Table des matières Page suivante


1. INTRODUCTION

1.1 Objectifs et contenu de la présente publication

La présente étude a été préparée pour aider les directeurs des pêcheries et le personnel de planification des pêches des pays en développement de la région Afrique à répondre aux problèmes suscités par l'extension de la juridiction nationale. L'étude est axée sur les procédures et les étapes de planification systématique nécessaires au développement équilibré du secteur halieutique.

Le document présenté illustre les méthodes et les étapes de planification. Bien que la planification ne doive pas obligatoirement se dérouler dans un ordre strict, il est néanmoins utile de distinguer diverses phases.

Des observations générales sur les plans et la planification viennent après le chapitre d'introduction. Elles sont suivies d'une discussion sur les besoins de préplanification. Des chapitres supplémentaires traitent de la préparation des plans sectoriels, des principaux problèmes affrontés par les pays côtiers en développement en raison de la nouvelle délimitation des zones de pêches, et des moyens d'atteindre les objectifs de développement dans le cadre du nouveau droit de la mer.

1.2 Principales dispositions du nouveau droit de la mer sur les pêches et incidences sur l'aménagement et la planification des pêches

En vertu du principe de la liberté des mers, les ressortissants des pays étrangers avaient libre accès aux ressources halieutiques au large des côtes des pays en développement, jusqu'à la limite des eaux territoriales de ces derniers. Avec la nouvelle législation, l'extension de la juridiction met plus de quatre-vingt-dix pour cent de toutes les ressources halieutiques sous le contrôle des Etats côtiers. Les pêcheurs étrangers désireux d'opérer - ou de continuer à opérer - dans la zone élargie doivent à présent en obtenir l'autorisation. La nouvelle législation accorde certains droits et impose certaines obligations aux Etats côtiers. Concrètement, l'Etat côtier a le droit de fixer “le volume de captures autorisées” en ce qui concerne les ressources halieutiques sous sa juridiction ainsi que de définir sa propre capacité d'exploitation. La législation prévoit également que lorsque la capacité d'exploitation nationale est inférieure au volume admissible des captures, d'autres Etats sont autorisés à exploiter le reliquat, à condition de se conformer aux mesures de conservation et d'aménagement et autres modalités fixées par l'Etat côtier.

Le passage de ressources halieutiques supplémentaires de propriété internationale à propriété nationale, dû à l'extension des zones de pêches, offre à tous les Etats côtiers la possibilité d'accroître les bénéfices tirés de l'aménagement de leurs pêcheries. Ces Etats sont maintenant en mesure d'exercer un contrôle sur l'ensemble des ressources au large de leurs côtes, et, par un aménagement efficace, d'en assurer l'exploitation optimale, grâce à une réglementation minutieuse des captures et des apports en capitaux et en main-d'oeuvre.

1.3 Les nouvelles possibilités varient d'un pays à l'autre et d'une région à l'autre

Les bénéfices qui découlent de l'accroissement des possibilités d'aménagement des pêches varient considérablement d'un pays côtier à un autre.

Les pays dont les ressources présentent un intérêt particulier pour les flottilles pêchant en eaux lointaines peuvent retirer immédiatement de vastes gains du fait de leur position de force vis-à-vis de la pêche étrangère lors des négociations. D'autres pays côtiers, aux ressources moins attrayantes pour la pêche étrangère, tireront moins de bénéfices.

Les flottilles étrangères opérant dans des conditions de libre accès ont généralement concentré leur effort de pêche sur les espèces prisées sur les marchés de leur pays d'origine et les marchés internationaux. Dans de nombreux cas, elles ont ignoré les espèces moins prisées. Pour certains pays côtiers en développement, ces espèces peuvent présenter un potentiel considérable sur le marché national et, après délimitation de leur ZEE, ils souhaiteront peut-être accroître l'effort de pêche en vue de leur exploitation.

Ceux qui ont perdu le contrôle de ressources qu'ils exploitaient traditionnellement sont pour la plupart des pays développés ainsi que certains pays côtiers en développement (la Corée et Taïwan, par exemple), qui opéraient (ou opèrent encore) des flottilles à grand rayon d'action. Certains pays en développement, tels le Ghana, qui opéraient avec des navires industriels plus petits dans des eaux relevant à présent de la juridiction de leurs riverains, ont également été défavorisés. Nombre de ces pays cherchent actuellement à conclure des accords les autorisant à pêcher dans les eaux dont ils ont été exclus du fait de la nouvelle délimitation des zones de pêche de leurs voisins. En cas d'échec, ils tentent de trouver d'autres pays côtiers ayant des ressources excédentaires et disposés à conclure des accords de pêche avec eux. Les autres formes d'ajustement face à la limitation des possibilités sont les suivantes:

  1. intensification des efforts pour accroître le rendement, notamment par le développement de nouvelles ressources jusque-là non exploitées;
  2. réduction des frais de pêche sur les fonds auxquels les pays ont encore accès;/li>
  3. conversion à d'autres usages, vente ou mise au rebut des bâtiments de pêche lorsque la poursuite des activtés n'apparaît pas rentable à long terme.

Les possibilités offertes aux pays côtiers dans le cadre de la nouvelle législation d'empêcher par des mesures d'aménagement appropriées le surinvestissement dans l'industrie de la pêche et la surexploitation des ressources biologiques n'auront qu'une signification pratique limitée si ces pays ne possèdent pas le savoir-faire ou la volonté de mettre en place et d'appliquer des contrôles efficaces.

La nouvelle législation ne prévoit aucune disposition pour garantir que les Etats côtiers remplissent leurs obligations en ce qui concerne la fixation des prises totales autorisées, de leur capacité d'exploitation, et des excédents pouvant être exploités par les flottilles étrangères. En l'absence de clause d'application, les conflits qui peuvent surgir entre le droit international (tel qu'il est défini par le nouveau régime) et les objectifs de développement nationaux peuvent parfois être résolus en faveur de ces derniers. Ceci peut empêcher l'atteinte du rendement maximal équilibré, pourtant souhaitable pour réduire la pénurie globale nette en aliments à rotéines animales.

1.4 Types de plans de développement

Les bénéfices que peuvent tirer les Etats côtiers de leurs ressources halieutiques dépendent finalement de leur capacité à formuler et mettre en oeuvre des plans rationnels pour leur exploitation et leur utilisation.

Les dictionnaires définissent la planification comme la détermination d'objectifs précis et la mise en oeuvre des moyens propres à les atteindre.

Le plan économique d'un pays concerne les agrégats nationaux (population, investissements, épargne, change, etc…). Il fixe des objectifs de développement de l'économie dans son ensemble, des objectifs de croissance du produit national brut, etc…, et notamment le niveau des investissements dans le secteur tant public que privé. Il attribue également les ressources rares, telles les devises et les fonds d'investissement, à des secteurs particuliers.

Les plans sectoriels s'intéressent à des domaines de production spécifiques, tels les pêches; ils analysent leur rôle dans l'atteinte des objectifs du plan, quantifient les objectifs pertinents et définissent les orientations et les activités nécessaires. Le besoin fondamental d'une planification systématique du développement des pêches vient de la prise de conscience du fait qu'un effort de pêche incontrôlé réduit l'effort de capture par unité et peut même parfois détruire entièrement un stock de poissons particulier. Pour garantir que les objectifs définis dans le plan sectoriel seront atteints, l'exploitation doit donc être réglementée par des mesures d'aménagement appropriées.

Les plans économique et sectoriel concernent tous deux les agrégats, et sont donc appelés macro-plans.

La micro-planification ou planification par projet concerne l'identification et l'évaluation de chaque composante des programmes choisis pour mener à bien les objectifs du plan.

La planification régionale concerne une zone géographique spécifique: province ou Etat d'un système fédéral, ou administration municipale d'un Etat unitaire. La planification au sein de l'entreprise individuelle s'appelle la planification d'entreprise.

La planification du développement (par opposition à la planification d'entreprise) implique un degré quelconque de participation du gouvernement dans le processus de planification.

La forme et le degré de participation de l'Etat permettent d'établir une distinction entre la planification dirigiste qui implique la transmission de directives par l'organisme central de planification à chaque unité (ou secteur) économique, et la planification indicative, dans laquelle l'organisme de planification se contente de définir la répartition des ressources nécessaires à l'atteinte de certains objectifs, en laissant à chaque unité (ou secteur) économique la liberté de suivre ou non ses conseils.

La planification par incitation implique l'instauration d'un système d'intéressements économiques afin que les plans conçus pour les unités économiques s'avèrent aussi les plus souhaitables ou rentables pour elles. Les planifications indicative et par incitation se trouvent principalement dans les économies de marché. La plupart des économies actuelles étant “mixtes”, la planification tend en pratique à combiner des éléments de deux ou trois types de planification de base.

En ce qui concerne la planification des pêches, le fait que les ressources des océans appartiennent à tous, et que les poissons constituent une ressource renouvelable pouvant être détruite par l'activité incontrôlée des pêcheurs, explique la nécessité pour l'Etat d'endosser la responsabilité de l'aménagement et du développement des pêches maritimes.

Selon le laps de temps compris, on distingue entre plans perspectifs, plans à moyen terme et plans annuels ou plans à court terme. Le but d'un plan à long terme est de définir dans les grandes lignes ce qui devra ou devrait se passer sur une longue période de temps, une décennie, par exemple. Le plan à long terme fournit un cadre aux plans à moyen terme, qui peuvent être divisés en plans annuels pour se conformer à la périodicité des affectations de crédit.

La planification du développement national a une origine récente, et elle n'est possible que depuis la mise au point d'instruments de planification adéquats, tels les statistiques sur le revenu national. Bien que la planification sectorielle ait un passé plus ancien, son utilité a été limitée par l'absence de plans nationaux.

La planification consistant à définir les moyens d'atteindre un objectif, ce dernier doit être pertinent et accessible; les ressources nécessaires doivent déjà exister, ou si tel n'est pas le cas, elles doivent devenir disponibles au cours du plan. Comme il n'existe jamais assez de ressources pour atteindre tous les objectifs, la planification exige la définition de priorités, et les objectifs nationaux et sectoriels refléteront des compromis politiques.

La planification n'est pas une formule magique qui fait progresser le développement. Une piètre planification donnera des résultats aussi médiocres qu'un manque de planification.

La conception des plans nationaux tend à s'effectuer du sommet à la base ou vice-versa. Aucune de ces deux approches n'est satisfaisante en soi. Les macro-planificateurs ne savent généralement pas suffisamment en détail ce qui peut ou non être mis en pratique avec les ressources et les difficultés au niveau opérationnel. De même, l'unité opérationnelle n'a probablement pas suffisamment conscience des obstacles nationaux (en termes de capitaux disponibles, de change, etc…) qui déterminent l'équilibre souhaitable entre les différents secteurs, projets et activités. Une planification efficace demande un échange d'informations des deux côtés, pour fournir au niveau le plus bas de la hiérarchie la possibilité de comprendre pleinement les directives du sommet, et pour permettre au sommet de comprendre ce qui peut ou non être mis en pratique.

1.5 Définition de termes couramment utilisés en planification

Les termes ci-après sont couramment utilisés dans les textes sur la planification (d'après FAO/Swedish Funds-in-Trust, 1974):

Buts - ils sont formulés par les gouvernements et, en conséquence, se fondent principalement sur des considérations politiques.

Objectifs lointains et immédiats - ils traduisent les buts politiques en termes concrets et monétaires.

Politiques ou stratégies - elles indiquent les moyens d'atteindre les buts, et les objectifs qui en découlent, par l'organisme d'exécution (par exemple, le Ministère des pêches).

Instruments et mesures - moyens, tels la législation et les taxes, employés pour suivre une stratégie.

Programmes, projets, activités - éléments concrets qui traduisent les plans élaborés pour atteindre les objectifs en réalisations véritables.

1.6 Planification du développement des pêches dans le contexte africain

Les économies et les secteurs des pêches des pays côtiers en développement d'Afrique sont si variés qu'il serait vain de tenter de généraliser sur les systèmes et les besoins de planification dans la région. La plupart des pays ont une économie de marché, dans laquelle l'Etat, du fait du nombre limité des entreprises privées, doit supporter le plus gros du fardeau de planification. La région compte également quelques pays à économie planifiée, dans laquelle l'Etat a un rôle encore plus marqué en ce qui concerne la définition des objectifs et l'orientation du développement.

Pour certains pays, les pêches représentent la principale possibilité d'accentuer le développement de leur économie, alors que d'autres possèdent un choix plus vaste en ce domaine. Dans certains pays, la pêche intérieure et la pisciculture offrent des possibilités supplémentaires ou de substitution à la promotion des pêcheries. Dans ce cas, les considérations de propriété commune et le besoin d'une planification nationale ne s'appliquent pas dans la même mesure que pour les pêches maritimes. Toutefois, même dans ces pays, où les perspectives de développement sont aussi bonnes, sinon meilleures, de graves problèmes socio-économiques peuvent survenir dans les pêches maritimes, que seule une planification systématique peut résoudre.

L'extension de la juridiction nationale a apporté de grands bénéfices immédiats à certains pays et ouvert des perspectives à plus long terme à d'autres pays de la région Afrique. Pour quelques pays exclus des zones de pêches de leurs voisins, les éventuels bénéfices découlant d'une extension de leur juridiction nationale seront probablement inférieurs aux pertes occasionnées par l'exclusion de zones qu'ils exploitaient auparavant.

D'un point de vue mondial, les pays de l'Atlantique central est sont considérés comme les plus grands bénéficiaires potentiels de l'extension de la juridiction. Ceci s'explique par la présence dans leur zone économique exclusive de vastes resources qui, par le passé, ont attiré une grande part de l'effort de pêche des flottilles à grand rayon d'action en provenance d'Europe et d'Asie du Sud-Est. La tâche principale des planificateurs sectoriels de ces pays consiste à décider de l'envergure de l'augmentation des opérations de pêche nationales et de l'attribution de permis aux pêcheurs étrangers, afin d'optimiser les bénéfices d'exploitation nationaux.

Tous les pays côtiers de la région possèdent des pêcheries à petite échelle d'une certaine importance. Dans certains pays, ces pêcheries apportent un complément notable aux disponibilités vivrières de la zone située dans le rayon de distribution de ports ou de sites de débarquements plus petits. Ailleurs, le facteur de l'emploi joue un rôle important, et ailleurs encore, là où les possibilités de changer d'emploi ou de région sont limitées ou inexistantes, la conservation des petites pêcheries est considérée comme une responsabilité sociale plutôt qu'un instrument de profit pour les consommateurs ou les producteurs.

Du fait de l'extension de la juridiction, le remplacement des flottilles pêchant en eaux lointaines, qui par le passé empiétaient souvent sur les pêches à petite échelle, par une exploitation nationale atténuera dans une certaines mesure les problèmes qui se posaient à celles-ci. Toutefois, dans les pays qui envisagent l'intensification de leur pêche industrielle, les planificateurs devront tenter de garantir la sauvegarde des intérêts futurs des petits pêcheurs.


Début de page Page suivante