(Phase 3 de mise en oeuvre - Première étape)
9.1. La conception des supports
La conception des supports de communication exige une collaboration étroite entre des personnes qui ne sont pas habituées à travailler ensemble. Chacune d'elles doit accepter les limites de son champ de compétence et doit accepter d'écouter le point de vue de l'autre.
Ainsi une erreur qui fut longtemps commise était de confier la conception des supports (affiches, brochures, etc.) à celui qui possédait la compétence sur le contenu du message. Les nutritionnistes qui sont aussi des graphistes créatifs sont malheureusement assez rares ! L'erreur inverse consiste à placer une confiance excessive dans le talent artistique du concepteur du support, graphiste, vidéaste ou autre. Autant il est important de s'entourer de créatifs et de professionnels de la communication, autant leurs productions devraient toujours être considérées comme des projets à soumettre à la critique.
C'est pourquoi les rôles des différents partenaires devraient être clairement établis:
Le nutritionniste (ou, tout au moins, celui qui joue ce rôle dans l'équipe de planification) restera garant du contenu des messages. S'il estime que les messages tels qu'ils ont été formulés ne correspondent plus à l'idée de départ, il interviendra en vue de les rectifier.
Les créatifs interviendront pour formuler les messages, puis pour proposer leur traduction sur des supports appropriés. C'est à eux qu'il revient de donner au message sa couleur, sa tonalité, son émotion, en fonction des résultats de la recherche et des prétests.
Des techniciens seront parfois amenés à assister les créatifs, surtout lorsqu'il s'agit de production audiovisuelle : le réalisateur sera entouré des techniciens du son, de l'image, du montage, etc.
Pour coordonner ce travail, une personne devra jouer le rôle d'interface: c'est généralement le rôle dévolu au spécialiste de l'éducation pour la santé, dont la professionnalisation est de plus en plus reconnue sur le terrain.
En dernier recours, c'est au groupe de planification qu'il revient d'accepter ou de refuser un support qui lui est proposé, non sans avoir obtenu les résultats du prétest de celui-ci.
9.2 Le prétest des supports
Le prétest des supports est intimement lié à celui des messages. S'il est indispensable de prétester les messages avant de les fixer sur le support qui leur est destiné (l'affiche, le spot télévisé,...), il est également nécessaire de mettre à l'épreuve les supports avant de les produire sur une large échelle. Ce prétest des supports remettra éventuellement en question la formulation du message : si c'est le cas, il ne faudra pas hésiter à revenir en arrière pour modifier les messages en fonction de ces nouveaux éléments.
Comme nous l'avons déjà montré au chapitre 7, le prétest des messages et des supports vise à répondre à des questions dans les domaines suivants :
L'attention : tel qu'il est présenté sur le support, le message retient-il l'attention ?
La compréhension : le message est-il clairement compris ?
L'intérêt personnel : le public visé se sent-il concerné par le message ?
La crédibilité : le message ou sa source est-il perçu comme crédible ?
L'acceptabilité : la façon de présenter le message est-elle perçue comme acceptable, n'offense-t-elle personne ?
Nous avons présenté plus haut le prétest des messages, en précisant que les méthodes de prétest s'apparentent aux méthodes de recueil des données durant la phase diagnostique. Il nous faut rappeler ici que les groupes focalisés (F.T. no 4) et les entretiens individuels approfondis (F.T. no 3) peuvent être utilisés pour le prétest des messages et des supports.
Les entretiens dans des lieux centraux (F.T. no 2) peuvent aussi servir de méthode de prétest d'un support. Les enquêteurs se rendent dans un lieu fréquenté par la population-cible et questionnent des personnes rencontrées à l'improviste sur la qualité du support.
Deux méthodes spécifiques au prétest des supports sont le questionnaire auto-administré et l'étude de la lisibilité.
FICHE TECHNIQUE No 10 : le questionnaire auto-administré
De quoi s'agit-il ?
Lorsque vous testez un nouveau support de communication, vous n'hésitez sans doute pas à demander l'avis d'un collègue dont vous reconnaissez la qualité du jugement. Une façon de systématiser le recours à des avis autorisés est d'envoyer un questionnaire standardisé, comportant des questions ouvertes et des questions fermées, à des personnes considérées comme expertes soit en nutrition (si l'objectif est d'évaluer le contenu du message), soit en communication (si l'objectif est de tester la forme du message et la qualité du support).
Le questionnaire est dit auto-administré parce que la personne qui en est la cible le remplit elle-même, en-dehors de la présence d'un enquêteur.
Compte tenu de leur niveau de formation, ces personnes sont tout à fait capables de s'auto-administrer le questionnaire et de vous le renvoyer à l'adresse et dans le délai que vous aurez indiqués. La proportion de non-réponses à ce type d'envoi est très variable. Elle dépend principalement de l'intérêt que vos interlocuteurs portent à votre travail !
Comment faire ?
Première étape : présenter le support à des collaborateurs et élaborer avec eux des questions relatives aux qualités attendues du support.
Deuxième étape : construire un questionnaire dont la plupart des questions devrait être à choix multiple (questions fermées), pour faciliter les réponses et le traitement de celles-ci.
Troisième étape : essayer le questionnaire auprès de quelques personnes ayant le même profil que celles qui vont le recevoir; le corriger en conséquence.
Quatrième étape : constituer l'échantillon des personnes-ressources qui vont être invitées à donner leur avis sur le support.
Cinquième étape : envoyer à toutes les personnes-ressources un questionnaire accompagné d'un exemplaire du support; fixer une date-limite pour le renvoi du support.
Sixième étape : traiter les données ainsi recueillies.
Septième étape : tirer les conclusions quant à la révision du support.
FICHE TECHNIQUE No 11 : l'étude de la lisibilité
Quelles formules ?
De nombreux auteurs ont consacré leurs efforts à l'étude de la lisibilité des textes écrits (lire notamment HENRY-1985). En français et en anglais on dispose aujourd'hui de formules qui permettent de mesurer cette lisibilité. L'application de ces formules à des textes tirés de brochures, par exemple, permet de situer le niveau d'instruction nécessaire pour les comprendre (enseignement primaire, secondaire inférieur, secondaire supérieur).
En français, les variables communément admises pour mesurer la difficulté d'un texte sont:
pour G. DE LANDSHEERE (15, pp. 282-302), le nombre de mots par phrases et le nombre de syllabes pour 100 mots (les phrases longues et les mots longs étant réputés plus difficiles),
pour G. HENRY (22), le nombre de mots par phrases, le nombre d'indicateurs de dialogue (les textes expressifs étant plus faciles à comprendre) et le nombre de mots absents du vocabulaire de base de GOUGENHEIM (les textes comprenant beaucoup de mots absents de ce vocabulaire de base étant plus difficiles à comprendre).
Pour étudier les méthodes d'étude de la lisibilité de ces auteurs, se référer à leurs ouvrages.
Les textes écrits doivent être lisibles et compréhensibles par un large public. Il faut donc tenir compte du niveau d'éducation du public et s'efforcer de rédiger des textes les plus clairs et les plus concrets possibles. Nous proposons cidessous quelques règles simples à suivre:
Les mots
choisir de mots simples, familiers, communément utilisés.
écrire sur un mode personnalisé, en utilisant vous ou tu plutôt que ils.
utiliser des mots courts.
employer des verbes d'action.
utiliser peu de mots par phrase.
Les phrases
utiliser des structures de phrase les plus simples
éviter les longues phrases, faire plusieurs petites phrases courtes plutôt qu'un longue phrase pleine de mots de liaison.
Les paragraphes
éviter les paragraphes trop longs. Un paragraphe ne doit pas dépasser 5 phrases.
utiliser des titres très courts pour introduire les paragraphes.
Le style
employer le mode actif plutôt que le mode passif.
illustrer par des schémas ayant un rapport logique avec le texte.
utiliser du papier blanc ou clair et de l'encre noire ou bleue foncée.
aérer le texte par des espaces blancs.
laisser une marge non justifiée à droite du texte.
Les idées
éviter de donner trop d'informations à la fois.
employer des mots concrets plutôt qu'abstraits et donner des exemples concrets pour illustrer des idées abstraites.
appliquer le contenu du texte présenté à la situation personnelle et culturelle du lecteur.
[Ce texte est une adaptation de recommandations de l'Institute of Adult Literacy, College of Education, The Pennsylvania State University, 1991].
Quelque soit la méthode utilisée, il faut dire et redire que l'on ne distribue pas un support sur une large échelle avant de l'avoir sérieusement prétesté auprès de personnes-ressources et auprès d'un échantillon du public-cible.
Ceci est une réalité bien connue des publicitaires d'une part, des producteurs de manuels scolaires d'autre part, mais trop souvent ignorée de ceux qui assument la responsabilité de campagnes d'intérêt public.
9.3. La production sur une large échelle
C'est seulement quand il y a accord sur une maquette du support que peut être envisagée la production de celui-ci sur une large échelle: affiches, brochures, T-shirts, tracts, bandes vidéos, flanellographes, boîtes à images, etc. sont ici concernés.
Le choix du producteur dépend des ressources disponibles dans le pays, le district, le village +concernés. Faut-il choisir un producteur privé ou utiliser les unités de production des départements ministériels concernés? Seule l'étude de chaque cas permet de répondre à la question.
Dans une étude des coûts de production de supports de communication, on sera attentif aux éléments suivants:
Coûts de conception : interactions nécessaires entre le détenteur du message et le réalisateur (pour une production audio-visuelle) ou le graphiste (pour une production graphique). Honoraires de ces partenaires.
Coûts de production de la maquette (version originale du support) : frais de personnels techniques et d'utilisation de matériels (achats et/ou location).
Coûts du prétest : en fonction des méthodes choisies, il faut prévoir des coûts d'impression, de frais d'envoi, de déplacement, de rétribution des enquêteurs et éventuellement des personnes interviewées, de traitement des données et de rédaction des rapports.
Coûts de révision de la maquette : nouveaux frais de personnels techniques et d'utilisation de matériels (achats et/ou location).
Coûts de supervision : frais liés à la direction du programme, à la concertation entre les membres du comité de planification.
Coûts de reproduction du support : une étude de marché doit être effectuée pour identifier l'offre qui présente le meilleur rapport qualité/prix.
Coûts de diffusion : déterminants lorsqu'on travaille avec les médias audio-visuels, radio et surtout télévision.