60. On ne répètera jamais assez que les investissements proposés au titre du Programme de lutte contre la faim nauront limpact escompté sur la faim et la pauvreté que si des politiques appropriées sont déjà en place. Celles-ci garantiront lefficacité des ressources publiques mobilisées pour lutter contre la faim et la pauvreté, ainsi que lutilisation durable de la base de ressources. Un environnement politique favorable est une condition essentielle pour le succès du Programme de lutte contre la faim, car il est indispensable pour attirer les flux dinvestissements privés nécessaires pour compléter linvestissement public et permet aux populations souffrant de la faim et de la pauvreté de réaliser pleinement leur potentiel de développement. La section ci-après présente le consensus qui se dégage actuellement parmi la communauté internationale travaillant pour le développement sur les politiques qui doivent sous-tendre laction sur les deux fronts. Il faut souligner quil est indispensable délaborer des plans et cadres relatifs aux politiques à léchelon national, afin de garantir la responsabilisation des pays vis-à-vis de ces politiques et afin détablir des bases favorisant lappui des donateurs.
61. Le nouveau consensus pose comme conditions nécessaires de la croissance économique lattention aux marchés et aux signaux donnés par les marchés, ainsi que la discipline et la stabilité macroéconomiques. Il reconnaît en outre que: i) lattention aux marchés et à la stabilité macro-économique, tout en étant nécessaire, nest pas une condition suffisante pour assurer la croissance économique; et ii) la croissance économique en elle-même ne conduit pas forcément à une réduction importante et rapide de la pauvreté et de la faim. Pour que la croissance soit durable et favorable aux pauvres, il faut mettre en place des politiques et des institutions visant à améliorer le capital humain et à élargir son potentiel, à améliorer laccès aux ressources productives, à promouvoir la création et ladaptation de connaissances et de technologies profitant aux plus pauvres et à faciliter laccès de ces derniers aux marchés. La qualité et la transparence de la gouvernance et de ladministration publique, une approche participative de la conception et de la mise en uvre des politiques à tous les niveaux, et un engagement en faveur de légalité entre les sexes sont les principaux éléments dun cadre politique favorable aux plus pauvres. Celui-ci inclura aussi des filets de sécurité sociale conçus spécialement à lintention des segments de la population les plus vulnérables.
62. La présente section décrit, pour commencer, les politiques internationales et intérieures appropriées avant dénoncer les principes clés qui doivent guider laction dans les cinq domaines dinvestissement prioritaires identifiés au titre du Programme de lutte contre la faim.
63. Pour que les pays en développement tirent pleinement avantage de leur intégration dans léconomie globale, il faut agir aux niveaux international et national. Les institutions de gouvernance mondiale peuvent créer un environnement plus favorable à lagriculture des pays en développement en encourageant la paix et la stabilité, en assurant la fourniture de biens publics mondiaux, comme la réduction de la volatilité monétaire et financière, en instaurant un système commercial multilatéral réglementé et en appliquant des accords environnementaux internationaux qui encouragent le développement durable.
64. La libéralisation des échanges agricoles peut apporter une précieuse contribution au développement rural et à la lutte contre la faim. Toutefois, les avantages dun commerce plus libre ne profiteront pas automatiquement aux pays. De nombreux pays en développement ont besoin parallèlement de politiques et de programmes qui aident à accroître la productivité agricole et à améliorer la qualité des produits et le fonctionnement des institutions commerciales pour renforcer leur compétitivité sur les marchés nationaux et internationaux. Les mesures proposées dans le Programme de lutte contre la faim peuvent apporter une importante contribution à la réalisation de cet objectif.
65. LAccord sur lagriculture adopté à lissue des négociations commerciales multilatérales du Cycle dUruguay, qui offre la promesse dun système de commerce des produits agricoles transparent et fondé sur des règles, a été accueilli favorablement dans lensemble par les pays en développement. Ces derniers craignent toutefois que dans son application pratique cet Accord nait des effets déséquilibrés. Ils soutiennent également que ses règles les freinent dans leur recherche de la sécurité alimentaire et les empêchent de soutenir leur propre agriculture, tout en en faisant trop peu pour dissuader les pays développés de subventionner et de protéger la leur.
66. LAccord vise essentiellement à réduire le soutien accordé par les pays à lagriculture nationale, plutôt quà promouvoir la sécurité alimentaire en tant que telle. Néanmoins, il a une incidence sur la sécurité alimentaire. Ainsi, labaissement des droits de douane sur les denrées alimentaires importées, tout en se traduisant par une diminution des recettes pour les vendeurs nets de produits alimentaires (par exemple pour les propriétaires terriens), entraîne parallèlement un fléchissement des prix pour les acheteurs nets de produits alimentaires (comme les ruraux sans terre ou les citadins pauvres) et pourrait ainsi promouvoir la sécurité alimentaire.
67. LAccord nexclut pas le soutien à lagriculture nationale, mais cherche plutôt à limiter les aides qui faussent les échanges, comme les droits de douane et certaines formes de soutien. Un tel soutien est admis dans la plupart des cas, pour les pays en développement, jusquà hauteur de 10 pour cent de la valeur de la production agricole. Toutefois, ces pays manquent généralement des ressources nécessaires pour tirer véritablement parti de cette disposition et ne sont pas en mesure daugmenter leurs droits de douane sur les produits alimentaires sans de sérieuses conséquences pour leurs populations démunies. En revanche, les pays développés jouissent, dans la pratique, dune plus grande souplesse car ils ont les moyens daccorder des subventions et peuvent augmenter les droits sur les produits alimentaires sans trop de conséquences.
68. Les investissements proposés au titre du Programme de lutte contre la faim nimpliquent aucune forme de soutien à lagriculture susceptible de fausser les échanges. Les investissements dans linfrastructure rurale, la recherche ou les programmes alimentaires en faveur des affamés, abaissent tout simplement les coûts de production en général ou donnent à la population dun pays les moyens de participer de façon productive à la vie active et aux échanges commerciaux, et ne contreviennent donc pas aux dispositions de lOMC en matière de soutien interne. En réalité, les subventions aux intrants et à linvestissement accordées aux producteurs à faible revenu et dotés de ressources limitées, sont spécifiquement exemptées de la discipline.
69. Il est important pour les pays en développement de savoir que plus leur infrastructure, leurs institutions, leurs capacités de recherche et de développement seront développées, et plus les profits quils tireront du commerce seront élevés. Pour prendre lexemple de linfrastructure, les frais de transport et dassurance représentent pour un tiers des pays africains plus de 25 pour cent de la valeur totale des exportations. Les investissements dans le Domaine prioritaire 3 proposé dans le présent document devraient permettre daméliorer linfrastructure de transport et de commercialisation dans les pays en développement tout en renforçant la sécurité sanitaire des aliments, au profit dune compétitivité générale accrue.
70. Il est cependant naturel de sinterroger sur la durabilité de laccroissement de la production intérieure qui dérive de ce programme dinvestissements et des réformes stratégiques associées, face à la concurrence exercée par les producteurs et exportateurs de produits agricoles bénéficiaires de subventions et de mesures de protection dans dautres pays et surtout dans les pays développés. Ces mesures de soutien ont deux effets négatifs pour les exploitants agricoles des pays en développement. Tout dabord, elles rendent difficile la concurrence à limportation. Ensuite, elles font fléchir les exportations. Il devient ainsi difficile pour ces exploitants agricoles de gagner leur vie.
71. La thèse avancée ici est que les investissements proposés renforceront la capacité des exploitants agricoles des pays en développement de soutenir la concurrence exercée par leurs contreparties dans les pays développés. Par ailleurs, une réduction des formes de soutien à lagriculture ayant des effets de distorsion sur les échanges devrait favoriser le développement de ce secteur dans les pays en développement, malgré des coûts dajustement à court terme dont il faut bien entendu tenir compte. Cette question fait actuellement lobjet dun examen approfondi dans le cadre des négociations multilatérales de Doha. Les points importants de ces négociations pour les pays en développement sont notamment les suivants:
Droits applicables aux produits agricoles - crêtes tarifaires et progressivité. La structure tarifaire de nombreux pays de lOrganisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est caractérisée par des crêtes tarifaires et la progressivité des droits. De nombreux produits agricoles (et autres) pour lesquels les pays en développement détiennent un avantage comparatif, se heurtent ainsi dans les pays de lOCDE à des crêtes tarifaires bien supérieures aux droits moyens. De plus, ces droits sont progressifs, cest-à-dire quils sont plus élevés pour les produits qui se trouvent à un niveau de transformation plus avancé - arrivant parfois à être deux fois plus élevés pour les produits au stade final de fabrication que pour les produits semi-transformés. Cela ne contribue certainement pas au développement dactivités à valeur ajoutée dans les pays en développement.
Il faut noter que les structures tarifaires des pays en développement sont elles aussi caractérisées par des crêtes et la progressivité des droits. Étant donné que cela nuit aux importations dautres pays en développement, il faudrait faire en sorte dabaisser ces droits.
Obstacles non tarifaires - allégations de dumping, normes et règles dorigine. Non seulement les accusations de dumping signalées à lOMC se sont multipliées de manière exponentielle dans les années 90, mais elles avaient en grande majorité pour cible les importations de pays en développement. Une fâcheuse tendance récente est que certains pays en développement ont aussi commencé à faire largement recours à ce mécanisme, souvent contre dautres pays en développement.
Si la nécessité de normes régissant la sécurité sanitaire des aliments est largement acceptée, le niveau de rigueur fait souvent lobjet dun débat scientifique. La Banque mondiale, par exemple, estime que lapplication uniforme des normes du Codex Alimentarius par les pays développés concernant la contamination par les aflatoxines, au lieu des nombreuses normes autonomes actuellement appliquées, déterminerait une augmentation de 50 pour cent des exportations de céréales et de fruits à coque en provenance de 31 pays, dont 22 pays en développement, vers les marchés dAustralie, dEurope, du Canada et du Japon, sans aucun impact grave sur la santé publique. Ces pays sont souvent dépourvus des moyens nécessaires pour satisfaire aux normes de produits et aux exigences en matière détiquetage et ont besoin dinvestissements considérables pour pouvoir sy conformer. Les investissements prévus au titre du Domaine prioritaire 3 du Programme de lutte contre la faim apportent une solution directe à ce problème.
De nombreux pays en développement bénéficient dun accès préférentiel au marché. Toutefois, les règles dorigine très strictes qui sont appliquées dans ce domaine ont considérablement réduit lefficacité de ces mécanismes et dimportantes améliorations simposent.
Soutien à lagriculture. Sur la totalité des transferts à lagriculture dans les pays de lOCDE denviron 318 milliards de dollars EU en 2002, 235 milliards ont été alloués en tant quappui direct aux producteurs agricoles3. De nombreux pays en développement sont dimportants exportateurs des produits subventionnés (par exemple, sucre, riz, fruits et légumes) et sont donc directement touchés en termes de ventes à lexportation manquées. Ces pays ainsi que dautres dont la production est destinée au marché intérieur, se ressentent également de la chute des prix et du dumping.
Les crêtes tarifaires tendent également à toucher des produits qui bénéficient déjà dun soutien des prix et autres, ce qui rend très difficile pour les producteurs agricoles des pays en développement de soutenir la concurrence. Il est à noter toutefois que les mesures au titre desquelles un tel soutien est accordé, nont pas toutes un effet de distorsion sur les échanges.
Les mesures au titre desquelles un tel soutien est accordé, nont pas toutes un effet de distorsion sur les échanges. Les crêtes tarifaires tendent également à toucher des produits qui bénéficient déjà dun soutien des prix et autres, ce qui rend très difficile pour les producteurs agricoles des pays en développement de soutenir la concurrence.
72. Les dispositions actuelles concernant les subventions et les mesures de protection doivent être jugées compte tenu des besoins de développement tels quils sont reconnus. Dans le cadre des négociations commerciales internationales, les pays en développement devraient également prendre des mesures afin de réduire leurs propres obstacles tarifaires aux importations dautres pays, en particulier des pays en développement. Non seulement une telle forme de soutien nuit aux consommateurs (notamment lorsquil sagit de produits alimentaires), mais elle affaiblit également la compétitivité à lexportation du pays et il ne faudrait donc y recourir quaprès un examen attentif.
73. Le démarrage en 2001 des négociations commerciales multilatérales du Cycle de Doha a fait naître lespoir que les problèmes de développement et de sécurité alimentaire des pays en développement seraient pris en compte. Malheureusement, au moment de la rédaction du présent document, lavenir du Cycle de Doha se révèle incertain à la lumière de léchec de la Conférence ministérielle de Cancún.
74. Pour améliorer leur compétitivité, tant au niveau international que sur les marchés intérieurs, et les moyens dexistence des populations démunies souffrant de la faim, les pays en développement, notamment les plus pauvres, auront besoin dune assistance extérieure. Dans ce contexte, les annonces de contributions faites par les principaux donateurs au cours de la Conférence internationale sur le financement du développement en vue daccroître laide publique au développement (APD) sont encourageantes. Il est particulièrement urgent de renverser la forte tendance à la baisse de lAPD en faveur du développement agricole et rural.
75. Limportance pour le développement agricole et rural et la réduction de la pauvreté de politiques macroéconomiques saines ne saurait être surestimée. Bien quil ne soit plus question, semble-t-il, de fixer des objectifs macroéconomiques rigides, comme dans les années 80 et une grande partie des années 90, nul ne conteste que lefficacité des réformes agricoles dépend, dans une large mesure, de lengagement des gouvernements à assurer la stabilité macroéconomique à long terme. Des politiques macroéconomiques stables et prévisibles encouragent lépargne et linvestissement, découragent la fuite des capitaux et incitent le secteur privé à cibler ses efforts sur lefficacité plutôt que danticiper et de réagir aux chocs macroéconomiques.
76. Bien que de nombreux pays en développement aient compris limportance de la stabilité macroéconomique, les crédits budgétaires alloués à lagriculture et au développement rural demeurent désespérément insuffisants. Une augmentation substantielle des crédits budgétaires est le seul moyen de lutter contre la faim et la pauvreté et de réaliser le potentiel de lagriculture qui est lépine dorsale de léconomie.
77. La formulation et lapplication des politiques devraient reposer sur un processus auquel les pauvres seraient invités à participer, et qui impliquerait les organisations de la société civile et le secteur privé, de façon à élargir le consensus sur les objectifs et à renforcer les moyens daction. Cela faciliterait également la mobilisation des capitaux privés à lappui dune réduction durable de la faim et de la pauvreté. La décentralisation administrative et fiscale permet aux plus démunis davoir leur mot à dire dans les décisions qui les concernent. Les pouvoirs publics peuvent aussi améliorer le fonctionnement des marchés en adoptant des lois et règlements qui garantissent une concurrence loyale, laccès des pauvres aux marchés et le respect des normes sanitaires, phytosanitaires et environnementales.
78. Lagriculture étant un domaine où les risques sont élevés, il faut aussi concevoir des instruments qui répondent aux besoins des plus vulnérables en matière de gestion des risques. Ainsi, les marchés devraient offrir aux populations rurales des services financiers qui leur permettent dépargner, de prêter et demprunter de manière plus efficace.
79. Enfin, les politiques en matière déconomie rurale doivent tenir compte des preuves qui démontrent de plus en plus et de plus en plus souvent que lagriculture ne suffit pas à assurer les moyens dexistence des familles rurales, doù limportance des activités rurales non agricoles qui permettent aux pauvres déchapper à la pauvreté et font partie intégrante de leurs stratégies de gestion des risques et de survie. Les politiques et les institutions doivent chercher à développer linfrastructure rurale et les compétences en matière de gestion dentreprises et à assurer des marchés équitables et ouverts aux petites entreprises rurales.
80. Il est question, dans les paragraphes ci-après, des politiques directement associées aux cinq objectifs prioritaires en matière dinvestissement.
81. Améliorer la productivité agricole des communautés rurales pauvres. Dans ce domaine prioritaire, laccent doit porter sur le renforcement de la capacité des communautés rurales, notamment les plus pauvres et les plus vulnérables, à sorganiser et à jouer un rôle actif dans tous les domaines touchant à leurs moyens dexistence. Cela devrait conduire à la mise au point et à ladoption de technologies adaptées aux besoins des ruraux pauvres.
82. Les associations de petits agriculteurs et les organisations de communautés rurales associées à des organisations de la société civile peuvent contribuer à résoudre certains des problèmes les plus graves auxquels sont confrontés leurs membres, mais aussi la population en général. Ces problèmes incluent les difficultés daccès au capital naturel, financier et humain, ainsi quaux technologies appropriées, le manque dactivités rémunératrices, le coût élevé des opérations commerciales et le manque daccès aux marchés, à linformation, aux communications et à dautres biens publics comme les services sanitaires et lassainissement.
83. Une action collective et coordonnée permet au processus politique de répondre plus directement aux besoins des communautés et de leurs membres, prévient les abus de pouvoir en matière détablissement des prix des produits agricoles et des intrants fournis par les gros acheteurs et vendeurs, permet aux producteurs de profiter des économies déchelle considérables liées à lachat dintrants et à la commercialisation des produits et facilite léchange dinformations et laccès au crédit. Le rôle de ces partenariats et coalitions est dautant plus important que les gouvernements ont tendance à ne plus assurer les services de commercialisation et de crédit.
84. Mise en valeur et conservation des ressources naturelles. A quelques exceptions près, les possibilités dutiliser davantage de ressources naturelles pour la production agricole (notamment les ressources en terres et en eaux) sont limitées. La seule option viable est lintensification durable, cest-à-dire laccroissement de la productivité des terres, des ressources en eaux et des ressources génétiques, dune façon qui ne compromette pas la qualité et la capacité de production future de ces ressources. Lenvironnement politique doit assurer la durabilité de lintensification et faire en sorte que les populations en tirent profit.
85. Lélaboration dinformations de base sur les ressources naturelles renouvelables est nécessaire pour pouvoir en suivre lévolution dans le temps. Des outils facilitant la prise de décisions par les agriculteurs locaux devraient être élaborés dans le cadre dune approche participative de la mise en valeur et de la conservation des ressources naturelles.
86. En ce qui concerne leau, la principale question politique est la concurrence croissante entre la demande deau pour lagriculture et les autres utilisations de leau (domestique, industrielle et écosystème). Dans la mesure où lagriculture est, de loin, la plus grande consommatrice deau, lutilisation efficace de leau est la condition préalable indispensable à lexpansion des disponibilités pour dautres usages. Les pays doivent donc trouver un équilibre approprié entre lagriculture pluviale améliorée et lirrigation intensive, de façon à améliorer le potentiel agricole tout en assurant la sécurité alimentaire et en réduisant la pauvreté des populations. Les politiques en matière dutilisation de leau pour lagriculture doivent comporter des incitations à une plus grande efficacité et signaler la rareté de leau aux utilisateurs. Des droits transparents, stables et transférables en matière dutilisation de leau, attribués à des utilisateurs individuels ou à des groupes dutilisateurs, contribueraient sans aucun doute à améliorer lefficacité et léquité de la distribution.
87. En ce qui concerne les terres destinées à lagriculture, la principale question est celle de laccès à la terre et du droit foncier (propriété individuelle ou communautaire, fermage et droits à lutilisation à plus long terme), suivie de lamélioration des pratiques de gestion des terres et de linvestissement dans la fertilité des sols dans une perspective à long terme. Assurer laccès à la terre contribuerait de manière significative à son utilisation durable. Dans ce contexte, il est particulièrement important de renforcer les droits des femmes en matière de propriété et dhéritage fonciers. Les politiques doivent reconnaître la complexité des systèmes fonciers existants et des arrangements officiels ou autres concernant les droits fonciers. Elles devraient tenir compte de limpact de la mortalité accrue de la génération productive dans les zones rurales du fait de lépidémie de VIH/SIDA et de ses effets potentiels sur lutilisation des terres et les droits dhéritage.
88. Pour garantir laccès actuel et futur à la diversité des ressources génétiques utiles pour lalimentation et lagriculture, il convient dagir aux niveaux international et national. En ce qui concerne la conservation et lutilisation durable des ressources phytogénétiques, le cadre politique est fixé dans le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour lalimentation et lagriculture et dans le Plan daction mondial de Leipzig. Toutefois, les mesures figurant dans le traité doivent être intégrées dans les programmes nationaux de développement agricole et rural. Il convient détablir un cadre réglementaire approprié pour la diffusion des variétés et la distribution des semences qui facilite les synergies entre les systèmes semenciers public, privé et informel. En ce qui concerne les ressources zoogénétiques, les cadres réglementaires internationaux et nationaux restent encore à élaborer de façon à orienter les politiques nationales.
89. En ce qui concerne les pêches, la question critique est laccès aux stocks naturels de poissons lorsque les captures, notamment marines, ont atteint ou dépassent les limites raisonnables. Le respect des limites en matière daccès aux stocks de poissons suppose que les gouvernements et les communautés de pêcheurs se partagent les responsabilités en matière de prise de décisions concernant lutilisation des ressources halieutiques. Au cours des années 90, plusieurs accords mondiaux ont été conclus pour assurer une gestion des pêches de capture marines qui garantisse la conservation et lutilisation durable des écosystèmes marins. Parmi ces accords figurent le Code de conduite pour une pêche responsable, adopté par la Conférence de la FAO en 1995, et lAccord des Nations Unies sur les stocks de poissons de 1995, qui est entré en vigueur fin 2001.
90. En matière de foresterie, les politiques et les institutions doivent déterminer la valeur des ressources et évaluer tous les avantages quen tirent les membres de la société, de façon à les intégrer dans la prise de décisions concernant lutilisation et la conservation des ressources forestières. Les politiques doivent encourager la participation des principales parties prenantes à la planification et à la gestion des forêts. Dans de nombreux cas, les politiques en matière daccès aux forêts et de gestion forestière manquent de transparence, notamment au niveau des responsabilités. Les institutions, tant nationales quinternationales, doivent renforcer leur coordination de façon quil soit tenu compte des avantages non marchands associés aux forêts, comme la biodiversité, la fixation du carbone et la protection des bassins versants. Il est important également que les politiques de gestion forestière tiennent compte du fait que les ressources forestières jouent un rôle régulateur dans la sécurité alimentaire des membres de la société les plus pauvres.
91. Extension de linfrastructure rurale et élargissement de laccès aux marchés. En matière dinfrastructure, les politiques doivent surtout remédier à labandon relatif des communautés rurales pauvres. Si la participation du secteur privé à la construction de linfrastructure et à loffre de services peut être un gage defficacité et permettre de mieux répondre aux besoins pris dans leur ensemble, elle peut aussi signifier que les régions agricoles les plus pauvres resteront sous-desservies. Le secteur public doit conserver un rôle actif dans la construction des infrastructures utiles aux plus pauvres, comme les routes secondaires ou rurales. Les politiques doivent encourager la décentralisation et la participation des communautés à la planification, à lexécution, au maintien et au financement de linvestissement dans linfrastructure, de façon que loffre de services corresponde à la demande et soit viable, tout en envisageant diverses formes de partenariat entre le secteur public et le secteur privé.
92. Le renforcement de laccès au marché suppose quil existe des cadres politiques, législatifs et réglementaires coordonnés, conformes aux obligations internationales en matière de sécurité sanitaire des aliments et de santé des animaux et des végétaux. Des politiques doivent être adoptées et appliquées, notamment dans les pays où la contamination des denrées alimentaires et les maladies végétales et animales sont endémiques. Les partenariats privé-public sur toute la chaîne de production, de loffre à la certification et aux services, et des approches souples en vue daméliorer progressivement le respect des normes internationales constituent un bon moyen de renforcer laccès aux marchés internationaux.
93. Renforcer les capacités de production et de diffusion des connaissances. Laction politique doit viser à garantir que les pauvres tirent profit du progrès technologique (dans les domaines de lagriculture, de linformation, de lénergie et des communications). Cela est particulièrement vrai pour les zones au potentiel agroécologique limité, qui sont en général négligées par la recherche commerciale privée. Un financement public est nécessaire pour élaborer des options technologiques adaptées à ces régions.
94. Les politiques doivent promouvoir des options technologiques qui répondent aux deux objectifs de la productivité agricole et de la durabilité écologique. A court terme, la recherche doit être axée sur lidentification et la suppression des obstacles à ladoption de pratiques permettant une utilisation optimale des technologies existantes, notamment lagriculture biologique, lagriculture de conservation et la lutte intégrée contre les organismes nuisibles. De nouvelles technologies sont nécessaires pour les zones souffrant de pénuries de terre, deau ou de main-duvre ou de problèmes particuliers de sol ou de climat. Des technologies économes en main-duvre doivent être promues pour remédier au déficit de main-duvre des ménages dirigés par des femmes et affectés par le VIH/SIDA lorsque leur situation est le principal obstacle à une agriculture diversifiée et durable. Un consensus se dégage en faveur dune approche participative de la conception et de la production des technologies. Les organisations dagriculteurs, les associations et groupements féminins et dautres organisations de la société civile peuvent promouvoir les partenariats nécessaires entre agriculteurs et scientifiques, de façon à ce que les options technologiques soient adaptées à la demande et pertinentes. Les politiques nationales devraient faciliter létablissement de liens fonctionnels entre la recherche, la vulgarisation, lenseignement et les communications.
95. Assurer laccès à la nourriture des personnes les plus démunies grâce à des filets de sécurité et à dautres programmes dassistance directe. Les politiques dans ce domaine doivent sinspirer, entre autres, des droits de lhomme. Il faut pour cela quil existe des informations identifiant de manière précise qui sont les personnes souffrant de la faim et où elles se trouvent. La FAO et le Programme alimentaire mondial (PAM) peuvent aider les gouvernements à cibler leurs efforts grâce au Système dinformation et de cartographie sur linsécurité alimentaire et la vulnérabilité (SICIAV) et à lAnalyse et cartographie de la vulnérabilité (ACV).
96. Les programmes visant à fournir une assistance directe aux populations souffrant de la faim ne peuvent être efficaces que si les gouvernements nationaux ont les moyens de faciliter la livraison de cette assistance. Cela suppose un environnement politique national favorable à la création de filets de sécurité sociale, qui peuvent être mis en place en coopération avec des organisations de la société civile. Les politiques de filets de sécurité sociale ciblées sur la réduction de la faim devraient tenir compte de la vulnérabilité particulière à la malnutrition des femmes et des enfants aux étapes critiques de leur vie, et favoriser la création et la mise en uvre de programmes dalimentation des mères et des enfants, de sensibilisation aux questions de santé et de nutrition et dalimentation scolaire.
97. Laccès à la nourriture dépend dans une large mesure de lengagement national et de politiques pertinentes en matière dégalité entre les sexes et de droits des femmes. Au niveau des ménages, le statut des femmes est la principale variable à prendre en compte pour réduire la malnutrition.
98. Enfin, lengagement politique du gouvernement et du secteur privé est indispensable pour que lassistance humanitaire internationale garantisse laccès à la nourriture en période de confit et de crise.
99. Dans le monde en développement, les populations pauvres et affamées vivent pour la plupart dans les zones rurales et continueront à le faire jusquen 2015, voire au-delà. Etant donné que le Programme de lutte contre la faim sintéresse avant tout aux mesures à prendre dici à 2015, il est naturel que laccent soit mis sur la faim en milieu rural. Néanmoins, au vu de la croissance rapide des populations urbaines, le problème de la faim dans les villes ne doit pas être négligé: la Division de la population des Nations Unies estime quà partir de 2020 les populations urbaines seront en nombre égal ou supérieur à celles des zones rurales. Sur les 2,2 milliards de personnes qui devraient venir sajouter à la population mondiale entre 2000 et 2030, 2 milliards trouveront place dans les agglomérations urbaines du monde en développement. Les données denquête sur la pauvreté et la sous-alimentation infantile montrent que le nombre absolu des individus pauvres et sous-alimentés vivant en milieu urbain a augmenté dans de nombreux pays, tout comme la part urbaine de la pauvreté et de la sous-alimentation en général.
100. Les populations pauvres des villes sont trop largement tributaires du secteur informel pour lemploi et le revenu, et pourvoient généralement à leur approvisionnement alimentaire par des achats sur le marché. Dans certains cas, lagriculture urbaine peut fournir aux ménages des moyens dexistence et les vivres dont ils ont besoin, surtout dans les zones à vocation rurale englobées dans les villes.
101. Le recours des ménages urbains aux aliments précuits ou vendus sur la voie publique, se traduit généralement par des régimes alimentaires plus riches en sucres et en matières grasses que ceux des ménages ruraux, contribuant ainsi à accroître lincidence de lobésité et des maladies non transmissibles dans les villes, sachant notamment que les citadins ont un mode de vie souvent caractérisé par un faible niveau dactivité physique. Part ailleurs, le surpeuplement et un environnement malsain (pollution atmosphérique, installations sanitaires insuffisantes, eau potable de qualité médiocre) peuvent contribuer à augmenter la prévalence des maladies transmissibles, même si les villes tendent à être dotées de meilleures structures médicales.
102. Mesures à prendre face à linsécurité alimentaire en milieu urbain. Lélaboration de politiques et de programmes centrés sur la sécurité alimentaire urbaine est facilitée par le fait que ces mesures a) visent une population bien plus concentrée sur le plan géographique, b) peuvent sappuyer sur un réseau de services publics (éducation, santé) généralement plus développé et plus ramifié que dans les campagnes, et c) peuvent compter sur des réseaux dorganisations de la société civile et dONG plus efficaces et en mesure de faire le pont entre les mesures publiques et celles du secteur privé. En même temps, en raison du nombre élevé des activités auxquelles les pauvres participent, la portée des politiques sectorielles visant spécifiquement à améliorer leurs moyens dexistence est plutôt limitée. En règle générale, les politiques en matière de sécurité alimentaire urbaine appartiennent à deux grandes catégories: i) celles qui renforcent et protègent les moyens dexistence des pauvres et ii) celles qui visent directement à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
Améliorer la gouvernance et mettre fin à la corruption revêt une grande importance compte tenu de la dépendance des pauvres à légard du secteur informel dans les villes. Des enquêtes menées par la Banque mondiale auprès des pauvres ont révélé que la corruption et le harcèlement par la police comptent parmi leurs principaux sujets de plainte.
Réduire les obstacles à la création et à lexpansion légales de petites entreprises est particulièrement efficace. La transformation de droits informels sur des biens en des droits légaux, en trouvant peut-être le moyen de délivrer des titres sur des terres jusque-là détenues dune manière informelle, promet de débloquer de grandes quantités de capitaux préexistants, mais qui ne peuvent être utilisés dune manière productive, par exemple en nantissement de prêts destinés à des activités de production. Cette politique peut être aussi une source de revenus pour les autorités municipales moyennant lintroduction dune légère redevance sur la délivrance des certificats de propriété.
Des dispositifs de protection sociale efficaces, comme les subventions alimentaires et sanitaires, les transferts de fonds et lassistance aux chômeurs, peuvent être essentiels pour préserver les moyens dexistence des populations pauvres des villes qui sont fortement tributaires de léconomie parallèle. Il est donc important de veiller à ce que ces bienfaits ne soient pas réservés quà ceux qui constituent la face visible de léconomie.
Daprès les estimations, lagriculture urbaine et périurbaine intéresse 800 millions de citadins dans le monde entier et procure près de 15 pour cent des aliments consommés dans les zones urbaines. La culture maraîchère peut apporter une contribution importante aux moyens dexistence dans les villes car les légumes peuvent être cultivés sur de petites parcelles en utilisant des eaux usées tandis que la vente de ces produits permet aux pauvres de financer lachat dautres denrées alimentaires. Les légumes constituent également une précieuse source de vitamines et doligoéléments. Lagriculture périurbaine est aussi une source importante de viande, de lait et dufs. Toute expansion de lagriculture entrera en concurrence pour la terre avec les logements, linfrastructure et autres aménagements urbains. Les politiques visant à promouvoir lagriculture urbaine devront également concilier leurs avantages potentiels avec les coûts quelles comportent pour lenvironnement et la santé.
Des mesures doivent être prises pour traiter les causes des régimes alimentaires malsains au lieu de tenter directement de les décourager (par le biais de la réglementation ou de la taxation). Par exemple, dans la mesure où les populations urbaines pauvres ont recours aux aliments vendus sur la voie publique par manque de combustible, des politiques visant à améliorer leur accès à ces combustibles seraient plus efficaces. Dans le même ordre didées, sachant que les aliments vendus sur la voie publique sont préparés et servis dans des conditions moins hygiéniques que les repas cuisinés chez soi, les politiques devraient chercher à améliorer la sécurité sanitaire et la qualité des aliments achetés. Cela peut être fait par des activités déducation et de formation à la manipulation hygiénique des aliments, par une action de sensibilisation et par le biais de programmes denrichissement des produits alimentaires. Dans la mesure où les aliments précuits ne sont pas sains, il est nécessaire de promouvoir le dialogue avec les industries alimentaires, en soulignant limportance dun apport réduit en graisses saturées, dune consommation accrue de fruits et de légumes et dun étiquetage efficace des produits alimentaires. Des mesures visant à encourager la commercialisation et la production de produits plus sains sont également nécessaires. Aux interlocuteurs du monde de la publicité, des médias et du spectacle, il sagit de rappeler limportance de messages clairs et sans ambiguïté destinés aux enfants et aux jeunes.
Un meilleur accès à une eau réellement potable est essentiel pour réduire lincidence des maladies transmises par leau. Dans de nombreux pays en développement, les quartiers les plus pauvres des villes ne sont approvisionnés en eau potable que pendant un laps de temps très bref au cours de la journée, ce qui contraint les pauvres à se procurer de leau auprès de vendeurs privés ou bien à sen passer. Une raison commune est la tarification inadéquate de leau qui prive les municipalités de ressources. Une solution possible au problème de laccès insuffisant à leau est dintroduire un système de tarification à deux paliers, prévoyant une redevance réduite voire nulle pour un volume minimum raisonnable deau, puis une taxation croissante pour les quantités en excès. Un meilleur accès à leau doit être associé à des solutions pratiques pour améliorer lhygiène (par exemple, se laver les mains avant de manipuler les aliments, mesure qui sest avérée être étonnamment efficace). Les programmes de vaccination et dimmunisation pour les enfants sont une mesure de santé publique vitale et sont essentiels pour améliorer lutilisation des aliments. Malheureusement, ils font souvent défaut dans les villes du monde en développement.
Enfin, des mesures doivent être prises pour réduire le fardeau des dépenses que les pauvres doivent supporter pour le transport et les communications. Les frais de transport sont les plus lourds. Les populations urbaines pauvres vivent bien souvent dans les quartiers périphériques des villes et doivent parcourir de longues distances pour aller travailler ou sapprovisionner. Limportance doffrir aux pauvres un système de transport public efficace et de promouvoir les points de vente de proximité dans les zones où ces populations résident, ne peut être exagérée. Ni celle dassurer des services de télécommunications bon marché car ils tendent à rendre lutilisation des moyens de transport publics moins nécessaire.
103. Conclusion. Linsécurité alimentaire dans les villes est un problème qui saggrave rapidement dans le monde en développement. Les politiques qui cherchent à apporter une solution à ce problème, doivent tenir compte du caractère précaire des moyens dexistence urbains dune part, et dautre part de la saignée sur les bourses des pauvres que produisent les coûts de transport et de communication, le poids des maladies transmissibles et non transmissibles et leur dépendance à légard des aliments précuits. Labsence de politiques bien conçues risque de lever un lourd tribut en termes de perte dannées de vie économiquement productive, daffaiblissement continu de la croissance économique et de la productivité nationale, et daugmentation des dépenses de santé. Il existe également des interactions importantes entre linsécurité alimentaire rurale et urbaine. Une lutte plus efficace contre la faim et la pauvreté dans les zones rurales devrait permettre de mettre un frein à lexode rural et de réduire ainsi la prévalence de la faim dans les villes.
Figure 2
Ce graphique montre lévolution de laide extérieure accordée à lagriculture à des conditions de faveur, de 1988 à 1999 (prix de 1995). Les chiffres correspondent aux engagements des donateurs, et font apparaître une diminution brutale de lAPD au cours de cette période. La chute est plus forte pour le secteur agricole pris au sens étroit. Les baisses des flux daide à des conditions de faveur au secteur agricole pris au sens large, ont été limitées, principalement à cause du poids accru de la protection de lenvironnement, de la recherche, de la vulgarisation et de la formation, du développement rural et de linfrastructure, dans les flux totaux de laide à des conditions préférentielles à lagriculture. |