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B. - DEUXIEME PARTIE
Technique d'Elevage de Chanos chanos en eau saumâtre

5 - LE CHANOS CHANOS

Chanos chanos est un Clupéidé marin ayant une large distribution dans la région Indo-Pacifique dont il peuple les zones tropicales et subtropicales. Son aire de dispersion s'étend depuis la Mer Rouge et la Côte Est de l'Afrique jusqu'à la Côte Ouest des Etats-Unis (au Sud de San Francisco) et du Mexique en traversant toute l'Océanie ; en latitude sa dispersion sa du Sud du Japon au Sud de l'Australie.

C'est un poisson d'eau chaude qui demande des températures supérieures à 15° C ; il meurt à 12° C, mais peut supporter 40° C. Sensible aux basses températures il est par contre très résistant aux faibles teneurs en oxygène dissous ; de plus, il s'adapte remarquablement bien, tant à l'état d'alevin qu'adulte à de fortes variations de salinité pour autant qu'elles soient progressives, (caractère euryhalin par excellence) et il passe également sans transition à des régimes alimentaires très variés bien qu'il se nourrisse principalement d'algues. Enfin il est très résistant aux maladies.

La dispersion de ce poisson marin parait limitée au voisinage des côtes et sa vie semble liée au plateau continental ; on ne le capture jamais en haute mer. Il fréquente les estuaires et grandit remarquablement bien en étangs à eau saumâtre, mais il ne se reproduit pas en captivité. Aussi les alevins doivent être pêchés en mer (larves de 15 à 25 mm) et transportés en étangs où ils se développent rapidement ; ils mesurent 50 – 70 mm à 1 mois, 120 – 150 mm à 2 mois et en 8 à 10 mois atteignent un poids commercial de 250 à 500 grammes.

Malgré toutes ces hautes qualités qui le rendent désirable, sa vaste dispersion, et du fait que les adultes sont difficilement pêchés par les méthodes conventionnelles, Chanos chanos est seulement élevé en eau saumâtre en Indonésie, aux Philippines et à Taïwan.

Chanos chanos fraie en mer, une ou deux fois annuellement, probablement à une distance inférieure à 20 milles des côtes, dans des eaux d'environ 25 m. de profondeur. Les femelles sont de forte taille (90 cm) et pondent 2 à 7 millions d'oeufs pélagiques de 1,2 mm de diamètre. Les larves éclosent en 24 Heures et mesurent 6 mm. Celles-ci dérivent lentement vers les côtes et elles apparaissent au littoral où dans les estuaires où les eaux sont claires, ayant au moins 23° C, une salinité de 10 à 32 et du phytoplancton en abondance. Les alevins mesurent alors 11 à 13 mm et seraient âgés de 2 à 3 semaines.

Il convient cependant de noter que pour la première fois, en Avril 1977, la reproduction induite de Chanos chanos a été menée à bonne fin en laboratoire, par le personnel de la station aquicole de Pandan aux Philippines (Centre de Développement des Pêches du Sud-Est Asiatique - SEAFDEC). Cette réussite remarquable ouvre dorénavant de vastes horizons nouveaux pour l'élevage de Chanos, mais l'application et la vulgarisation de cette technique demanderont encore vraisemblablement une dizaine d'années, sinon davantage.

6 - ECOLOGIE DES ETANGS D'EAU SAUMATRE ET TECHNIQUE D'AMENAGEMENT

L'importance du sol est considérable dans la productivité des bassins ; sa qualité dépend en bonne partie de la nature du terrain drainé par la rivière ayant déposé les alluvions ; les meilleures sont celles d'origine volcanique. Il est évident que le fond des bassins doit être imperméable. Le sol idéal devrait consister en 64 à 82 % de limon, 16 à 32 % de sable et 2 à 4 % d'argile. Plus il y aura de matières organiques, meilleur sera le sol pour la production de Chanos chanos.

Les deux sources d'alimentation en eau sont l'eau de mer et l'eau de pluie. Parfois on peut alimenter les bassins en eau douce captée sur une rivière. Les possibilités relatives d'apports de ces deux sources d'approvisionnement en eau et le rythme des saisons déterminent les variations de salinité de l'eau des bassins, laquelle est très variable. L'évaporation détermine la concentration des sels, tandis que les apports en eau douce favorisent leur dilution. On trouve des salinités très différentes selon que les étangs sont en bordure de mer ou à l'intérieur des terres et selon la possibilité d'y admettre plus ou moins aisément de l'eau douce. La température est variable selon les régions et pour protéger le poisson tant des coups de chaleur que du froid, il faut creuser des parties plus profondes où les poissons peuvent se réfugier ; l'insolation se combat également en créant des zones d'ombre par des arbres plantés sur les digues. Les eaux saumâtres sont alcalines et généralement bien oxygénées.

Sur le plan nutrition, Chanos chanos préfère des aliments mous aux aliments durs et résistants. Dans les premiers mois il se nourrit principalement d'algues bleues (Myxophycées) ou d'algues vertes déjà partiellement décomposées. Les Myxophycées peuvent se développer abondamment en surface de la vase du fond dans des bassins peu profonds, bien éclairés et possédant une vase bien structurée. Dans ces conditions, la production des Myxophycées l'emporte sur celle des Chbrophycées ; d'autre part les Phanérogames sont assez peu abondants dans les bassins d'eau saumâtre.

Dans les conditions précitées, impliquant notamment des eaux peu profondes, un complexe biologique vivant et formé de microrganismes se développe en surface du fond, en quantités dépendant de la productivité naturelle des étangs. Ce complexe principalement formé d'algues comprend : des bactéries, des algues bleues (Myxophycées) uni ou pluricellulaires, spécialement des Oscillatoria ées, des fragments d'algues vertes filamenteuses, des Diatomées : il comporte aussi des composantes animales telles que : Protozoaires, Entomostracés (Cladocères - Copépodes), Vers, ainsi que des détritus et des particules minérales Des fragments de ce complexe se détachent constamment du fond, notamment sous l'action de bulles d'oxygène formées par la photosynthèse, et ils deviennent plus ou moins planctoniques ou flottants.

Cette production biologique est consommée par le poisson aussi bien sous forme benthique que planctonique ou flottante : Chanos chanos consomme aussi les couvertures biologiques. La production des algues benthiques est maximale dans les eaux très peu profondes (5 à 15 cm), bien éclairées, mais Chanos chanos demande des eaux d'au moins 20 cm de profondeur.

Pour favoriser la croissance de ce complexe biologique certaines conditions doivent être remplies, notamment : un sol de bonne qualité, de préférence vaso-argileux ; une intensité solaire lumineuse et calorifique suffisante ; une épaisseur d'eau d'abord assez faible et progressivement augmentée ; une salinité comprise entre 10 et 40 ; une turbidité réduite, ce qui est obtenu notamment par une bonne orientation des digues de séparation et par des arbres plantés sur des digues, coupant les effets néfastes du vent et des vagues ; une eau régulièrement renouvelée, apportant à la fois oxygène et sels nutritifs.

Lorsqu'il augmente de taille, Chanos chanos peut aussi se nourrir d'algues vartes et de Characées plus ou moins décomposées, ainsi que, en cas de nécessité, d'algues filamenteuses fraîches et de plantes supérieures. A mesure que sa taille augmente, cette nourriture prend de plus en plus de place dans son régime alimentaire.

Avant d'être mis en charge, les bassins à Chanos chanos sont l'objet d'une préparation très soignée, de 2 semaines environ en région tropicale à 8 semaines en région subtropicale. Le fond du bassin est travaillé et débarrassé des herbages indésirables. L'étang est laissé à sec jusqu'à craquèlement du fond, ce que prend 1 à 3 semaines. Ensuite le bassin est à plusieurs reprises alternativement mis sous eau et à sec, l'assec durant quelques jours, ceci pour éliminer les anguilles et autres prédateurs qui s'enfoncent dans la vase et sont de dangereux ennemis des alevins. Finalement l'étang est mis sous eau et le fond n'est d'abord couvent que de 3–10cm d'eau ; on augmente progressivement la profondeur pour favoriser le développement du complexe nutritif. On peut accélérez le développement des algues par repiquage en provenance d'autres étangs entretenus comme pépinières d'algues. Une profondeur faible de 10–15 cm, favorise la croissance des algues bleues et une plus grande profondeur de 30–60cm est favorable aux algues vertes. La croissance de ces algues est fortement favorisée par un sol légèrement alcalin (pH de 6,8 à 7,5) et par la fumure organique ou minérale.

Pour introduire le poisson, il faut une profondeur d'eau de 20 –40cm. En bordure des bassins, la flore ligneuse est formée d'espèces halophiles ; généralement on plante les digues d'arbres de la mangrove, Avicennia et Rhizophora. Les feuilles d'Avicennia constituent un bon matériel comme fumure verte.

7 - ELEVAGE DE CHANOS CHANOS EN ETANGS A EAU SAUMATRE

7.1 - Les phases de l'élevage

7.1.1 - Lieux et techniques de capture des alevins

Bien que Chanos chanos puisse atteindre une taille supérieure à 1m. en étang, il n'arrive jamais à maturité sexuelle en eaux fermées et jusqu'alors, il n'avait pas été possible même au moyen d'injections d'hormones (glande pituitaire) d'obtenir sa reproduction en captivité. L'élevage de Chanos chanos en étangs demeure donc encore pour un certain temps, dépendant des possibilités de capture du frai (alevins) sur les côtes ou dans les estuaires, malgré le succès récent de reproduction induite signalé ci-avant.

Les lieux de prédilection pour la capture du frai de Chanos chanos sont localisés aux côtes sableuses, plates, à eaux claires et où les meilleurs emplacements correspondent au voisinage de l'embouchure dans la mer, de petites rivières, de même que les côtes sous le vent des dunes de sable où les alevins se sentent à l'abri. On ne le capture jamais au-dessus de fonds vaseux, où les eaux sont troubles. Les captures ont lieux à des périodes et à des moments en cours d'identification à Madagascar. Par exemple, dans la région de Diégo-Suarez, les larves planctoniques de Chanos chanos ont été repérées pour la première fois en 1977, à compter du 21 Novembre, de suite après l'accalmie des grands vents de fin de saison sèche coïncidant avec le début des pluies. Ailleurs (Indonésie - Philippines) les principales époques de pêche vont de Septembre à Décembre et / ou de Mars à Mai selon qu'il y ait une ou deux reproductions annuelles. Les meilleures captures se font par pleine lune et à la nouvelle lune (aux marées de Vives Eaux). On pêche à marée haute quand la mer n'est pas trop agitée, mais de bonnes captures peuvent également être faites à marée basse par des pêcheurs opérant en ligne, à travers l'embouchure des rivières.

La méthode de capture la plus commune est la pêche au trouble ou haveneau, large épuisette à manche, tendue de toile très fine, que manoeuvront les pêcheurs avançant le long des plages, dans l'eau jusqu'à mi-corps. Le plus souvent ils utilisent en même temps un leurre constitué de fibres de palmier, de feuilles de bananier, cocotier, etc.… formant une longue guirlande flottante (20 m) posée perpendiculairement à la côte et sous laquelle viennent se réfugier les larves de Chanos qui sont alors capturées aisément au trouble. Si le frai est peu abondant, l'extrémité éloignée de la guirlande (leurre donnant de l'ombre) est ramenée progressivement à la côte vers l'autre extrémité en décrivant un cercle qui se rétrécit de plus en plus de manière à concentrer les larves sur un plus petit espace.

Lors des prospections des larves de Chanos chanos à Madagascar, ce genre de leurre a été remplacé par des bandes de toile de plastique, noires opaques et flottantes, étalées perpendiculairement à la côte et créant une large zone d'ombre attirant les alevins ; ou encore, sur certaines plages propices aux prospections, la zone d'ombre projetée par les petits bateaux laissés à l'ancre à faible profondeur, constitue des endroits de prédilection où se réfugient les alevins et où il est très facile de les capturer.

D'autres techniques sont également utilisées selon les circonstances (ou les habitudes), notamment lorsque le frai est dispersé, ou encore aux embouchures de larges rivières où l'on emploie des petites sennes non plombées, de quelques mètres de long (3 – 5m) sur 1 – 1,30m de chute ; aux embouchures à courants de marées trop importants pour l'usage efficient du trouble ou de la senne, des barrages - trappes en forme de V sont établis face au courant, au moyen de clayonnages en bambou ou en nervures de feuilles de palmier plantés dans 1 m d'eau environ. Ces trappes mesurent de 2 à 5m de côté et ont 3 à 5m d'ouverture à la tête : la trappe aménagée à l'intersection du V est de forme conique, taillée dans un filet à très fines mailles, 0,6 mm, de 30 cm de largeur et de 1,50 m de long ; elle est maintenue fixe, étirée et flottante au moyen de deux perches de bambou. Ces trappes peuvent être mises en place côte à côte fixées aux perches de bambou et barrer complètement l'embouchure : quelquefois, les trappes sont attachées à leurs supports de telle manière qu' elles puissent flotter, monter et descendre suivant le mouvement des marées.

Tout récemment (1976) est apparue en Indonésie une nouvelle technique plus moderne, utilisant une pirogue motorisée et équipée d'un petit chalut. Opérant dans des eaux plus profondes, ce système permet des captures de frai de Chanos chanos, cinq fois supérieures à celles obtenues par les méthodes traditionnelles. Il sera des plus intéressants d'expérimenter cette technique à Madagascar, notamment dans la Baie de Diégo-Suarez.

Les résultats des captures journalières d'alevins sont très variables, allant de quelques dizaines à quelques milliers ; le frai mesurant 10 à 15 mm est mince et si transparent qu'il est quasiment invisible. Un premier triage permettant de séparer en partie les alevins de Chanos d'autres espèces indésirables peut se faire immédiatement en tamisant les captures au travers d'un filet à mailles de 1,5 mm.

7.1.2 - Manutention des alevins

Aussitôt après la capture, les alevins de Chanos sont transférés dans des récipients plats, en terre cuite ou en bambou aux parois cimentées et / ou imperméabilisées au goudron ; ces récipients sont de forme circulaire et ont une capacité variant de 15 à 30 litres, selon les régions. Les bidons plats assurent une bonne aération de l'eau et des facilités de manipulation par superposition. Leur forme circulaire est indispensable car les alevins de Chanos chanos nagent en cercle, constamment dans la même direction, et ce mouvement circulaire ne peut être interrompu.

L'acclimatation à l'eau saumâtre peut commencer à ce stade et certains collecteurs diluent l'eau de mer des bidons en y ajoutant jusqu'à 10 parts d'eau douce ; une telle dilution sert à tuer la plupart des invertébrés indésirables. Les alevins de Chanos doivent être comptés (car ils sont vendus à la pièce) et séparés des autres alevins capturés simultanément, opération requérant beaucoup d'expérience ; les caractéristiques servant à leur identification sont seulement 2 points noirs à la tête et un autre au centre du corps, ainsi que leur mouvement caractéristique. Il est à noter que toutes les manipulations du frai se font dans l'eau ; les comptages sont opérés en utilisant une large coquille de mollusque.

7.1.3 - Techniques de transport des alevins

Les alevins sont alors transportés dans ces récipients jusqu'aux sites aquicoles, ce qui peut demander plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Les méthodes utilisées par les collecteurs (ou revendeurs successifs) pour garder les alevins en bonne condition pendant le transport et le stockage varient de l'un à l'autre, mais en général les bidons sont remplis d'eau de mer dilué (9 parts d'eau douce, 1 part d'eau de mer) jusqu'à une hauteur de quelques centimètres et le frai y est maintenu en densités variant avec la durée du transport et les régions; environ 100 par litre aux Philippines, entre 20.000 et 40.000 par bidon en Indonésie. A la température de 25° C et sans aération artificielle il semble que l'on puisse transporter dans de bonnes conditions 500 à 1.000 alevins par litre d'eau. Aucune aération artificielle n'est employée mais l'eau est changée tous les jours. Si le transport se fait loin de la mer, la salinité est maintenue en additionnant du gros sel de mer (non raffiné) en quantité déterminée, en goûtant l'eau. On pense également qu'il est bénéfique de maintenir les alevins dans l'obscurité durant le transport, aussi les récipients sont couverts. Le frai est capable de survivre plus de 2 semaines sans nourriture, mais les collecteurs attentionnés le nourrissent pendant le transport et le stockage de longue durée, avec de la farine de riz qui peut être légèrement grillée, ou des jaunes d'oeufs durs finement écrasés. Il est simplement do constater la robustesse de ce frêle alevin qui résisue à de longs transports et à une stabulation prolongée et qui peut passer, sans transition, d'un régime alimentaire à base de plancton à celui du son de riz : c'est sans doute l'un des aspects les plus caractéristiques de cette pisciculture bien spéciale du Chanos; toutefois les alevins sont très sensibles aux basses températures. Durant la période qui s'écoule entre la capture des alevins et leur déversement en étangs, le déchet peut varier de 2 à 20% selon les soins donnés et la durée du transport.

Depuis une quinzaine d'années, l'utilisation de sacs en plastique pour le transport d'alevins s'est fortement répandue à Taïwan : les sacs contiennent de l'eau dosée à 10 – 15% de salinité et sont remplis d'oxygène : on ajoute de la glace quand le transport s'effectue par temps chaud. Cette technique réduit les mortalités et facilite le travail; elle est bien connue à Maćagascar où elle est couramment appliquée dans le transport des alevins de Carpe.

7.2 - Etangs d'alevinage

La première phase do l'alevinage est la plus délicate dans l'élevage de Chanos chanos : aussi les étangs recoivent une préparation faite avec le plus grand soin. Selon les méthodes d'élevage appliquées, l'alevinage se fait en une seule ou en plusieurs phases, suivant I'intensité du contrôle des populations ou poisson (réf : paragraphe 3.3).

Les bassins d'alevinage de dimension variable, représentent environ 1 % de la surface totale d'un site aquicole comprenant des bassins d'alevinage et de production. Ces bassins sont petits; 1 – 10 ou 5 – 50 ares selon l'importance des sites, de forme rectangulaire et disposés en damier régulier pour en faciliter la gestion. Chaque couple d'étangs d'alevinage est habituellement sépare per un canal-pêcherie de 20 à 50 m2. Cénéralement, la plupart du frai est élevé jusqu'au stade de jeune alevin. Le succès de cette opération dépend pour únevlarge part de la qualité du choix du site dont les impératifs comprennent :

7.2.1 - Préparation des bassins - Développement du complexe biologique

La préparation des bassins commence 2 mois environ avant la mise en charge. Tout d'abord les bassins sont mis à sec pendant au moins une semaine, jusqu'à craquèlement du sol de surface du fond; ce dernier est alors labouré et nivelé au moyen de râteaux en bois, de manière à lui donner une pente régulière vers la vanne de drainage. On peut aménager un fossé-refuge creusé en diagonale du bassin, de manière à fournir au frai une protection contre les coups de chaleur; cependant, si le contrôle des prédateurs n'est pas très strict, ce refuge peut devenir un piège dangereux.

Les endroits humides et malodorants sont traités à la chaux pour prévenir la putréfaction anaérobique et la formation d'hydrogène sulfuré. L'assèchement, le labour et le chaulage sont habituellement suffisants pour éliminer la plupart des prédateurs potentiels et créer les conditions favorables au développement du complexe biologique déclenché par l'admission dans les bassins d'une mince couche d'eau de 3 à 5 cm. En général aucune fumure n'est pratiquée dans les étangs d'alevinage (où la température est élevée) en raison du danger de mort soudaine d'une trop importante quantité d'algues (fleurs d'eau) pouvant entraîner une forte mortalité du frai. En 3 à 7 jours, se forme le complexe benthique d'algues bleu-vert, diatomées, bactéries et divers animacules qui sont typiques des bassins d'alevinage bien conduits. Quand ce complexe biologique est visible, on augmente progressivement la hauteur d'eau jusqu'à 10 cm. A partir de ce moment, l'eau des bassins doit être renouvelée toutes les 2 semaines et si possible plus souvent, de manière à éviter une augmentation de salinité; dès que le complexe biologique est luxuriant, le bassin est prêt à la mise en charge. Le frai est déversé à raison de 30 à 50 au m2 dans les bassins d'alevinage, pendant les heures fraîches du petit matin ou du soir; la température et la salinité des alevinières sont égalisées avec celles du bassin, par immersion des récipients et changement progressif de leur eau. Comme précaution complémentaire, le frai peut être protégé de l'ardeur du soleil par l'ombrage projeté par de larges feuilles de palmier plantées sur les digues périmétriques.

Le plus fréquemment, le frai de Chanos acheté aux collecteurs n'est pas immédiatement transféré dans un bassin d'alevinage, mais il transite pendant quelques jours dans de très petits étangs de pré-alevinage (ou bassins d'acclimatation) de 1,50 × 2,00m. environ où ils sont nourris aux jaunes d'oeufs durs hachés finement, à la fécule de blé ou au son de riz fin.

7.2.2 - Conduite de l'alevinage

Le frai grandit normalement en se nourrissant de phytoplancton, mais son régime peut être complété par du son de riz distribué une ou deux fois par jour. Exception faite d'une alimentation complémentaire occasionnelle, la conduite de l'alevinage se limite habituellement au renouvellement de l'eau des bassins deux fois par mois, aux grandes marées, ainsi qu'au contrôle des prédateurs. Malgré l'assec et les fins grillages placés aux prises d'eau, des poissons prédateurs, des crabes et crevettes parviennent à investir les bassins d'alevinage et doivent être enlevés aussitôt repérés; les grenouilles et leurs paquets d'oeufs typiques seront également enlevés. Les oiseaux prédateurs peuvent être découragés en plantant des perches sur les digues et en les reliant entre-elles par des cordages s'entrecroisant.

Une autre cause sérieuse de mortalité est la réduction soudaine de la salinité et / ou de la température pendant la saison des pluies; ceci est particulièrement critique pendant les 3 – 4 premiers jours suivant la mise en charge où les pluies peuvent entraîner jusqu'à 80 % de mortalité par l'abaissement de la température de surface. Pour éviter de telles catastrophes, le pisciculteur devrait élever le niveau de l'eau dans ses étangs pendant les périodes de pluie; à cet effet et en cas d'autres urgences, il est utile de maintenir en stock de l'eau saumâtre dans un bassin réservoir ad'hoc.

Jusqu'alors, les maladies ont rarement été un problème dans l'élevage de Chanos chanos. Une pourriture épidémique des nageoires a été signalée chez les alevins, mais elles est rare. Le seul problème sérieux de santé dans l'élevage des alevins est la sous-alimentation; en plus des symptômes usuels tels que léthargie et ventre creux, le frai de Chanos affamé a tendance à se séparer des bancs d'alevins nageant normalement; il se développe une couleur noirâtre sur le dos de ces alevins tandis que la base des nageoires peut apparaître brillante en raison des arrêtes saillantes. La seule cure contre la sous-alimentation consiste à provoquer et à maintenir une croissance adéquate du complexe bilogique dans les bassins; pour faire la soudure, une alimentation complémentaire sous forme de son de riz peut être distribuée.

Le premier stade d'alevinage est considéré comme terminé après 4 à 8 semaines; à ce moment la nourriture présente dans les bassins commence à être épuisée; les jeunes alevins mesurent alors de 5 à 10 cm de long, pèsent 1,4 à 5,0 gr et ils sont prêts à être transférés dans les bassins de grossissement du site aquicole, ou cédés soit à un autre site spécialisé en élevage de poisson de table, soit à l'industrie thonière (Bonite) comme appât vivant, ou encore à être transférés dans des bassins de transition ou de second alevinage, selon l'intensité du contrôle de l'élevage. Ce transfert en bassins de grossissement s'opère soit directement, soit après un stockage des jeunes alevins dans le canal principal d'alimentation ou dans les bassins d'alevinage mêmes où ils sont maintenus à une densité de 30/m2 et nourris à raison de 10 Kg/Ha/jour de son de riz ou d'algues vertes filamenteuses séchées.

La première opération de récolte des alevins consiste à vidanger partiellement les bassins à marée basse; le poisson se concentre alors à proximité de la vanne séparant le bassin d'alevinage du bassin de capture (canal - pêcherie). A la marée basse suivante, la vanne est ouverte et les alevins enclins naturellement à nager à contre-courant se retrouvent dans le canal-pêcherie où il est facile de les capturer à la senne.

Si ces alevins doivent être transportés, l'opération se fait dans les mêmes conditions que celles décrites pour le frai, mais en général il s'agira de transports de courte durée; autant que possible ceux-ci s'effectueront la nuit ou au cours des heures fraîches de la journée.

Le déchet du premier alevinage souvent important, se situe fréquemment entre 30 et 50 %, résultant surtout de l'action des prédateurs, ce qui souligne l'importance de la lutte contre ces derniers, ainsi que celle de l'intensité du contrôle des populations de poisson.

Si les jeunes alevins passent dans des bassins de transition (deuxième alevinage) cette phase de l'élevage dure de 1 à 2 mois jusqu'à ce que le poisson atteigne une taille de 10 à 15 cm de long. Ces bassins sont plus grands que les précédents, mesurant de 50 ares à 1 Ha; ils sont préparés de la même façon que les précédents, et la hauteur d'eau varie de 15 à 25 cm, de manière que les algues vertes puissent y croître. La densité de mise en charge est dans ce cas de 15.000 à 20.000 poissons à l'Ha. Quand le complexe biologique devient trop important, il se détache du fond et forme des masses flottantes en surface dans lesquelles les jeunes poissons peuvent s'étrangler ; dans ce cas, les accumulations d'algues doivent être enlevées ou brisées de manière à les faire retomber sur le fond, ou encore, les alevins peuvent être transférés dans un autre bassin. Les poissons de second alevinage atteignant 15 – 20 cm peuvent être vendus à l'industrie thonière pratiquant la longue-ligne, comme appât mort.

Pour étaler la fourniture de ce type d'appât il faut en arrêter la croissance : dans ce cas, les alevins sont stockés à raison de 300.000 à 500,000 à l'Ha; une alimentation d'entretien leur est donnée sous forme de son de riz, tourteau d'arachide, etc….

7.3 - Etangs de grossissement

Cette phase de l'élevage a pour but la production de poisson de consommation.

Un site aquicole comprend généralement plusieurs bassins de grossissement dont la surface va de 1/2 à 2 Ha, ou de 4 à 6 Ha et quelquefois davantage, selon l'importance du site; ceci permet notamment d'échelonner les récoltes.

La mise en charge varie selon les régions, la richesse des bassins et la technique d'alevinage; elle est de l'ordre de 2.000 à 10.000 alevins de 5 à 10 cm (600 Kg/Ha) ou de 1.000 à 2.500 Kg/Ha, si le poisson provient d'un second alevinage et a déjà une taille de 10 à 15 cm. Selon les méthodes conventionnelles en Indonésie et aux Philippines, l'élevage (grossissement) se fait généralement par classes d'âge en bassins distincts, mais selon les méthodes améliorées appliquées à Taïwan, la mise en charge des étangs de production est composée de populations de poissons d'âge et de taille différents.

7.3.1 - Préparation des étangs - Fumure et complexe biologique

Les bassins de production sont également préparés de façon similaire aux bassins d'alevinage, mais ici on pratique habituellement pendant larve, une fumure verte uniquement, composée de feuilles de mangrove (Avicennia), de brindilles disponibles, occasionnellement de chaume de riz, déchets de copra, etc… Les essais de fumure inorganique (engrais) n'ont donné aucun résultat probant, bien que l'on tente d'en vulgariser l'emploi à Taïwan. On recherche particulièrement dans ces étangs à favoriser la croissance des algues bleu-vert et des algues vertes filamenteuses, facilement consommées par Chanos chanos dès qu'il atteint la taille de 20 cm; à cette taille, son régime alimentaire change et il devient progressivement capable d'absorber des aliments plus durs. Le fond d'un bassin de production bien aménagé doit être couvert d'une couche épaisse d'algues bleu-vert telles que : Oscillatoria, Lyngbya, Phormidium, Spirulina, Microcoleus, Chroecoccus et Gomphosphaeria, de même que des diatomées incluant Navicula, Pleurosigma, Nastogloia, Stauroneis, Amphora, Nitzschia et Gyrosigna. Ceci constitue l'alimentation principale du Chanos, mais d'autres éléments de la flore et de la faune benthiques sont également ingérés; de même, les algues vertes filamenteuses et les plantes supérieures peuvent être consommées, particulièrement si elles ont été ramollies par décomposition. Si la production d'algues du bassin n'est pas satisfaisante, elle peut être compensée par des apports du complexe biologique ou d'algues vertes provenant d'étangs-annexes établis à cette fin (pépinières d'algues). Les algues vertes filamenteuses conviennent particulièrement bien dans ce cas, car elles s'installent et croissent sur des perches plantées dans ces étangs et elles penvent être facilement transportées d'un bassin à l'autre.

7.3.2 - Nourriture

Aucune nourriture complémentaire n'est nécessaire dans les étangs fertiles, mais le cas échéant, on peut nourrir quelquefois avec du son de ris, de la fécule de blé ou diverses variétés de tourteaux (arachide- graines de coton, etc.…). On utilise également des plantes hydrophiles telles que la Jacinthe d'eau (Eichornia Crassipes), Ruppia, Najas, Halophila et Thalassia, sous forme décomposée. Une technique plus récente utilise les algues rouges marines fraîches (Gracilaria), comme nourriture pour Chanos; celles-ci s'avèrent beaucoup plus nourrissantes que les autres plantes communément employées, du fait de leur faible teneur en eau (1/10à à 1/15è) et une teneur plus élevée en protéines et en carbohydrates par poids frais. Le tableau ci-après montre le contenu nutritionnel supposé être présent dans Gracilaria frais et sec, ainsi que dans d'autres plantes utilisées comme nourriture du Chanos. Le contenu en eau cité pour Cladophora et notamment Gracilaria semble particulièrement faible pour des plantes aquatiques; on pense que cette apparente contradiction provient de l'inclusion de l'eau moléculaire dans le poids des carbohydrates.

Contenu nutritionnel des plantes servant de nourriture au Chanos
(en %)

Plantes NutritivesEauCendresGraissesProtéinesCarbohydrates
FraisSecFraisSecFraisSecFraisSec
(*)
Gracilaria (algue rouge-mer)  6.9215.31  16.480,4-11.9812.8965.3970.63
Chaetomorpha (algue verte)85.9120.28  19.5002.09    0.72.8/3.727.66  7.8752.13
Cladophora (algue verte)57.209.9023.160.841.965.1612.0726.9062.81
Enteromorpha (algue verte)81.356.0232.270.482.573.6619.61  8.4845.55
Algues bleu-vert mélangées90.145.11-0.21-2.32---
Phytoflagellatos88.020.72-1.32-3.91---
Diatomées mélangées87.136.52-0.94-2.89---
Eichornia Crassipes (Jacinthe d'eau plante sup.)89.811.3413.15--2.1921.49  6.6665.36

(*) Dans certains cas, le poids des carbohydrates peut inclure l'eau moléculaire.

Dans certains sites aquicoles (Philippines), Gracilaria a complètement remplacé le complexe biologique et autres plantes dans la phase d'élevage de Chanos en bassin de production, en raison des résultats obtenus en rapidité de croissance taille-poids du poisson. Gracilaria frais ne convient cependant pas pour les sites en eau douce car elle ne supporte pas des selinités inférieures à 5 . Gracilaria peut être mise en une fois avant la mise en charge du bassin, en une couche de 10 – 15cm d'épaisseur sur le fond, ou bien elle peut être distribuée par petites portions pendant la durée de l'élevage; dans chaque cas, la quantité totale utilisée est de l'ordre de 200 à 500 Kg/Ha. L'un des désavantages reproché à Gracilaria, comparé au complexe biologique, algues vertes filamenteuses et autres plantes supérieures, est qu'elle ne procure pas d'ombre au poisson; cet inconvénient peut être compensé en élevant le niveau de l'eau des bassins, aussi haut que possible pendant la saison la plus chaude, ou en créant des zones refuges, plus profondes.

7.3.3 - Parasites - Prédateurs et Concurrents à la nourriture

Chanos chanos mis en grossissement est remarquablement indemne de parasites et ceux qui ont été observés sont d'origine pathogène. La seule maladie connue affectant ce poisson est un “refroidissement”. Suivant un brusque coup de froid dans les bassins, le poisson peut devenir léthargique, cesser de manger et développer mer une couleur laiteuse sur la peau qui disparaît après 2 – 3 jours. Le refroidissement lui-même est rarement fatal, mais il entraîne une perte de poids et rend probablement le poisson plus vulnérable aux prédateurs.

Les poissons prédateurs, les crabes et autres présentent quelques problèmes, mais ils peuvent être contrôlés par des grilles adéquates aux prises d'eau et par les vidanges occasionnelles (ou de routine) des bassins (selon l'intensité du contrôle de l'élevage), présentant l'avantage complémentaire d'augmenter la fertilité de ces derniers et de récolter les larves de crevettes destinées à l'élevage.

Un fléau très commun et site aquicole est un escargot, Cerithidae, qui a été observé à des densités de 700/m2; il est en compétition alimentaire directe avec le poisson et de plus, il peut éliminer le calcium de l'eau des bassins, dans le processus de formation des coquilles. Une fertilisation avec des mélasses a été recommandée acommeumes une de contrôle, mais elle n'est pas économique et agit seulement sur la production d'algues bleu-vert qui doivent de toute façon être abondantes. Dans les sites aquicoles proprement conduits pour maintenir en abondance des algues bleu-vert, la population de Cerithidea se développe rarement jusqu'à des niveaux problématiques. Un autre fléau est le ver Eunice qui, par ses activités perforatrices, provoque une porosité excessive des sols. Aucune mesure préventive ou de traitement n'a été mise au point spécifiquement contre Eunice, mais l'empoisonnement au moyen de gâteaux de graines de thé ou de déchets de tabac (200 Kg/Ha) est efficace dans le contrôle de Cerithidea et d'un ver apparenté à Eunice, le Nereis, à Taïwan.

7.3.4 - Production

En suivant les méthodes d'élevage décrites ci-avant, Chanos chanos atteint un poids moyen commercial de 350/500 gr après 6 à 9 mois de mise en charge. Le déchet (mortalité) pendant cette période est quelquefois important, 50 – 70 %, mais selon la technicité des pisciculteurs et les soins apportés à l'élevage on obtient 60 à 80 % de survivants. Pour autant que l'on sache, les causes principales de mortalité sont dues à l'augmentation de la salinité et à la pollution par la putréfaction des détritus organiques; cette dernière peut être combattue par une meilleure gestion des bassins (notamment le renouvellement régulier de l'eau et son maintien à un niveau convenable), tandis que la salinité peut être ramenée à un taux normal par une vidange occasionnelle et remplissage des bassins par de l'eau douce.

La production de Chanos est très variable puisqu'elle se situe entre 50/500 Kg/Ha en élevage conventionnel. La divergeance de ces rendements est due notamment aux qualités des sols (productivité naturelle), à l'intensité de la fumure et de l'alimentation artificielle, ainsi qu'à la qualité des soins d'entretien, surtout en ce qui concerne la gestion de l'eau des bassins (hauteur - salinité). Sur des bassins fertiles, on peut réaliser 3 récoltes annuelles tandis que sur des sols pauvres, il faut environ 10 mois d'élevage avant que le poisson atteigne une taille commerciale.

En Indonésie, la production moyenne est de 300 Kg/Ha/An (50/80 Kg sur sols pauvres et 250/450 Kg sur sols riches); aux Philippines elle est de 350/500 Kg, tandis qu'à Taïwan elle est de 2.000 Kg en raison des techniques améliorées appliquées, notamment la fumure, le nourrissage et la méthode d'élevage de Chanos en populations mélangées.

7.3.5 - Elevage de Chanos chanos en eau douce

Par ailleurs, exploitant la faculté du Chanos à s'adapter à l'eau douce, une méthode d'élevage a été mise au point pour les sites aquicoles situés à l'intérieur des terres et où la salinité est faible, voire nulle. Le frai est directement stocké dans des étangs de production peu profonds, de 25 ares au moins; ces bassins contiennent des eaux usées diluées (eaux d'égouts, etc….) dont la concentration est progressivement augmentée jusqu'à ce qu' apparaissent des fleurs d'eaux d'algues bleu-vert et de diatomées. Dans cet environnement enrichi, un système de rotation de 3 mois d'élevage peut être appliqué et une production annuelle de 5.000 Kg/Ha est assez commune.

7.4 - Méthodes améliorées d'élevage

Des techniques améliorées s'inspirant de l'expérience Taïwanaise sont introduites aux Philippines à titre de démonstration, depuis une dizaine d'années. Elles consistent à utiliser des fertilisants, à appliquer le nourrissage complémentaire, un contrôle sanitaire plus strict, la récolte de poissons plus petits (200/250 gr) et un meilleur contrôle des populations au moyen de rotations plus ou moins continuelles de mises en charge et de récoltes. On mène deux élevages annuels d'environ 4 mois chacun.

7.4.1 - Préparation des bassins - Fumure

La préparation des bassins de production pour la première saison d'élevage est la même que celle déjà décrite, mais avant de remplir les bassins d'une couche d'eau de 15 cm, le fond est couvert de 2.000 Kg/Ha de fumier de poule et de 400 Kg/Ha de déchets de tabac; ces derniers ne servent pas seulement à la fertilisation, mais le contenu en nicotine agit avec force comme pesticide naturel. Du Saponin à raison de 15 à 18 Kg/Ha, ou de la chaux vive à la dose de 1.000 Kg/Ha sont également efficaces. Sur les sols plus légers que les terres grasses vas o-limoneuses, le dosage de fumier de poule est augmenté de 25%. On n'admet pas d'eau complémentaire pendant 6 à 8 semaines, puis le bassin est remis à sec jusqu'à ce que le sol se craquèle à nouveau. A ce moment, il est recommandé d'ajouter 400 Kg/Ha de son de riz ainsi que des engrais NPK (100 à 150 Kg/Ha de 18 - 46 - 0, ou 200 Kg/Ha de 16 - 20 - 0, 12 - 12 - 12, ou 12 - 24 - 12) mais il n'a cependant pas été prouvé que les effets de ceux-ci soient supérieurs à ceux obtenus par fumure verte ou organique; aussi, la plupart des pisciculteurs poursuivent leurs élevages basés sur leur expérience et l'application de fertilisants natureli. Si la fertilisation produit des algues en excédents, celles-ci peuvent être récoltées et séchées pour servir de nourriture complémentaire dans les bassins moins fertiles; il faut 14 Kgs d'algues pour faire 1 kilo de Chanos sans autre nourrissage. Après fertilisation, les bassins reçoivent 10 – 15 cm d'eau.

7.4.2 - Lutte contre les prédateurs et concurrants à la nourriture

Les déchets de tabac ajoutés antérieurement auront éliminé les vers (Eunice) et les escargots (Cerithidea), mais les poissons prédateurs et les larves de chironomides doivent encore être éliminés des bassins et canaux. Le Saponin qui est un composant d'huile de graines de thé, appliqué à un dosage de 0,5 , suffit pour tuer la faune indésirable et ne présente alors aucun danger pour la sécurité du consommateur ni pour l'écosystème des bassins. Les larves du moucheron Tendipes longilobus (Chironomide) sont de dangereux compétiteurs à la nourriture du Chanos; on estime que pendant l'été, la population de ces larves peut consomer 60 – 90 Kg/Jour d'algues benthiques, alors que le Chanos en demande 100 Kg/Jour. Bien que Saponin soit efficace, on recommande la lutte biologique contre ces larves qui sont notamment une nourriture de prédilection des Carpes et de certaines crevettes que l'on pourrait élever simultanément.

L'éradication des larves de Chironomides du fond des bassins peut se faire également avec succès en appliquant des pesticides tels que : Accothion, Abate, Lebacid, Sumithion, etc…, sans aucun dommage au poisson.

Trois jours après l'empoisonnement la hauteur d'eau est portée à 20 – 25cm. Une semaine plus tard, après deux vidanges et remises en eau successives, les bassins peuvent être mis en charge. Au dernier changement d'eau, on doit essayer de procurer et maintenir par après un environnement favorable au bien être du Chanos, notamment une température de 25 – 36°C, une salinité de 10 – 50 et un pH de 7,8 à 9,5.

7.4.3 - Technique de mise en charge

La mise en charge initiale comprend des populations de Chanos de tailles différentes composées de 150 Kg/Ha de poisson arrivé à mi-grosseur ( 8 à 15 poissons au kilo), 40 Kg/Ha de gros alevins (de second alevinage) - (30 à 60 poissons au kilo), et 7 Kg/Ha de nouveau frai ou de petits alevins de premier alevinage (300 à 400 poissons au kilo). Deux mois plus tard, on effectue un second déversement de poissons consistant en 12 Kg/Ha d'alevins du groupe le plus petit. Le but de cette méthode de mise en charge est de maintenir une population de Chanos dans les bassins, de l'ordre de 450–550 Kg/Ha, de manière à permettre une récolte toutes les 2 semaines pendant la saison de croissance. De telles techniques donnent 200 à 800 Kg/Ha.

A chaque fois qu'un lot de poisson est capturé (les plus gros spécimens par pêche sélective), le poids total de poisson dans les bassins est temporairement réduit, mais comme davantage de nourriture devient disponible par poisson, la croissance est rapide après chaque pêche et la perte est rapidement compensée.

7.4.4 - Conduite de l'élevage

Après la mise en charge, il est recommandé de poursuivre la fertilisation inorganique à raison de 100 Kg/Ha de 16 - 20 - 0 par mois; de même on distribue 30 – 50 Kg/Ha de son de riz les jours où la nébulosité est forte et aussi longtemps que l'eau est claire. Si cette nourriture provoque une masse de dinoflagellates (eaux jaunes) qui ne convient pas au Chanos, interdit la croissance du complexe biologique et qui de plus, présente en cas de mort soudaine un grave danger de désoxygénation, le bassin doit être traité au moyen de tourteaux ou d'un mélange 9/1 de son de riz et de fécule, à raison de 30 – 50 Kg/Ha/Jour, jusqu'à ce que l'eau devienne transparente; ces dispositions permettent au poisson de trouver la nourriture nécessaire, tandis que pour éliminer les dinoflagellates, l'application d'engrais est commune et dans ce cas les bassins sont traités à raison de 50 – 300 Kg/Ha de superphosphate ou de zéolite. Un nourrissage complémentaire est toujours appliqué dès que la couche d'algues s'épuise.

La préparation des bassins pour la seconde saison d'élevage est identique à la première, mais avant la mise en charge les bassins reçoivent une couche d'eau de 25 – 30cm maintenue à ce niveau pour compenser les plus hautes températures de l'air (saison chaude). La mise en charge initiale comprend 160 Kg/Ha de poissons de mi-grosseur, 80 Kg/Ha de gros alevins de second alevinage et 12 Kg/Ha de frai tardif ou de tous jeunes alevins; la plupart de ces composantes proviennent des mises en charge du frai et alevins de la saison précédente. Six à huit semaines plus tard, on ajoute 6 Kg/Ha d'alevins de la plus petite taille; la plupart d'entre-eux seront remis en charge en tans que poissons de second alevinage, lors de la saison d'élevage suivante.

La fertilisation et la nourriture sont plus importants au cours du second élevage de l'année, notamment en fin de période de croissance où le complexe biologique commence à manquer. Dans les sites où les sols sont plus lourds que les terres vaso-limoneuses, le taux de nourriture supplémentaire est augmenté de 25 % durant la seconde saison d'élevage.

Bien que les niches précises occupées par Chanos chanos de'âges différents soient encore assez mal définies, on doute que le système de mise en charge taïwanais soit essentiellement une forme de polyculture, et que la capacité de charge utile d'un bassin pour le frai, les alevins et le Chanos adulte en mélange soit considérablement plus grande que sa capacité pour chacun de ces groupes d'âges seuls.

La concentration importante de matières organiques dans les bassins à Chanos entraîne la pollution et la désoxygénation qui comptent parmi les préoccupations constantes du pisciculteur, bien que Chanos chanos supporte des concentrations d'oxygène dissous aussi basses que 1,5 . L'apparition d'eaux brunes sont généralement le signe le plus commun de désoxygénation causée par de larges populations de protozoaires; quand ces conditions se manifestent, le seul remède est de transférer le poisson dans un canal, vidanger et remplir aussitôt le bassin. Certains pisciculteurs se préservent des eaux brunes en aérant leurs bassins, ou en admettant l'entrée d'eau fraîche bien oxygénée en permanence chaque jour, pendant les heures critiques se situant de 23.00 à 08.00 H.

7.5. Polyculture

Jusqu'alors, les élevages de Chanos chanos sont généralement menés en monoculture; d'autres espèces ne sont pas introduites intentionnellement, mais malgré les précautions prises aux adductions d'eaux (grilles), certains organismes parviennent toujours à pénétrer dans les sites aquicoles côtiers tributaires des marées. Certaines espèces peuvent porter préjudice au Chanos soit par compétition alimentaire, soit comme prédateurs, mais d'autres espèces peuvent être élevées, pêchées et vendues simultanément; parmi les poissons, Tilapia, Tarpon, Megalops, Elops, Mugil, Thérapon, Anabas, Clarias, etc…. dont la production peut varier de 16/35 Kg/Ha/An à 100/150 Kg/Ha/An, selon l'intensité du contrôle de l'élevage. Parmi ces derniers, Tilapia mossambica n'est pas tellement apprécié bien qu'il consomme les algues flottantes, parce qu'il dévore également le complexe biologique dont Chanos a besoin; parmi les crustacés de plus grande importance économique que le poisson, les crevettes, Penacus et Metapenaeus, ainsi que les crabes (Scylla serrata) dont la production peut varier de 25 à 400 Kg/Ha/An. Dans ce cas, les crevettes sont souvent introduites intentionnellement, cette tendance s'affirmant surtout chez les pisciculteurs qui, ayant accès aux bons approvisionnements en crevettes, s'orientent vers la monoculture des crustacés hautement profitable, bien qu'une combinaison des deux, Chanos - crevettes, soit plus productive. Les crevettes ont tendance à se déplacer le long des digues à l'intérieur des bassins; on tire parti de ce fait pour les capturer en disposant des nasses à l'extrémité d'écrans en bambous installés perpendiculairement aux digues.

En pratique, dans les élevages indonésiens en monoculture, Chanos intervient pour 70% dans les recettes, les crevettes pour 20 %, les poissons sauvages pour 5 %, les crabes et autres produits pour 5 %.

La polyculture intentionnelle s'effectue plutôt dans les sites aquicoles intérieurs où la salinité étant quasiment nulle (moins de 8 ), on les considère comme pisciculture d'eau douce. Chanos est élevé le plus souvent avec Barbus, mais il peut être associé à des élevages de Tilapia et / ou de Carpes.

8. CAPTURE ET COMMERCIALISATION

Dans les élevages par classes d'âges séparées, la capture de Chanos s'effectue généralement aux grandes marées qui influencent l'activité de ce poisson, son instinct grégaire l'incitant alors à quitter le bassin pour gagner la mer. On profite de ces circonstances pour admettre l'eau de mer dans le bassin par la prise d'eau principale (vanne-écluse) qui joue dans ce cas le rôle de pêcherie; l'eau pénètre dans le bassin tandis que le poisson s'élance à contre-courant et vient se masser dans l'écluse dont on a au préalable enlevé la grille interne séparant le bassin de la vanne; dans cet espace restreint Chanos est facilement capturé au filet.

Si la méthode précédente n'est pas utilisable, on abaisse le niveau d'eau du bassin et l'on y pêche soit à l'épervier ou au lattis de bambous poussé en avant par des pêcheurs et rabattant ainsi le poisson vers une partie profonde de l'étang où il est facile de le capturer, ou encore, on met simplement le bassin complétment à sec.

Dans les élevages par classes d'âges mélangées, on procède par pêches intermédiaires régulières (toutes les 2 semaines) et sélectives qui sont facilitées par l'emploi de filets maillants (utilisés comme sennes). La maille des filets est calibrée selon la taille du poisson que l'on désire capturer.

Maille utilisée dans la capture de Chanos et taille du poisson pêché

Dimension de la maille
étirée (en cm)
Poids approximatif du poisson
capturé (en grammes)
7.0 – 7.5285
6.5 – 7.0250
6.0 – 6.5222
5.5 – 6.0200
5.0 – 5.5182

Les filets maillants opérant comme des sennes peuvent détruire en partie le complexe biologique, notamment si la couche est épaisse. On peut éviter ces dommagea en vidant partiellement le bassin et en dirigeant le poisson dans un petit étang de capture spécifiquement édifié à cet usage. La vidange totale d'un bassin roste toujours un moyen efficace pour la récolte du poisson, mais on pense que cette méthode communique au Chanos un goût de vase.

Beaucoup de pisciculteurs préfèrent capturer le poisson pendant la nuit, de manière à le présenter dans l'état le plus frais possible au marché local du matin. Si les marchés sont éloignés, les pisciculteurs oèdent leurs captures à des collecteurs-mareyeurs qui transportent le poisson mélangé à de la glace, où ce produit est disponible. Mais Chanos chanos est également commercialisé après traitement en saumure chaude, ou après séchage fumage. Le procédé de traitement par saumure chaude prévaut surtout dans les régions où la glace fait défaut; il fournit, en plus du poisson, un sous-produit obtenu par évaporation de la saumure qui laisse une pâte à forte saveur très recherchée comme ingrédient. Chanos chanos fumé-séché est considéré comme un produit de luxe hautement apprécié.

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