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SYNTHÈSE ET RECOMMANDATIONS


Du 9 au 12 avril 2001, l'atelier régional a réuni 40 participants en provenance des pays de la sous-région ainsi que des experts d'horizons variés (vétérinaires, médecins, entomologistes, climatologistes, etc.). L'atelier avait pour but, non seulement de dresser le bilan du projet de la FAO (TCP/RAF/8931), mais aussi de permettre un échange de vues le plus large possible sur tous les aspects de l'épidémiologie de la fièvre da la vallée du Rift encore obscurs.

Rappel sur la fièvre de la vallée du Rift en Afrique de l'Ouest

Il est vraisemblable que la fièvre de la vallée du Rift ait toujours existé en Afrique de l'Ouest mais c'est en 1987 qu'elle s'est révélée capable (comme en Egypte 10 ans plus tôt) d'entraîner des épizooties/épidémies particulièrement dangereuses. C'est pourquoi elle a fait l'objet de suivis épidémiologiques, notamment au Sénégal. Au cours des années qui ont suivi l'épisode de 1987, la fièvre de la vallée du Rift semblait avoir "disparu", soit qu'elle n'était pas diagnostiquée soit parce qu'elle évoluait à bas bruit.

Toutefois, en 1998, des foyers de maladie humaine identifiés comme fièvre de la vallée du Rift, en particulier dans la région du Hodh El Gharbi en Mauritanie, ont démontré que le virus de la FVR continuait de circuler dans la région et qu'il pouvait à l'occasion se révéler dangereux lorsque les conditions environnementales étaient favorables à la pullulation des vecteurs.

Pour faire face à cette recrudescence de la maladie, la Mauritanie a demandé l'aide de la FAO et un projet de coopération technique (TCP/MAU/8923) a permis aux services vétérinaires mauritaniens d'élaborer un système de suivi des troupeaux et d'alerte précoce. Par ailleurs, les trois pays de la sous-région - Mali, Mauritanie et Sénégal - se sont associés pour formuler une demande conjointe d'assistance à la FAO laquelle a décidé de financer un projet de coopération technique régional (TCP/RAF/8931). Ce projet a débuté en avril 2000 et se poursuivra jusqu'en septembre 2001.

Le projet avait pour objectifs de:

Ces objectifs ont été atteints et un atelier régional a permis de faire le bilan du projet régional et de définir les suites à donner tant au niveau national que régional.

La surveillance nationale et régionale

Des troupeaux sentinelles ont été mis en place et des techniciens vétérinaires ont été formés au techniques de suivi et de prélèvement. Les résultats présentés lors de l'atelier sont satisfaisants.

Ce système a permis de prouver la circulation à bas bruit du virus au Mali au cours de l'hivernage 2000 mais sans avortements chez les petits ruminants. En Mauritanie et au Sénégal, les troupeaux sentinelles n'ont pas permis de dépister la circulation de virus.

Le système des troupeaux sentinelles est donc bien adapté à la mise en évidence d'une circulation du virus. En effet, son but n'est pas de répertorier tous les foyers existants sur le territoire d'un pays mais de dépister une circulation plus large de virus pouvant conduire à une épizootie/épidémie.

Les agents des services vétérinaires sont désormais motivés et formés, et en mesure de poursuivre les suivis et d'assurer les prélèvements si besoin est, dans le cadre des systèmes nationaux de surveillance épidémiologique (SNSE).

Enfin, les services nationaux, conscients de l'importance de l'approche régionale, sont décidés, comme le montrent les recommandations, à continuer de se tenir mutuellement au courant de la situation de la FVR dans leurs pays.

Perspectives de lutte

Les participants à l'atelier régional ont débattu des moyens éventuels de lutte contre la FVR dans la sous-région. Trois conclusions principales sont issues de ces débats:

1) La nécessité pour chaque pays de rédiger un plan d'intervention d'urgence prévoyant les différentes étapes de la réponse à une circulation de virus dès la communication de l'information par le système d'alerte. De tels plans d'intervention devront recenser les moyens humains, matériels et financiers disponibles pour faire face à une épizootie/épidémie majeure. Notamment, ils devront favoriser l'approche pluridisciplinaire associant les vétérinaires, les médecins et les autres spécialistes (entomologistes, par exemple) et préciser les responsabilités de chacun des acteurs dans la réponse à l'alerte.

2) L'importance de disposer dans le délai le plus court possible d'un vaccin à usage vétérinaire sans effet secondaire sur les animaux. En effet, s'ils sont efficaces, les vaccins actuellement utilisables ne sont néanmoins pas dépourvus d'inconvénients (pouvoir résiduel abortif et/ou tératogène).

Il apparaît que l'Institut Pasteur de Paris possède avec le réassortant R566 un candidat sérieux comme souche vaccinale. Des essais complémentaires (durée et titre de la virémie, durée de la protection, présence d'anticorps colostraux, vaccinations de femelles en gestation, essais en vraie grandeur, etc.) doivent être conduits et les procédures de production et de contrôle du vaccin, indiquées. De même, car cela n'est pas sans conséquence sur la production de vaccin, il conviendrait de préciser quelle sera la stratégie vaccinale à adopter (vaccination de masse ou vaccination ponctuelle en anneau).

3) La lutte antivectorielle n'est recommandée que si elle concerne la protection immédiate de l'homme. En effet, dans les conditions économiques et sociales des pays de la sous-région, les grandes mesures de lutte contre les vecteurs par pulvérisation d'insecticides sur les mares, les cours d'eau, etc. ne sont pas envisageables. En revanche, une protection de l'homme par des moustiquaires ou des pulvérisations en milieu domestique est fortement recommandée (et possible) pour limiter la contamination humaine. En effet, si la transmission de l'animal à l'homme reste toujours dangereuse, la possibilité que s'instaure un cycle interhumain par transmission vectorielle a été démontrée par les études faites lors du foyer de Diawara.

Questions soulevées lors de l'atelier

En plus des débats sur la surveillance épidémiologique et les moyens de lutte contre la FVR, de nombreux autres sujets ont été abordés.

Les schémas épidémiologiques proposés pour l'Afrique de l'Est ne semblent pas convenir parfaitement et les outils utilisés dans cette partie du continent (télédétection et images satellitaires, suivi de la végétation, etc.) demandent à être adaptés à la situation en Afrique de l'Ouest.

Par exemple, se pose la question du maintien de la maladie en l'absence d'un réservoir sauvage identifié. La transmission transovarienne chez les Aedes est-elle suffisante pour assurer la pérennité de la FVR au cours des silences interépizootiques? Ou existe-t-il un autre réservoir (rongeur)?

De même, il convient de s'interroger sur les facteurs d'apparition d'une épizootie/épidémie. En effet, en règle générale, le virus apparaît de façon ponctuelle et n'a qu'une circulation limitée. Les situations épizootiques restent un phénomène relativement rare et difficile à prédire. Toutefois, quelques éléments de réponse sont disponibles. D'une part, le rôle des aménagements hydro-agricoles a été démontré lors des deux grandes épizooties d'Egypte et de Mauritanie et, d'autre part, une relation est apparue entre la circulation du virus et des années à forte pluviométrie faisant suite a des années relativement sèches.

Des tentatives de modélisation sont en cours (projet EMERCASE) qui pourront s'appuyer sur les troupeaux sentinelles et d'autres sources d'information (climatologie, notamment).

La lutte contre la FVR a été abordée pour en souligner les limites actuelles:

Il existe des problèmes de diagnostic et d'échange de réactifs.

En effet, la FVR présente une large gamme d'animaux sensibles et les tests disponibles ne concernent que les petits ruminants. Pour améliorer la qualité des diagnostics, il conviendrait de préparer des réactifs (conjugués spécifiques pour les dromadaires et éventuellement certaines espèces sauvages).

La recherche devrait pouvoir répondre en partie à ces questions.

Toutefois, tant que les connaissances sur la FVR ne permettent pas de "prédire" l'apparition de foyers, et tant qu'un vaccin efficace et sans danger n'est pas disponible, il convient de considérer la FVR comme une maladie potentiellement dangereuse pour l'homme et l'animal et de maintenir le suivi de troupeaux sentinelles.

Couverture médiatique

L'intérêt que les autorités et les populations portent à la FVR dans la sous-région a été démontré par la large couverture médiatique dont l'atelier a été l'objet. Dans les journaux tant sénégalais que maliens et à la radio, ses travaux ont été largement présentés au public.

Recommandations

Aux autorités nationales des pays de la région

Recommandation 1

L'atelier recommande aux autorités des trois pays de la sous-région et aux ministères chargés de la santé publique et de la santé animale, d'inclure la fièvre de la vallée du Rift dans la liste des maladies prioritaires et de maintenir, voire de renforcer, les systèmes nationaux de surveillance de la maladie.

Recommandation 2

L'atelier recommande une approche intégrée pour les programmes nationaux et régionaux de surveillance de la FVR chez l'homme et l'animal.

Recommandation 3

L'atelier recommande aux autorités des trois pays de la sous-région de créer d'un Comité national de lutte contre la fièvre de la vallée du Rift et les autres zoonoses. Ce comité technique et pluridisciplinaire aura pour mission de coordonner toutes les activités ayant trait à la fièvre de la vallée du Rift, à savoir:

Recommandation 4

L'atelier recommande aux autorités des trois pays de la sous-région de rédiger un plan d'intervention d'urgence qui:

Recommandation 5

L'atelier recommande aux autorités des trois pays de la sous-région de réaliser ou de faire réaliser des études d'impact avant le démarrage de tout projet d'aménagement hydro-agricole, en insistant sur les conséquences de ces aménagements sur la santé humaine et animale.

Aux bailleurs de fonds

Recommandation 6

L'atelier recommande aux bailleurs de fonds de considérer favorablement toute demande de financement nécessaire à la production d'un vaccin, atténué et sans effet secondaire, contre la fièvre de la vallée du Rift (la souche R566 semble être un excellent candidat). Ces financements devront couvrir, entre autres, les frais de recherche complémentaires et de mise au point des procédures de production, les essais en station et sur le terrain, la construction d'une animalerie régionale haute sécurité, les équipements de laboratoire spécifiques et la formation des personnels.

Au PACE

Recommandation 7

L'atelier recommande au programme PACE d'assurer, dans un premier temps, la coordination régionale et la diffusion de l'information au niveau des trois pays de la sous-région et, dans un deuxième temps, d'étudier les modalités de transfert de cette coordination à une organisation régionale permanente. Le programme devra aussi envisager l'élargissement aux autres pays de la région de la surveillance épidémiologique de la fièvre de la vallée du Rift.

Aux organisations internationales

Recommandation 8

L'atelier recommande que l'OMS, l'OIE et la FAO appuient toute initiative d'intégration des programmes de surveillance de la FVR chez l'homme et chez l'animal au niveau national, régional et international.

Recommandation 9

L'atelier recommande à l'OMS de contribuer à la mise en place d'études sur les facteurs et les risques de transmission de la maladie à l'homme, en s'appuyant sur des enquêtes dans les dispensaires et des recherches dans les zones à risque.

Recommandation 10

L'atelier recommande à l'OMS, à l'OIE et à la FAO d'assurer la diffusion de tous les documents relatifs à la fièvre de la vallée du Rift afin de créer, au niveau de la sous-région, une banque de données actualisée et facile à consulter.

Aux instituts de recherche et aux laboratoires de diagnostic

Recommandation 11

L'atelier recommande aux instituts de recherche et aux laboratoires de diagnostic d'accroître leur collaboration afin de permettre la circulation des souches virales (études phylogénétiques), des sérums, etc., dans le but d'améliorer les connaissances sur l'épidémiologie de la maladie.

Recommandation 12

L'atelier recommande aux instituts de recherche et aux laboratoires de diagnostic de mettre au point des réactifs spécifiques pour le diagnostic chez les dromadaires et les animaux sauvages, ainsi que de valider la technique du buvard pour les prélèvements.

Recommandation 13

L'atelier recommande aux instituts de recherche et aux laboratoires de diagnostic de réaliser des études sur les moyens de lutte antivectorielle et d'évaluer leur faisabilité et leur efficacité dans les pays de la sous-région. Les instituts de recherche devront aussi mener des études visant à confirmer ou à infirmer le rôle réservoir joué par certaines espèces animales sauvages.

Recommandation générale

Recommandation 14

L'atelier recommande que la formation fasse l'objet de l'attention de tous les organismes concernés par la protection de la santé humaine et animale.

Cette formation intéressera les agents de terrain, les techniciens de laboratoire, les spécialistes, notamment en entomologie, etc.

Des sessions nationales et/ou régionales seront périodiquement organisées pour les médecins, les vétérinaires et les autres spécialistes afin de maintenir un haut niveau de vigilance.

Remerciements

Tous les participants à l'atelier sur l'épidémiologie et la lutte contre la fièvre de la vallée du Rift en Afrique de l'Ouest tiennent à remercier vivement les autorités sénégalaises et la FAO pour avoir organisé cet événement et avoir facilité les échanges d'informations entre les pays de la sous-région.


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