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Chapitre 4 RECOLTE DES SEMENCES

Introduction

Le chapitre précédent exposait les méthodes qui permettent de savoir quand récolter les semences et sur quels arbres. Le présent chapitre décrit les diverses techniques, tant manuelles que mécaniques, qui sont employées pour récolter les semences sur un arbre donné. Quoique l'expression “récolte de semences” soit d'usage courant, il faut souligner que ce sont presque invariablement les fruits qu'on récolte sur les arbres. C'est seulement à un stade ultérieur que les graines de certaines essences sont extraites et qu'on se débarrasse des fruits; chez d'autres essences, les graines ne sont pas extraites et les fruits sont semés tels quels en pépinière, avec la ou les graines qu'ils contiennent.

Il existe un grand nombre de méthodes et de pièces d'équipement permettant la récolte des fruits, et le choix dépend d'un certain nombre de facteurs qui, d'après Robbins et col. (1981), peuvent se résumer comme suit:

  1. La taille relative et le nombre des unités de dissémination naturelle et des unités qui peuvent être commodément récoltées par l'homme. S'il s'agit d'une à trois grosses graines enfermées à l'intérieur d'un fruit déhiscent ou indéhiscent (par exemple Aesculus, Tectona), il est plus indiqué d'attendre la chute naturelle des graines ou des fruits et de les ramasser sur le sol. A l'opposé, la récolte sur l'arbre des têtes fructifères d'Adina cordifolia, à raison de 200 par kg, est la seule façon practicable de récolter les graines; au nombre de 11 millions par kg, il serait impossible de récolter ces dernières après dissémination (Campbell, 1980).

  2. Les caractéristiques des fruits: grosseur, nombre, position et répartition; résistance des pédoncules au secouement, à la traction, à la rupture ou au sectionnement; intervalle entre maturité et ouverture.

  3. Les caractéristiques des arbres: diamètre, forme et longueur du tronc, épaisseur de l'écorce; forme de la cime; grosseur, angle, densité et résistance à la rupture des branches; densité du feuillage et hauteur de la cime.

  4. Les caractéristiques du peuplement: répartition des arbres et proportion de surface occupée (par exemple arbres isolés, peuplement clair ou dense); densité du sous-étage et de la végétation au niveau du sol).

  5. Les caractéristiques du site: déclivité, accessibilité.

Les diverses méthodes de récolte se répartissent de la façon suivante:
(a) ramassage des graines ou des fruits tombés sur le tapis forestier; (b) récolte sur les cimes des arbres abattus; (c) récolte sur les arbres sur pied depuis le sol; (d) récolte sur les arbres sur pied après escalade; et (e) récolte sur les arbres sur pied par d'autres moyens d'accès.

Ramassage des graines ou des fruits tombés sur le tapis forestier

Chute naturelle des graines

Le ramassage sur le tapis forestier des fruits qui sont tombés après maturation naturelle et abcission est une pratique courante dans le cas des genres à gros fruits. Elle est bon marché et ne nécessite pas de personnel hautement qualifié, comme l'escalade, par exemple; des écoliers ou une main-d'oeuvre temporaire font très bien l'affaire. La grosseur des fruits est primordiale, car plus le fruit est gros, plus il est facile à repérer et à ramasser. Parmi les genres des régions tempérées dont les fruits sont généralement ramassés sur le sol, citons Quercus, Fagus et Castanea; et parmi les genres des régions tropicales, Tectona, Gmelina, Triplochiton et plusieurs genres de diptérocarpacées.

Parmi les principaux inconvénients du ramassage des fruits tombés naturellement figurent le risque de ramasser des graines pas encore mûres, vides ou gâtées, la possibilité d'une détérioration ou d'une germination prématurée des graines en cas de récolte trop tardive et l'identification incertaine des arbres mères. Les premiers fruits qui tombent naturellement contiennent souvent des graines de mauvaise qualité (Morandini, 1962; Aldhous, 1972). En Thaïlande, la chute des fruits de tecks commence en mars, mais les observations ont montré que les fruits les plus viables étaient ceux qui tombaient les derniers; c'est pourquoi la récolte est habituellement retardée jusqu'en avril (Hedegart, 1975). Le ramassage peut être considérablement facilité par l'enlèvement de la végétation et des débris qui encombrent le tapis forestier, y compris les fruits gâtés ou tombés prématurément, ou par l'étalement sur le sol de morceaux de toile légère, de calicot ou de plastique permettant de récupérer les graines (Turnbull, 1975b). Cette opération, si elle est réglée avec soin, permet en outre de ramasser le moins possible de graines vides ou non viables. Une fois les fruits sains tombés, il convient de les ramasser le plus vite possible, afin de les mettre à l'abri des insectes, des rongeurs et des champignons et d'empêcher leur germination prématurée. Cela est de la plus haute importance dans les forêts tropicales humides. D'après les observations, beaucoup de graines des principales diptérocarpacées perdent leur viabilité quelques jours après leur chute. De plus, des études menées en Malaisie sur Shorea platyclados ont démontré que les lots de semences ramassées à terre contenaient beaucoup plus de graines défectueuses que les lots de semences récoltées sur des arbres sur pied (Tang, 1971). Le ramassage à terre doit donc être parfaitement synchronisé avec la chute des graines.

Dans la région de Jari, en Amazonie brésilienne, Woessner et McNabb (1979) ont constaté que, dans le cadre d'opérations de récolte d'environ 10 tonnes de semences par an, le ramassage à terre de fruits verts ou jaunes de Gmelina arborea donnait les meilleurs résultats. Ces fruits pouvaient être placés temporairement dans des sacs pendant le transport du site de récolte au dépôt de traitement des fruits, sans perte sérieuse de viabilité. Par contre, les fruits bruns ou noirs, plus vieux, fermentaient et chauffaient dans les sacs et perdaient rapidement leur viabilité. Les équipes de récolte ont ainsi reçu l'instruction de ramasser uniquement des fruits frais verts ou jaunes. Chaque homme, en une journée de travail de 8 heures, peut ramasser 50 kg de fruits, qui procurent environ 3 kg de noyaux séchés. Des résultats semblables ont été obtenus en Malaisie, où plus de 90 pour cent des fruits verts et jaunes ramassés sur le sol ont germé, contre 53 pour cent dans le cas des fruits bruns (Mohammad et Ibrahim, 1980).

Les graines à tégument dur de certaines essences peuvent conserver leur viabilité sur le tapis forestier pendant des années, notamment dans les régions tempérées. En Hongrie, dans le district forestier de Pusztavacs, on ramasse des graines de Robinia pseudoacacia tombées à terre dans un peuplement vieux de 30 ans (Keresztesi, 1979). Une machine spéciale passe au crible les 10 cm supérieurs du sol et récupère environ 770 kg de semences par hectare, ce qui équivaut approximativement à dix années de production. Même sous les tropiques, il est possible de récupérer des graines à tégument dur viables en passant au crible le sol situé sous les arbres mères. On a procédé ainsi en Malaisie pour Parkia javanica et Intsia palembanica, dont les graines sont assez grosses pour être ramassées à la main. Lorsque les graines sont plus petites, comme chez Albizzia falcataria, l'emploi d'un tamis métallique est préférable (Ng, 1983).

Lorsque les fruits sont ramassés sur le sol, l'identité de l'arbre mère est souvent incertaine. Si les arbres isolés ne présentent, de ce point de vue, aucun problème (bien qu'ils puissent être des parents indésirables en raison du risque d'autofécondation), les fruits des monocultures denses avec cimes entremêlées sont fortement mélangés. Cela n'a pas grande conséquence lorsque les semences sont récoltées en quantités industrielles, dans la mesure où le peuplement a une qualité génétique moyenne ou supérieure à la moyenne. Si les semences sont destinées à la recherche et à la sélection, il est souvent nécessaire de conserver l'identité de l'arbre mère de chaque lot de semences. En ce cas, il est préférable de débarrasser le sol des fruits déjà tombés et d'accélérer la chute des autres fruits par secouement, battage ou coupe des branches, ou encore de grimper sur l'arbre et de cueillir les fruits dans la cime (Hedegart, 1975). Une solution de compromis, appropriée aux récoltes commerciales effectuées dans des peuplements non améliorés constitués d'un mélange d'arbres de phénotype variable, consiste à ne récolter les fruits que sous les meilleurs porte-graines dans un rayon égal à la moitié du rayon de la projection de leurs cimes.

Secouement manuel

Si les fruits se détachent facilement mais que leur chute naturelle soit trop échelonnée dans le temps, on peut la provoquer par des moyens artificiels. Les troncs des petits arbres et les branches basses peuvent être secouées directement à la main. Quant aux branches hautes, il est possible de les secouer avec une longue perche munie d'un crochet ou à l'aide d'une corde. Cette technique a donné de bons résultats dans le cas de Cordia alliodora et du genre Cedrela, car elle permet une récolte rapide de semences généralement viables dès qu'on se rend compte de visu que les fruits sont mûrs (Stead, 1979; Robbins et col., 1981).

L'emploi d'une corde suppose que l'on passe au préalable la corde par-dessus la branche à secouer, selon une technique décrite par Robbins et col. (1981). C'est d'ailleurs la même méthode qui sert à hisser une scie ou une poulie dans la cime. Un fil fin est attaché à un poids qu'on lance par-dessus la branche à la main ou au moyen d'un lance-pierre. Si la branche est très haute, on peut attacher le fil à une flèche, qu'on lance avec un arc, ou à une tige de fer qu'on propulse à l'aide d'une carabine de calibre 22. Un fil léger en nylon tel qu'une ligne de pêche de 50 lbs (23 kg) de tension de rupture convient parfaitement. Quant au poids ou au projectile utilisé, il doit être suffisamment lourd pour retomber sur le sol en entraînant à sa suite le fil par-dessus la branche. Il faut veiller à ce que le fil puisse se dérouler sans s'emmêler, par exemple en utilisant un moulinet adéquat. Une fois que l'extrémité du fil a atteint le sol, on peut détacher le poids ou la flèche et attacher à la place une corde de nylon de 3 à 4 mm; on ramène alors le fil, qui entraîne la corde à sa suite par-dessus la branche. Il suffit ensuite de tirer ensemble les deux bouts de la boucle ainsi formée pour secouer la branche. L'effet de secouement est maximal lorsque la corde est placée vers l'extrémité de la branche, et non pas près du tronc, où la branche est trop grosse.

En Nouvelle-Zélande, on a déjà utilisé un arc en fibre de verre nécessitant une traction de 30 kg et tirant des flèches de 40 g longues de 0,8 à 0,9 m pour lancer un fil de 5,5 kg de tension de rupture par-dessus une branche (Sweney et Jones, 1975). Ce fil sert à hisser successivement une corde de 20 kg, puis une corde de 180 kg équipée d'une poulie. Au Canada, on a employé avec succès un fusil de calibre 45 projetant une tige d'acier d'un poids de 270 g et un fusil de calibre 22 lançant un cylindre de 230 à 300 g et de 2 pouces et demi de diamètre jusqu'à des hauteurs de 20 à 50 m. Les fusils étaient chargés à blanc. Le fil attaché au projectile était une ligne de pêche monofilament de 32 kg, qui permettait de hisser une corde en plastique de 320 kg, munie d'un dispositif permettant de casser ou de couper la branche (Collis et Harris, 1973).

Secouement mécanique

Les secoueurs d'arbres mécaniques, à l'origine employés dans les vergers à fruits et à noix, sont utilisés depuis 1965 environ dans certains peuplements d'arbres forestiers, et notamment de pins méridionaux aux Etats-Unis (Turnbull, 1975b). Ces engins coûteux ne fonctionnent efficacement que sur sol plat et nécessitent des opérateurs expérimentés pour éviter tout endommagement excessif des arbres. Quelques secondes de secouement suffisent à faire tomber de nombreux cônes, mais un secouement prolongé provoque le bris d'une partie de la cime et des grosses branches (Stein et col., 1974). Les secoueurs d'arbres ne sont d'aucune utilité pour les récoltes en forêt naturelle, mais continueront probablement à être employés dans les vergers à graines ou les peuplements semenciers d'un nombre limité d'essences bénéficiant d'une gestion intensive.

Le secoueur d'arbres “American Shock Wave” est monté sur un châssis de camion a empattement court, équipé d'une boîte automatique. Il comporte un dispositif de serrage rembourré monté à l'extrémité d'un bras de 6 m, permettant de serrer le tronc d'un arbre de 90 cm de diamètre. Les secousses sont produites par la contrerotation de poids non équilibrés dans le secoueur, selon une fréquence variant de 400 à 4 000 cycles par minute (Kmecza, 1970).

L'arbre est généralement saisi environ 3 m au-dessus du sol. Un secouement de 15 secondes suffit à détacher environ 80 pour cent des cônes de P. elliottii; P. taeda et P. echinata soulèvent toutefois plus de difficultés et un bon opérateur ne peut souvent faire tomber que 25 à 30 pour cent des cônes après secouement prolongé. En effet, une force de quelque 2 kg suffit à détacher les cônes mûrs de P. elliottii, alors qu'il faut une force de 20 kg ou plus pour détacher ceux de P. taeda (McLemore, 1974). McLemore (1973) rapporte aussi qu'on a essayé en vain de réduire l'intensité de la force nécessaire pour détacher les cônes de cette dernière essence en utilisant des produits chimiques provoquant l'abscission. Le secouement répété des arbres les plus réfractaires peut entraîner la rupture de l'écorce et le bris de la pousse principale (Kmecza, 1970).

Avec cinq secoueurs mécaniques, la Louisiana Forestry Commission a récolté les cônes de 34 680 P. elliottii en vingt jours. Les trois quarts des arbres libéraient 85 pour cent de leurs cônes à la suite d'un secouement de 6 à 30 secondes. Le rendement obtenu en une heure était supérieur à celui d'un grimpeur en une semaine (Chappell, 1968). Les résultats rapportés par McLemore et Chappell (1973) ont montré que le secouement mécanique de Pinus elliottii par des opérateurs expérimentés ne nuisait en rien à la production ultérieure de cônes et à la croissance ou à la vigueur des arbres au cours des quatre années suivantes.

Les secoueurs d'arbres sont maintenant largement répandus dans le sud-est des Etats-Unis, où ils servent à récolter les semences dans les vergers à graines peuplés de pins. Dans le cas des essences dont les cônes mûrs se détachent facilement, comme P. elliottii ou P. palustris, les arbres sont secoués entre le moment où les cônes parviennent à maturité et celui où ils s'ouvrent; on ramasse ensuite les cônes et les graines qu'ils contiennent sur le sol. En ce qui concerne les essences à cônes persistants, telles que P. taeda ou P. echinata, le secouement est retardé jusqu'à ce que les cônes soient ouverts et que les graines qu'ils contiennent puissent tomber à terre. Les graines sont ensuite ramassées au moyen du système de récupération au filet, décrit à la page 65.

En U.R.S.S., il semble que le vibrateur VUS-2 utilisé pour la récolte des semences de Pinus sibirica a un rendement 10 à 20 fois supérieur à celui des techniques manuelles (Uland, 1971). Une expérience plus récente, réalisée avec une machine à secouer les arbres mise au point en Asie centrale soviétique, a montré qu'il était possible de récolter 90 à 100 pour cent des fruits de Juglans, de Malus, de Prunus, de Fraxinus et de Gleditsia sans endommager sérieusement les troncs. La machine en question est un vibrateur à benne preneuse monté sur un bras à commande hydraulique relié à l'attelage trois points d'un tracteur. La durée optimale de secouement est de 10 à 25 secondes et la fréquence de vibration optimale, de 1 000 cycles par minute pour la plupart des essences (Kiktev et col., 1977). Les vibrateurs italiens CECMA, mis au point à l'origine pour la récolte des olives, ont également été utilisés avec succès pour la récolte des cônes de pins méditerranéens.

Récupération des graines après dissémination

Quoique le ramassage à terre concerne le plus souvent les fruits, il est aussi employé pour récupérer des graines disséminées à la suite de l'ouverture des cônes ou des fruits. Les graines des pins méridionaux des Etats-Unis, tels que Pinus elliottii et Pinus taeda, sont disséminées très peu de temps après être parvenues à maturité, et l'on a expérimenté plusieurs méthodes permettant de récupérer les graines perdues après dissémination. Outre l'emploi déjà mentionné de toiles étalées sur le sol, ces méthodes incluent la pose de filets en polypropylène autour des cimes, l'emploi de bâtis en bois en forme d'entonnoir recouverts de tissu ou de polyéthylène et fixés à un moyeu central entourant le tronc ainsi que la mise en place au-dessus du sol de toiles ou de filets disposés sur des perches. Les expériences réalisées jusqu'ici ne sont guère concluantes, puisque ces méthodes ont rarement permis de récolter plus de 50 pour cent de la production semencière disponible (Turnbull, 1975b). Si les graines se trouvent en majorité à la périphérie de la cime, beaucoup tombent hors de portée des systèmes de récupération. Si les toiles ou les filets doivent rester en place pendant une période prolongée correspondant à la phase de chute naturelle des graines, ils risquent d'être endommagés par les intempéries; en outre, une partie des graines seront mangées par les oiseaux et les animaux.

4.1 A-B-C

4.1 D-E-F

4.1 Technique de la ligne avancée. (A) à (C) illustrent les différentes étapes conduisant du lancer de la ligne avancée à la mise en place de la corde de travail. (D) à (F) illustrent les divers usages possibles de la corde de travail: (D) installation d'un palan pour hisser un homme dans la cime; (E) secouement des branches; (F) sciage des branches à l'aide d'une scie flexible (A.M.J. Robbins).


4.2

4.2 Secoueur d'arbres Schaumann. C'est là une des marques des divers secoueurs actuellement sur le marché (H.C. Schaumann).


4.34.4
4.3 Entonnoir servant à recueillir les graines d'Acacia aneura près de Charleville, Queensland, Australie (FAO/Division of Forest Research, CSIRO, Canberra).
4.4 Machine de récupération par filet, Stuart Seed Orchard, Pollock, Louisiane, Etats-Unis (USDA Forest Service).

Plus récemment, un système de récupération par filet destiné aux vergers à graines du sud des Etats-Unis a été mis au point conjointement par la Georgia Forestry Commission et le Missoula Equipment Development Center. Il s'avère très prometteur (McConnell, 1982) et tend de plus en plus à remplacer les récolteuses par aspiration dans les vergers de P. taeda. Le filet utilisé est un tissu en polypropylène servant à la fabrication des tapis. Il est léger, résistant et disponible en de nombreuses dimensions. Pour Pinus taeda, on utilise un filet large de 5 m, avec un compte d'armure d'environ 2 × 3 par cm2 (Anon., 1982; Edwards et McConnell, 1983). Manipulé avec soin, ce filet peut durer plus de dix ans. On le pose dans le verger plusieurs semaines avant la chute des graines et l'on secoue les arbres au moyen d'un secoueur afin de déloger les graines des cônes. La prise de force d'un tracteur à roues fournit l'énergie (moins de 30 chevaux-vapeur) nécessaire (a) à l'enroulement mécanique du filet sur un rouleau et (b) à la séparation mécanique des graines du reste des brindilles, des feuilles et des cônes qui sont aussi tombés sur le sol par suite du secouement. Avant de commencer à enrouler le filet, il faut veiller à le débarrasser des brins d'herbe qui ont pu se glisser dans ses mailles.

Le ramassage des fruits tombés à terre s'effectue d'ordinaire à la main, mais peut être facilité par l'emploi d'un simple outil à manche, tel qu'un râteau à long manche muni de têtes interchangeables comportant un nombre différent de dents diversement espacées. On a essayé de mettre au point des méthodes de balayage mécanique ou par aspiration des graines ou des fruits. On a aussi fait des essais avec une récolteuse mécanique exerçant un effet de balayage par l'intermédiaire d'un tambour rotatif muni d'une multitude de doigts en caoutchouc, qui ramassent les graines en laissant les débris étrangers. Les machines de ce type sont utilisées au mieux avec un secoueur d'arbres, qui est en mesure de faire tomber à terre une quantité substantielle de graines avant chaque opération de balayage.

Mineau (1973) a décrit l'emploi couronné de succès en France d'un aspirateur actionné par compression à partir d'un moteur de tracteur pour le ramassage des faînes de Fagus. La machine est d'un faible encombrement et pèse 450 kg. Par ailleurs, un aspirateur à graines hollandais a été utilisé avec succès pour récolter les glands de Quercus; aux Pays-Bas, cette méthode est apparemment moins onéreuse que la cueillette à la main ou l'emploi d'un secoueur d'arbres et de bâches (Arts et Kofman, 1980).

Aux Etats-Unis, Hallman (1981) a récapitulé les avantages de l'aspiration. Selon lui, cette technique:

  1. porte la durée de la période de récolte de deux semaines environ à deux mois;
  2. rend superflu l'emploi d'échelles et de dispositifs élévateurs, permettant ainsi, puisqu'aucune escalade n'est requise, de laisser les arbres des vergers se développer en hauteur, ce qui contribue à prolonger leur vie utile;
  3. réduit les frais de récolte en comparaison de la cueillette à la main.

Elle présente par contre les inconvénients suivants:

  1. Pour que la machine puisse fonctionner efficacement, il faut que le sol du verger soit parfaitement préparé.
  2. La récolteuse est bruyante et dégage de grandes quantités de poussière.
  3. Elle ne fonctionne pas bien quand le sol est humide.
  4. La récolteuse a connu un certain nombre de problèmes mécaniques qui ont été en grande partie réglés. Des modifications mineures sont cependant encore nécessaires.

Actuellement, on considère que la récolteuse par aspiration présente plus d'inconvénients que d'avantages, et l'on utilise de préférence le système de récupération par filet décrit à la page 65 pour récolter les semences de P. taeda dans les vergers à graines du sud des Etats-Unis.

Etant donné le coût en capital de ce type de matériel et la nécessité de préparer parfaitement le sol des vergers à graines pour assurer son bon fonctionnement, il est peu probable que son usage se généralise dans les pays en développement, d'autant plus que le contexte social favorise souvent l'emploi de méthodes manuelles nécessitant une main-d'oeuvre abondante pour lutter contre le chômage.

Caches des animaux

Certains animaux ramassent les cônes ou les fruits afin de constituer des réserves de nourriture, et il est possible de puiser dans ces caches pour y récupérer des graines, quoique cette source de semences soit confinée dans des espaces restreints. Les caches des écureuils constituent une source importante de graines de conifères dans la partie occidentale de l'Amérique du Nord. Ces animaux ont d'ordinaire coutume d'utiliser année après année des caches situées aux mêmes endroits. Généralement, ces caches se trouvent dans des endroits humides orientés au nord et situés non loin de sources, de petits ruisseaux ou de marécages, et notamment dans le bois pourri et l'humus ou autour des vieux arbres tombés. S'il arrive qu'une cache ne contienne que quelques graines, certaines en contiennent plusieurs boisseaux. La présence de cônes frais sur le sol est un signe d'activité des écureuils; des tas d'écailles et de coeurs de cônes peuvent être l'indice d'une cache proche (Stein et col., 1974; Dobbs et col., 1976). Il faut toutefois faire preuve de prudence lorsqu'on récupère des graines ou des cônes dans des caches, car les risques d'infestation fongique peuvent compromettre leur faculté germinative (Sutherland, 1979).

Les fourmis amassent aussi parfois des graines; on a ainsi observé, en Afrique du Nord, de gros tas de graines d'Acacia accumulées par ces insectes (Turnbull, 1975b). Il convient de s'assurer du bon état des graines récupérées dans les caches de rongeurs ou d'insectes en les soumettant à des essais d'incision ou autres.

Récolte sur les cimes d'arbres abattus

Une façon de récolter de grandes quantités de semences consiste à synchroniser cette récolte avec l'abattage commercial normal entrepris pendant la période de maturation des graines et à cueillir les graines ou les fruits sur les arbres abattus (Morandini, 1962). Si l'on a l'intention de récolter les fruits sur tous les arbres abattus, il vaut mieux, pour des raisons de sécurité, retarder la cueillette jusqu'à ce que l'abattage dans la zone concernée soit terminé (Douglass, 1969). Si l'on attache plus d'importance à la qualité phénotypique des arbres mères qu'à la quantité de semences récoltées, il est préférable de choisir, de marquer et, si possible, d'abattre les arbres mères de qualité supérieure, puis d'en récupérer les fruits, avant de procéder à l'abattage principal. Dans les plantations néo-zélandaises de Pinus radiata où l'on doit pratiquer une coupe à blanc, on emploie parfois la méthode suivante: après qu'un spécialiste a choisi et marqué les 8 à 13 meilleurs arbres par hectare, l'équipe de récolteurs de semences les abat, les émondent et récoltent les cônes, de manière à ne gêner en rien l'abattage ultérieur du reste des arbres (Turnbull, 1975b). Il faut éviter de récolter les fruits provenant d'éclaircies précoces, car il est difficile d'évaluer correctement la qualité phénotypique à ce stade. Il est recommandé de procéder à l'abattage de sorte que les cimes tombent dans les dépressions du terrain, ce qui facilite grandement la récupération des cônes (Dobbs et col., 1976). Il est indispensable de limiter la récolte à la période de maturité des graines. Il est possible de faire coïncider la campagne d'abattage avec cette période de maturité partout où les mêmes personnes sont responsables à la fois des opérations d'abattage et de récolte; c'est ainsi le cas des services forestiers nationaux opérant dans les forêts d'Etats. La cueillette à la main, en s'aidant de râteaux, de crochets ou de machettes, des cônes ou des fruits sur les cimes des arbres abattus est pratique courante. La récolte des petits cônes en touffes, tels que ceux de Thuja ou de Tsuga, peut s'effectuer en coupant les bouts des branches portant des cônes et en les faisant passer dans un arracheur de cônes (Douglass, 1969). Cette machine comporte une série de dents, semblables à celles d'un râteau, dont l'écartement est réglé de sorte qu'elles puissent arracher les cônes.

En pratique, la récolte dans les zones de coupe à blanc s'est avérée un peu moins coûteuse que la récolte sur des arbres sur pied par une équipe de grimpeurs bien entraînés, au moins pour ce qui est des conifères des régions tempérées de l'hémisphère nord (Dobbs et col., 1976; Barner, 1981). L'enchevêtrement des cimes et des troncs abattus et la dissémination d'une partie des cônes pendant l'abattage réduisent considérablement la productivité. Lorsque les opérations sont rondement menées et étroitement surveillées, la méthode la plus efficace peut consister à récolter après ébranchage et enlèvement des troncs, mais avant empilage et embrasement des émondes.

Il est parfois nécessaire d'abattre des arbres spécialement sélectionnés pour la récolte de semences dans des zones où les coupes commerciales ne sont pas pratiquées, par exemple lorsqu'on a besoin de quantités relativement petites de semences prélevées sur quelques arbres en vue d'essais de provenance ou d'autres travaux de recherche. Il faut éviter, dans la mesure du possible, d'avoir recours à ces coupes spéciales, car elles entraînent un gaspillage des troncs et une perte des arbres en tant que sources de semences futures; elles sont cependant parfois inévitables, lorsque les essences des futaies tropicales sont très difficiles à escalader ou que l'expédition de récolte des semences est pressée par le temps. L'abattage des arbres hauts mais non étayés prend d'ordinaire un peu moins de temps que leur escalade.

La récolte des fruits sur des arbres abattus par le vent est généralement déconseillée, car il n'est guère possible d'opérer une sélection et l'on risque d'introduire un biais en faveur des arbres génétiquement prédisposés à l'endommagement par le vent (Turnbull, 1975b).

Récolte sur des arbres sur pied depuis le sol

A la main

Les fruits des arbustes ou des arbres à branches basses peuvent être cueillis directement sur la branche par le récolteur au sol (Morandini, 1962). Parmi ces essences figurent les genres Crataegus, Sorbus et Ilex dans les régions tempérées (Aldhous, 1972), les petits acacias et les eucalyptus en Australie (Turnbull, 1975b) ainsi que de nombreuses essences de petite taille résistant à la sécheresse des zones aride et semi-aride. Les petits fruits sont d'ordinaire recueillis directement dans un panier, un sac, un seau ou un quelconque récipient tenu ou porté par le cueilleur (Stein et col., 1974).

Coupe, cassage et sciage

Il existe un grand nombre d'outils à long manche qui permettent au récolteur d'atteindre depuis le sol les fruits portés par les branches hors d'atteinte. Une perche munie d'un crochet peut servir à faire ployer les branches. On utilise des râteaux, des scies, des ciseaux, des crochets ou des sécateurs montés sur un long manche pour détacher les fruits ou couper les petites branches fructifères. Les manches légers et rigides, en bambou, en aluminium ou en plastique, mesurent généralement 4 à 6 m de long. Pour atteindre des fruits situés au-delà de 6 à 8 m (intervalle pour lequel il existe encore des perches d'un seul tenant), on a mis au point des perches à sections multiples télescopiques, munies d'une cisaille à leur extrémité (Turnbull, 1975b). D'après Robbins et col. (1981), les fruits ou les cônes portés par les plus basses branches de certaines essences contiennent souvent peu de graines en raison de l'insuffisance de la pollinisation à ce niveau, et il est par conséquent préférable de récolter les fruits à partir, au moins, de la moitié de la hauteur de l'arbre. La possibilité d'employer efficacement des outils à long manche depuis le sol dépend pour beaucoup de la forme et de la densité de la cime des arbres semenciers.

Une corde lancée par-dessus une branche fructifère selon la méthode décrite précédemment peut servir à briser cette branche plutôt qu'à la secouer. Il faut alors employer une corde plus grosse. Il vaut mieux n'avoir recours à cette méthode qu'à titre exceptionnel. Elle endommage les arbres, favorise l'action des insectes et la propagation des maladies et, dans le cas des pins et d'autres essences dont les graines mettent deux ans à parvenir à maturité, détruit la production semencière de l'année suivante en permettant de récolter celle de l'année en cours.

Plusieurs sortes de scies flexibles ont été employées avec succès pour couper des branches depuis le sol. Un modèle, décrit par Anon. (1979), consiste en un câble de coupe articulé d'environ 1 m de long, comportant des dents en acier au carbone ajustées avec précision, et en deux cordes de manoeuvre en polypropylène d'environ 10 m de long. Un poids de sécurité rempli de sable permet de lancer une des cordes de manoeuvre par-dessus la branche. Un modèle plus ancien dont la fabrication a été interrompue, la scie “commando”, servait à couper avec efficacité les branches d'eucalyptus en Australie (Boden, 1972). A l'aide de cet outil, deux personnes parvenaient à scier rapidement et aisément des branches d'un diamètre pouvant atteindre 20 cm.

4.5A4.5B

4.5 Utilisation d'une récolteuse de graines par aspiration pour la récolte des glands aux Pays-Bas. (A) récolte depuis le sol; (B) déchargement des glands dans un sac (R.B.L. De Dorschkamp, Wageningen).


4.6

4.6 Matériel de récolte de graines d'Acacia utilisé en Australie. De haut en bas et de gauche à droite: presse pour spécimens botaniques et étiquettes, petit sac contenant des semences propres, grand sac de récolte, toile de récolte de 2 × 2 m, scie flexible, gants de cuir, scie à archet, sécateur, tamis fin avec bac récepteur, grand tamis, corde à lancer avec poids (FAO/Division of Forest Research, CSIRO, Canberra).


4.7

4.7 Scies, sécateurs, râteaux et autres outils à main utilisés pour la récolte des fruits (A.M.J. Robbins).

Cette méthode n'est pas applicable aux arbres dont les branches font un angle aigu avec le tronc, comme chez E. tereticornis. Elle nécessite en outre une grande habileté pour le lancement de la corde par-dessus la branche désirée.

Il est aussi possible d'utiliser des scies rigides pour couper les branches. Sweney et Jones (1975) décrivent une méthode employée en Nouvelle-Zélande, qui consiste à attacher, par des étriers de fixation, une scie de jardinier ou une scie à archet à une corde de 180 kg passant dans une poulie hissée au préalable dans la cime. La scie de jardinier sert à couper les petites branches d'un diamètre inférieur à 2 cm, alors que la scie à archet permet de couper une branche d'un diamètre de 10 cm en 5 minutes.

Emploi de la carabine

Une autre façon de couper les branches fructifères consiste à les abattre avec une carabine de gros calibre. Cette méthode a été employée avec succès pour abattre les cimes de Picea glauca dans les régions de production semencière du nord-est des Etats-Unis (Slayton, 1969). Il s'est avéré que l'écimage était une méthode moins onéreuse que l'escalade des arbres et que la brièveté de son exécution permettait en outre de récolter les cônes au stade le plus propice de leur développement. Plus récemment, l'abattage à la carabine de branches ou de cimes depuis un hélicoptère a donné des résultats prometteurs au Canada.

En Australie, des carabines de calibre 222, 243 ou 308 munies de lunettes de visée ×4 ont servi à récolter des petits échantillons de semences d'eucalyptus et d'Araucaria sur de grands arbres (Green et Williams, 1969; Boland et col., 1980). Cette méthode permet d'abattre des branches d'un diamètre pouvant atteindre 15 cm. Si l'on dispose d'une carabine de calibre 308, il vaut mieux utiliser des munitions “à pointe molle”, plus efficaces que les balles “à tête creuse”.

Un inconvénient de la récolte à la carabine est qu'elle exige des mesures très strictes de sécurité. Il est interdit de se servir d'une carabine en certains endroits, par exemple à proximité des routes ou des agglomérations. Par ailleurs, cette technique peut endommager considérablement les cimes de certaines essences, telles que Picea et Araucaria.

Pour abattre des branches, il est généralement nécessaire de fixer la carabine sur un trépied ou d'appuyer le fût contre un arbre ou le côté d'un véhicule (Turnbull, 1975e). Il faut une ligne de visée claire, ce qui peut être un facteur limitant dans les forêts denses. Il est recommandé de tirer perpendiculairement à la branche et de commencer par couper l'écorce du dessous afin que la branche ne reste pas accrochée. On continue en coupant l'écorce du dessus, puis en tirant à intervalles réguliers dans la branche. Il importe de choisir des branches ne risquant pas de rencontrer des obstacles avant le sol. Les branches horizontales se détachent plus aisément que les branches montantes. Les tirs doivent être effectués de manière à tirer parti de l'effet de levier de la branche. La méthode convient particulièrement bien à la récolte de quantités restreintes de graines sur des branches ou des cimes fructifères d'un accès trop difficile pour être commodément atteintes par d'autres moyens.

Récolte sur des arbres sur pied par escalade

Il existe une hauteur au-delà de laquelle il n'est plus possible de récolter des graines ou des fruits depuis le sol à l'aide d'outils à long manche. Près de cette hauteur limite, l'opération demande beaucoup de temps et d'énergie, mais produit peu de graines. C'est pourquoi l'escalade est souvent la seule méthode pratique de récolte des semences produites par de grands arbres qui ne peuvent être abattus. Certaines personnes sont d'excellents grimpeurs naturels. De plus, une bonne formation et un matériel adéquat peuvent faire de la récolte par escalade une opération efficace et sûre, quoique fatigante. Par souci de commodité, on peut décrire l'opération sous les rubriques suivantes: (a) escalade du tronc jusqu'à la cime; (b) escalade directe jusqu'à la cime; et (c) escalade et cueillette des fruits dans la cime.

Escalade du tronc jusqu'à la cime

Escalade avec le minimum de matériel. L'escalade sans assistance mécanique se pratique dans un certain nombre de pays (Hans, 1973; Bhumibhamon, 1973). Aux Philippines, certains récolteurs de semences grimpent pieds nus ou en s'aidant d'une corde qui lie les deux pieds ensemble et les pressent contre le tronc de l'arbre (Seeber et Agpaoa, 1976). A l'aide d'une hache, le grimpeur peut aussi faire une série d'encoches dans le tronc pour y poser les pieds ou planter au marteau des pointes de fer longues d'environ 20 cm qu'il récupère à la descente. Que le grimpeur utilise ou non une ceinture de sécurité, ces deux techniques sont physiquement épuisantes et endommagent les arbres. En escaladant de hauts troncs sans branches avec la seule aide des pieds et des mains, les grimpeurs courent un risque considérable qui peut les inciter à récolter de préférence les fruits des arbres où ils peuvent grimper le plus facilement, mais qui sont aussi souvent les moins désirables sur le plan sylvicole. Il est par conséquent préférable de leur fournir l'un ou l'autre des équipements d'escalade maintenant disponibles.

Les crampons, qui sont fixés aux chaussures des grimpeurs, sont légers et peu coûteux. Ils permettent de grimper de façon plus sûre et plus efficace, pour peu qu'on les emploie conjointement avec une ceinture, une courroie et un câble de sécurité, un casque protecteur en fibre de verre et d'épais gants en cuir. La légèreté des crampons (la paire pèse moins d'un kilo) fait qu'ils sont particulièrement appropriés aux récoltes effectuées dans des peuplements inaccessibles de régions dépourvues de routes, où tout le matériel doit être convoyé à dos d'homme. L'escalade à l'aide de crampons est apparemment la façon la plus efficace de grimper sur Pinus kesiya et Pinus merkusii en Thaïlande (Granhof, 1975) et sur Pinus caribaea et Pinus oocarpa au Honduras; elle est pratiquée dans de nombreux pays, en particulier lorsqu'il s'agit de grimper sur des conifères (Robbins et col., 1981).

Quoiqu'il existe différentes sortes de crampons, ils sont généralement en fer forgé et comportent un bras et une pièce de raccordement qui se termine par une pointe acérée. Le crampon doit être fixé solidement par une courroie de cuir à la chaussure et parfois à la jambe du grimpeur. La pointe peut avoir une longueur variable, mais il est préférable qu'elle ne dépasse pas de la semelle de la chaussure, afin que le grimpeur puisse marcher sur le sol sans difficulté (Morandini, 1962; Turnbull, 1975b). La longueur optimale de la pointe dépend de la nature de l'écorce. Les pointes de 5 cm permettent de grimper sur les poteaux de téléphone sans écorce et sur les arbres à écorce mince et sont recommandées pour la plupart des essences du Canada, alors que les pointes de 9 cm conviennent mieux pour l'escalade des essences à écorce tendre et épaisse (Yeatman et Nieman, 1978). Il ne faut pas se servir de crampons lorsque l'écorce est gelée et il faut les utiliser avec une extrême prudence sur une écorce écailleuse (Morandini, 1962; Stein et col., 1974).

Yeatman et Nieman (1978) donnent des conseils détaillés quant à la fixation, à l'emploi et à l'entretien des crampons au Canada. Le mode d'emploi qui suit s'inspire étroitement de leur exposé. Le grimpeur doit escalader l'arbre après s'être équipé d'une ceinture de sécurité et y avoir accroché une courroie ou une chaîne de sécurité passée au préalable autour du tronc. Un câble de sécurité est attaché à la ceinture, et au moins deux mousquetons sont fixés à l'un des anneaux de cette dernière. Lorsqu'il escalade un tronc, le grimpeur doit s'assurer que les pointes sont bien engagées dans le bois de l'arbre en écartant à cet effet les genoux du tronc. La jambe la plus basse et sa cheville doivent faire un angle assez important avec le tronc pour éviter que le pied glisse et endommage l'écorce. Le grimpeur fait porter son poids sur ses pieds espacés de 15 à 20 cm, en veillant à ce que son centre de gravité soit suffisamment éloigné du tronc. Il se sert de ses mains et de ses bras pour conserver son équilibre. En tenant fermement la courroie de sécurité à deux mains, il rapproche alors rythmiquement son corps de l'arbre, déplaçant la courroie lorsqu'elle est libérée du poids du corps et la maintenant fermement en place dans sa nouvelle position lorsque son corps repart en arrière. Pendant l'ascension, la traction exercée sur la courroie de sécurité doit partir des bras et ne doit pas être transmise à la ceinture de sécurité, sauf quand le grimpeur est en position de repos. Une fois la courroie de sécurité bien tendue, les pieds se déplacent vers le haut l'un après l'autre, le poids du corps reposant toujours sur le pied immobile. Il ne faut jamais détacher la courroie de sécurité, sauf pour contourner des branches trop grosses pour être rompues. En ce cas, il convient d'attacher une deuxième courroie de sécurité - ou encore une corde de sécurité fixée à un mousqueton -au-dessus de la branche qui fait obstacle avant de détacher la première courroie. Lorsqu'il atteint les branches saines, de préférence à la base de la cime vive, le grimpeur fait passer le câble de sécurité dans un mousqueton attaché par une corde au-dessus de la première branche, détache la courroie de sécurité et commence à progresser dans les branches vives.

Les crampons ont l'inconvénient principal d'endommager l'écorce, particulièrement celle des essences à écorce fine. Si l'escalade est uniquement occasionnelle, les dommages ne sont généralement pas bien grands, mais l'escalade fréquente du même arbre - par exemple en vue de la pollinisation et de la récolte des semences dans les vergers à graines - lui cause des dommages considérables; il est alors préférable d'employer d'autres méthodes.

4.8A4.8B
4.8 Scie à chaîne flexible High Limb: (A) en service; (B) en gros plan (Green Mountain Products Inc.).4.9A
4.9B
4.9 Crampons pour grimper aux arbres: (A) mise en place; (B) escalade (Service canadien des forêts).
 
 
 

4.10A4.10
4.10A
4.10 Echelle à deux montants et à éléments multiples utilisée au Canada: (A) mise en place autour de l'arbre de la chaine destinée à fixer le dessus du premier élément; (B) démontage de l'échelle par le grimpeur suspendu à une câble de sécurité (Service canadien des forêts).4.11 Echelle à un seul montant et à éléments multiple utilisée au Danemark (Forest Seed Centre de la DANIDA).

Echelles. Pour les hauteurs de 8 à 40 mètres, les échelles verticales à plusieurs éléments constituent un moyen sûr et commode de grimper jusqu'à la cime vive. Elles peuvent être en bois, en aluminium, en alliage de magnésium ou en d'autres matériaux, mais chaque élément doit être assez léger pour que le grimpeur puisse le manier sans difficulté. Les montants de l'élément inférieur peuvent être placés sur des plates-formes ajustables afin d'accroître la stabilité (Morandini, 1962; Turnbull, 1975b). La longueur de chaque élément varie de 1,8 à 3 m et son poids ne doit pas excéder 3 à 4 kg.

Le premier ou les deux premiers éléments de l'échelle sont dressés contre le tronc de l'arbre. Le grimpeur, sa courroie de sécurité passée autour du tronc et de l'échelle, monte jusqu'à ce que ses épaules arrivent au niveau du dessus de l'échelle et attache alors cette dernière au tronc à l'aide d'un bout de corde ou d'une chaîne (Yeatman et Nieman, 1978). Les éléments suivants sont hissés au moyen d'une corde et emboîtés dans l'élément inférieur. Le grimpeur monte sur chaque nouvel élément et le fixe à son tour à l'arbre. Pour passer du tronc à la cime, il faut employer la méthode décrite précédemment à propos des crampons. Dans le cas des échelles à éléments plus légères, le grimpeur est en mesure d'attacher deux éléments de 2 m de long chacun à sa ceinture de sécurité. En supposant que les deux éléments inférieurs de 3 m de long chacun sont emboîtés et mis en place le long du tronc depuis le sol, cela signifie que le grimpeur peut installer une échelle de 10 m de haut avant de devoir hisser des éléments supplémentaires à l'aide de l'amarre à outils.

Il existe des échelles à un montant et à deux montants. Les échelles à deux montants sont les plus courantes. Les échelles à un montant sont constituées d'un axe central sur lequel sont fixées, alternativement d'un côté et de l'autre, de petites barres faisant office d'échelons. On les attachent aux arbres à l'aide de chaînes ou de cordes. L'axe central est généralement en acier ou en bois, de sorte que ces échelles ont un poids qui ne diffère guère de celui des échelles à deux montants. Elles présentent toutefois l'avantage d'avoir une meilleure assise sur sol inégal et à se manoeuvrer plus facilement entre les branches (Morandini, 1962) et le long des troncs sinueux.

Les échelles à éléments ne risquent en aucune façon d'endommager les arbres. Elles sont parfois difficiles à manier dans les peuplements à couvert ou sous-bois dense et sont beaucoup plus lourdes à porter que des crampons, notamment si la présence de longs troncs dénudés impose l'emploi de nombreux éléments d'échelle. Elles sont en outre plus coûteuses. En conséquence, elles n'ont pas grand usage dans les régions accidentées dépourvues de voies d'accès, mais sont idéales dans les plantations ou les vergers à graines en terrain plat.

Le “vélo à arbre” d'origine suisse, ou “Baumvelo”, est un dispositif qui permet d'escalader les hauts troncs rectilignes dépourvus de branches jusqu'à la cime vive. S'il est plus facile à transporter que les échelles à éléments, il l'est cependant moins que les crampons. Il n'endommage pas les arbres et peut être utilisé sur des troncs d'un diamètre de 30 à 80 cm (Yeatman et Nieman, 1978). D'après Olesen (1972), il se prête fort bien à l'escalade des pins mexicains. Au Royaume-Uni, on le trouve particulièrement bien adapté à l'escalade des conifères à gros cônes comme Pinus, Picea ou Pseudotsuga, où le récolteur doit se déplacer de branche en branche pour cueillir les cônes, sans rester longtemps à la même place (Seal et col., 1965). Toutefois, son emploi dans ce pays se limite actuellement aux récoltes destinées à la recherche, car l'accroissement de la superficie des plantations parvenues à maturité permet de récolter facilement des semences en grandes quantités sur les arbres abattus, alors que les échelles sont plus commodes dans les vergers à graines.

Le “Baumvelo” est composé de deux éléments indépendants destinés à chacun des deux pieds. Chaque élément consiste en un bras (long dans le cas de l'élément supérieur et court dans celui de l'élément inférieur) comportant une saillie recouverte de caoutchouc, qui permet de prendre appui contre le tronc. Le bras se termine à son extrémité inférieure par un étrier, ou une pédale, muni de courroies et d'attaches rapides, dans lequel vient se loger le pied du grimpeur. L'extrémité supérieure est attachée à un ruban d'acier formant un cerceau ajustable autour de l'arbre. Le “Baumvelo” s'utilise conjointement avec un harnais ou une ceinture de sécurité, une chaîne ou une courroie de soutien, un câble de sécurité, des mousquetons ou des attaches de sûreté et des cordes en nylon.

Le mode d'emploi du “Baumvelo” est bien décrit par Seal et col. (1965) et par Yeatman et Nieman (1978). Il ne faut pas que les cerceaux soient trop serrés autour du tronc, car cela gênerait leur déplacement vers le haut. Ils ne glisseront pas tant que la chaussure du grimpeur ne touchera pas le tronc lorsque tout le poids portera sur l'étrier; s'ils glissent, il faut alors débloquer le ruban, raccourcir le cerceau et rebloquer le ruban pour chacun des deux pieds. Après avoir mis les cerceaux en place à la base du tronc, le grimpeur engage ses pieds dans les étriers, ferme les attaches rapides et serre les courroies. Il fait ensuite passer sa courroie de sécurité autour de l'arbre et règle sa longueur en fonction de la conicité du tronc. Il commence alors à grimper en faisant porter son poids alternativement sur l'un, puis sur l'autre des étriers et en soulevant son pied libre pour faire monter le cerceau desserré. Il marque une pause pour procéder à l'ajustement de l'un, puis de l'autre cerceau, imposé par la conicité du tronc. Les branches qui font obstacle doivent être coupées à ras du tronc.

4.12
1. Etrier
2. Cale-pied
3. Courroie d'empeigne
4. Courroie de cou-de-pied
5. Tendeur de courroie
6. Appui
7. Coussinet en caoutchouc
4.12 Diverses pièces du “vélo à arbre”, ou “Baumvelo” (H. Schneebeli & Co.).
8. Tête articulée
9. Cheville d'articulation
10. Ressort en spirale
11. Ressort à lames
12. Dispositif de serrage
13. Levier de blocage
14. Ruban d'acier
4.13
 
4.13 Emploi du “Baumvelo” avec harnais, casque et cordes de sécurité (British Forestry Commission).
 

4.14

4.14 Récolte à la main des cônes de Larix en Grande-Bretagne. Noter la présence d'un aide chargé d'assurer le grimpeur avec un câble de sécurité et le “Baumvelo stationné” à la base de la cime (British Forestry Commission).

Le grimpeur continue à monter jusqu'à ce que le cerceau supérieur vienne buter contre les premières branches vives de la cime. Il attache alors une corde de sécurité en nylon dans la cime pour y accrocher le câble de sécurité et procède au “stationnement du vélo à arbre”. L'opération essentielle consiste à resserrer le cerceau inférieur de sorte que, même délesté de tout poids, il adhère bien au tronc et que le “Baumvelo” ne risque pas de glisser hors de portée du grimpeur. Cela fait, le grimpeur ouvre les attaches de cheville des deux étriers, dégage ses pieds des courroies, décroche sa courroie de sécurité et grimpe dans la cime.

Le “Baumvelo” constitue un moyen extrêmement sûr de grimper aux arbres à tronc rectiligne et dépourvu de branches sans les endommager. Il est plus leger et plus facile à porter que les échelles à éléments. Il nécessite un peu de pratique, mais la plupart des gens apprennent à s'en servir en quelques jours. Outre son prix, il a l'inconvénient de ne s'adapter qu'à des arbres d'un diamètre défini et de nécessiter, au contraire des échelles et des crampons, l'ébranchage total du tronc jusqu'à la cime vive (Robbins et col., 1981). Toutefois, lorsque les mêmes arbres doivent être escaladés régulièrement, comme c'est le cas dans les peuplements semenciers ou les vergers à graines, le coût de l'émondage initial est pleinement justifié. Il est recommandé de toujours travailler avec deux grimpeurs équipés de “Baumvelo” à portée de voix l'un de l'autre, car seul un grimpeur équipé de cet appareil ou de crampons peut porter secours à un autre grimpeur en difficulté à une hauteur qui le met hors d'atteinte des échelles (Seal et col., 1965).


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