ANALYSE DES VARIABILITES SAISONNIERE ET INTERANNUELLE DE LA
TEMPERATURE
DES EAUX DE SURFACE DANS LA ZEE MAURITANIENNE1
AVERTISSEMENT
Ce chapitre constitue un résumé de l'article de Y. Loktionov : “Analyse des variations de la température de l'eau de surface le long des côtes mauritaniennes” que l'on trouvera en annexe C à la fin de ce rapport.
La constitution récente au CNROP d'une banque de données hydrologiques a permis d'estimer les caractéristiques saisonnières et interannuelles de la variabilité thermique des eaux mauritaniennes. Pour cette analyse, il a été possible d'utiliser 2750 données de température de surface provenant des différentes campagnes de recherche effectuées dans la région depuis 1957 et 18201 relevés de température de surface effectués entre 1985 et 1987 par les contrôleurs embarqués à bord des bateaux de pêche soviétiques opérant dans la ZEEM. Les observations de la température près du fond réalisées à la station Bayadère (20°40'N-17°04'W) ont également été utilisées.
Les données des campagnes de recherche, et celles des contrôleurs ont été traitées séparément. Elles ont été regroupées par “carrés” statistiques de 20 minutes de côtés, identiques à ceux utilisés au CNROP pour le traitement des statistiques de la pêche pélagique industrielle. Les moyennes annuelles et saisonnières de la température de surface ont été calculées pour chaque carré statistique. L'échelle spatiale utilisée a permis de distinguer les particularités de la répartition des températures de surface importantes pour la pêche.
La carte de répartition moyenne annuelle de la température de surface dans la ZEE mauritanienne (Figure I.1) permet de distinguer 3 grands secteurs :
un secteur nord entre 19°30'N et 21°N. Ce secteur est caractérisé par une “langue” quasi-stationnaire d'eaux froides (19°–19,5°C) qui s'étend vers le sud-ouest à partir de la région du cap Blanc. Les plus fortes variabilités de la température de surface sont observées entre 20°00'N et 20°30'N;
un secteur sud entre 16° et 19°N. Les températures moyennes annuelles sont de l'ordre de 22–23°C. Les eaux côtières, au sud immédiat du cap Timiris se distinguent par une température moyenne inférieure à 20°C. La valeur des écarts-types de température, et leur répartition plus homogène qu'en secteur nord montrent que la température en secteur sud est soumise à une variabilité de caractère cyclique bien prononcé, surtout à proximité de la côte;
un secteur intermédiaire entre 19° et 20°N. Ce secteur très étroit correspond à une zone d'augmentation très rapide de la température du nord au sud.
L'analyse des données de température de surface a permis de distinguer 4 saisons hydrologiques bien marquées : une saison froide, une saison chaude et deux saisons de transition (Figure I.2).
1 Chapitre préparé par Y. Loktionov et M. Ould El Mahfoud
Figure I.1. - Répartition moyenne annuelle de la température de surface, et des écarts-types de température dans la ZEE mauritanienne.
Figure I.2. - Répartition moyenne de la température de surface, dans la ZEE mauritanienne, au cours des différentes saisons hydrologiques (En grisé : Zones de pêche intensive d'après Chavance et al, 1987 et Chavance 1988).
Pendant la saison froide, qui s'étend de janvier à avril, les températures de surface, généralement comprises entre 16,5°C et 19°C ont tendance à augmenter de la côte vers le large. Les zones où les gradients thermiques sont les plus prononcés se situent d'une part à l'extrémité nord-ouest de la ZEE, à proximité de l'upwelling du cap Blanc, et d'autre part, au sud du cap Timiris où l'upwelling côtier est bien marqué, avec des températures inférieures à 16,5°C.
En mai et juin, période de transition saison froide-saison chaude, l'intensification de l'upwelling côtier, et le réchauffement général des eaux créent des zones où le gradient thermique est très prononcé le long de la côte au sud du cap Timiris. L'intensification de l'upwelling côtier, dû à l'augmentation de la vitesse du vent, est un phénomène cyclique. Les isothermes prennent une orientation zonale. C'est durant cette période que la variabilité des températures est la plus importante.
De juillet à octobre la saison chaude se caractérise par la formation d'un front thermique près de 20°30'N, avec des contrastes de température de 8 à 9°C. La position du front est soumise à des variations intrasaisonnières et interannuelles. Au sud de 20°N la ZEE est entièrement occupée par des eaux à 28– 29°C. Près du cap Timiris, peuvent apparaître à certaines périodes des zones de gradients thermiques.
La période de transition saison chaude - saison froide (novembre-décembre) se caractérise par l'intensification des upwellings côtiers et par la formation à leur périphérie de zones de contrastes thermiques. Les variabilités de températures les plus importantes se situent dans le secteur intermédiaire, ainsi que près de la côte au sud de 18°30'N.
A partir des particularités saisonniéres de la répartition des températures de surface dans la ZEE mauritanienne, un schéma du cycle annuel du déplacement des poissons peut être proposé. En effet, les zones de gradients thermiques sont connues étant des régions de concentration des poissons du fait des différents processus hydrologiques qui y ont lieu, et qui se traduisent en surface par l'apparition de zones où les contrastes thermiques sont bien marqués. Ainsi, pendant la saison froide, des conditions favorables peuvent exister dans le secteur nord de la ZEEM entre 20° et 20°30'N, et à proximité du cap Timiris(19°20' à 19°30'N). En mai et juin, pendant la période de transition saison froide-saison chaude, les conditions les plus favorables à la concentration des poissons se rencontrent entre16°30' et 18°N,au voisinage de l'upwelling côtier. Pendant la saison chaude, le front thermique qui s'est formé entre 20° et 20°30'N crée des conditions favorables à la concentration des poissons. Les flottilles de pêche vont rester dans cette région jusqu'à la fin de l'année.
Les particularités saisonnières de la répartition de la température dans la ZEE mauritanienne sont soumises à des variations intra et interannuelles dont l'influence sur la distribution des poissons pélagiques est importante. Les tendances pluriannuelles observées dans le développement des processus hydrologiques peuvent permettre d'expliquer les déplacements à grande échelle des stocks.
L'analyse de la distribution moyenne des températures pendant la saison chaude, de 1986 à 1988, a montré, qu'en 1986, les températures de surface étaient plus élevées que les deux années suivantes (Figure I.3). Pendant la saison chaude 1987, on observe non seulement une diminution de la température moyenne de surface, mais également des gradients thermiques moins marqués dans le front thermique. Pendant la saison froide 1987, des anomalies négatives de température sont apparues dans la plupart des régions de la ZEE mauritanienne. Cependant, un upwelling plus intense, et un réchauffement local des eaux côtières ont créé des conditions favorables pour la pêche pendant cette saison.
Une analyse corrélative linéaire a montré que les variations de température observées dans différents secteurs de la ZEE mauritanienne étaient fortement corrélées. Ce résultat nous permet alors d'estimer la tendance de la variabilité thermique d'après une moyenne calculée pour la partie de la ZEEM la plus fréquentée par les bateaux de pêche. Pendant la période 1985–1988, les variations de la température moyenne dans la ZEEM et les observations effectuées à la station Bayadère sont fortement liées, surtout en saison chaude. Les données de cette station disponibles depuis 1963, peuvent donc servir à étudier l'évolution à long terme des processus hydrologiques. On a ainsi pu montrer que les années 1985 à 1988 se caractérisaient par une élévation des températures en mars (saison froide) et une diminution des températures en saison chaude.
Figure I.3. - Anomalies thermiques observées en surface dans la ZEE mauritanienne pendant la saison chaude, de 1986 à 1988. (en grisé : anomalies négatives).
A partir de l'évolution des températures moyennes observées à la station Bayadère depuis 1963, en saison chaude (juillet à octobre) il a été possible de distinguer deux périodes (Figure I.4). Jusqu'en 1976, les anomalies de température sont positives, elles deviennent négatives à partir de 1977. Ainsi, au cours de la dernière décade, le secteur nord de la ZEE mauritanienne a été occupé par des eaux moins chaudes que lors des années précédentes.
Tout au long de l'année, dans la ZEE mauritanienne, les différents processus hydroclimatiques qui se succèdent (upwelling, front thermique) ont pour conséquence l'apparition de zones favorables à la concentration des poissons pélagiques. La variabilité thermique saisonnière et interannuelle provoque des changements dans la distribution des poissons, et par conséquent, des zones de pêche.
Les conditions hydrologiques de 1987 se sont caractérisées par des anomalies négatives de température dans la majeure partie de la ZEEM.
Depuis 1977 en saison chaude, les eaux de la zone mauritanienne sont plus froides que lors des années précédentes.
Loktionov Y., 1988 - Analyse des variations de la température de surface le long des côtes mauritaniennes.(Annexe C à ce présent rapport).
Figure I.4. - Anomailes thermoqies observées en saison chaude à la station Bayadère de 1963 à 1987.