L'accumulation et le réinvestissement de richesses sont les forces motrices du développement économique. Les institutions financières — banques, sociétés de crédit et sociétés d'épargne informelles —ont donc un rôle important à jouer dans les projets en participation: elles offrent un lieu sûr où déposer l'épargne des membres du groupe, elles facilitent les opérations financières et apportent le crédit nécessaire à l'investissement dans les activités de groupe.
Toutefois, les ruraux pauvres n'ont guère accès aux organismes financiers officiels. Cela s'explique en partie par le fait que les ruraux pauvres n'ont pas les moyens physiques de nantissement qui sont normalement exigés pour garantir un prêt bancaire. L'autre facteur dissuasif, du point de vue des banques, est le coût unitaire élevé des prestations de services financiers aux pauvres. Aller au devant de grands nombres de ruraux, vivant de façon dispersée et mal organisés, pour leur offrir des services prend beaucoup de temps, tandis que le volume de l'épargne individuelle ou des prêts à consentir est faible. Il n'est tout simplement pas avantageux pour les banques de traiter avec les pauvres, individuellement, compte tenu du plafonnement des taux d'intérêts qui leur est le plus souvent imposé.
Faciliter l'épargne et l'accès aux crédit
Compte tenu de ces contraintes, le PPP a élaboré un ensemble de stratégies financières visant à améliorer l'accès des ruraux pauvres aux services financiers essentiels et à promouvoir leur autodépendance financière. Les projets PPP introduisent, à titre pilote, de nouveaux mécanismes et de nouvelles incitations d'ordre financier qui modifient l'environnement financier rural existant, premièrement en réduisant pour les banques les coûts de prestation de services d'épargne et de crédit aux petits agriculteurs; et deuxièmement, en abaissant le coût de l'accès à ces services pour les participants au projet.
Bien que les approches financières PPP puissent varier en fonction de la situation locale, toutes s'articulent autour de cinq éléments fondamentaux:
L'épargne d'abord. Les groupes sont encouragés à entreprendre des plans d'épargne de groupe avant de solliciter des prêts bancaires. L'aptitude à mobiliser une épargne de groupe donne la mesure de la détermination des membres du groupe vis-à-vis de leur entreprise collective, et de leurs capacités de remboursement du prêt.
Epargne et crédit collectifs. Les prestations de services financiers à des groupes sont avantageuses du point de vue des coûts, tant pour les banques que pour les pauvres. Une demande de prêt conjointe soumise par un groupe de 10 agriculteurs réduit les frais d'administration du dossier bancaire par un facteur 10. L'épargne de groupe permet une réduction des frais de tenue de comptes de dépôt. Les frais de transaction sont également inférieurs pour les membres du groupe: il suffit d'établir une seule demande de prêt, et de faire un seul déplacement jusqu'à l'agence locale de la banque.
Fonds de garantie des prêts. Pour encourager une institution financière à prêter de l'argent à des groupes participatifs, chacun des projets PPP constitue un fonds spécial de garantie des prêts (FGP) pour couvrir les pertes en cas de non-remboursement. Ce fonds, tenu sur un compte portant intérêt auprès de l'institution bancaire, est régi par un accord écrit qui fixe les conditions dans lesquelles les prêts seront accordés sur le capital propre de la banque, ainsi que les procédures à suivre en cas de non-remboursement.
Associer l'épargne au crédit. L'accord FGP prévoit que la banque coopérante exige aussi que les groupes ouvrent un compte d'épargne joint, et y fassent des dépôts réguliers pendant une période spécifiée avant de pouvoir bénéficier de crédits. Certains projets plafonnent le montant maximal que le groupe peut emprunter à un multiple du montant déposé sur le compte d'épargne du groupe ou exigent que le groupe verse une partie du montant prêté à son compte d'épargne.
Prêts garantis par un nantissement social. Dans les projets PPP, la banque coopérante est encouragée à assouplir ses exigences en matière de nantissement physique pour remplacer celui-ci par un «nantissement social». Les membres des groupes emprunteurs sont considérés comme solidairement responsables du remboursement du prêt collectif. Dans l'hypothèse où un membre du groupe ne rembourserait pas la fraction du prêt qui lui incombe, le prêt collectif tout entier serait considéré comme non recouvré, et tous les membres du groupe seraient interdits de crédit jusqu'à ce que le montant total ait été remboursé. (C'est ce mécanisme qui explique que le taux de recouvrement des prêts PPP se situe entre 80 et 90 pour cent, soit environ le double du taux observé dans la majorité des opérations de crédit aux petits agriculteurs.)
Formation du groupe à l'autonomie financière. L'un des éléments essentiels du PPP est la formation des membres du groupe et de leur chef de file aux mérites de l'autodépendance financière. Les groupes sont encouragés à faire preuve de discipline dans l'utilisation de l'épargne et du crédit, afin de porter au maximum le potentiel de génération de revenus de leurs activités, d'accumuler de la richesse et d'acquérir ainsi une bonne réputation financière. Le promoteur de groupe exerce un rôle important dans ce processus éducatif, et assure la liaison entre le groupe et la banque coopérante.
Arrangements financiers
Le succès du projet PPP pourra être fonction, dans une grande mesure, du soutien apporté par l'institution financière rurale coopérante. Le choix d'une institution appropriée au cours de la formulation du projet est, par conséquent, de la plus haute importance.
Plusieurs critères présideront à ce choix. Premièrement, l'institution doit disposer d'un réseau étendu d'agences en zone rurale, et notamment dans la zone d'action du projet. Ses dirigeants doivent être disposés à introduire et à mettre à l'épreuve des approches de groupes dans les prestations de services financiers aux petits agriculteurs, et devront accepter l'idée d'un nantissement social fondé sur le groupe. L'institution doit aussi convenir de l'établissement d'un fonds de garantie des prêts. Enfin, elle doit être disposée à assurer des services d'épargne, collective ou individuelle, aux participants au projet, et à introduire les mécanismes requis pour stimuler l'épargne.
Une fois choisie une institution bancaire appropriée, l'étape suivante consiste à négocier l'accord régissant le fonds de garantie du crédit. L'expérience du PPP révèle que la négociation de cet accord peut prendre du temps, et que les activités de projet devront parfois commencer avant que l'accord ait été effectivement signé. Néanmoins, l'accord envisagé avec l'institution choisie doit figurer dans le document de projet. Pour s'assurer que la banque exerce convenablement sa supervision et fournit l'appui technique requis à ses nouveaux clients, les accords FGP prévoient en général que soit constitué un comité de gestion financière des activités des petits agriculteurs, au sein de la banque, pour suivre le fonctionnement de l'élément financier du projet. Les représentants de la banque coopérante pourront aussi être invités à siéger au comité de coordination du projet.
Enfin, les promoteurs de groupes ont un rôle capital à jouer en ce qui concerne l'autonomie financière des groupes PPP. Le promoteur de groupe non seulement doit former les membres aux opérations financières élémentaires, mais aussi aider la banque à recouvrer les prêts et à renforcer ses liens avec les groupes. A mesure que les groupes parviennent à maturité, cette responsabilité doit toutefois être transférée progressivement aux fédérations intergroupes.
Crédit subventionné: des effets pervers?
Les projets PPP sont hostiles à l'application de taux d'intérêts préférentiels aux prêts consentis aux groupements. La raison en est qu'un faisceau d'indices font apparaître que les programmes de crédit bon marché peuvent faire plus de mal que de bien.
Le plafonnement des taux d'intérêts à des valeurs basses limite les marges que les banques peuvent dégager. Comme les prêts aux petits agriculteurs sont coûteux à gérer, les banques préfèrent souvent faire des prêts de plus gros volume aux plus gros agriculteurs. La faible rémunération du crédit limite aussi la capacité de la banque d'amortir les coûts unitaires élevés de tenue de comptes d'épargne ouverts par les petits agriculteurs. Ainsi, le crédit trop bon marché diminue-t-il la capacité de la banque de mobiliser l'épargne rurale.
L'épargne d'abord
A Sri Lanka, les membres de groupes nouvellement formés sont invités à déterminer combien ils épargneront chaque semaine, sur la base des capacités du membre le plus pauvre. L'épargne provient des cotisations hebdomadaires, des profits dégagés par les activités, et des intérêts perçus sur les prêts d'aide personnelle consentis aux membres. Les sommes de 40 dollars ou moins sont conservées par le trésorier; les montants plus élevés sont déposés à la banque.
Le principe de «l'épargne d'abord» est payant: jusqu'ici, les groupes de Sri Lanka ont accumulé une épargne se montant à 9 000 dollars, soit en moyenne 5 dollars par membre dans les zones où les pauvres gagnent moins d'un dollar par jour.
Les prêts consentis aux membres, à titre individuel, sont déposés sur un compte de groupe avant d'être distribués. Ainsi, le groupe est rendu responsable de l'intégralité du prêt. «Nous prévenons bien les groupes qu'à moins qu'ils soient parfaitement certains de la solvabilité d'un membre, ils ne doivent pas acheminer une demande de prêt en son nom», rappelle le coordonnateur du projet.
Un système informel
Le projet PPP en Zambie a adopté un système informel d'épargne, pour la première fois pratiqué par le Mouvement du développement de l'épargne du Zimbabwe.
Comme beaucoup de zones d'action du projet sont éloignées des services bancaires officiels, chaque groupe dépose son épargne auprès de son trésorier, qui enregistre les sommes en collant des timbres d'un Kwacha dans le livret d'épargne de groupe (à gauche). En 1989, les groupes zambiens avaient accumulé une épargne informelle se montant à environ 1 225 dollars.
S'adapter aux conditions locales
Le modèle et le fonctionnement de l'élément financier PPP est adapté à la situation de chaque pays.
Lorsque le projet PPP a été lancé au Ghana, par exemple, le pays souffrait d'une forte inflation et de la pénurie de devises. Pour faciliter les opérations du projet, le fonds de garantie a été transféré à un Fonds d'importation d'intrants tenu en monnaie convertible à l'extérieur du pays, tandis que le Gouvernement ghanéen accordait des fonds suffisants pour couvrir la majeure partie des coûts en monnaie locale.
La banque coopérante réceptionnait les intrants, qui étaient alors distribués aux participants à crédit. Le prix des intrants en monnaie locale était déterminé conjointement par les pouvoirs publics, le projet et la banque.
En Sierra Leone, où le projet PPP accordait des prêts directement, un système détaillé a été mis au point pour effectuer des prêts et les recouvrer, en nature. En Zambie, le crédit est administré par une organisation coopérative nationale. On pourrait citer nombre d'autres arrangements particuliers à un projet, notamment la commercialisation collective des excédents au Ghana, et la constitution de sociétés locales de crédit au Lesotho.