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3 CHOIX DES ZONES DE PROJET ET DES PARTICIPANTS

Les projets de développement rural en participation ont pour vocation d'améliorer la condition et les capacités économiques, sociales et politiques des ruraux pauvres. Le planificateur de projet a donc pour tâche fondamentale:

Choix de la zone et des villages où agira le projet

Les zones à forte concentration de population pauvre se caractérisent par des ressources naturelles et une infrastructure physique très limitées, l'absence de services de développement de base, une structure agraire inéquitable, une production agricole de subsistance ou marginale, enfin par une pénurie de possibilités d'emploi, tant agricole que non agricole. Les planificateurs sont capables de tracer avec une bonne exactitude les zones appauvries en s'entretenant avec les administrateurs ruraux et en procédant à une analyse rapide des chiffres et autres données socio-économiques, recensements, enquêtes sur les ménages, et statistiques de production.

Une fois les zones pauvres identifiées, les planificateurs doivent choisir parmi elles celles qui se prêtent aux projets de développement participatif. Il serait improductif de choisir des zones où les problèmes de développement sont si graves qu'ils amoindriraient les chances de succès du projet. Il conviendra donc de s'attacher aux zones pauvres qui présentent toutefois un certain potentiel pour le démarrage d'activités économiques viables, où les services de développement sont représentés, même faiblement, pour être mis à la disposition des pauvres, et où il existe aussi des débouchés commerciaux pour les biens et les services.

L'étape suivante consiste à choisir des grappes de villages où les activités de projet démarreront. Pour définir ces grappes, les planificateurs du projet devront effectuer des enquêtes socio-économiques, de préférence en coopération avec les promoteurs de groupes. Les villages ainsi choisis devraient présenter un certain potentiel de développement et un faible degré de stratification sociale.

Choix des participants au projet

Dans la plupart des pays en développement, la population rurale se ventile en trois grandes catégories: les riches, qui en général ont le contrôle de la majeure partie des moyens de production et jouissent du meilleur accès aux services de développement; la classe moyenne, qui a un accès à la fois sûr et suffisant au revenu et aux biens de production; enfin, les personnes défavorisées ou pauvres, qui vivent au niveau de subsistance, voire au-dessous.

Les ruraux pauvres assurent leur subsistance en s'employant, à plein temps ou à temps partiel, à des activités agricoles, forestières, à la pêche, à l'artisanat et métiers connexes. Ils sont petits propriétaires, parfois marginaux, fermiers, métayers, travailleurs sans terre, ou petits pêcheurs, ou bien encore travailleurs forestiers, artisans ruraux, pasteurs nomades, ou réfugiés.

Il faut distinguer plusieurs degrés de dénuement chez les pauvres. Les petits agriculteurs sont parfois considérés comme «marginalement pauvres» parce qu'ils ont tout de même un certain accès au revenu et aux biens de production. La situation est en général plus difficile pour les métayers, les travailleurs sans terre et les sans travail (les très pauvres), dont la survie dépend des mieux nantis. Les personnes vivant dans le plus grand dénuement dans les zones rurales sont les laissés pour compte, par exemple souvent des veuves et des handicapés qui n'ont aucune base économique quelle qu'elle soit.

Pour identifier les participants potentiels, le personnel de projet doit rassembler les informations existantes relatives à la population rurale de la zone choisie pour le projet, et notamment des données démographiques, foncières, et économiques. A partir de ces renseignements, le personnel peut directement évaluer l'effectif, la proportion et les caractéristiques principales des pauvres et des non-pauvres.

Pour affiner cette évaluation, il pourra être nécessaire d'établir des critères de pauvreté spécifiques à la zone. Ces critères pourront notamment être le degré d'accès aux ressources productives, les caractéristiques ethniques et de caste, le degré de compétence disponible dans la famille, le revenu familial agricole et non agricole, la lourdeur de l'endettement du ménage, les conditions de logement, l'état nutritionnel, le niveau d'éducation et le santé de la famille, et le degré de participation à des organisations populaires rurales.

De façon caractéristique, les participants au projet seront des gens dont la principale source de revenu est l'agriculture, la pêche ou des activités connexes, dont la principale source de main-d'œuvre est le travail familial, et dont le revenu est inférieur à la moyenne dans la zone concernée. Ils n'auront que peu ou pas accès aux intrants, au crédit, à la formation, à la vulgarisation et autres services.

Certains projets cherchent délibérément à faire participer en premier lieu les petits agriculteurs marginalement pauvres, plutôt que les très pauvres ou les personnes totalement démunies. L'expérience a montré que les petits agriculteurs sont souvent plus portés à constituer des organisations car celles-ci leur permettent de risquer une part de leurs biens dans des activités de groupe. Les très pauvres ont encore moins de biens et davantage de dettes, et sont plus étroitement dépendants de leurs employeurs. Dans ce dernier groupe, toute prise de risque menace leur survie même. La participation des plus pauvres ne pourra être réalisée que dans des phases ultérieures.

Identification des besoins des participants

Comme le projet de participation vise à constituer des groupes de pauvres pour les aider à satisfaire leurs besoins prioritaires, ces besoins doivent être clairement identifiés. Les besoins des pauvres, qui sont directement liés à la pauvreté du groupe ou de la famille, peuvent avoir des dimensions physiologiques, psychologiques, économiques ou socioculturelles. En outre, parmi les pauvres, ces besoins peuvent se présenter selon une hiérarchie qui n'est pas directement perceptible aux observateurs non entraînés.

Pour évaluer de façon préliminaire les besoins des ruraux pauvres, le personnel de projet devra consulter les participants éventuels. Un sociologue ou un anthropologue, et un ou plusieurs experts en agronomie ou d'un domaine connexe, selon le type de projet et la zone choisie, devront prendre part à la mission d'identification du projet ou à une mission de reconnaissance effectuée préalablement.

Les équipes de reconnaissance doivent effectuer, en un temps relativement bref, une étude sociale et économique en consultant un échantillon représentatif de la population locale ainsi que des membres représentatifs des organisations populaires locales, et les chefs traditionnels. L'enquête effectuée par l'équipe doit porter sur des questions telles que les efforts actuels de développement, les besoins perçus, les aspirations et les contraintes. Les informations ainsi recueillies doivent être considérées comme préliminaires et en partie suspectes. Des données approfondies, plus fiables, seront réunies par le personnel de terrain à mesure qu'il gagne progressivement la confiance populaire.

L'identification des besoins — et la recherche de moyens permettant de les satisfaire — devrait par conséquent être conçue comme un processus continu, se déroulant à mesure que les groupes et les organisations participant au projet font valoir leurs besoins perçus et à mesure que le personnel d'exécution s'efforce d'y répondre.

Comment sont choisies les zones de projets PPP

En Thaïlande, les zones de projets ont été déterminées à l'issue d'un examen des données statistiques sur la pauvreté. Une fois le projet lancé, les promoteurs de groupes ont recueilli des informations détaillées au moyen d'une enquête sur la communauté tout entière, suivie d'une enquête sur les ménages visant à identifier les familles pauvres et leurs besoins.

En Zambie, un projet a été monté dans l'une des régions les plus pauvres. Les autorités ont choisi deux districts pour en faire des zones de projets, principalement en raison de la présence de personnel qualifié. Les villages ont été choisis en consultation avec les chefs locaux et les vulgarisateurs agricoles. Au Kenya, l'organe d'exécution a choisi des villages où il existait déjà des groupements.


Pourquoi des grappes de villages?

Il y a plusieurs avantages à travailler avec une grappe de villages — un groupe de villages voisins présentant des liens culturels, économiques ou physiques. Cela permet de mieux coordonner et superviser les activités de projets, et la diffusion des activités du village-noyau vers les villages voisins s'en trouve accélérée.

Grâce à cette structure en grappes, les groupes entretiennent des contacts plus étroits (ci-dessus, une réunion de groupe PPP appartenant à une grappe en Zambie), ce qui facilite la constitution de fédérations de groupements.

Les grappes favorisent aussi les économies d'échelle en ce qui concerne la fourniture d'intrants, de moyens de transformation et de commercialisation, et dans les prestations d'autres services, par exemple de santé et d'éducation.

Les problèmes de choix des participants

L'expérience du PPP met en lumière les contraintes et les faiblesses dont peut souffrir l'application des critères de choix des participants au projet.

Au Kenya, l'absence de directives suffisantes et bien définies a conduit à constituer des groupes qui comptaient à la fois des agriculteurs nantis et des agriculteurs de subsistance pauvres, le projet étant en fait prévu pour ces derniers exclusivement.

D'autres problèmes résultent de difficultés à définir les critères adéquats pour identifier les pauvres. En Sierra Leone (ci-dessus), par exemple, de nombreux «ménages» se sont révélés être en fait des unités plurifamiliales comptant plus de 25 personnes. L'évaluation de la division du revenu de la terre travaillée par chaque membre de ces familles étendues s'est avérée quasiment impossible.

En Zambie, les droits fonciers ont été pratiquement impossibles à déterminer: la terre n'est pas objet de propriété privée, car elle est allouée temporairement par les chefs traditionnels à ceux qui sont dans le besoin.


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