C 2003/18


Conférence

Trente-deuxième session

Rome, 29 novembre - 10 décembre 2003

Table ronde ministérielle sur le rôle de l’eau et de l’infrastructure dans la sécurité alimentaire durable
(Table ronde I – 1er décembre 2003)

Table des matières



I. Introduction

1. Le Plan d’action du Sommet mondial de l’alimentation et les objectifs du Millénaire pour le développement demandent instamment aux gouvernements de réduire le nombre de personnes sous-alimentées de moitié avant 2015. Selon la FAO, la réalisation de cet objectif progresse lentement, tandis que la production alimentaire mondiale devrait augmenter de 60 pour cent au cours des trente prochaines années pour pouvoir répondre aux besoins alimentaires et faire face à l’accroissement de la population et aux changements dans les régimes alimentaires.

2. L’agriculture fournit aux populations rurales l’essentiel de leur alimentation et de leurs moyens de subsistance. Or la sécurité alimentaire aujourd’hui et à l’avenir dépend de l’accès aux ressources, de leur utilisation productive et de l’accès aux marchés. Une agriculture durable et intensifiée peut favoriser l’utilisation productive de ressources limitées, en particulier de l’eau. L’infrastructure et les services publics, y compris les communications, facilitent l’accès aux marchés et la transformation productrice de valeur ajoutée, tout en abaissant les frais de commercialisation.

3. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, d’importants investissements publics et privés dans l’agriculture – dont l’exploitation de l’eau – ont permis d’obtenir des gains de productivité qui ont contribué à améliorer la sécurité alimentaire. Les gains de productivité supplémentaires nécessaires devront être mieux liés aux débouchés commerciaux et à la création de valeur ajoutée si l’on veut que les investissements dans l’agriculture soient aussi rentables que dans des secteurs concurrents.

4. Avec l’urbanisation croissante des pays en développement, les coûts de substitution des investissements agricoles n’ont jamais été aussi élevés. L’agriculture doit absolument se justifier sur le plan économique, dans la mesure où la terre et l’eau font l’objet d’une concurrence de plus en plus vive dans les arrière-pays. Les secteurs tant public que privé ont besoin de preuves claires que l’investissement dans l’eau et les infrastructures agricoles, notamment dans les zones rurales des pays en développement, est rentable et aura un impact sur la sécurité alimentaire.

5. Le présent document a pour objet de démontrer comment l’investissement dans l’eau et l’infrastructure peut contribuer à la sécurité alimentaire et de poser cette question fondamentale: comment rendre attrayant et durable ce type d’investissement, tant pour le secteur public que pour le secteur privé?

II. Investissement dans la maîtrise de l’eau

6. La croissance de la productivité de l’eau dans le secteur agricole est le fruit d’un investissement stratégique dans le développement de l’irrigation et la gestion de l’eau, ainsi que dans une agriculture et un élevage plus productifs, de pratiques agricoles améliorées et du renforcement des capacités. Toutefois, au cours des vingt dernières années, l’investissement international dans le secteur agricole a évolué. Si globalement les investissements ont considérablement diminué, y compris pour la gestion de l’eau, la participation des utilisateurs et les techniques autochtones ou les connaissances traditionnelles en matière d’utilisation de l’eau ont bénéficié de ressources accrues. Il en est résulté des plans de développement des terres plus efficaces, les systèmes d’irrigation à grande échelle étant abandonnés au profit d’initiatives plus circonscrites adaptées aux conditions locales et ciblées sur les plus pauvres. Dans tous les cas, c’est la qualité de l’investissement, et non pas simplement son montant, qui permet de surmonter les obstacles à la productivité et de répartir les bénéfices de l’investissement dans l’agriculture irriguée entre tous ceux qui en ont besoin.

7. Pour résoudre de manière efficace les problèmes de productivité de l’eau, on a identifié trois niveaux d’intervention d’ordre soit politique, soit financier:

8. Il sera important de tenir compte simultanément de ces trois niveaux et d’échelonner les investissements, tant publics que privés, à mesure que les demandes se multiplient et que la base de ressources s’élargira. Les gouvernements ne devront pas seulement dégager des fonds publics pour aider les communautés rurales les plus pauvres, mais aussi faire jouer des mécanismes d’incitation pour assurer des flux réguliers de financements privés provenant d’agriculteurs, de communautés et d’investisseurs commerciaux.

9. D’après des estimations provisoires, les investissements annuels requis dans le secteur de l’irrigation et du drainage des pays en développement jusqu’en 2015 sont de l’ordre de 21 milliards de dollars EU. Des investissements annuels supplémentaires de 17 milliards de dollars EU sont en outre nécessaires pour répondre aux besoins en matière d’approvisionnement en eau et d’assainissement des zones rurales.

III. Investissement dans l’infrastructure

10. Bien que de nombreux pays en développement aient massivement investi dans l’infrastructure au cours de la dernière décennie, dans l’ensemble les populations rurales sont encore très mal desservies. En particulier, nombre de pays n’ont pas réussi à mettre en place l’infrastructure nécessaire pour assurer la mise en place de chaînes d’approvisionnement en denrées alimentaires et en produits agricoles privées, efficaces et compétitives. De ce fait, les frais de transaction et les risques demeurent élevés et les politiques visant à améliorer les incitations à la production agricole sont restées pratiquement sans effet. Les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement ont aussi un impact positif sur les revenus des ménages ruraux dans la mesure où ils sont bénéfiques pour la santé et réduisent les risques de maladies, de sorte que la productivité et le potentiel des travailleurs s’en trouvent accrus.

11. Trois éléments principaux peuvent influencer et favoriser le bon fonctionnement des marchés de produits alimentaires et agricoles, à savoir: des cadres juridiques appropriés et des institutions efficaces qui facilitent l’organisation des marchés, l’application des contrats et des droits de propriété; des cadres institutionnels qui permettent de suivre et de favoriser l’émergence de nouveaux marchés grâce à des activités comme la diffusion d’informations sur les marchés et la vulgarisation en matière de commercialisation; et une infrastructure bien gérée et entretenue qui assure des réseaux de transport et de communication, la manutention et le stockage après récolte et un espace physique disponible pour les marchés.

12. En ce qui concerne l’infrastructure, trois niveaux d’intervention complémentaires ont été identifiés:

13. Les investissements supplémentaires dans l’infrastructure requis pour atteindre l’objectif du SMA s’élèvent à 7,8 milliards de dollars EU par an, aux prix de 2002. Ce montant inclut la construction de routes rurales (5,2 milliards de dollars EU) et d’infrastructures commerciales (850 millions de dollars EU), ainsi que l’entretien et la remise en état des unes et des autres (1,3 milliard de dollars EU et 31 millions de dollars EU, respectivement). Deux cent millions de dollars EU supplémentaires couvriraient le coût du renforcement des capacités, de l’assistance en matière de politiques, du renforcement des institutions et des mesures visant à améliorer la santé animale et végétale.

IV. Questions stratégiques à débattre

A. COMMENT RENDRE PLUS ATTRAYANT L’INVESTISSEMENT DANS L’EAU ET LES INFRASTRUCTURES RURALES

14. La concurrence qui oppose, en matière d’investissement public, les zones rurales qui ont d’énormes besoins de services aux zones urbaines et au secteur industriel fait que l’agriculture et le secteur rural doivent souvent se contenter d’investissements en peau de chagrin et de financements insuffisants pour gérer et entretenir les systèmes d’exploitation de l’eau et les infrastructures rurales. Bien que le déclin de la contribution de l’agriculture au PIB soit une conséquence inévitable du processus de développement, il est indispensable que le rythme du développement économique et social du secteur rural corresponde à celui du reste de l’économie. Les effets multiplicateurs et les avantages sur le plan social doivent être considérés comme l’une des conséquences positives de l’investissement rural.

15. Le processus d’investissement est encore compliqué par la nécessité d’investir dans l’eau et l’infrastructure à plusieurs niveaux:

16. Les questions à débattre sont les suivantes:

B. AMÉLIORER LA DURABILITÉ DES INVESTISSEMENTS DANS L’EAU ET LES INFRASTRUCTURES RURALES

17. La durabilité de l’investissement dans l’infrastructure peut être envisagée de trois façons. Dans une perspective économique, la rentabilité exige que les avoirs productifs soient gérés et entretenus correctement. D’un point de vue social, il faut être sûr que les avantages escomptés contribueront à la mise en place d’un cadre de vie approprié. Tout investissement doit aussi être conçu de façon à assurer une utilisation durable des ressources naturelles et à avoir un minimum d’effets négatifs sur l’environnement.

18. Dans les régions du monde où l’économie de marché est florissante, on peut imaginer divers types de partenariats public-privé pour l’investissement dans l’infrastructure qui s’accompagnent des mécanismes de recouvrement des frais de premier établissement et de génération de revenus nécessaires au financement de l’entretien. Des incitations fiscales et un environnement politique stable attireront l’investissement privé intérieur et étranger. Toutefois, dans de nombreuses régions du monde en développement, notamment en Afrique, la mise en place d’une infrastructure de base à tous les niveaux reste presque toujours liée à l’investissement public. Dans ce cas, la durabilité peut être assurée non seulement en veillant au rapport coût-efficacité de l’investissement, mais en créant des partenariats avec la population rurale bénéficiaire, incluant éventuellement la propriété, de sorte que la gestion et l’entretien de l’infrastructure soient décentralisés.

19. Les gouvernements ne peuvent plus investir dans l’irrigation ou l’infrastructure dans l’espoir que les petits exploitants réagiront en augmentant leur production, sauf s’il est à peu près certain que cette production pourra être commercialisée. Ces dernières années ont été marquées par la concentration et l’intégration verticale du secteur alimentaire, l’importance croissante dans de nombreuses régions du rôle des supermarchés dans le secteur des produits agricoles frais et transformés et un intérêt croissant pour la sécurité sanitaire et la qualité des aliments. Les petits agriculteurs des pays en développement, livrés à eux-mêmes, sont mal équipés pour s’adapter à ce nouvel environnement commercial.

20. Il faudra se pencher sur la question de la gestion de la chaîne d’approvisionnement et des investissements publics seront sans doute nécessaires à l’avenir pour appuyer des investissements privés parallèles dans l’agriculture sous contrat, par exemple, qui relie les agriculteurs à la gamme de services nécessaires pour approvisionner les marchés modernes. Toutefois, la durabilité sociale exige qu’y soient associés des investissements dans l’enseignement, la santé et d’autres services sociaux.

21. Dans de nombreux cas, les systèmes d’occupation des terres et les droits d’utilisation de l’eau sont devenus dysfonctionnels, ne sont plus justifiés économiquement et limitent les investissements. Les questions de jouissance des terres et de droits sur l’eau doivent être résolues de manière coordonnée pour que l’investissement dans l’irrigation ait un rendement optimal et qu’il soit suffisant au niveau des exploitations. Qui plus est, la durabilité environnementale de l’investissement rural est inextricablement liée au développement socio-économique des communautés bénéficiaires. La propriété pure et simple dévolue aux communautés est le moyen le plus efficace d’assurer la durabilité environnementale. Sinon, c’est la durabilité économique, sociale et environnementale de l’investissement dans l’infrastructure hydrique qui est compromise.

22. Les questions à débattre incluent: