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Chapitre 7 : Elaborer les messages

(Phase 2 de formulation - Deuxième étape)

7.1. Messages, médias et supports

Attardons-nous d'abord sur la distinction à opérer entre message, média et support :

Dans la formulation du message, un premier type de choix s'opère (quels mots utiliser ? dans quel ordre? ...). Dans le choix des médias, un deuxième choix s'opère (quels médias ? selon quelle combinaison?). Dans la transcription sur un support, un troisième type de choix s'opère (quel support ? quelle utilisation de l'image ? quelles couleurs ? quelle intensité sonore ? ...).

Ces choix sont intimement liés entre eux. Le contenu des messages influence le choix des médias et des supports, qui, en retour, influence la formulation des messages. Le choix des médias détermine le choix des supports, mais le prétest des supports peut, en retour, conduire à une révision du choix des médias.

Pour les besoins de l'exposé, nous abordons dans ce chapitre 7 les questions liées à l'élaboration des messages, puis, dans le chapitre 8, la problématique du choix et de la combinaison des médias, et enfin, dans le chapitre 9, la production des supports de communication.

7.2. Comment assurer la cohérence des messages?

Cohérence avec les objectifs

Les messages doivent d'abord être cohérents avec l'objectif de modification de la conduite. On peut dire que l'objectif spécifique de l'intervention de communication détermine le message.

Exemple :
Objectif spécifique : La mère introduira des bouillies de maïs enrichies en légumineuses et en huile dans le régime de son enfant, à un âge compris entre 6 et 9 mois, ces aliments étant disponibles et accessibles financièrement. Critère: une telle bouillie sera consommée par les enfants de cet âge trois fois par semaine au moins, une fois par jour au plus.
Les messages qui viseront à installer cette nouvelle conduite doivent être orientés vers l'utilisation de ces produits (maïs, légumineuses, huile) dans les préparations pour enfants à partir de 6 mois. Cette recommandation peut paraître triviale, mais on a trop entendu de messages sans contenu précis pour ne pas le préciser.

Selon la nature de vos objectifs intermédiaires, les messages seront différemment orientés. Cette différence peut se manifester dans le contenu du message : un message de nature informative sera fondamentalement différent d'un message qui cherche à susciter l'adhésion, la motivation ou qui cherche à renforcer l'estime de soi.

Il ne suffit pas d'assurer la cohérence avec l'objectif spécifique de l'intervention de communication, mais encore avec les objectifs intermédiaires.

Par quel biais essaie-t-on de modifier la conduite ? Vise-t-on l'accroissement des connaissances, ou du savoir-faire? Veut-on plutôt accroître la motivation, ou l'estime de soi? S'attaque-t-on aux valeurs ?

Un exemple abondamment illustré de cette diversité des messages peut être trouvé dans la promotion de l'allaitement maternel.
La motivation à allaiter est souvent présente. Dans de nombreux pays, il ne sert plus à rien de diffuser le message Le lait maternel est le meilleur aliment pour votre bébé. Les mères et les futures mères savent cela.
Dans les pays industrialisés et dans les villes des pays en développement, les jeunes mamans manquent souvent des savoirs et des savoir-faire de base : comment tenir le bébé? combien de temps devrait durer chaque tétée? que faire en cas de crevasses à un sein? Etc. Des messages précis répondant aux interrogations des mères seront souvent plus utiles que des messages visant à accroître leur motivation.
Un autre type de message est de plus en plus considéré comme indispensable à la promotion de l'allaitement maternel : il s'agit du message qui vise à renforcer l'estime de soi chez les mères. Celles-ci souffrent de plus en plus d'un sentiment d'incapacité à nourrir correctement leurs enfants avec leur propre lait. Là encore, les messages seront différents : ils viseront à renforcer l'image de l'allaitement maternel comme une pratique naturelle, accessible à toute femme normalement constituée.
En fonction des objectifs poursuivis, affectifs, cognitifs ou liés au savoir-faire, les messages présenteront un contenu différent.

Tout ceci montre que les messages seront construits par rapport aux objectifs de l'intervention, définis en référence au diagnostic posé durant la phase de conception de la stratégie.

Les résultats des enquêtes qui ont été menées à ce moment-là vont orienter la formulation des messages. L'exemple suivant, tiré de l'expérience nigérienne, illustre notre propos (25, p.32).

Le problème nutritionnel identifié par l'équipe de planification de l'intervention est l'avitaminose A, laquelle peut conduire à une perte de la vision au coucher du soleil. La consommation du foie a été retenue comme une solution possible pour assurer un meilleur apport en vitamine A. Le message doit motiver les mères de famille à préparer des plats à base de foie.
La recherche qualitative menée sur le terrain montre que :
  1. L'un des problèmes de santé perçu par la population est liée à la quantité et à la qualité du sang dans le corps.
  2. Le foie est considéré comme un aliment qui augmente le sang.
Les messages seront élaborés en tenant compte des croyances locales. Un message sera, par exemple : Mères, préparez plus souvent du foie, car il augmente le sang !.

Les messages doivent aussi être cohérents entre eux. Bien souvent, en effet, ce n'est pas un seul message que l'on transmet, mais un groupe de messages. Sur un seul contenu, pour atteindre un même objectif, plusieurs messages vont être construits, qui se renforceront mutuellement.

Un exemple de trois messages complémentaires :

Ces trois messages sont cohérents entre eux. Ils visent à atteindre un objectif unique : la vaccination des enfants contre la rougeole dès huit mois.

Cohérence avec les autres interventions

Les interventions d'éducation nutritionnelle visant une même communauté devraient au moins se montrer cohérentes entre elles. Cela est rendu difficile par la profusion des intervenants institutionnels, au niveau national d'abord (écoles, services de santé, services sociaux, vulgarisation agricole, organisations non gouvernementales, etc.), au niveau de la coopération internationale ensuite (organismes des Nations-Unies, organismes de la coopération bilatérale, organisations non gouvernementales, etc.).

Comment assurer cette cohérence ? En associant au comité de planification, au moins pour une phase de concertation préalable, des représentants de tous les secteurs du développement identifiés comme actifs en éducation nutritionnelle dans la zone considérée.

S'il n'y a pas cette cohérence entre institutions, le public se trouve confronté à des messages contradictoires entre lesquels il ne peut choisir, puisque tous émanent de sources crédibles. Dans de telles circonstances, fréquentes dans les pays développés, il est vain d'attendre des changements d'habitudes au niveau de tout le corps social.

7.3. Comment construire des messages percutants?

Les messages qui atteignent leur cible sont des messages bien formulés. S'il n'existe pas de recette, il existe néanmoins un certain nombre de règles générales concernant la formulation des messages. D'un ouvrage de référence sur le sujet, nous avons tiré les recommandations suivantes (39, p. 23).

Quand vous élaborez un message, ayez en mémoire ces dix recommandations :
  1. Elaborez des messages courts et simples : seulement quelques idées-clés
  2. Donnez une information fiable et complète.
  3. Répétez l'idée autant de fois que possible.
  4. Recommandez des conduites précises et observables.
  5. Démontrez le lien existant entre le problème de santé et la conduite incriminée.
  6. Usez d'un slogan ou d'un thème.
  7. Assurez-vous que le message est présenté par une source crédible d'information (aux yeux du public-cible).
  8. Présentez les faits de façon directe.
  9. Utilisez des colorations positives plutôt que négatives.
  10. Utilisez l'humour ...sans offenser quiconque.

7.4. Comment donner une valeur ajoutée à vos messages

Ainsi qu'on vient de le voir, la transmission d'un message sera facilitée par la forme qui lui sera donnée.

Cette affirmation a été bien comprise des publicitaires, qui ne se contentent plus, depuis fort longtemps, d'une description froide des qualités des produits qu'ils souhaitent promouvoir.

Comment par exemple ajouter de la valeur à un message transmis à l'aide d'une image (c'est-à-dire un message iconique)? De nombreux procédés ont été utilisés dans la publicité commerciale, puis, dans une mesure moindre, dans la communication d'intérêt public. Le lecteur se référera à des ouvrages de communication, de marketing ou de publicité pour une étude approfondie du sujet (10).

Nous proposons ci-dessous quelques procédés - des figures de style - parmi les plus connus pour donner à un message iconique une valeur ajoutée, pour lui faire dire plus que ce qu'il dit au premier niveau, pour le rendre plus attractif.

FICHE TECHNIQUE No 7 : sept figures de style iconiques

La mise en évidence

Ce procédé consiste à donner, sur l'image, une place prépondérante à l'objet dont on veut vanter les qualités. A la limite, cet objet est le seul représenté sur l'image, accompagné d'une phrase de présentation. Exemple : le dessin d'un sachet de sel de réhydratation, avec l'indication : Pour la diarrhée de vos enfants...

Si l'objet n'est pas seul sur l'image, il est mis en valeur par le texte et les autres éléments de l'image. Exemple : un enfant souriant tient quelques poissons à la main droite; le texte dit simplement : Le poisson c'est bon.

La répétition

Ce procédé muitiplie l'objet, ou le bénéficiaire de l'objet, pour faire entendre que, puisque tout le monde l'utilise, vous aussi, vous devriez l'utiliser !

Exemple illustrant la multiplication de l'objet : une montagne de cubes (concentrés de bouillon de viande) destinés à accommoder la sauce (plutôt qu'un seul, dans le cas de la mise en évidence).

Exemple illustrant la multiplicité des consommateurs : une foule d'enfants, accompagnés de leurs parents, se présentent au centre de santé pour la vaccination.

La substitution (ou métaphore)

Il s'agit ici de remplacer l'élément du message par un autre. Le public est sensé faire le lien entre l'objet de substitution et l'objet-cible du message. Un exemple utilisé par l'OMS est le parapluie pour représenter la vaccination. Le lecteur de l'image doit comprendre : la vaccination protégera votre enfant de la maladie comme le parapluie vous protège de la pluie (ou du soleil).

L'échange

Ce procédé consiste à mettre en parallèle deux situations, dont l'une est bien connue et appréciée du public. Celle-ci va servir à renforcer l'autre, à laquelle on veut faire adhérer le public.

Exemple : la préparation de la sauce graine (sauce à base de graines de palme) au village (avec une femme procédant à l'extraction de l'huile) est mise en parallèle avec la préparation du même plat traditionnel à l'aide d'une boîte de sauce graine en conserve (par une femme clairement identifiée comme du milieu urbain).

La succession (avant-après)

L'image fait référence à une évolution positive que l'on attribue à l'utilisation d'un produit, celui-là même dont on veut vanter les qualités.

L'image est composée de parties, placées côte à côte ou l'une en-dessous de l'autre. Exemple, une image présente un homme couché dans un lit (le texte précise qu'il est malade du paludisme); l'image suivante le présente debout, souriant, actif. Entre les deux, nous dit le texte, la prise de comprimés de chloroquine.

L'identification

Les processus d'identification jouent un rôle considérable dans la modification des conduites humaines.

Il est évident que le fait de voir une personne connue (et appréciée) utiliser tel ou tel produit, manifester telle attitude, adopter telle conduite nous engage à faire de même. Cette propension de l'homme (et pas seulement de l'enfant) à imiter ses semblables (en particulier ceux auxquels il s'identifie) a été abondamment utilisée par les publicitaires. Elle devrait sans doute l'être davantage en éducation nutritionnelle. Exemple : l'actrice célèbre allaitant son enfant jouera un rôle persuasif auprès des jeunes femmes qui l'admirent.

Plus largement, l'identification est un processus que l'on souhaite mettre en oeuvre dans la plupart des images qui mettent en scène des personnages. Si le lecteur de l'image ne se reconnaît pas dans l'un de ces personnages, il y a peu de chances pour qu'il adopte sa façon de faire. Nous verrons plus loin (fiche technique sur la télévision) comment faciliter le processus d'identification.

La série d'images

Comme on l'a vu à propos de l'échange et de la succession, une image doit parfois être composée de plusieurs images, se présentant en série. Il peut s'agir d'une série simultanée ou chronologique.

Nous prendrons pour exemple de la série d'images simultanées les différents effets bénéfiques de la consommation d'un produit, présentés côte-à-côte : la consommation de la bouillie que nous vous proposons donnera à votre enfant de l'énergie (première image), des éléments nutritifs de construction (deuxième image) et des éléments nutritifs de protection (troisième image).

Et, comme exemple de la série chronologique, nous prendrons la réalisation d'une recette de cuisine : les images successives illustreront les différentes étapes de la réalisation de cette fameuse bouillie.

7.5. Comment prétester les messages ?

Une des erreurs le plus souvent commises en matière d'éducation pour la santé est de se satisfaire d'un ou deux avis d'experts pour adopter définitivement un message ou un support de communication.

Celui qui vise l'efficacité ne se satisfera pas d'éléments fragmentaires pour fonder une décision qui concerne la santé de toute une population. A l'instar des responsables des programmes de communication publicitaire des entreprises privées, pour qui l'efficacité est une condition de la conquête et du maintien des marchés, les responsables de l'éducation nutritionnelle feraient bien de mettre à l'épreuve leurs projets de messages.

Le prétest des messages, puis un peu plus tard celui des supports (chapitre 9), visent à répondre à des questions portant sur cinq domaines :

Pour prétester les messages, il existe différentes méthodes, dont certaines s'apparentent aux méthodes d'enquête que nous avons présentées plus haut.

Ainsi, comme on a réuni des groupes focalisés pour mieux comprendre le problème nutritionnel, la perception qu'en a la population et la façon dont elle communique à ce sujet, on peut réunir des groupes focalisés (F. T. No 4) pour prétester des messages destinés à une communication avec le public. On peut aussi mener des entretiens individuels approfondis (F.T. No 3) avec des personnes-ressources appartenant ou non au public-cible.

Une méthode particulièrement appropriée de prétest des messages consiste à faire des essais dans les familles.

FICHE TECHNIQUE No 8 : les essais dans les familles.

On pourrait situer cette méthode dans le cadre de la recherche diagnostique autant que dans ce cadre. Elle vise en effet à tester les premières ébauches de messages auprès des publics auxquels ils sont destinés.

L'utilisation de cette méthode est justifiée par le fait que les messages relatifs à la nutrition concernent au premier chef les familles. Avant de choisir définitivement un corpus de messages, il paraît judicieux de demander à des personnes appartenant au public-cible d'appliquer, dans leur environnement familial, les recommandations formulées à leur intention.

Cette méthode, combinée avec des observations ainsi que des entretiens individuels et de groupes, a notamment été à la base du succès du Programme Indonésien d'Amélioration de la Nutrition (31).

De quoi s'agit-il ?

Des enquêteurs bien formés proposent à un échantillon de familles appartenant au public-cible de modifier certaines pratiques alimentaires pour améliorer la santé de la famille (en particulier des enfants). Par leurs observations et leurs entretiens, les enquêteurs notent les difficultés rencontrées dans l'application des recommandations. Le résultat de cette procédure est une liste des modifications les plus appropriées au contexte et une liste des raisons qui pourraient pousser les mères à les adopter, ou au contraire à y renoncer.

Cette procédure permet donc de choisir le contenu des messages. Exemple : dans le cas de la promotion d'une bouillie de sevrage, les essais vont nous aider à préciser quels ingrédients sont le plus appropriés compte tenu des facteurs inhérents au milieu familial (occupation de la mère, disponibilité des marchandises, facilité de préparation, attitudes des membres de la famille, etc.). Ces essais vont aussi indiquer avec précision quels ustensiles sont disponibles pour de telles préparations culinaires: on ne perlera pas de cuiller dans des messages destinés à des populations qui n'en disposent pas ! Ces essais vont enfin permettre d'identifier les arguments qui auront le plus de chances de provoquer les modifications attendues.


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