Les pêcheries d'élevage prenant régulièrement de plus en plus d'importance, il est devenu impératif que les pisciculteurs professionnels améliorent les techniques qui leur permettent de répondre aux premières conditions fondamentales de leur activité: à savoir, la production de jeunes poissons destinés à repeupler les plans d'eau. La pisciculture est aujourd'hui à peine concevable sans la propagation en masse, artificielle ou semi-artificielle, des oeufs et alevins des espèces cultivées. Le besoin d'alevins de qualité ne cesse de croître pour empoissonner les étangs artificiels et les plans d'eau naturels. Faute de recourir aux techniques bien connues de propagation artificielle et de reproduction induite, il est évident que les rivières à truite deviendraient à peu près désertes et que le rendement des étangs à poisson ne serait, au mieux, que fort modeste. Il est d'autre part certain que les méthodes de propagation artificielle constituent le seul moyen de repeupler suffisamment en alevins de qualité, issus des reproducteurs de rivières, les eaux fermées telles qu'étangs, réservoirs et lacs.
Les techniques de reproduction artificielle ont permis de fournir en masse du jeune frai d'un grand nombre d'espèces pour l'élevage en étangs et autres plans d'eau fermés, en systèmes de pisciculture surintensive (cages, raceways, viviers, etc.). Ces techniques ont également rendu possible l'introduction de plusieurs espèces importantes dans des régions géographiques très à l'écart les unes des autres.
Bien des poissons conviendraient parfaitement pour l'élevage si seulement les problèmes que pose la propagation en masse de leurs oeufs et alevins pouvaient être résolus. Les recherches actuelles sur l'amélioration des techniques de reproduction induite sont à cet égard riches de promesses et quelques-unes des nouvelles espèces introduites dans les systèmes de pisciculture pourront se révéler très utiles pour augmenter le rendement du poisson à l'unité de surface.
Les possibilités permettant d'obtenir en quantité suffisante des oeufs et alevins de qualité à partir de la reproduction naturelle sont assez limitées. C'est pourquoi, même les espèces qui se reproduisent bien en eaux fermées sont multipliées artificiellement. Indépendamment de sa faculté de fournir des produits de qualité, la reproduction artificielle peut aussi servir à créer, par sélection et hybridation, des souches supérieures à leur ascendance. La technique de l'hypophysation a révolutionné la production de générations de qualité: elle offre de très vastes possibilités au développement des pêches intérieures en général et de l'aquaculture en particulier, là où celle-ci était considérée comme impraticable.
La reproduction artificielle assure à l'incubation et à l'éclosion des oeufs ainsi qu'à l'élevage des larves d'excellentes conditions de protection, indépendamment aussi des phénomènes météorologiques. Selon le degré de perfectionnement du système, 10 à 70 pour cent des oeufs produits peuvent donner naissance à des alevins viables, alors que le taux de survie des pontes naturelles est en général inférieur à un pour cent.
La technique de la reproduction induite rend aussi possible la production hors saison de jeune frai et d'alevins. C'est également l'outil disponible le plus commode pour améliorer les stocks de poissons d'élevage, dont on peut produire par sélection des souches à croissance rapide, résistantes aux maladies, thermiquement tolérantes et de chair savoureuse. Mieux, cette technique permet d'obtenir des croisements de sujets de la même espèce, ou des hybrides entre espèces et même entre genres, dont les qualités peuvent être mieux cultivées qu'il n'était possible avec leurs parents. Enfin, elle est très utile pour rompre la “chaîne parasitaire”, autrement dit la transmission héréditaire des parasites: les oeufs, larves, juvéniles et alevins produits par les techniques artificielles sont aisément transportables sur de grandes distances avec des risques réduits de transmission d'organismes pathogènes, ou d'exportation d'espèces indésirables.
L'approvisionnement insuffisant en oeufs et alevins de qualité constitue, pour la pisciculture, le plus grand obstacle: seule, cette pénurie entrave son développement et son extension à travers le monde. Nous espérons que le présent Manuel contribuera à remédier à cette situation.
