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CHAPITRE 2
EVOLUTION HISTORIQUE ET ETAT ACTUEL DE L'URBANISATION ET DE LA FORESTERIE URBAINE

2.1. L'urbanisation dans le tiers monde : évolution et tendances

Les milieux universitaires ont accordé une attention soutenue à l'urbanisation croissante du monde en développement (par exemple, Leonard et al. 1989 ; Gilbert et Gugler, 1992, Hardoy et al. 1992). Il s'agit d'un processus d'évolution sociale intimement lié à l'économie, l'histoire, la géographie et la politique mondiales. On ne pourra réserver à ces questions qu'un aperçu superficiel dans la présente étude, mais en tant que facteurs définissant le cadre où la foresterie urbaine a eu et a encore lieu, il convient d'en fournir une évaluation.

Taux d'urbanisation

Les chiffres établis par les Nations Unies (1991)1 montrent qu'au milieu des années 1990, 45 % (2,4 milliards) des habitants de la planète vivaient dans des villes, et que ce chiffre atteindra 51 % en l'an 2000 et 65 % en 2025. Certes, les niveaux d'urbanisation varient largement d'une région à l'autre. Dans les pays plus développés, ella a déjà eu lieu en grande partie ; dès la moitié des années 1990, quelque 73 % de la population des régions plus développées étaient classés comme urbains contre 37 % dans les pays moins avancés. C'est dans ces derniers que les villes s'accroissent le plus rapidement à l'heure actuelle, manifestant d'énormes augmentations depuis les années 1950. Comme l'observent deux géographes bien connus,

“Stimulées par l'évolution des milieux ruraux, les taux élevés de fertilité, la diminution de la mortalité et une migration accélérée vers les villes, les sociétés rurales dans la plupart des pays du tiers monde sont devenues urbaines en l'espace de deux ou trois décennies. Les villes les plus importantes se sont développées rapidement, doublant souvent chaque quinze ans”. (Gilbert et Gugler, 1992:7).

En 1990–95, dans les pays en développement, le taux moyen de croissance des populations urbaines est estimé à 4,2 % par an, contre 0,8 % dans les pays développés. Déjà près des deux tiers des citadins du monde vivent dans les régions moins développées, et ce chiffre atteindra 70 % d'ici 2000.

1 Tous les chiffres cités dans cette section proviennent de cette source, sauf indication contraire.

Différences géographiques

Dans les différentes parties du tiers monde, le taux de croissance de l'urbanisation et l'époque où le processus a amorcé son accélération varient largement. D'une manière générale, l'urbanisation a démarré plus tôt en Amérique latine où, en 1990 déjà, 72 % de la population se composaient de citadins. Ce chiffre est à comparer au taux global de 34 % de la population d'Afrique qui s'est urbanisée en 1990 et 33 % pour celle d'Asie. Les taux d'urbanisation varient aussi au sein des régions du tiers monde, encore qu'à un degré moindre en Amérique latine. Dans cette dernière, elle est plus forte en Amérique du sud (75 %) et plus faible dans les Caraïbes (60 %) où certains pays (Haïti et Saint-Vincent) sont encore essentiellement ruraux. En Afrique, les pays de l'est ont le pourcentage de citadins le plus bas (22 %) alors que pour le bloc des pays d'Afrique australe il est le plus élevé (55 %). Les chiffres relatifs à la population d'Asie sont fortement influencés par la Chine, qui a un niveau d'urbanisation de 33 %, mais ce n'est qu'en Asie de l'ouest que plus de la moitié (63 %) de la population vit dans des agglomérations urbaines.

Si l'on compare les taux annuels d'urbanisation actuels (1990–1995), on observera que le processus est le plus rapide en Afrique (4,9 %), notamment dans l'est du continent (6,4 %). Il est aussi élevé en Asie (4,5 %) où le taux d'urbanisation actuel de la Chine est estimé à 6,6 %. En Amérique latine le processus s'est déjà ralenti tombant à un taux annuel de 2,6 %, après un niveau maximum dans les années 1950 (quand la croissance démographique annuelle atteignait environ 4,5 %).

Une perspective historique

De même que le taux et l'étendue de l'urbanisation dans le tiers monde, la nature et le caractère des agglomérations urbaines varient aussi en fonction de la culture, de la politique et du passé des différents pays. Ce phénomène se reflète dans les pratiques forestières urbaines, certains pays ayant eu une longue expérience d'arboriculture citadine. Par exemple, les écrits de Marco Polo nous révèlent que les grandes plantations d'arbres d'alignement étaient un aspect typique de la Chine du 13ème siècle (Pollard, 1977). A Mexico, la forêt de Chapultepec a été établie par les Aztèques en premier lieu comme jardins du temple (Benavides Menza, 1992), alors qu'en Inde de nombreux parcs urbains ont été créés par des sultans et maharajas (tel le park de Lal Bagh à Bangalore - Shyam Sunder, 1985).

Dans de nombreux pays du tiers monde, le colonialisme a exercé une incidence profonde sur le processus d'urbanisation. Bien que l'influence des puissances coloniales sur les diverses communautés indigènes ait été différente, on peut distinguer certaines étapes générales, à savoir une période marchande précoce (qui commence pendant les années 1500 ou plus tard), une période de colonialisme industriel (années 1850 et au-delà) suivie d'un colonialisme tardif (années 1920 et suivantes) et de l'indépendance (fin des années 1940 jusqu'aux années 1960).

Les dates sont mentionnées ici à titre indicatif et concernent en particulier l'Asie.2

2 En Amérique latine, les pays ont accédé en général à l'indépendance beaucoup plus tôt, au Mexique par exemple dès 1821.

Pendant la période marchande, l'influence extérieure a intéressé principalement les agglomérations urbaines existantes, notamment les ports, où les zones résidentielles tendaient à s'isoler, reflétant les caractéristiques ethniques ou occupationnelles. Pendant la période industrielle, le contrôle colonial s'exerçait à tous les niveaux de la hiérarchie urbaine et la tendance vers la primauté des villes se manifestait (une ville “dominante” par rapport aux autres). Souvent les travailleurs vivant en dehors de la zone locale étaient importés et affectés à des travaux d'assemblage ou de production. L'isolement social, économique et spatial était normalement renforcé de sorte que différentes zones d'une ville assumaient un caractère particulier. Selon Drakakis-Smith (1987:19),

“… les nouveaux planificateurs coloniaux affinaient et accentuaient (la ségrégation) grâce à une utilisation astucieuse des règlements d'urbanisme. De nombreux règlements concernant la santé et la construction n'étaient appliqués que dans les quartiers européens qui étaient efficacement séparés des quartiers non européens par un cordon sanitaire représenté par des espaces ouverts, à savoir parcs, hippodromes et voies ferrées, le tout renforcé par des cantonnements militaires judicieusement placés.”

Ainsi l'incorporation d'arbres dans le milieu urbain faisait partie intégrante de la politique coloniale d'isolement résidentiel, renforcé par la présence d'arbres d'alignement dans les quartiers européens. D'après Onganga (1992), aujourd'hui de nombreux kényens associent négativement la présence d'arbres urbains d'agrément au passé colonial.

Le colonialisme tardif n'a suscité que de rares changements structurels dans les villes, bien que leur expansion ait été le fait non seulement d'un accroissement naturel mais aussi de la migration - tant de la population indigène des zones rurales vers les villes que des européens provenant d'une Europe déchirée et déprimée par la guerre. Avec l'indépendance, l'exode rurale s'est accrue de façon spectaculaire. Dans certains pays, les contacts permanents avec les anciennes puissances coloniales, alors pauvres en main-d'oeuvre, ont résulté au cours des années 1960 en un afflux de travailleurs vers l'Europe. Ce phénomène a été de courte durée ; vers la fin des années 60, le système économique mondial a fait l'objet d'un changement radical et, dans le nord, la main-d'oeuvre s'est organisée se faisant plus coûteuse. De nombreuses firmes européennes et nord-américaines se sont transférées dans les villes du tiers monde où la main-d'oeuvre était meilleur marché. C'est ce phénomène, à savoir la nouvelle répartition internationale du travail, qui a eu les répercussions les plus profondes sur les villes du tiers monde. Pour les besoins de la présente analyse, on peut souligner un certain nombre de points clés.

Tendances démographiques du processus d'urbanisation

L'évaluation du rôle de la foresterie urbaine dans l'amélioration du bien-être des citadins du tiers monde impose une connaissance plus approfondie des personnes intéressées et de leurs conditions de vie. Les niveaux de revenu des citadins des pays en développement varient normalement entre les deux extrémités d'une fourchette : un groupe minoritaire possédant de vastes fortunes, un groupe plus important de salariés de la classe moyenne et un groupe majoritaire d'individus pauvres qui souvent dégagent la totalité de leurs revenus du secteur informel. Dans la mesure du possible, le présent document se concentrera sur ce dernier groupe, car d'une part il comprend les personnes les plus démunies et, de l'autre, il représente la majorité - tout en étant loin de former un groupe homogène. Un grand nombre des citadins pauvres sont des immigrants de fraîche date, alors que souvent l'élite urbaine réside en ville depuis des générations. En général, les personnes ayant à peu près le même niveau de revenu tendent à se grouper dans des quartiers distincts de la ville, mais il ne faudrait pas en conclure que ces quartiers sont réciproquement exclusifs. Par exemple, dans de nombreuses villes du tiers monde, très souvent les pauvres vivent dans les quartiers aisés comme main-d'oeuvre au service des résidents.

Exode rural

L'exode rurale dans le tiers monde est le résultat d'une série de circonstances où domine moins l'“attraction” de la vie citadine en soi que la “répulsion” déterminée par une situation économique dans le milieu rural, à savoir dettes, terres insuffisantes à nourrir la famille ou calamités naturelles. Gilbert et Gugler (1992:79) identifient quatre principales stratégies de migration:

Les deux premières stratégies, propres à une époque où les emplois se trouvaient facilement, concernent davantage l'Asie et l'Afrique que l'Amérique latine. De ce fait, les villes asiatiques et africaines se sont caractérisées par un rapport hommes/femmes très fortement en faveur des premiers alors qu'en Amérique latine les femmes ont toujours représenté le pourcentage le plus élevé de la population urbaine. Ces deux dernières décennies la prépondérance des hommes sur les femmes a diminué rapidement dans la plupart des villes du monde, la séparation des familles s'étant faite plus rare. L'un des facteurs qui ont contribué à cette situation a été la disponibilité accrue d'emplois pour les femmes dans les fabriques, bien que d'autres influences aient aussi joué un rôle (Gilbert et Gugler, 1992).

La migration temporaire, même de longue durée, indique l'existence de liens solides entre les habitants des villes et ceux des campagnes. Cependant, avec l'accroissement des agglomérations urbaines permanentes, ils pourraient fort bien se relâcher encore qu'à des niveaux différents selon les endroits. En Afrique, où l'urbanisation à grande échelle est un phénomène relativement récent, les liens avec la campagne paraissent encore extrêmement solides. De nombreuses familles citadines tirent encore des exploitations de leur lieu d'origine une partie de leurs aliments ainsi que d'autres produits agricoles (tels qu'articles tissés, médicaments, épices, etc.).

Installation en ville

Les quartiers résidentiels de la plupart des agglomérations du tiers monde ont toujours été isolés du reste de la ville; les divisions établies autrefois en fonction des ethnies le sont aujourd'hui largement en fonction du revenu. Ce point sera examiné à la section trois. Cidessous figure une brève description du processus d'installation des immigrants de fraîche date.

La plupart des personnes qui arrivent en ville ne possèdent que de rares biens. Celles qui en sont dépourvus vivent souvent dans la rue pour une période indéterminée, mais la plupart s'orientent soit vers des logements bon marché à haute densité et faible prix dans le centreville (en particulier si elles y ont des connaissances ou des parents), ou s'établissent dans des installations de squatters à la périphérie. Qu'on les appelle colonies de squatters, bidonvilles ou logements auto-assistés, ils représentent désormais un aspect familier des villes de la plupart des pays du tiers monde. Il n'est pas facile d'en donner une définition précise, mais ils ont en commun au moins deux caractéristiques. L'une est la pauvreté de leurs occupants; les logements ont été construits par des familles qui y ont toujours vécu ou qui y vivent encore; l'agglomération fondée initialement était irrégulière, du moins partiellement, et sans permis de construire; au moment de son établissement la plupart des infrastructures étaient (et sont probablement encore) absentes (Gilbert et Gugler, 1992:123). Une autre caractéristique des logements auto-assistés est leur emplacement fréquent sur des terres extrêmement inadaptées mais les seules disponibles et/ou accessibles aux pauvres. On compte parmi ces sites “… les enclaves correspondant aux marais et lits de lac de Mexico; les baies et criques peu profondes de San Salvador, Bahia (Brésil) et Manille; les estuaires de Dacca ; les flancs raides de collines de La Paz; et les lagunes polluées de Carthagène” (Campbell, 1989: 177). Il est souvent très dangereux de vivre dans ces zones; selon Leonard (1989:27–28) qui cite un chiffre sans aucun doute déjà dépassé

“Près de 100 millions de personnes très pauvres du monde en développement vivent à la périphérie des villes dans des milieux où elles risquent d'être menacées périodiquement par des catastrophes écologiques déclenchées ou favorisées par leurs propre système de vie”.

Dans la catégorie des logements auto-assistés il existe divers sous-types, notamment

La recherche a montré que, dans de telles situations, le comportement des pauvres à l'égard de leur logement est rationnel et souvent novateur. L'étude de Turner (1976) a démontré, par exemple, que les pauvres traversent plusieurs phases d'acclimatation à la vie citadine. Ils commencent avec un très faible revenu lorsque l'objectif primordial est l'accès aux emplois occasionnels, et acceptent n'importe quel abri à proximité. Plus tard (au bout d'environ cinq ans bien que le laps de temps puisse varier), ayant mis de côté un peu d'argent et s'étant assuré un revenu plus régulier, ils s'efforcent de consolider leur situation en obtenant la propriété légale de leur logement. Les familles qui ont réussi se mettront à la recherche d'un nouveau logement ou tâcheront d'améliorer celui où ils vivent si la zone est en voie d'assainissement. Le modèle de Turner montre que même les groupes très désavantagés de la société urbaine opèrent un choix. Sa principale lacune est qu'il ne tient pas compte des différences socio-politiques, culturelles et autres qui se manifestent entre les villes ; les pauvres n'agissent pas de la même façon partout dans le monde (Van Lindhert et Van Western, 1991:1010). Par exemple, les régimes de propriété des villes du tiers monde présentent de fortes variations régionales (Gilbert et Gugler, 1992). Dans certaines parties d'Asie, il est très courant d'habiter un logement à usage locatif; dans les villes chinoises, presque tous les ménages vivent dans une maison dont ils paient le loyer à l'Etat ou à une entreprise étatique. En Inde, le pourcentage de maisons louées par rapport à celles achetées varie entre les villes. Dans de nombreuses agglomérations africaines, la majorité des habitants vivent dans des logements à usage locatif et continuent souvent à le faire même lorsqu'ils ont les moyens de s'acheter une maison. On attribue souvent cela au fait que le citadin africain considère comme son vrai foyer sa zone rurale d'origine à laquelle il retournera un jour. Toutefois, cette attitude pourrait être aussi sujette à une évolution graduelle.

De cet examen très superficiel on peut identifier un certain nombre de questions pouvant être associées à l'utilisation des arbres par les citadins du tiers monde. Elles sont présentées davantage comme des hypothèses à approfondir que comme des faits connus ; les répercussions qu'elles déclenchent sont analysées dans d'autres parties du texte.

Migrants pauvres arrivés récemment

Il est extrêmement improbable que des gens qui viennent d'arriver dans une ville et sont en train de s'installer dans des logements temporaires s'intéressent à la plantation d'arbre. Cependant, ils pourraient tirer divers bénéfices des arbres déjà établis. Dans la section quatre (encadré 4.4), il est observé que les arbres d'alignement fournissent de l'ombre aux petites entreprises, représentent un lieu de rencontre et de détente, et remplissent souvent une fonction religieuse. Les arbres urbains peuvent aussi donner du combustible (sous forme de feuilles, brindilles et branches mortes), parfois du matériel pour la construction d'abris temporaires, ainsi que des fruits ou d'autres produits comestibles.

Migrants qui commencement à s'installer

Vu la durée de l'investissement, il est peu probable que des gens qui vivent dans des logements à usage locatif sans sécurité de tenure veuillent planter des arbres. Cependant, plus leur séjour en ville est long et leur sécurité assurée, plus ils seront susceptibles de vouloir produire leurs propres aliments sur place et, peut-être, planter des arbres à des fins variées. Par exemple, Sanyal (1985) a observé qu'il a fallu environ 10 ans pour que des migrants arrivés à Lusaka, Zambie, commencent à investir dans l'agriculture urbaine.

Citadins bien établis

Ce sont les gens qui possèdent la maison où ils vivent et la terre qui l'entoure qui sont le plus susceptibles de s'intéresser à l'arboriculture à des fins à la fois ornementales et matérielles. Se sentant bien établis, ils pourraient apprécier la valorisation de leur entourage que déterminerait la présence d'arbres d'agrément sur des terres publiques. Cependant, comme il est observé à la section 3, il y a généralement plus d'espace à destiner à de telles activités dans les quartiers résidentiels à revenu plus élevé.

Familles

La tendance croissante à résider en ville pour des périodes prolongées que manifestent dans le monde entier les familles complètes milite en faveur de l'exploitation des terres disponibles pour y produire des aliments et d'autres denrées.

Femmes

Dans les villes du tiers monde ces dernières décennies, les rôles des hommes et des femmes ont subi une évolution, les femmes prenant une part de plus en plus active à la vie citadine. Ce fait pourrait se répercuter de diverses manières sur la culture et l'utilisation des arbres. Les aspects de la foresterie urbaine connus jusqu'à présent qui touchent les spécificités de chaque sexe sont examinés dans la section cinq.

Affaiblissement des liens avec les zones rurales

On estime généralement que le désir de cultiver des jardins particuliers s'associe aux fortes affinités que conservent les gens vis-à-vis de la campagne mais que décroissent à mesure qu'ils s'intègrent à la vie citadine. Selon les études il n'en est rien et l'agriculture urbaine est considérée, en fait, comme un aspect parfaitement normal de la vie citadine (Sanyal, 1985 ; Lee-Smith et al 1987 ; Smit, 1992). On pourrait même formuler l'hypothèse qu'un affaiblissement des liens avec les zones rurales détermine un accroissement de l'intérêt à cultiver des terres en ville, les approvisionnements réguliers en produits en provenance du village d'origine se réduisant.

Emplacement des agglomérations

De nombreuses communautés de squatters vivent sur des terres marginales telles que des pentes raides exposées à l'érosion et aux coulées de boue. Il est urgent de stabiliser ces pentes et la plantation d'arbres pourrait y contribuer.

Evolution des modèles d'arboriculture dans le temps

L'arboriculture pratiquée dans les villes du tiers monde a certainement changé avec le temps et cette évolution se poursuit parallèlement à la croissance de la population et de la modification du caractère des zones résidentielles. On trouvera dans l'encadré 2.1 un exemple de scénario simple qui peut être envisagé à la périphérie d'une agglomération urbaine. Bien qu'il ne concerne aucune ville particulière, il peut servir de modèle. Il est concevable que, dans différentes parties d'une ville, la culture et la gestion des arbres suivent des modèles d'évolution plus compliqués.

Encadré 2.1Scénario possible de l'évolution dans le temps de la culture et de la gestion des arbres à la périphérie d'une ville
1. L'agglomération se situe à une certaine distance. Couvert arboré haut formé d'essences indigènes exploìtées par les citadins pour en tirer du combustible et du bois de construction ainsi que pour alimenter le bétail et pour d'autres usages.
2. Dégradation progressive du couvert arboré à mesure que la ville s'étend et que l'exploitation des ressources s'intensifie. On commence à bâtir des logements auto-assistés et plus d'arbres sont abattus pour les construire.
3. Défrichement de la zone pour accroître le nombre de logements et consolider l'occupation. La densité de l'agglomération croît.
4. Cultures annuelles sur de petites parcelles de terrain non construites pour l'alimentation de la famille et si possible la vente.
5. Les autorités municipales commencent à reconnaître l'agglomération en tant que telle. Une assistance pourrait être fournie pour des services tels que l'assainissement ou l'approvisionnement en eau potable. A mesure que les résidents se sentent plus en sécurité (de fait ou de droit), ils ínstallent des cultures à cycle plus long, y compris des arbres producteurs d'aliments. Ils pourront aussi valoriser leurs jardins en plantant des arbres d'ombrage et d'ornement.
6. De nouveaux services sont mis en place, tels qu'une école locale et des routes permanentes. Les organes gouvernementaux ou des groupes communautaires d'auto-assistance plantent des arbres autour de l'école et le long des routes pour valoriser le paysage.

2.2. Croissance des préoccupations relatives à l'environnement

La croissance accélérée des villes du tiers monde a déterminé des problèmes environnementaux d'une vaste portée, et notamment l'expansion sur des terres marginales des logements auto-assistés dépourvus de services. Comme le montre cet exemple, ce sont souvent les citadins les plus pauvres qui supportent le gros des problèmes relatifs à l'environnement ; de fait, Hardoy et al (1992:101) observent que si l'on établissait la carte de ces problèmes dans une ville quelconque, on verrait qu'ils coïncident étroitement avec les zones les plus démunies. Cependant, les difficultés que soulève le seul fait de répondre aux besoins de base des populations urbaines empêchent de nombreux gouvernements du tiers monde de consacrer les ressources voulues aux questions de l'environnement. White (1992:115) observe que

“Ce n'est qu'à l'extrémité la plus riche de la fourchette (des villes du sud) que les problèmes environnementaux … figurent au programme. Pour la plupart des villes du sud le programme pour les années 1990 est le même que pour les années 1960, à savoir fourniture d'emplois, d'aliments, de combustible de cuisson, d'eau et d'abris”.

Bien que cette déclaration contienne une grande part de vérité, maints pays en développement ont quand même fait des efforts pour améliorer l'environnement urbain, et l'on prend conscience de la question et on l'analyse bien plus attentivement qu'on ne le faisait il y a une décennie. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de Rio de Janeiro (1991) a concentré l'attention mondiale sur ces problèmes, et un grand nombre de ceux que l'on rencontre dans le tiers monde figurent dans le Programme “Action 21”, l'un des documents de la Conférence.

Le rôle que peuvent jouer les arbres dans l'amélioration de l'environnement urbain du tiers monde est examiné (et la mesure de la documentation disponible) dans la section quatre où est aussi analysé le rôle que jouent les arbres en fournissant aux citadins des avantages matériels, et en contribuant dans une certaine manière au développement durable. Cependant, sont examinés tout d'abord les arbres existants et les possibilités d'en planter davantage en fonction du plan d'aménagement urbain.


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