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SECTION V: SOCIO-ECONOMIC ASPECTS

ECONOMIE DE L'AQUICULTURE EN AFRIQUE TROPICALE

par

P. de Kimpe
Centre Technique Forestier Tropical
45 bis avenue de la Belle-Gabrielle
94130 - Nogent-sur-Marne

Résumé

L'analyse économique de l'aquiculture permet de mettre en évidence certaines caractéristiques qui sont: (a) les facteurs de production; (b) les coûts; et (c) les rendements ou productivité.

Les données et résultats économiques varient selon les types d'activités et ainsi il apparaît qu'en pisciculture familiale en étang le rendement par rapport à l'activité consacrée est relativement faible et la rentabilité de l'exploitation paraît assez fragile dans les conditions actuelles. Alors qu'en pisciculture artisanale simple et associée le bilan de cette forme d'activité est nettement plus favorable que le précédent, mais elle demande une plus grande technicité de l'exploitant. Pour la pisciculture commerciale - forme d'activité peu répandue en Afrique tropicale - la rentabilité est largement tributaire de la taille des exploitations, et elle est bien souvent négative pour des installations de faible surface; elle semble susceptible de s'améliorer pour des élevages intensifs. En pisciculture en cages et en enclos - malgré le manque des données les résultats de ces deux types d'opérations semblent favorables. Pour la pisciculture extensive en retenue artificielle, ce type d'opération n'exigeant qu'un faible capital au départ, les résultats sont économiquement très intéressants mais variables suivant les caractéristiques des retenues; il en va de même pour la pisciculture en rizière, ou bien que les productions soient assez faibles, les rendements sont très favorables par rapport au capital et à l'activité d'exploitation très réduite.

Pour améliorer l'économie piscicole, il apparaît indispensable de développer les connaissances économiques de divers types d'exploitation et d'organiser des essais techniques, en particulier sur les problèmes d'alimentation.

Il convient également de développer les travaux sur les espèces de poissons aptes à un élevage intensif.

Abstract

A review of available data on the economics of various aquaculture practices in Africa is presented. Results of economic analysis vary with the type of aquaculture practice under consideration. In the case of familial pond fish culture, production is low relative to the effort, and revenue seems unstable under present conditions. Animal husbandry-cum-fishculture practices yield better results but require more technical inputs. Revenue from commercial fish culture undertakings, which are rare in Africa, appears to improve with an increase in the area under cultivation. The use of intensive culture methods could further improve revenue. Results of cage and enclosure culture of fish appear encouraging but few data are available at this time on such operations in the continent.

The return from extensive fish culture in artificial impoundments is favourable and initial investment is minimal; results, however, fluctuate with characteristics of impoundments. The same applies to fish culture in rice fields where both yield and investments are low.

In order to improve returns from aquaculture enterprises, work is needed to accumulate data on the economics of various types of aquaculture practices through well designed production tests.

1. INTRODUCTION

L'on pense, à bon escient, que la pisciculture tropicale est une activité profitable, mais bien souvent il est difficile, aux responsables ou animateurs qui y travaillent, de démêler les différents facteurs parfois complexes qui permettent de faire apparaître les profits, ou dans certaines occasions les pertes qui résultent de l'activité piscicole.

Il convient de distinguer au début l'aspect techniques et économique; le premier recherche un résultat, par exemple la production de poissons par différents procédés ou méthodes piscicoles. On parle d'économie lorsqu'on s'intéresse au coût des procédés utilisés, et qu'on le compare à la valeur du résultat obtenu.

En matière de pisciculture, il faut donc toujours associer à la recherche des solutions techniques, une appréciation en valeur des résultats et des moyens mis en oeuvre.

2. ASPECTS CARACTERISTIQUES DE L'ECONOMIE ET PROBLEMES COMMUNS D'ECONOMIE PISCICOLE

2.1 Les facteurs de production

La production piscicole est une opération de transformation qui exige plusieurs facteurs. On distingue: (a) les ressources naturelles; (b) le travail; (c) le capital constitué par les installations et l'équipement piscicole; et (d) les connaissances techniques.

2.2 Le rendement (ou productivité)

C'est un rapport entre la valeur d'un ou de plusieurs des facteurs de production et la valeur de cette production. En pisciculture, comme en agriculture, le rendement est lié à une loi de productivité décroissante, qui s'applique à chacun des facteurs de production. Au-delà d'un certain niveau d'effort productif, l'accroissement de la récolte devient de plus en plus petit par rapport au travail ou capital engagé.

2.3 Les coûts de production

Généralement, pour apprécier le coût monétaire du produit obtenu, on considère le prix des facteurs de production utilisés. On suppose ici, que toute chose ou tout facteur de production a un prix, ce qui n'est pas toujours le cas (travail familial).

Les différents postes de dépense d'une exploitation de pisciculture constituent les coûts de production. Ils se répartissent en 2 catégories:

  1. Frais fixes qui restent à peu près invariables, quelle que soit l'importance de la production.

  2. Frais variables qui augmentent de façon proportionnelle ou non en fonction de la production réalisée.

On appelle coût moyen total le rapport entre les deux coûts précédents et la production obtenue.

La connaissance de ce rapport est importante dans le choix de la dimension d'une exploitation, en complément d'autres facteurs, tel que l'importance du marché par exemple.

2.4 Facteurs externes

L'économie d'une exploitation piscicole ne dépend pas uniquement des facteurs de sa propre unité de production, mais également des économies ou facteurs externes, qui contribuent beaucoup à abaisser le coût de production dans les régions développées ou dans des zones en voie de développement. Les facilités de route, d'énergie, de services, d'enseignement apportent des avantages certains aux exploitations qui y sont localisées, d'où l'intérêt économique d'une certaine concentration des actions piscicoles ou autre en Afrique.

3. CARACTERISTIQUES ECONOMIQUES DE DIFFERENTS TYPES D'EXPLOITATION PISCICOLES

3.1 Définitions

Il est possible de produire des poissons, c'est-à-dire de faire de la pisciculture dans les milieux aquatiques divers, construits ou contrôlés par l'homme avec ou sans l'intermédiaire de dispositifs variés.

On peut classer ces milieux aquatiques, où des activités spécifiques de production sont exercées, de la manière suivante:

  1. Etangs de toutes tailles construits spécialement pour l'aquiculture, où se pratique normalement un élevage intensif.

  2. Cages immergées, que l'on utilise uniquement en pisciculture intensive.

  3. Enceintes ou enclos où on peut éventuellement pratiquer deux types de pisciculture, intensif ou extensif, suivant les possibilités locales.

  4. Retenues d'eau artificielle conçues pour d'autres usages, où on peut pratiquer une pisciculture extensive.

  5. Rizières, dans lesquelles on peut éventuellement associer à la production rizicole “humide”, un élevage intensif ou extensif de poissons suivant les techniques de culture du riz utilisées.

3.2 Pisciculture en étangs

On peut distinguer grosso modo 3 types d'exploitation piscicole en étangs suivant la taille des installations:

  1. la pisciculture familiale qui représente une activité d'appoint, au niveau de la famille, avec autoconsommation des produits;

  2. la pisciculture artisanale qui assure une part importante, au moins 25 pour cent du revenu professionnel de l'exploitant;

  3. la pisciculture commerciale, c'est une entreprise qui occupe plusieurs personnes, et qui produit des quantités importantes de poissons revendus sur place ou sur des marchés locaux.

3.2.1 Economie de la pisciculture familiale

Modeste par ses dimensions, l'exploitation familiale est généralement installée le long de petits cours d'eau. On utilise l'approvisionnement en eau de sources ou nappes phréatiques, les coûts d'installation sont de ce fait assez variables, mais il convient d'analyser un exemple aussi classique que possible de ce mode d'exploitation, soit le cas d'un bassin familial de 2 ares1 en dérivation d'un cours d'eau.

1 1 are = 100 m2

3.2.1.1 Capital et/ou activités d'investissement

Heures de main-d'oeuvre familiale non rémunérée
Opérations
prise d'eau sur la rivière avec petit barrage130
canal de dérivation (200 m)  50
creusement du bassin (75 m3 de déblai)300
pose des tuyaux    2
Total
482
 
Valeur estimative en CFA.F.1 (1974)
 
Matériaux
ciment (200 kg)4 000
pierres et graviers (2 m3)4 000
sable (½ m3)1 500
Total
9 500

1 U.S.$ 1.00 = ± CFA.F. 240

3.2.1.2 Activités d'exploitation (base 6 mois)

 Valeur (CFA.F.)
Achat d'alevins (400 ± 2 kg)  400
Entretien ordinaire, alimentation des poissons  904
Gros travaux (réparations - vidanges)2 journées    

3.2.1.3 Eléments de production (base 6 mois)

 Récolte en poissons
(kg)
Ressources naturelles  3
Déchets ménagers (350 kg)17
Total
20
 Valeur CFA.F. 4 000

3.2.1.4 Rendements par rapport à l'activité

3.2.1.5 Commentaires - La totalité ou la plus grande partie de la production étant autoconsommée, l'intérêt de la pisciculture familiale résulte surtout du supplément de protéines animales qu'elle peut apporter et d'une certaine forme d'épargne qu'elle constitue.

Dans le schéma classique précédent, l'intérêt économique ou la rémunération de l'activité apparaît du même ordre que pour l'exercice d'un emploi non qualifié.

Les incidents quelconques qui peuvent entraîner une baisse de production (manque d'alevins, vols de poisson, défaut d'aliments) conduisent souvent à son abandon.

Les facteurs qui peuvent l'influencer favorablement sont les possibilités de réduction de l'activité d'exploitation, les facilités d'alimentation ou de fertilisation de l'eau, les possibilités d'augmentation de la production par des espèces aptes aux élevages intensifs.

Il convient donc d'avoir un ou des bassins familiaux proches de l'habitation, d'obtenir une alimentation ou fertilisation automatique des étangs par des cultures ou élevages associés (manioc - porcs - canards).

Il est intéressant d'autre part d'élever des espèces qui ont des exigences faibles au point de vue de conditions du milieu et qui valorisent bien les sous-produits principalement végétaux distribués.

3.2.2 Economie de la pisciculture artisanale

Une exploitation artisanale typique comprend au moins 4 bassins de 4 ares et 2 bassins de 1 are, pour le stockage et l'alevinage, elle est normalement installée en dérivation de petits cours d'eau.

3.2.2.1 Capital ou activités d'investissement

 Heures de main-d'oeuvre familiale non rémunérée
 
Opérations
prise d'eau sur la rivière avec petit barrage   130
canal de dérivation (270 m)     70
creusement des bassins (950 m3 de déblai)3 600
pose des tuyaux et moines     90
Total
3 790

Cette installation demande le travail de 2 personnes pendant une année, au moins, compte tenu de la saison des pluies.

 Valeur estimative
(en CFA.F.)
matériaux et équipement 
ciment (1 000 kg)20 000
sable (1 m3)  1 000
gravier et pierres (4 m3)  8 000
Total
29 000

3.2.2.2 Activité d'exploitation (base 6 mois)

Entretien ordinaire, alimentation des poissons       135 h
Gros travaux (réparations - vidanges)12 journées
Total
29 journées

3.2.2.3 Eléments de production (base 6 mois)

 Récolte en poissons
(kg)
Ressources naturelles24
Déchets, aliments, fumure (4 200 kg)204
Total
228
 Valeur CFA.F. 45 600

3.2.2.4 Rendement

En amortissant les installations sur 20 ans, il convient de considérer éventuellement dans le rendement, la valeur de 1 pour cent des activités d'investissement, soit CFA.F.3 800 (6 mois). Dans cette éventualité, le rendement est le suivant:

pour autant que les déchets et sous-produits agricoles distribués soient gratis

3.2.2.5 Commentaires - La majeure partie de la production étant commercialisée, ce type d'exploitation ne peut s'établir que là où il existe un marché possible pour les poissons produits.

La production a été estimée sur la base de quelques données expérimentales, obtenue en République Populaire du Congo où ce type d'exploitation existe en quelques dizaines d'exemplaires. Dans certains cas, des productions plus élevées ont été obtenues.

Dans ce pays, la base de l'alimentation ou de la fertilisation est constituée par le rouissage du manioc qui est une opération gratuite. Le problème principal qu'il faut considérer dans ce type d'exploitation est celui des aliments ou déchets à distribuer aux poissons. Dans ce but, il apparaît intéressant d'intégrer ce genre d'exploitation avec un mélange associé.

3.2.3 Economie de la pisciculture artisanale associée à un élevage de porcs

Pour simplifier les données, le type d'exploitation analysé sera de même superficie que pour l'exemple du précédent paragraphe, soit 4 bassins de 4 ares et 2 bassins d'alevinage et de stockage. Deux porcheries en matériaux semi-traditionnels de deux loges sont construites à cheval sur 2 bassins.

3.2.3.1 Capital ou activités d'investissement

 Heures de main-d'oeuvreMatériaux, équipement
(CFA.F.)
Opérations  
etangs2 79029 000
porcheries  48025 000

3.2.3.2 Activités d'exploitation (base 6 mois)

 Valeur
Achat de porcelets (4 × 10 kg) à CFA.F. 30012 000 (CFA.F.)      
Entretien ordinaire, alimentation des porcs205 h             
Gros travaux18 journées
Total
44 journées
 Valeur CFA.F. 11 000

3.2.3.3 Eléments de production (base 6 mois)

 Récolte en poissons
(kg)
Porcs
(kg)
Valeur
(CFA.F.)
Ressources naturelles  24     4 800
Achat aliments porcs 1 120 kg à CFA.F. 50 (CFA.F. 56 000) 280  84 000
Fumure et déchet porcherie      27 200
± 2 000 kg/1361          
Total
160280116 000

1 On pourrait éventuellement doubler le rendement en doublant le nombre de porcs, le facteur limitant est celui de l'oxygénation de l'eau, qu'il faut maintenir à un niveau satisfaisant en fonction de l'espèce utilisée

La valeur brute de la production est de CFA.F. 116 000-56 000 = CFA.F. 60 000

3.2.3.4 Rendement

  1. Par rapport à l'activité d'exploitation

  2. En considérant également le capital d'investissement avec un amortissement de la porcherie sur 5 ans et les étangs sur 20 ans:

Ce rendement qui laisse un bénéfice de CFA.F. 31 450 correspond en fait à une activité d'un mois et demi de travail pour une période de 6 mois.

3.2.3.5 Commentaires - La plus grande part de l'activité d'exploitation est dans cet exemple consacrée à l'élevage des porcs, les poissons demandent un entretien quasi nul, et doivent être considérés comme production complémentaire ou marginale. La même formule peut être utilisée avec un élevage de canards (qui demande plus d'entretien) ou de poules.

Il est évidemment essentiel d'avoir dans la zone de production un marché effectif pour les produits d'élevage obtenus, ce qui se rencontre plus facilement près des grands centres urbains.

A notre connaissance, la vulgarisation de ce type d'exploitation en est encore au stade expérimental, du moins en Afrique, alors qu'il est assez largement répandu en Asie du Sud-Est.

3.2.4 Economie de la pisciculture commerciale

Cette forme d'exploitation de plusieurs hectares de superficie n'est guère répandu en Afrique tropicale.

Les données économiques que nous citons ci-après ont été obtenues au cours d'une année d'observation en 1971/72 pour 5 ha d'exploitation à la station de la Landjia (République Centrafricaine). La pisciculture y était basée presqu'exclusivement sur l'élevage du Tilapia nilotica, alimenté par des drèches de brasserie. Des données complémentaires ont également été obtenues à échelle réduite et sur une base expérimentale, pour l'élevage du Clarias lazera.

3.2.4.1 Capital

 CFA.F.
Valeur estimative (1972) des installations de production (étangs - canaux)6 500 000
Bâtiments2 000 000
Equipement d'exploitation (véhicule + divers)3500 000
Total
12 000 000  

3.2.4.2 Activité d'exploitation (12 mois)

 CFA.F
Frais fixes de personnel1 800 000
Frais fixes de fonctionnement1 200 000
Total
3 000 000

3.2.4.3 Eléments de production

Récolte en poissonsValeur (CFA.F.)
Ressources naturelles (pour mémoire)  
Aliments - 2 hypothèses:  
  - drèche de brasserie (coût négligeable)10 tonnes2 000 000
  - granulés (coût FA.F. 33/kg)25 tonnes5 000 000
Conversion 2 (Total = CFA.F. 1 650 000)  
Valeur nette de la production 3 350 000

3.2.4.4 Rendement

lère hypothèse

  1. par rapport à l'activité d'exploitation

  2. par rapport également au capital amortissable (la valeur des étangs peut être considérée comme constante) - bâtiments sur 20 ans, équipement sur 5 ans:

2ème hypothèse

  1. par rapport à l'activité d'exploitation

  2. par rapport à l'activité et au capital amortissable

3.2.4.5 Commentaires - Compte tenu de l'importance de ses frais fixes, une station de pisciculture de cette dimension exploitée dans les conditions précédentes n'apparaît pas rentable.

Pour l'appréciation des composantes économiques de cette production, il convient de se rapporter à l'examen du graphique de point mort (extrait du document préparé par P. Couty pour les fonctionnaires des pêches).

Le graphique du point mort (Fig. 1) perment de constater que pour la méthode d'élevage des Tilapia avec de la drèche de brasserie, l'équilibre des recettes et dépenses serait atteint pour une production de l'ordre de 19 tonnes. Il faudrait dans ces conditions, en principe, doubler la surface actuelle.

Pour la Fig. 2, l'équilibre est atteint avec une production de 37 tonnes/an correspondant à une surface de 7,5 ha, soit 50 pour cent de plus que la surface actuelle.

Bien entendu, ces données sont schématiques et une augmentation des surfaces entraîne également, mais dans une moindre mesure, un accroissement des coûts fixes, d'où un recul du point mort vers la droite du graphique.

3.2.4.6 Composantes économiques de données expérimentales - L'élevage intensif du Clarias lazera dans quelques petits bassins a donné une production en poissons équivalente à 15 000 kg/ha/an, avec une alimentation par granulés dont le quotient nutritif était de 2,5, le coût des aliments était de CFA.F. 33/kg.

Pour les mêmes données de base que précédemment, les éléments de production et de récolte seraient les suivants:

Quantité d'aliments nécessaires         187 500 kg
Valeur arrondieCFA.F.      6 200 000      
Production          75 000 kg
ValeurCFA.F.13 500 000 

Le graphique de la Fig. 3 montre que l'équilibre recettes-dépenses est atteint aux environs de 32 tonnes/an de production équivalent à une surface légèrement supérieure à 2 ha.

Cette analyse sommaire indique bien l'intérêt économique d'un élevage intensif d'un poisson comme le Clarias lazera qui permettrait de rentabiliser des exploitations de surface moyenne (2 à 5 ha).

3.3 Pisciculture en cages

Ce type d'élevage est relativement récent, du moins en Afrique, mais il est pratiqué depuis plusieurs dizaines d'années en Asie du Sud-Est.

Nous manquons de données expérimentales pour en chiffrer l'intérêt économique, les dimensions et types de cages peuvent être assez variables. A titre indicatif, on peut admettre les normes suivantes pour une cage de 10 m2 de surface et 1,50 m de profondeur.

3.3.1 Capital d'investissement

 CFA.F.
Bois (planches - chevrons)14 000
Flotteurs (fûts métalliques)  6 000
Grillage35 000
Main-d'oeuvre10 000
Total
65 000

Pour information, en Asie une cage de 60 m2 de surface sur 2,70 m de profondeur revient à environ CFA.F. 600 000 sans la superstructure (logement de propriétaire).

3.3.2 Activité d'exploitation

Elle consiste, après l'achat des alevins, en une alimentation intensive journalière des poissons (500 à 1 000 pour 10 m2), mais ce travail s'effectue généralement sur place.

3.3.3 Eléments de production

 Récolte théorique en poissons
Uniquement par nourriture artificielle 1 000 à 2 500 kg
(Valeur ± CFA.F. 50 000)
500 kg
 (Valeur CFA.F. 100 000)

3.3.4 Commentaires

Sans information précise, concernant les activités d'exploitation et les problèmes rencontrés, le rendement de ce type d'élevage n'a pas été calculé. Nous savons qu'il est largement positif en Asie où la carpe forme la base de cet élevage. Il convient toutefois de ne pas perdre de vue deux facteurs, le risque de maladie propre à tous les élevages intensifs et la nécessité de posséder au départ d'un capital “argent” pour l'installation.

3.4 Pisciculture en enclos

Ce dispositif, constitué par une barrière de grillage ou de filets, est généralement installé dans des eaux peu profondes (1 à 2 m).

Il peut occuper des surfaces très variables qui peuvent atteindre 0,5 à 1 ha par enclos. On peut théoriquement y pratiquer une pisciculture intensive ou extensive.

A notre connaissance, il n'y a pas encore d'installation de ce genre en Afrique tropicale. Aussi, cette technique n'est signalée que pour mémoire. En Extrême-Orient, le coût d'un enclos de 3 000 m2 était en 1972 de l'ordre de CFA.F. 165 000, la durée d'utilisation peut varier de 2 ou 3 à 10 ans.

3.5 Pisciculture extensive dans des retenues artificielles de plus ou moins grande dimension

Economiquement, ces installations sont intéressantes, du point de vue piscicole, car elles ne demandent pratiquement aucun capital propre à cette activité. L'importance de la production, assez faible, à l'unité de surface (20 à 100 kg/ha/an), peut cependant être assez considérable dans les plans d'eau étendus. Les connaissances techniques des exploitants peuvent influencer l'importance de la production par la composition des espèces introduites et le contrôle des récoltes.

Chaque barrage ayant des caractéristiques particulières, il est difficile de schématiser un aspect économique type. Signalons pour information qu'au barrage hydroélectrique d'Ayamé en Côte-d'Ivoire (14 000 ha), un empoissonnement unique de 400 kg d'alevins de Tilapia nilotica et de quelques centaines d'Heterotis, a été effectué en 1962, et que les récoltes annuelles de ces poissons introduits varient depuis 1966 de 300 à 6 000 tonnes/an. La tendance est de se stabiliser autour de 300 tonnes (60 pour cent de la production).

3.6 Pisciculture en rizière

La rizipisciculture est une technique complémentaire de la culture du riz irrigué en casiers; ceux-ci sont des plans d'eau temporaires, peu profonds, dont le niveau fluctue en fonction des pratiques culturales du riz.

Les frais d'investissement pour la pisciculture sont minimes, soit par exemple, le cas d'une production de 2 casiers de 6 ares chacun.

3.6.1 Capital ou activité d'investissement

Main-d'oeuvre pour le creusement des fossés refuge (200 m)50 h

3.6.2 Activité d'exploitation (base 4 mois)

Achat d'alevins 40/are = ± 500 de 5 g, coûtCFA.F. 500
Entretien et vidange (pour mémoire) (considérée comme activité rizicole, sauf si alimentation des poissons)

3.6.3 Eléments de production (base 4 mois)

Généralement uniquement la production naturelle
± 2 kg/are (32 kg) valeur
CFA.F. 6 400

3.6.4 Rendement

Par rapport à l'activité d'exploitation

En incluant un amortissement du travail d'investissement sur 5 ans:

3.6.5 Commentaires

Bien que la production unitaire soit faible, le rendement est très bon, car il ne demande que peu de travail et un investissement minime. A part à Madagascar, cette pratique de rizipisciculture n'est guère développée en Afrique, où la culture de riz irrigué est d'introduction assez récente.

Cette technique de culture du riz demande déjà elle-même un effort particulierde l'agriculteur pour ne pas trop lui compliquer la tâche par une activité d'élevage simultané. Il existe également une difficulté de pouvoir se procurer des alevins en temps voulu et parfois des pertes de poissons par des oiseaux prédateurs. Il faut ajouter que le traitement éventuel du riz par des produits phytosanitaires expose les cultivateurs à des pertes élevées en poissons si des précautions spéciales ne sont pas prises.

4. ANALYSE GENERALE DES CONNAISSANCES ACQUISES

L'objectif de cette analyse est de dégager, si possible, des connaissances économiques acquises, des directives d'orientation socio-économiques et techniques de la pisciculture.

Il apparaît immédiatement que cette analyse ne peut être complète, car certaines données sont incomplètes, inexistantes ou fragiles.

En principe, il convient essentiellement d'apprécier les rendements en fonction du travail ou capital engagé, mais en distinguant les activités piscicoles principales, des activités complémentaires.

Ce sont ces dernières, pisciculture en rizière avec un rendement de 12 et certainement la pisciculture extensive dans les retenues agro-industrielles qui assurent la meilleure rentabilité du faible capital investi.

Les piscicultures intensives en cage et en enclos sont en principe susceptibles d'apporter un rendement assez élevé. Elles ont un handicap important par la nécessité d'un capital élevé au départ. Elles sont également tributaires de structures quasi inexistantes actuellement en Afrique, de commercialisation régulière d'alevins, de distribution d'aliments, ou sous-produits agro-industriels. Les connaissances techniques sur les possibilités d'utilisation d'espèces de poissons locaux pour ces types d'élevage sont insuffisantes. Il faut rapprocher de cette technique de culture en cages et en enclos, l'élevage expérimental intensif de silures qui peut se pratiquer en étangs ordinaires, donc sans capital important et qui apparaît apte à valoriser beaucoup de sous-produits locaux, sous une forme d'activité moins strictement piscicole, de bons rendements de l'ordre de 5 à 7 tonnes/ha/an sont obtenus en élevages associés. Cette technique qui a déjà fait ses preuves en Extrême-Orient est très certainement à encourager en Afrique, elle a l'avantage de répartir les charges sur deux ou plusieurs activités d'élevage, elle demande évidemment une qualification plus grande de l'exploitant, mais pourra être simplifiée par des possibilités régulières d'approvisionnement en aliments pour animaux de basse-cour ou petit bétail. Dans certaines régions la pisciculture pourra préparer la nourriture de ses poissons sur place.

L'économie de la pisciculture commerciale intensive donne des rendements négatifs ou positifs suivant l'importance et l'activité de l'exploitation. Des situations plus ou moins favorables sur le plan de l'économie externe peuvent exister suivant la situation des exploitations et les influencer favorablement. Cependant, les connaissances détaillées de gestion et d'aménagement de ce genre d'exploitation sont encore insuffisantes pour définir clairement leur intérêt économique.

La pisciculture familiale qui a un rendement voisin de 1 a connu des fortunes diverses. L'intérêt économique, probablement à tort, n'y apparaissait pas essentiel, jusqu'à présent. C'est cependant cette pisciculture familiale qui a mobilisé le plus d'efforts, dans l'objectif louable de fournir des protéines animales aux populations les moins favorisées.

Le problème d'alimentation de ces populations se rencontre toujours et généralement s'amplifie. D'autre part, on peut admettre qu'une amélioration des techniques et des rendements de la pisciculture familiale est possible; aussi, il apparît très souhaitable non pas de lui accorder une priorité absolue, dans les travaux à poursuivre pour le développement de la pisciculture, mais à l'intégrer à un ensemble d'activités piscicoles et agricoles aussi diversifié que possible.

5. POSSIBILITES D'AMELIORATION DE L'ECONOMIE PISCICOLE

5.1 Aspects généraux

L'économie piscicole est tributaire principalement des facteurs de production de leur coût et du rendement. Les améliorations que l'on peut espérer concernent surtout les connaissances techniques que l'on peut plus facilement maitriser que les coûts et offres du marché.

Les perspectives de développement des techniques piscicoles africaines font, en principe, l'objet de communications distinctes; il convient de dégager l'aspect économique des principales techniques envisageables.

Un aspect essentiel est celui de l'alimentation des poissons, deux voies se présentent, l'utilisation d'un aliment complet préparé industriellement ou l'alimentation par des déchets, produits ou récoltés localement.

A priori, la seconde solution est moins onéreuse, mais les rendements obtenus sont généralement plus faibles et largement tributaires des activités agricoles connexes, ce qui pose des problèmes dans les régions où ces activités sont réduites, notamment dans les zones forestières. Il apparaît, de ce fait, très souhaitable de prévoir dans les projets futurs des essais et observations comparatifs sur les deux modes d'alimentation, non seulement en station, mais en application en milieu rural.

Les améliorations générales que l'on peut également concevoir concernent la recherche d'un équilibre dans l'importance économique de la production et l'utilisation ou l'acquisition des équipements et installations piscicoles. Deux voies sont également théoriquement possibles: l'installation et l'équipement sommaire ou l'aménagement plus sophistiqué plus durable, mais plus onéreux.

L'expérimentation à prévoir devrait pouvoir permettre de déterminer les caractéristiques optimum des exploitations, matériaux et équipements utilisés.

5.2 Aspects particuliers

L'examen des caractéristiques économiques de différents types d'exploitations piscicoles montre que pour la plupart d'entre eux les données acquises sont insuffisantes ou incomplètes pour orienter valablement les populations vers tel ou tel type d'activité, notamment pour les techniques récentes d'élevage des poissons en cage et enclos.

Il apparaît, de ce fait, très souhaitable d'organiser des centres pilotes d'exploitation qui appliqueraient, suivant les conditions locales, différentes techniques et en apprécieraient un maximum de données économiques. Ces études pourraient dans certains cas se consacrer plus spécialement aux matériaux nécessaires pour ces élevages. D'autre part, les rendements qui apparaissent les plus intéressants sont ceux obtenus en pisciculture intensive, aussi, il convient de poursuivre ou de développer des travaux d'étude sur les espèces qui sont susceptibles de s'adapter à ce type d'élevage et qui présentent de bonnes qualités au point de vue de la commercialisation. On peut ranger dans ces études la mise au point de l'élevage de certains silures africains comme le Clarias lazera.

Il faudrait également considérer, dans une étude comparative, l'intérêt économique éventuel de la carpe (Cyprinus carpio), qui a été introduite dans plusieurs pays d'Afrique.

Dans le cadre des études particulières, il est également très souhaitable d'étendre nos connaissances sur l'intérêt économique d'élevages combinés, ceci en association avec les services d'agriculture et d'élevage, de même que les avantages ou inconvénients économiques éventuels de la rizipisciculture.

Pour que toutes ces données soient représentatives, il est indispensable que les observations soient diversifiées du point de vue géographique et si possible répétés dans le temps.

6. REFERENCES

Couty, P, 1973 Notions de science économique à l'usage des fonctionnaires des pêches. Notes et Documents sur la Pêche et la Pisciculture - C.T.F.T. nouvelle série No. 5. pp. 1–45

FAO, 1973 Perfectionnement et Recherche en Pisciculture, Cameroun, Gabon, République Centrafricaine, Congo. Rapport final du C.T.F.T.

Fig. 1.

Fig. 1. Production de Tilapia nilotica; établissement du point mort.

Fig. 2.

Fig. 2. Production de Tilapia nilotica établissement du point mort.

Fig. 3.

Fig. 3. Production du Clarias lazera établissement du point mort.

AVENIR DE LA PISCICULTURE COMMERCIALE EN AFRIQUE CENTRALE

par

Zacharie Maletoungou
Directeur du Centre Piscicole National
République Centrafricaine

Résumé

L'auteur souligne l'importance de l'aquiculture dans le développement rural et du point de vue de l'économie nationale. Il examine l'historique du développement de l'aquiculture en Afrique centrale, avec mention spéciale sur la République Centrafricaine, de 1953 à nos jours. Il attribue l'échec de l'aquiculture à petite échelle, au cours de la première décade de cette même période, à une programmation non-appropriée, au manque d'expertise technique et de service d'information, ainsi qu'à l'absence de facilités de crédits. Il décrit le renouvellement d'intérêt dans la recherche et le développement en aquiculture et les nouvelles méthodes intensives utilisées dans l'élevage du poisson, à partir d'une alimentation artificielle et d'engrais organiques, ainsi que la pratique d'élevage associé des canard/porcpoisson. Il souligne également l'importance du choix des espèces et des techniques de culture, tout autant que de l'étude des marchés, comme mesures préliminaires essentielles aux fins de permettre la programmation d'entreprises d'aquiculture à l'échelle commerciale.

Abstract

The author underlines the importance of aquaculture in integrated rural development and the national economy in general. The history of aquaculture development in Central Africa is reviewed, with special reference to the Central African Republic, from 1953 to the present. The failure of small-scale aquaculture during the first decade of that period is attributed to poor planning, lack of technical expertise and extension service, and absence of credit facilities. Recent resurgence in aquaculture research and development and new intensive methods for the rearing of fish, based on use of artificial feed and organic fertilizers, as well as the combined practice of duck/pig-cum-fish rearing are described. The choice of species and culture techniques and marketing studies are stressed as essential preliminaries in planning commercial-scale aquaculture enterprises.

1. INTRODUCTION

L'amélioration du niveau de vie des populations rurales de l'Afrique centrale est étroitement liée à l'amélioration de leur alimentation. Les objectifs fondamentaux du développement rural de l'Afrique centrale, à mon avis, se divise en quatre points:

Développer la pêche et la pisciculture correspond parfaitement à ces objectifs, car l'on tend ainsi à réduire le déséquilibre alimentaire et l'on améliore la balance commerciale en diminuant les importations de poisson et l'on augmente le revenu des populations rurales, créant même des emplois en milieu rural.

1.1 Buts de la pisciculture

En élevant du poisson en étang, l'on vise trois objectifs:

  1. produire le maximum de poisson à l'unité de surface, assurer ainsi la ration alimentaire des populations et leur procurer les protéines animales qui leur font défaut,

  2. mettre en place une activité rurale et suburbaine, économiquement rentable, et qui augmente l'emploi dans ces régions,

  3. augmenter le revenu des populations par la pisciculture.

1.2 Situation de la pisciculture durant la période 1953–66

Les premiers essais de pisciculture en République Centrafricaine datent des années 1952–53. L'évolution de cette pisciculture est passée par deux phases:

1.2.1 Période 1953–60: La politique piscicole

La politique piscicole de cette époque visait à engager chaque famille à posséder un petit étang d'une are environ qui devait jouer un rôle de “garde-manger à protéine”. L'inspection fédérale de pisciculture fournissait gratuitement les alevins. Le nombre d'étangs était croissant. L'organisation piscicole ayant été pratiquement arrêtée en 1960, la plupart des étangs ont été abandonnés par les pisciculteurs qui n'y voyaient pas un intérêt véritable et qui n'avaient pas été préparés à faire fonctionner seuls leurs étangs (production d'alevins en particulier).

1.2.2 Période 1960–66

Durant cette époque, la pisciculture a connu une régression. Les causes de cette régression sont diverses et peuvent se résumer comme suit:

  1. les eaux sont généralement pauvres et sans fertilisation adéquate et sans alimentation artificielle, les rendements sont faibles et n'incitent pas le paysan à poursuivre une activité qui ne se rapporte pas assez,

  2. le manque de personnel d'encadrement ayant de connaissances techniques requises pour éduquer les exploitants et leur apprendre les techniques d'élevage,

  3. l'insuffisance des techniques piscicoles utilisées à l'époque du fait que les études de base indiquant les conditions de productivité n'avaient pas été réalisées (absence de Centre ou Institut de recherches sur l'aquiculture).

  4. Les techniques de construction des étangs de pisciculture familiale n'avaient pas été adaptées au milieu. Elles s'effectuaient très souvent dans de mauvaises conditions (étangs trop petits, pièces d'eau sur nappes phréatiques),

  5. le manque de crédits disponibles mis à la portée des paysans pour développer cette activité,

    les sous-produits agricoles indispensables au développement de la pisciculture rentable et commerciale n'ont pas été définis et retenus.

Aussi, le manque d'informations techniques dû aux moyens de communication assez restreints à cette époque et l'absence d'un Centre de recherches appropriées constituaient une lacune pour le développement de la vulgarisation et le développement d'une pisciculture commerciale en milieu rural.

Mais il semble nécessaire de souligner que la pisciculture commerciale à petite échelle se limitait aux Stations administratives et les Communautés (les missions religieuses, communes rurales et sociétés tant minières que forestières).

L'examen approfondi des causes de la régression de cette activité en milieu paysan avait engendré, pour les Gouvernements concernés et le PNUD/FAO, la création d'un Centre de Recherches et Formations Régionales.

1.2.3 Le Projet Régional PNUD/FAO REG/54

Au mois d'août 1967, les Représentants du Congo Populaire, du Gabon, du Cameroun et de la République Centrafricaine avaient signé avec la FAO le plan d'exécution du Projet régional de perfectionnement et recherches en pisciculture. La durée de ce Projet couvrait cinq (5) ans.

Au cours d'exécution de ce projet, plusieurs essais relatifs à l'alimentation de poissons, la découverte ou recherche sur de nouvelles espèces locales et la formation de cadres nationaux en pisciculture avaient offert les occasions de tenter la pisciculture intensive ou pisciculture de subsistance et commerciale à petite échelle en milieu rural et autour des villes.

Parmi ces aliments, les produits qui avaient été retenus en fonction de leur quantité disponible et les espèces de poissons élevés en étang selon leur régime alimentaire comprenaient:

Actuellement l'espèce locale retenue et suscitant des travaux de recherches (études de la réproduction et l'alevinage des étangs) est le Clarias lazera vulgairement appelé poisson chat ou “N'Goro”.

Les résultats positifs obtenus au cours de ce projet ont permis d'établir les bases de la pisciculture commerciale en République Centrafricaine, en tenant compte des résultats des recherches piscicoles effectuées. Les six (6) facteurs indispensables à la réussite de la pisciculture sont:

  1. milieu physiquement favorable (sol et qualité de l'eau) avec les disponibilités en eau suffisante et permanente,

  2. un milieu humain de préférence relativement évolué au point de vue agricole,

  3. les possibilités de trouver, à proximité des installations piscicoles, des sous-produits agricoles ou agro-industriels à un prix abordable, pouvant servir à nourrir les poissons,

  4. les possibilités de fertiliser les étangs à un prix compétitif et rentable,

  5. les possibilités de commercialiser au moins une partie de la production piscicole,

  6. l'intervention, en cas de besoin, d'un encadrement piscicole, actif, compétent et permanent pendant plusieurs années.

2. TECHNIQUES MODERNES DE PISCICULTURE INTENSIVE

2.1 Fertilisation des étangs

Engrais organiquesDoses applicables are/moisProduit en tonne/ha/anObserv.
Fumiers30 à 40 kg  3 à 4 tTilapia
Fientes de volaille5 à 10 kg4 à 5 t 
Rouissage de manioc  100 à 200 kg       3 à 4 t 
Sang frais 20 à 40 kg   2 à 3 t 
Contenu de panse80 à 100 kg    2 à 3 t 

La meilleure solution pour obtenir ou maîtriser ces produits est la pratique de l'élevage associé. Cette technique consiste à élever à proximité des étangs de pisciculture, des animaux de basse-cour ou de ferme. Le tableau ci-dessous présente les rendements obtenus lors des essais à la Station de Bangui-Landjia.

Canards + T. nilotica
(2 ind./m2)
Canards + Clarias lazeraCanards + T. nilotica (200 ind./are) + C. lazera (100/are)Densité Canards/are
3 à 10
Rendement:
20 à 30 kg/are/an
 38 à 45 kg/are/an 
Porcs + T. nilotica
(2 ind./m2)
Porcs + Clarias lazera
(2 ind./m2)
Porcs + T. nilotica + Clarias + HeterobranchusDensité Porcs/are 1
Rendement:
40 kg/are/an
 60 à 64 kg/are/an50 à 55 kg/are an 

Il importe de signaler que la polyculture (T. nilotica + Clarias lazera) avec animaux de ferme nécessite une attention particulière quant au poids moyen des poissons. En un mot, il faudrait éviter que les Clarias absorbent les alevins de T. nilotica. Le meilleur procédé serait d'utiliser la densité de 50 pour cent de T. nilotica et 50 pour cent de C. lazera mais de poids moyen inférieur à celui de T. nilotica ou bien maintenir la densité de T. nilotica à 2 individus/m2 de poids moyen de 10–30 g2 mais ajouter un mois après empoissonnement avec T. nilotica 1 individu de C. lazera par m2 de poids moyen compris entre 20 à 60 g.

2.2 Alimentation artificielle des poissons

Le nourrissage de poissons d'étangs avec des granulés (pellets) donne de bon rendement. Le prix au kg de cet aliment est estimé à CFA.F. 30. Le taux de conversion est assez favorable suivant l'espèce élevée et la technique de distribution. Ce taux de transformation varie entre 1, 2 à 3. Pour assurer la croissance rapide des poissons, la technique d'alimentation a été considérablement améliorée et diffusée par la confection de distributeurs (caisse locale) actionnés par les poissons eux-mêmes, selon leurs besoins.

Le tableau ci-dessous permet d'affecter à chaque région et espèce élevée la nourriture qui convient.

Type d'alimentProduction en tonnes/ha/anObservations
Drêche de brasserie4 à   5 tpoisson élevé: T. nilotica
Graines de coton concassées3 à   4 tpoisson élevé: T. nilotica
Granulés à 30% protéines végétales6 à 12 tpoisson élevé: T. nilotica

2.3 Les poissons élevés en étangs en Afrique centrale

Parmi les poissons élevés en étangs, on distingue:

2.3.1 Les espèces autochtones:

2.3.1.1 Tilapia zillii - qui se reconnaît par sa teinte généralement brunâtre, ses 7 à 10 bandes verticales plus sombres ainsi qu'une bande sombre longitudinale. Les nageoires dorsale, anale et caudale sont brunâtres, tachetées de jaune.

Ce poisson est végétarien. Il se reproduit dans un nid formé de petits trous accolés l'un à l'autre, souvent à des endroits de faible profondeur. Les oeufs sont petits (1 à 2 mm) et vert olive. L'éclosion a lieu 48 heures après la ponte. Après l'éclosion, les alevins sont accolés aux débris végétaux. Il nagent dès le quatrième jour. Il est indésirable à la Station de Bangui-Landjia parce qu'il n'a pas une bonne croissance en étang.

2.3.1.2 Tilapia galilaea - C'est une espèce largement répandue en Afrique centrale. La coloration est assez claire, avec sur les flancs des traces peu visibles de bandes verticales sombres. La tache operculaire est toujours présente, mais souvent réduite à un simple liséré sur le bord de l'opercule. On compte de 22 à 26 branchiospines en bas du premier arc branchial.

Le premier essai d'élevage de ce poisson a été réalisé à la Station fédérale de la Djoumouna à Brazzaville avec une souche introduite du Tchad entre 1955–57. C'est une espèce pouvant atteindre une bonne taille marchande donc la culture en étang aurait été intéressante.

A présent, une souche de cette espèce est retenue dans un étang à la Station de Bangui-Landjia. Il serait souhaitable de tenter une série d'essais sur la croissance ou l'hybridation avec le Tilapia nilotica. Cette suggestion pourrait être réalisée sur une des Stations de pays participants au Projet PNUD/FAO/RAF/66/054.

2.3.1.3 Clarias lazera - C'est un silure ou poisson chat, de la famille de claridae, dont l'habitat s'étend du lac de Galilée (Israël) jusqu'au Haut-Congo (Zaïre). Les Clarias, en général, ont un corps allongé et cylindrique. La tête, applatie, est garnie de plaques osseuses, au dessus sur les côtés. Ils ont huit (8) barbillons disposés par paires: une paire nasale, une paire au maxillaire et deux paires au menton. La bouche est large et les dents, aux mâchoires, sont peu marquées. Sur le vomer, les dents sont villiformes ou granuleuses.

Ces poissons possèdent un appareil respiratoire accessoire, arborescent, qui se situe au dessus des branchies.

La nageoire dorsale comporte 62 à 68 rayons. L'anale de 50 à 60 rayons est très rapprochée de la caudale. Les branchiospines de C. lazera sont longues et rapprochées. Dans les eaux naturelles, le C. lazera est omnivore.

Les travaux de recherches visant la reproduction de ce poisson ont été répartis dans les Stations communes au Projet PNUD/FAO REG/54 à:

Des essais sur la reproduction et l'alevinage sont en cours à Bangui, au Cameroun et Congo-Populaire.

2.3.1.4 Auchenoglanis occidentalis (Bagridae) est un poisson qui présente une bonne croissance en étang (il passe de 10 g à 600 g après 6 mois). En deux ans, il peut atteindre 2 kg. En milieu naturel, le poids maximum observé a été de 40 kg. En 1969, quelques signes de maturité ont été relevés sur des poissons en observation à Bangui-Landjia.

Le besoin en oxygène est assez élevé mais il est difficile à manipuler lors de vidange d'étang à cause de ses piquants. Actuellement la Station de Bangui-Landjia en produit à partir d'alevins achetés chez les pêcheurs ou capturés dans l'étang de barrage, M'Batama 1.

2.3.1.5 Citharinus gibbosus (Citharinidae) est une espèce qui valorise le fond de l'étang. Il a une bonne croissance en étang (environ 365 g en 12 mois) mais fragile aux manipulations et n'a présenté aucun signe de maturité en observation à Bangui-Landjia après 2 ans. Actuellement on peut obtenir des alevins à partir d'étang de capture (M'Batama 1); nom vernaculaire - NGbete).

2.3.1.6 Labeo liniatus (Cyprinidae). Les observations ont donné un résultat assez comparable à celui des Citharinus. La croissance de ce poisson phytophage est bonne, 450 g en 1 an mais il est fragile aux manipulations et ne présente pas de signe de maturation en étang (nom vernaculaire: Singa ou Songa).

2.3.1.7 Heterobranchus longifilis (Claridae). En milieu naturel, ce poisson peut atteindre 40 kg. En étang, quelques spécimens ont montré un taux de croissance très favorable; des poissons de 1,5 kg ont atteint et dépassé 6 et 7 kg en 4 mois sans présenter toutefois de signes de maturation (nom vernaculaire: NGoro). On peut se procurer des alevins à partir d'étang de capture M'Batama 1.

Voir situation du Projet AFR REG/54 - Réunion Inter-Etats: Bangui 7–10 juin 1972 par De Kimpe.

2.3.1.8 Hemichromis fasciatus. Ce poisson a été élevé dans l'ancienne pisciculture rurale. De nos jours, on l'utilise comme poisson prédateur à la densité de 1/5; pour le T. nilotica. C'est un poisson rustique qui ne présente aucun intérêt pour la pisciculture commerciale.

2.3.2 Les espèces introduites

2.3.2.1 Tilapia nilotica - C'est le poisson retenu ces dernières années pour la pisciculture intensive dans nos étangs et consacré à la vulgarisation piscicole en milieu rural. Il est très estimé pour sa croissance rapide. Il se distingue des autres Tilapia par les rayures verticales à la nageoire caudale.

Il est microphage omnivore. Il se reproduit dans un nid en excavation cylindrique situé sur le fond moins profond et souvent plat; le diamètre est toujours 1,5 fois plus grand que la longueur du mâle qui la construit. Les oeufs sont relativement grands (2,5 à 3,5 mm). A l'origine, il semble que c'est une espèce qui pratique l'incubation buccale mais il semble que dans l'étang bien protégé de prédateurs, les femelles abandonnent cette pratique (à vérifier). Pour la vulgarisation piscicole en pisciculture familiale, il présente les intérêts suivants:

2.3.2.2 Tilapia rendalli (ex. T. melanopleura) - Ce poisson fut le préféré de la pisciculture africaine à cause de son régime alimentaire (végétarien). Sa croissance est moins rapide que celle de T. nilotica. On le reconnaît principalement à ses 6 à 7 bandes foncées verticales sur les flancs et à sa couleur rouge du dessous du corps et la moitié inférieure de la nageoire caudale. Les jeunes alevins vivent de plancton (jusque 4 cm). En pisciculture, ils peuvent aussi s'adapter en partie à consommer des déchets organiques. Les géniteurs se reproduisent dans un nid en groupement irrégulier de 5 à 10 petits trous d'environ 10 cm de diamètre. Il est situé dans les berges, entre 10 et 100 cm de profondeur. Les oeufs sont pondus dans un des trous et collés à la paroi. L'un des parents reste près du nid pour surveiller les oeufs puis les alevins jusqu'à 3 semaines. On compte environ une ponte toutes les sept semaines. Cette espèce n'existe pas dans nos étangs. Elle a été abandonnée en faveur de T. nilotica. On lui reproche sa prolifération; cependant il ne devient mature qu'après 7 à 8 mois. Il est originaire de grands lacs (lacs Moero et Victoria).

2.3.2.3 Tilapia macrochir - Originaire de la région de grands lacs. Il a été le premier poisson élevé en étang à la Station expérimentale de Djoumouna, Brazzaville. Il a servi à plusieurs essais de grossissement à cette Station et été diffusé dans plusieurs régions de l'Afrique Equatoriale Française où on en retrouve actuellement des souches. De nos jours, ce poisson peuple certains cours d'eau de l'Afrique centrale parce qu'il avait été utilisé en milieu rural pour la vulgarisation.

Ce poisson a servi aux essais d'élevage par classes d'âge mélangés et aussi par classes d'âge séparées. Mais les productions obtenues sont faibles et ne sont pas comparables tous les essais effectués. La nourriture distribuée à cette époque se composait de tourteau d'arachide et feuilles de manioc dans la proportion de ⅔ de tourteau d'arachide et ⅓ feuilles de manioc. Le sous-équipement à cette époque et la grosse mortalité de ce poisson lors des manipulations n'ont pas permis d'obtenir des résultats définitifs des expériences tentées sur la croissance des alevins. Ces essais menés à la Station de Djoumouna méritent d'être repris de nos jours et sur des bases saines.

2.3.2.4 Heterotis niloticus - C'est une espèce africaine, de famille des Osteoglossidae. Si la souche existant à la Station piscicole de Bangui-Landjia est originaire du Cameroun (Yaoundé), celle de la Station de Djoumouna provient de:

De nos jours, cette espèce vit ou est élevée comme poisson d'accompagnement à la Station de Bangui-Landjia. Son élevage en étang est difficile parce qu'on obtient pas beaucoup d'alevins pour empoissonner les bassins. Plusieurs essais ont été tentés pour définir les causes de mortalité des alevins mais aucun résultat concluant n'est apparu. Notons que ce poisson est fréquent dans plusieurs cours d'eau de l'Afrique centrale parce que lors des premières tentatives d'alevinage des Stations piscicoles, ce poisson aurait été emporté pendant les inondations. (Les pêcheurs autochtones de l'Oubangui le désignent sous le nom de “Poisson de bassin ou poisson de la mer”.)

Il serait intéressant de reprendre le programme de recherches sur la survie de cette espèce que la population africaine en général et celle de Bangui en particulier prise mieux lorsque le poisson est séché-fumé.

2.3.2.5 Astatoreochromis alluandii. Le 26 mars 1969, 11 alevins de cette espèce ont été importés du Cameroun. Ils devraient servir à contrôler la présence de mollusques, vecteurs de maladies transmissibles aux hommes. L'élevage de ces poissons en étang n'avait pas été suivi et les 11 sujets n'ont suivi que deux cycles d'élevage avant de disparaître de leur dernier bassin après l'empoissonnement du 18 mars 1970.

2.3.2.6 Cyprinus carpio (carpe commune). La culture de ce poisson en étang a connu un succès. Les réalisations ont été obtenues par le Projet piscicole du Corps de la Paix des E.U.A. à l'Ouest du Cameroun à Bamenda. Une souche de cette espèce a été introduite à Bangui-Landjia (23–30 janvier 1975). Ces poissons présentent un intérêt particulier quant à leur croissance et demeurent sous surveillance actuellement.

3. CHOIX DES ESPECES EN PISCICULTURE COMMERCIALE

Les conditions de réussite en pisciculture commerciale sont:

3.1 Monoculture

C'est une pratique qui, à mon avis, réduit la production parce que toutes les possibilités de l'étang ne sont pas exploitées.

3.2 Polyculture

D'après les essais tentés à notre Station, elle paraît être la plus intéressante parce qu'elle donne les meilleurs rendements (nourriture distribuée entièrement valorisée).

3.3 Elevages associés

Ces procédés consistent à élever aux bords des étangs de pisciculture des animaux de ferme. On considère à présent différentes possibilités:

Les rendements obtenus avec ces procédés se trouvent dans un tableau du 2.1 de ce document.

4. AVENIR DES EXPLOITATIONS PISCICOLES COMMERCIALES EN AFRIQUE CENTRALE

La République du Tchad exploite ses ressources des eaux naturelles (lacs et rivières).

La République Centrafricaine vit des ressources provenant:

  1. des pêches dans les eaux naturelles. La production des pêches qui se pratiquent au niveau traditionnel ne suffit pas pour satisfaire les besoins nationaux. Il faudrait ajouter à ces pratiques artisanales, les difficultés de transport.

  2. la pisciculture représente une spéculation nationale. Son développement dans l'avenir est assuré par le perfectionnement des techniques d'élevage associés et la polyculture; ensuite les recherches nécessaires notamment sur:

    1. les nouvelles espèces de faune piscicole locale qui pourraient convenir à la pisciculture en étang par exemple: Distichodus, Capitaine, Labeo, Heterobranchus, Ophiocephalus, Auchenoglanis

    2. les essais de polyculture de ces espèces

    3. les possibilités de ces espèces en élevage associé.

5. TECHNIQUES DE COMMERCIALISATION DES RESSOURCES PISCICOLES AU CENTRE PISCICOLE DE RANGUI-LANDJIA

En dehors de toutes techniques de production piscicole susmentionnées, il me paraît utile d'évoquer dans ce présent document, celles utilisées à La Landjia pour commercialiser les poissons des étangs. Ces dernières sont basées sur:

Les raisons qui nous conduisent à arrêter les tailles marchandes des poissons sont les suivantes:

Les points particuliers qui retiennent mon attention méritent d'être soulignés dans ce document. Ce sont les problèmes de goût et la satisfaction. L'introduction du C. lazera en étang, poisson vulgairement appelé “N'Goro” fait confondre ce poisson avec Clarias anguillaris habituellement pêché par les pêcheurs de l'Oubangui et vendu à un prix de l'ordre de CFA.F. 150 à 300 les 500 g surle marché de Bangui. La confusion de ces deux poissons rend difficilement commercialisable le C. lazera. Il convient de noter que:

Le Centre a surmonté ces difficultés en arrêtant la taille marchande de ce poisson entre 200 et 500 g. Actuellement, ce silure ou “N'Goro” est à la portée de tout consommateur sans distinction de sexe. Quant aux Ophiocephalus, ils intéressent les hommes âgés.

PAPERS ISSUED IN THIS SERIES

CIFA/T1The inland waters of Africa (1972)
CIFA/T2Report of the Symposium on the evaluation of fishery resources in the development and management of inland fisheries, Fort Lamy, Chad, 1972 (Rome, 1973)
CIFA/T3The fisheries ecology of African floodplains (1975)
CIFA/T4Report of the Symposium on aquaculture in Africa. Accra, Ghana, 1975 (Rome, 1976)
CIFA/T4 Suppl. 1Supplement 1 to the Report of the Symposium on aquaculture in Africa. Accra, Ghana, 1975. Reviews and experience papers. Supplément 1 au Rapport du Symposium sur l'aquiculture en Afrique. Accra, Ghana, 1975. Exposés généraux et comptes-rendus d'expériences (1976).
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