambica de 1953 à 1963
Hétérotis en 1963/65 méthodes de capture non adaptées
Carpe royale 1975/76 l'introduction est encore trop récente pour pouvoir juger de son résultat,
ne semblent pas avoir résolu le problème de la des rendements. Cependant, l'échec n'est pas total et les expériences bien avancées dans ce domaine doivent être suivies de près. En effet pour la Carpe introduite en 1975/76 il est encore trop tôt pour pouvoir juger du résultat. En revanche pour le Tilapia rendalli, il semble bien s'être adapté aux conditions défavorables du milieu car il a constitué 23% des captures en poids des pêches de contrôles de 1978/79 dans les lacs. En fait le problème de la chute des rendements ne saurait être résolu par les seules introductions d'espèces nouvelles pour plusieurs raisons :
Tout d'abord il s'agit d'un milieu saumâtre qu'il est impossible d'adoucir complètement en raison des infiltrations d'eau marine et du canal. De ce fait il est difficle de trouver des espèces d'eau douce qui pourraient s'y adapter et occuper pleinement le système. Les espèces saumâtres sont adaptées au milieu (JEBOJEBO, ZOMPONA, VONGO) pour les plus intéressantes, mais comme elles ne peuvent se reproduire qu'en mer, l'alevinage devra être pratiqué en continue, à partir, soit d'alevins récoltés dans le milieu naturel ou issus de ponte induite.
Ensuite même si l'introduction d'espèces nouvelles était techniquement et écologiquement possible, le milieu aquatique est très pauvre avec une pyramide alimentaire à base étroite, de hauteur faible, donc avec peu de niches écologiques disponibles. Il est probable en outre, que l'introduction d'espèces, à supposer la modification du milieu réalisable, entraînerait une modification de la technologie traditionnelle des pêches mal supportée par les populations locales.
d) - il a été recommandé de limiter la pêche au Zompona, donc l'exploitation du barrage intégral. En effet la régression des captures de cette espèce était attribuée à une surexploitation du stock de géniteur qui était capturé intégralement avant de pouvoir effectuer sa ponte en mer. Ceci avait pour conséquence une diminution toujours accrue du recrutement. Il est probable que cette recommandation fort justifiée à l'époque où elle a été faite est actuellement insuffisante et pour deux raisons :
l'appauvrissement considérable du milieu doit limiter la remontée du Zompona qui ne trouve plus dans les lacs les conditions trophiques indispensables à sa subsistance (ceci a été démontré pour de nombreuses espèces marines qui colonisent de moins en moins les milieux lagunaires, ou plus brièvement, lorsque les conditions deviennent défavorables). De plus les estuaires sont larges, mal adaptés à la pêche au barrage intégral, et la partie la plus importante du stock a donc la possibilité de coloniser d'autres milieux que les lacs.
le faible nombre de communications avec la mer, 2 actuellement pour 10000 ha, limite obligatoirement les possibilités de pénétration de cette espèce dans les lacs.
Dans l'état actuel de la situation il est insuffisant de limiter l'exploitation d'une ressource qui se raréfie (ou de gérer un capital que l'on ne maîtrise pas). Trop d'inconnues subsistent encore sur la biologie du Zompona pour pouvoir gérer efficacement son exploitation. En effet si l'on est sûr que la migration de reproduction en mer est obligatoire et totale, on n'est pas sûr que tout le stock d'alevins remonte dans les lacs, car il s'agit d'une migration trophique. Il est probable qu'une partie reste en mer ou colonise d'autres milieux plus favorables. Il est en outre possible que de jeunes Zompona regagnent la mer prématurément avant d'avoir atteint la taille d'exploitation. A noter que les tailles des individus capturés sont de plus en plus faibles soit par malnutrition, ou bien par migration à un âge plus précoce. Il est aussi possible que l'alevinage des lacs soit assuré par des alevins provenant de géniteurs qui ont colonisé d'autres milieux que les lacs de la région ANDEVORANTO, IVONDRO (géniteurs qui remontent les rivières par exemple).
Etant donné le nombre d'inconnues qui subsistent encore et le niveau d'exploitation actuel, la limitation des captures des Zompona est insuffisante pour conduire à un accroissement des quantités exploitées. Cela ne veut pas dire qu'il faille intensifier la pêche, c'est-à-dire multiplier le nombre de barrages car toute intensification dans ce domaine n'empêchera pas la chute des prises de se poursuivre et risque même de l'accentuer. Il est à noter cependant, que les Zompona qui réussissent à regagner la mer pour pondre, ne recoloniseront plus les lacs. Ils sont donc perdus pour l'exploitation.
En attendant des études biologiques plus complètes, tout en maintenant la pression de pêche à son stade actuel, le remède serait à chercher du côté de l'alevinage massif (stock naturel ou reproduction artificielle) en supposant avant tout une amélioration des conditions de milieu et des capacités d'immigration.
a) - la préservation des stocks concerne l'aménagement des zones refuges, principalement pour les alevins. Elle a été entreprise avec succès par le système des acadjas (COLLART et al. 1978) qui doit être généralisé. Des nurseries protégées peuvent être aussi aménagées dans le cas d'alevinage massif à partir des stocks naturels de Vango ou Zompona ou de reproduction artificielle pour cette dernière espèce. Mais le succès de telles opérations est soumis aux conditions favorables du milieu. A signaler l'existence de zones inaccessibles à la pêche, car trop profondes ou non adaptées à la navigation par pirogue, qui constituent des réserves naturelles.
Le contrôle des stocks est une partie importante de l'aménagement des pêches, et tout le monde est unanime pour le recommander. Il concerne d'une part les données statistiques à recueillir, et d'autre part, la formation d'un personnel capable de les recueillir et de les traiter. En ce qui concerne le personnel compétent, il existe et il est très bien formé. Il ne nécessite que des séances de recyclage, comme tout le personnel efficace. Les données statistiques recueillies sur le marché pourraient être plus complètes notamment en ce qui concerne la composition des apports et les mensurations. Le recensement des engins de pêche (et de l'effort de pêche) est en cours.
Les pêches de contrôle sont correctement réalisées, mais pourraient être améliorées par l'utilisation de filet senne et une diminution du nombre de Stations (4 sont suffisantes : IVONDRO, RIANILA, RASOAMASAY et NOSIVE Sud) pour un effort de pêche identique.
b) - le milieu actuellement se prêterait bien à l'élevage intensif en cage flottante. Le seul facteur limitant cette forme d'aquaculture est l'apport continuel de nourriture qu'elle nécessite. Cette nourriture n'est pas disponible sur place.
Compte tenu de tous les travaux qui ont été effectués sur les PANGALANES et des observations actuelles, sans aménagement important, l'avenir de l'exploitation des poissons est à court et long termes, catastrophique :
baisse des rendements de 59% en l'espace de 7 ans, rendement actuel en poissons 6 à 8 kg/ha.
la seule prévision optimiste est que la diminution des rendements sera plus lente dans l'avenir que dans le passé. En effet la diminution des quantités commercialisées à TAMATVE obéit à une fonction de la forme : R = 121, 13 exp. - 0,13 t. (dans laquelle R est le poids en tonnes et E le temps en années avec comme origine 1971) avec une correlation de 0,94.
En 1966 les poissons représentaient une production de 30 kg/ha/an. Actuellement, en admettant que la quantité commercialisée représente 78%* de la production, elle peut être estimée à 6.8 kg/ha/an en 1978. Dans ces conditions, il faut s'attendre pour 1990 à une production de l'ordre de 1 – 2 kg/ha/an, sauf abandon probable de toute activité de pêche.
Afin de préserver la vocation écologique lagunaire du milieu qu'il est matériellement impossible de changer, et les méthodes d'exploitation traditionnelles basées sur cette vocation même, étant donné la pauvreté du système, véritable “désert aquatique” et ses contraintes physico chimiques limitant toute intervention d'ordre biologique ou technique telles introductions d'espèces nouvelles ou utilisation d'engins nouveaux, le seul aménagement possible consiste en l'ouverture de plusieurs communications avec la mer.
a) - Les avantages de ces communications avec la mer sont nombreux, les principaux étant :
amélioration du niveau de production du système, enrichi en permanence par la pénétration des eaux marines : substances nutritives dissoutes et plancton ;
apport de poissons marins (suffisamment diversifiés, 40 espèces) dont les stocks sont inexploités et inexploitables en mer, occupant naturellement les niches écologiques nouvellement créées, sans aucune autre intervention. Il ne faut pas oublier que, outre son fonctionnement propre, le milieu lagunaire constitue une zone de nurserie et de refuge épisodique : fuite devant les prédateurs, conditions de température et de salinité souvent plus favorables. Il permet l'exploitation d'une véritable production marine encore inexploitée :
pas de modification du système d'exploitation traditionnel déjà adapté ;
amélioration ultérieure des rendements, possible avec un minimum d'investissements : valliculture, tambak, ostréiculture, aquaculture (crevettes, poissons) ;
maintien des populations de pêcheurs sur place, compatible et favorisant l'aspect touristique considérable de la région ;
diminution des risques d'inondation en période de cyclone.
b) - Pour prévoir les conséquences économiques de tels aménagements, on se réfèrera au tableau Annexe I de la situation de 1966/67. L'ensemble des lacs pourra fonctionner comme les secteurs de l'IVONDRO et du RIANILA actuellement ouverts sur la mer. On constate que seules 2 espèces, le Masovoatoka et le Saroy, de poids moyen inférieur à 120 gr. seront défavorisés. En revanche le gain sera considérable, constitué par l'apport de 15 espèces d'origine marine qui ne pénètrent pas ou plus dans les lacs, en se basant sur les chiffres de 1967 correspondant à une situation qui devrait être rapidement retrouvée en raison de l'enrichissement du milieu apporté par la mer. Les zones directement sous influence marine ont un rendement de l'ordre de 322 kg/ha pour 600 ha, alors que les lacs avaient un rendement de 11 kg/ha pour 9.222 ha. Il serait dangereux d'extrapoler ce chiffre à l'ensemble des lacs car, d'une part les ouvertures actuelles des zones sous influence marine sont énormes par rapport à leur superficie (aménagement difficile à obtenir sur toute la longueur des lacs), et d'autre part les conditions d'exploitation des lacs sont différentes compte tenu de leur profondeur et des moyens de pêche existant actuellement, mais qui peuvent toujours être améliorés par la suite. En considérant un nombre de communications suffisant de l'ordre de 7 (dont 2 existantes actuellement) et dont nous justifierons le choix par la suite, on peut s'attendre à des rendements moyens raisonnables de l'ordre de 150 kg/ha (soutenus) et par an sur l'ensemble du système soit une production totale en poissons de l'ordre de 1 470 tonnes et un chiffre d'affaire (avec un prix moyen pêcheur de 250 FMG/kg) de l'ordre de 367.000.000 FMG/an, au lieu de 16.000.000 FMG actuellement, et 3.300.000 FMG prévu pour 1990. Il n'est pas tenu compte des crustacés, crevettes et crabes qui bénéficieront certainement de la situation. Ceci est un minimum qui peut être largement dépassé, avec des aménagements ultérieurs, possibles grâce à l'enrichissement du milieu par la mer.
Compte tenu de la situation actuelle, c'est-à-dire des variations dans l'espace des diversités, richesses et rendements, il convient d'aménager en priorité les lacs, les plus défavorisés, et ouvrir au niveau des lacs NOSIVE Sud et RASOAMASAY. Cependant compte tenu de la structure du cordon dunaire qui sépare les lacs de la mer, les nouvelles communications seraient tout aussi efficaces en portant leur nombre de 2 à 3 et situées au niveau des lacs RASOABE, AMPITABE, NOSIVE Sud. Les anciennes ouvertures au niveau du ANDAVAKAMENARANA et d'AMPANOTOAMAIZINA ne posant pas de problème particulier, doivent aussi être réaménagées.
Ouverture de 5 nouvelles communications des lagunes des PANGALANES situées entre ANDEVORANTO et l'IVONDRO avec la mer.
Pas d'autres aménagements possibles ne sont envisageables pour éviter la chute des rendements qui se situent actuellement à un niveau de 6 à 8 kg/ha et probablement à 1 – 2 kg/ha en 1990.
Les gains estimés de l'aménagement, compte tenu de la situation existante au niveau des communications avec la mer seront de 367.000.000 FMG/an (chiffre d'affaire pêcheur) au lieu de 16.000.000 FMG/an actuellement, et 3.300.000 FMG/an prévu pour 1990.
Il est évidemment recommandé bien vivement de préserver et entretenir les deux seules communications encore existantes. Afin d'empêcher la propagation d'Eichornia crassipes qui obstrue déjà l'embouchure du canal des PANGALANES à TAMATAVE ville, il est urgent de mettre en oeuvre les mesures pratiques à prendre pour dégager le bouchon actuel.
Remarque : Dans le cadre de cet aménagement, il serait souhaitable de prévoir la consultation d'un expert en hydraulique lagunaire : plan des travaux, devis et système de contrôle des échanges eau douce, eau salée.
OUVRAGES CONSULTES
COLLART A. et RANDRIAMANALINA, 1978 - Problèmes d'aménagement écologique et piscicole en milieu lagunaire - Premiers résultats sur l'introduction d'une pêcherie pilote “Acadja” aux PANGALANES.
Document technique MAG/76/002, F.A.O., Eaux et Forêts, Madagascar, No 3, 18 p.
DAGET, J. 1976 - les modèles mathématiques en écologie. Masson, Paris,
KIENER, A. - 1966 - Contribution à l'étude écologique et biologique des eaux saumâtres
malgaches. Les poissons euryalins et leur rôle dans le développement
des pêches.
Vie et Milieu, XVI (2C), 1013 – 1149.
MOULHERAT, J.L. et M. VINCKE, 1968 - Etude en vue du développement de la pêche aux PANGALANES Est (zone TAMATAVE - ANDEVORANTO) Centre Technique Forestier Tropical, Madagascar, 195 p.
M. VINCKE, 1972 - Essai d'estimation de la Production Piscicole des Eaux Continentales Malgaches Centre Technique Forestier Tropical, Madagascar, 110 p.
WELCOMME, R.L. et H. F. HENDERSON, 1977 - Aspect de l'aménagement des eaux intérieures
pour les pêches.
F.A.O., Document Technique sur les pêches, No 161, 38 p.