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LES RESSOURCES DU LAC EDOUARD PARTIE OUGANDAISE TYPE D'EXPLOITATION ET AMENAGEMENT

d'après

J.R. Kamanyi, Officier principal de recherche, UFFRO, Jinja
et
P. Mwene-Beyanga, Officier des pêches, Département des pêches, Kampala

1. DESCRIPTION DU LAC

Le lac Edouard est situé à l'ouest de l'Ouganda dans la vallée (ouest) du Rift et à une altitude de 912 m. C'est un lac profond (117 m de profondeur maximale et 34 m en moyenne), il a une superficie totale de 2.300 km2. Le lac est partagé entre le Zaïre (71%) et l'Ouganda (29%), il est rattaché au lac George par un canal de 30 km (canal de Kasinga). La rivière Semliki se déverse dans ce lac.

La partie ougandaise du lac (environ 667 km2) comprend cinq territoires de pêche reconnus, ceux-ci étant: Katwe, Rwenshama, Kishenyi, Kazinga et Kayanja; ils sont situés le long du rivage et à l'intérieur du parc national Queen Elizabeth.

2. LES PECHERIES DU LAC EDOUARD

Peu d'informations existent sur les recherches effectuées dans la partie ougandaise du lac et les données statistiques récoltées par le Départment des pêches sont incomplètes. Le stock de poissons n'a plus été évalué depuis longtemps et la pêche en eau profonde reste encore une inconnue. L'état et/ou la taille de la pêcherie ainsi que le degré d'exploitation ne peuvent être pour ces raisons qu'indiqués approximativement par le poids et la quantité de poissons capturés, la quantité d'équipements, le nombre de canots et de pêcheurs opérant sur le lac.

Les relevés du Département des pêches de ces 20 dernières années indiquent une baisse de la production de poissons. La partie ougandaise du lac a contribué commercialement à produire environ 5.294 tonnes en 1970, les captures en 1989 ont atteint plus ou moins 2.450 tonnes. L'étude de l'évaluation des captures effectuée en janvier 1989 par l'Organisation pour la recherche des pêches en eau douce (UFFRO) et le Projet de réhabilitation des pêcheries artisanales (AFRP) estime la pêche annuelle totale pour cette année à 2.600 tonnes alors que l'analyse expérimentale de la pêche commerciale pour la même année donne une estimation de 2.320 tonnes. Les chiffres obtenus par UFFRO/AFRP sont basés uniquement sur les pêches au filet maillant alors que le Département des pêches se réfère à l'analyse de la pêche commerciale qui combine les filets maillants et la pêche à la ligne.

La tendance des pêches commerciales du lac sont reprises au tableau 1 et à l'annexe 1. Les relevés des captures de 1979 n'ont été effectuées que pendant 7 mois à cause de la guerre, mais des moyennes mensuelles ont été utilisées pour estimer la pêche annuelle. Des changements considérables dans les captures sont apparus en 1979 et ce jusqu'en 1982, probablement à cause de la guerre de 1979 et des “effets après-guerre”. Une augmentation légère a été enregistrée en 1983 et depuis on observe une tendance à la baisse des captures malgré les efforts mis en oeuvre pour procurer des intrants de pêche aux pêcheurs. Les espèces principalement rencontrées dans les captures sont:

De nombreuses espèces d'Haplochromis (nkeje) existent dans le lac mais sont inexploitées étant actuellement considérées comme n'ayant aucune valeur commerciale. Ces espèces sont utilisées comme appât et constituent la nourriture principale des grandes variétés de poissons carnivores du lac.

La principale cause de baisse dans les captures est due à la grande diminution de prises de tilapias et ce principalement parmi les O. niloticus. Le groupe tilapia est passé de 4.027 tonnes en 1970 à 1.205 tonnes en 1989 (annexe 1) et le poids moyen a diminué de 0,60 kg à 0,52 kg pendant la même période. Au début des années 70, le groupe des tilapias contribuait pour 78 % du total des poissons débarqués, mais vers la fin des années 80, ce pourcentage est descendu jusqu'à 43 %. Durant la même période, l'espèce Bagrus a augmenté de 15 % à 46 %.

Suite à l'analyse des captures faite en mars 89, la moyenne obtenue des prises par coup et par canot était de 57 kg net par filet et de 21 kg pour la pêche à ligne. Durant le même mois et la même année, l'étude effectuée par l'UFFRO et l'AFRP donnait 51 kg par coup, par filet et par embarcation.

3. MODE D'EXPLOITATION ET TYPES DE PECHERIES

Dans les années 1950, la pêcherie était plus ou moins un moyen de subsistance pour les pêcheurs qui opéraient sur le lac avec peu d'équipements adéquats. Le principal matériel actuellement utilisé pour l'exploitation des pêcheries dans la partie ougandaise du lac Edouard est le filet maillant en nylon de 127,0 mm (5 inches) et de 114,3 mm (4,5 inches). Occasionnellement, des mailles de 152,4 mm (6 inches) sont utilisées pour attraper les espèces de poissons telles que les tilapias, les Baqrus, les Barbus, les Protopterus et les Clarias; les lignes sont plutôt utilisées pour capturer les grandes espèces de poissons: Protopterus, Clarias et parfois Baqrus actuellement fort demandé.

Conformément à l'étude de 1988, environ 348 pêcheurs ont utilisé 139 canots (parmi lesquels 30 pour la pêche à la ligne) et un total de 2.445 filets, l'auteur cependant, considère ces chiffres comme sous estimés. Le gouvernement ougandais recommande une grandeur de mailles de 127,0 mm et 10 filets maximum par embarcation, mais en fait des filets ayant des mailles de 114,3 mm sont communément utilisés. Actuellement, on trouve, en moyenne, 24 filets par canot. La taille des hameçons varie du No7 au No9 et chaque embarcation possède en moyenne de 10 à 550 hameçons.

L'utilisation de filets à petites mailles a été étudiée expérimentalement mais cet engin de pêche semble affecter grandement la pêche par la capture de poissons immatures. Ceci réduit le stock de reproducteurs et finalement le nombre de jeunes produits par cette population. En utilisant des filets à maille de 88,9 mm (3,5 inches), la taille des O. niloticus capturés est d'environ de 24–25 cm (2 ans) et à cette taille, la plupart des espèces sont matures et prêtes à se reproduire. Si les filets ont des mailles de 101,6 mm (4 inches), les O. niloticus ont en moyenne 28 cm de longueur totale, les poissons sont alors matures depuis un peu moins d'un an. En général, les tilapias vivent 6 ans (Fryer et Iles, 1972). L'utilisation de filet ayant des mailles de petites dimensions affecte donc grandement l'augmentation de la capture de poissons.

Le stock d'Haplochromis vivant dans les eaux peu profondes et probablement dans les eaux profondes reste toujours une inconnue et une ressource inexploitée.

Les caractéristiques des captures effectuées par des filets de dimension de maille variable et par des hameçons qui ont été (i) observées par UFFRO/AFRP lors de leur étude en 1989 et (ii) résultant de l'analyse des captures commerciales sont reprises dans les tableaux 1 et 2. On remarquera que le poids total des captures est inférieur si on utilise des mailles à grande dimension alors que les poissons capturés sont de taille plus importante. Il est fort probable que les pêcheurs aient donné de fausses informations concernant la taille des mailles ou le nombre de filets utilisés; les pratiques de pêche illégales, comme la pêche à la frappe, peuvent également influer sur les résultats.

Les résultats du lac George étaient pour la même année de 4, 15 kg par filet ayant des mailles de 114,3 mm, de 1,7 kg par filet pour des mailles mixtes de 114,3 mm/127,0 mm et de 0,17 kg par hameçon (ligne). De grands poissons sont occasionnellement attrapés: B. docmac (9,5 kg), Cl. lazera (32 kg), B. altianalis (2,4 kg), L. forskalii (1,2 kg) ont été recensés dans les captures des filets et également des P. aethiopicus de 32 kg de poids moyen pour la pêche à la ligne.

Les sennes de plage ne sont pas utilisées dans la partie ougandaise du lac Edouard, par contre les lignes ont tendance à augmenter pour la pêche au gros poisson.

La répartition des différentes espèces de poissons et leur relative abondance par apport aux différents engins de pêche observés dans les captures commerciales et expérimentales sont repris dans le tableau 3. A chaque taille et engin de pêche correspond une taille et une espèce de poisson.

4. LES BESOINS DE LA RECHERCHE

Contrairement au lac George, très peu de recherches récentes ont été réalisées dans la partie ougandaise du lac Edouard, la pêche expérimentale, l'analyse des captures commerciales et les recherches limnologiques n'ont été faites qu'en mars 89. C'est ainsi que les tendances et l'état des pêcheries sont inconnues. Il serait donc nécessaire:

5. GESTION

La pêcherie de la partie ougandaise du lac Edouard a été gérée et contrôlée depuis plus de 50 ans. Depuis que la pêche aux tilapias prédomine, celle-ci est très sensible à la pression et à l'effort de pêche. Ce dernier a été contrôlé en limitant (i) le nombre de bateau de pêche pouvant obtenir la licence de pêche, (ii) la taille des mailles des filets pouvant être utilisés et (iii) le nombre de villages de pêche (débarcadères).

Le Département des pêches emploie un personnel entraîné sur le terrain et a une politique adéquate pour appliquer les mesures d'aménagement du lac. L'équipe de terrain basée à chaque débarcadère, surveille l'exploitation de la pêcherie en récueillant les données statistiques sur les poissons débarqués. Cependant, un nombre de contraintes entrave la bonne exécution de ce contrôle.

Les pêcheurs sont supposés exploiter le lac en utilisant une taille minimale de maille de filets de 127,0 mm (10 filets/embarcation) et des hameçons No7 pour les lignes (100 hameçons/canot). La pratique de la pêche à la frappe et aux sennes de plage est interdite. Ces mesures sont souvent non respectées. Il est clair que pour améliorer l'application des mesures prises, il serait nécessaire:

6. REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient Mr. Kajwara du bureau régional des pêches de Kichwamba pour sa compilation des données annuelles des captures de poissons et l'équipe conjointe de AFRP/UFFRO pour leur étude. Ces derniers ont également permis la publication de certaines de leurs données dans ce rapport. Enfin, nous tenons à remercier (i) Mme. F. Balirwa et Mr. D. Mugerwa tous deux appartenant à l'UFFRO, qui ont respectivement dactylographié le manuscrit et préparé les graphiques et (ii) également ceux qui ont fait des suggestions intéressantes.

7. BIBLIOGRAPHIE

AFPR et UFFRO, Joint Fishery Survey, 1989 Report No2. Catch Assessment Survey of Uganda waters. Ministry of Animal Industry and Fisheries, Artisanal Fisheries Rehabilitation Project and the Uganda Freshwater Fisheries Research Organization. Mimeo, July 1989.

Fryer G. et Iles T.D., 1972 The Cichlid fishes of the Great Lakes of Africa. Oliver et Boyd, Edinburgh.

MAIF, 1989 Fisheries Survey 1988. Ministry of Animal Industry and Fisheries, Planning Department. Mimeo, May 1989

MAIF, Uganda Fisheries Department Catch Records, 1970–1989

Tableau 1: Résultats des captures par l'utilisation (i) de filets avec des mailles de taille variable et (ii) d'hameçons

EspècesFilets Taille mailleNbreLongueur (cm)Poids (kg)
StandTot.MoyenMinimalMaximal
O. niloticus114,3  4025,232,40,550,380,80
114,366822,738,80,520,28   1,20 *
127,0  2625,729,80,470,380,64
127,0  2925,035,00,670,40   3,48 *
        
B. docmac114,3  3034,160,01,180,502,92
114,315625,576,01,020,20   5,90 *
mixte  3132,160,21,140,452,84
127,0  1542,082,01,610,922,26
        
P. aethiopicus114,3   1,50  
        
Cl. lazera114,3   1,10  
        
P. aethiopicushameçon No9   6,80  

P.S. (*) source UFFRO/AFRP

Tableau 2: Capture moyenne par filet et par hameçon au lac Edouard (Ouganda) en 1989

Dimension des maillesNombre canot échantillonnéTOTAL filet ou hameçonCapture kg/filet ou kg/hameçonSource
114,381882,80 
114,322  4932,36UFFRO/AFRP
     
114,3 + 127,061602,10 
     
127,03  761,44UFFRO/AFRP
     
Hameçon No721100  0,04 

Tableau 3: Distribution et relative abondance des espèces de poissons rencontrées dans le lac Edouard (Ouganda)

EspècesDimension filet
114,3/127,0
Dimension maille
38,1/76,2
Senne de plage
(essais)
Hameçon
No 7/9
O. niloticus********NC
O. leucosticusP  ****NC
B. dormac*****    *  *
P. aethiopicus  **  P    P***  
Cl. lazera  ****    P**
B. altianalis  **  P***NC
L. forskalii    *  P     PNC
M. kannume  *P*P   *PNC
Haplochromis    R***      **NC
Légende    

Légende

*** = abondant
** = abondance secondaire
* = présent en petite quantité
R = rare
NC = rarement attrapé
P = présent mais jamais attrapé

Annexe 1: Captures commerciales (1970–1980) du lac Edouard (Ouganda)


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