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Production et transformation de quelques oléagineux et du manioc en Afrique

De tout temps, les productions oléicoles et le manioc ont été utilisés comme produits vivriers par les femmes africaines et transformés pour leurs préparations culinaires et pour assurer la conservation de celles dont les disponibilités étaient limitées dans le temps.

Les disponibilités ainsi offertes de produits de première transformation, moins pondéreux que la matière première et directement utilisables par la clientèle des pays non producteurs, ont ouvert et facilité leur commercialisation au sein et en dehors des zones de production.

OLÉAGINEUX

La demande des pays européens, premiers clients préférentiels d'oléagineux industrialisables, s'est accompagnée de développements des productions, y compris la génétique créatrice de plantes plus productives et résistant mieux aux ennemis des cultures. Il est à regretter que ces progrès ne soient pleinement accessibles aux populations rurales que pour l'arachide et, partiellement, pour le palmier à huile, là où subsistent des plantations villageoises améliorées à proximité des blocs industriels. Ces derniers ont été créés pour alimenter les huileries de palme implantées dans la zone guinéenne dont les productions sont exportées, a l'exception des besoins des savonneries locales et des unités de fractionnement. Celles-ci ont été créées dans le but de substituer les huiles raffinées de production locale aux huiles fluides d'importation (Gabon) ou dans le but de diversifier les produits exportables (Côte d'Ivoire).

Pour profiter de la valeur ajoutée et des créations d'emplois de la transformation, les pays africains se sont également équipés d'huileries de graines pour la trituration de l'arachide et pour le traitement du coprah et des amandes de karité. Ces productions locales sont en partie raffinées et destinées à la clientèle exigeante des grandes villes.

En 1985, la production des huiles extraites d'oléagineux d'origine tropicale était évaluée à 20 millions de tonnes, dont 3,2 millions de tonnes à mettre au compte de l'Afrique, qui en a exporté quelque 500 000 tonnes. La production autoconsommée, à laquelle s'ajoute la part commercialisée sur les marchés intérieurs, peut donc être estimée a 2,7 millions de tonnes, toutes huiles confondues.

Cette même année, la production record d'huile de palme en Malaisie, l'augmentation de la production d'arachides chinoises et la forte progression des productions de soja aux Etats-Unis et au Brésil (dont les huiles sont en quelque sorte le sous-produit de la transformation du soja en protéines) ont fait chuter les cours moyens des matières grasses sur les marchés internationaux de 140 à 90 dollars la tonne. La conjoncture tardant à s'améliorer, les ensemencements d'arachide se sont repliés au profit des cultures céréalières, faisant chuter les excédents exportables au détriment de la balance commerciale des pays. Cette situation ne s'est pas traduite par une diminution des productions traditionnelles impliquées dans un contexte d'échanges, car ceux-ci n'obéissent qu'à leurs propres lois. Ces échanges sont par ailleurs soutenus par des besoins peu compressibles et par la priorité accordée par les femmes aux recettes plutôt qu'à la valorisation de leur travail.

L'ingéniosité des femmes, faite d'évaluations mémorisées des rendements et de la balance des encaissements et des décaissements, trouve sa remarquable confirmation dans la production de l'huile de palme traditionnelle qui, par sa qualité inimitable industriellement, se révèle rentable bien qu'à base de fruits dont la teneur en matières grasses est inférieure de 30 voire 40 pour cent à celle des fruits destinés à l'approvisionnement des huileries industrielles.

MANIOC

A l'exception d'une opération togolaise de production de tapioca, aujourd'hui abandonnée, et d'une production pilote d'attiéké en Côte d'Ivoire, la totalité de la production africaine de manioc est transformée, par des procédés traditionnels, en produits alimentaires variés: attiéké en Côte d'Ivoire, gari et lafou dans le golfe du Bénin, chikwangue en Afrique centrale; les cossettes séchées et la farine sont présentes partout.

Le gari, apparemment plus facile à produire que l'attiéké, sa siccité garantissant une parfaite conservation, a fait l'objet de diverses tentatives d'industrialisation, dont le mérite revient à une firme brésilienne et à un constructeur nigérian qui s'est inspiré des réalisations de la précédente. Mais le produit mis au point par ces constructeurs, bien qu'ayant l'aspect du gari, ne peut malheureusement pas revendiquer la texture qui répond aux exigences des consommateurs. I1 est le résultat d'un broyage des produits issus de la «garification» de la semoule, obtenue par tamisage de la masse pressée après fermentation, et, de ce fait, ses qualités fonctionnelles en font une base de préparation de pâtes du type foufou alors que le gari doit pouvoir être utilisé comme composante de la gastronomie africaine. Cet échec technique est imputable à la seule opération (séchage accompagné de cuisson) qui doit être conduite sans formation de grumeaux. L'atelier pilote de l'Institut national des plantes à tubercules de Davié (Togo) vient de faire l 'expérience de cet obstacle majeur, dont l'élimination implique une révision drastique de la conception de la mécanisation de la garification.

En 1987, la production africaine de manioc était évaluée à 59,07 millions de tonnes, soit 43,03 pour cent de la production mondiale (137,29 millions de tonnes). La part revenant à l'Afrique de l'Ouest, où sont consommés le gari et les produits alimentaires apparentés, est de 20,7 millions de tonnes, dont plus de la moitié, soit 14 millions de tonnes, reviennent au Nigéria.

L'AVENIR DE LA TRANSFORMATION TRADITIONNELLE

Le contexte informel de la transformation traditionnelle et de sa commercialisation, qui sait toujours trouver son équilibre, est rassurant sur le plan de la sécurité alimentaire et résiste aux entrées plus ou moins clandestines d 'huiles raffinées de palme et autres huiles.

En ce qui concerne le manioc, la transformation traditionnelle bénéficie de la mécanisation des opérations de broyage, de râpage et de pressage qui allège considérablement les temps et les efforts qu'elle exige. Le tamisage ne pose qu'un problème: celui de la rentabilité de sa mécanisation qui, elle, est techniquement résolue. Il ne reste plus qu'à améliorer la garification.

Aussi est-il important, pour assurer la pérennité de l'équilibre socio-économique du monde rural et l'amélioration de la condition féminine, de mobiliser, dans le respect d'une rentabilité vérifiée, les moyens de recherche, d'équipement, de vulgarisation ainsi que les autres composantes d'une stratégie d'amélioration des transformations traditionnelles des produits agricoles africains.


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