ANNEXE IX

EVOLUTION DES INDICES D'ABONDANCE DU BALISTE (Balistes carolinensis) ET DE LEUR TALLE MOYENNE DANS LA ZONE COTE D'IVOIRE - GHANA - TOGO - BENIN

par

CAVERIVIERE Alain

Chargé de Recherches de l'ORSTOM

1. INTRODUCTION

Plusieurs informations font etat d'une baisse de l'abondance du baliste Balistes carolinensis et/ou d'une diminution de taille moyenne dans les eaux côtières de la région du Golfe de Guinee Ouest. Ces informations, souvent non chiffrées, ne concernent généralement ou/une zone ou/et une oériode restreinte (saison). Nous allons essayer, dans cette étude, de mettre en évidence ces phénomènes à partir de totutes les données actuellement disponibles.

Avant cela, il est utile de rappeler en premier lieu, pour ne comparer que des données de même nature, que des etudes antérieures (Caverivière et al., 1981; Caverivière, 1982) ont montré que :

• le baliste est rare en saison froide au niveau du fond ou son abondance manimale s'observe au début de la saison chaude, scat de novembre à janvjer, en relation probable avec la reproduction ;

• les balistes de sub-surface sont plus petits, et ce d'autant plus qu ils sont près de la surface, que les balistes présents au niveau du find.

Comme la première explosion démographique du baliste a eu lieu en 1971–72 au Ghana, nous commencerons notre étude par les données relatives à ce pays.

2. EVOLUTION DES INDICES D'ABONDANCE

2.1 Ghana

Un des meilleurs indices pour suivre l'évolution de l'abondance est fourni par les rendements en baliste des chalutiers côtiers ghanéens qui debarqueraient touts leurs prises de cette espèce (Ansa-Emmim, 1979). Le Tableau 1 donne leurs prises et efforts d'après les données fournies par Koranteng et Quaatey (Annexe X du présent rapport), les rendements sont donnés de 1972 à 1980 pour les seuls petits chalutiers côtiers de 8–12 m (in Caverivière, 1981, d'apres une communication du FRU de Tema) et pour l'ensemble des chalutiers côtiers de 1972 à 1985 (d'après les données de Koranteng et Quaatey). L'évolution des deux séries de rendements est très similaire pendant la période commune et comme les données des auteurs précédemment cites indiquent que la proportion des petits chalutiers (8–12 m) est relativement constante sur toute la période 1972–1985, une dérive importante des valeurs 1981–1985 ne serait pas à craindre de ce fait. L'évolution graphique des rendements est présentée sur la Figure 1. II est possible de dire, d'après cette, figure, que les rendements ont chuté à partir de 1980 par repport à la période 1975–1977 qui presente des indices élevés, surtout si l'on considère que le fort indice de 1984 est peut-etre biaisé du fait du faible effort indiqué pour cette année. La chute, si chute il y a, ne serait cependant pas aussi brutale que celle des prises, l'effort ayant diminue.

En ce qui concerne les campagnes d'échoprospection avec chalutages de contrôle seules deux campagnes peuvent être utilement comparées. II s'agit de la campagne du N/O Dr. FRIDTJOF NANSEN de juin 1981 (FAO, 1984) et de celle du N/O CORNIDE DE SAAVEDRA d'aoôt 1986 (Oliver et al., 1986) . En effect, dans un but de comparaison, les résultats de la seconde campagne ont été calcules de la méme manière que pour la première et avec la méme cible de référence ; les mois sont assez comparables en ce qui concerne la présence, minimale, du baliste sur le fond, toute la biomasse devant de ce fait être intégrée. Une biomasse de 314000 tonnes a été calculée entre les fonds de 10 et 200 m (ce qui doit inclure toute l'aire de répartition) en 1981, soit 83 % de la biomasse total. Ce résultat est â rapprocher des 295000 tonnes de balistes (59 % du total) estimées lors de la campagne ECHOBAL 2 (Petit et Le Philippe, 1984) menée par le N/O CAPRICORNE en novembre 1981. La biomasse de baliste ne serait plus que de 197000 tonnes en 1936, soit 33 % du total.

En ce qui concern les campagnes de prospection par chalutage de fond, seules les données du MAMADIAMAA (Koranteng, 1981 et 1984) portant sur des périodes annuelles (1979–1980 et 1981–1982) peuvent être comparées, quoique le plan d'échantillonnage ne soit pas tout à fait le même entre les deux séries. On passerait d'une biomasse démersale moyenne de 92600 tonnes de balistes en 1979–1980, soit 59 % du total, à 79200 tonnes en 1981–1982 qui ne représenteraient plus que 44 % du total.

2.2 Côte d'Ivoire

Rappelons que les balistes ne sont pas exploites en Côte d'Ivoire, les bateaux de pêche - chalutiers et sardiniers - évitent leurs concentrations.

Comme pour le Ghana, les seules campagnes de prospections par échointégration dont les résultats peuvent être utilement comparés, sont celles du N/O Dr. FRIDTJOF NANSEN de juin 1981 et du N/O CORNIDE DE SAAVEDRA d'aoot 1986. La biomasse estimée en 1981 est de 188000 tonnes, soit 82 % du total toutes espèces. Elle n'est plus que de 36000 tonnes en 1986, soit 18 %du total.

Depuis 1978, des campagnes de chalutage de fond par échantillonnage stratifié ont eu lieu assez régulièrement sur l'ensemble du plateau continental ivoirien entre 10 et 120 mètres. Elles ont toutes été effectuées à partir du même navire (N/O ANDRE NIZERY) et avec le même chalut. Malheureusement, nous n'avons pu disposer des résultats des campagnes de 1985–1986. Le tableau 2 donne les indices d'abondance (prises psr 0,5 heure) du baliste par campagne en fonction du mois de l'année, puisqu'au niveau du fond l'abondance est très dépendante du facteur saisonnier. L'année 1984 pourrait marquer une certaine diminution de l'abondance du baliste sans que l'on puisse être affirmatif ; l'abondance au mois de janvier - période de concentration maximale au niveau du fond - est en effet beaucoup plus faible qu'en 1983 et les prises de saison froide 1984 (juillet) sont très faibles, plus faibles que celles de la saison froide 1980 (aoôt-septembre).

2.3 Togo - Bénin

D'après les statistiques de capture et les rapports de plusieurs campagnes de prospection, le baliste a été abondant dans la région (surtout au Togo) pendant les années 1970, après que la première grosse concentration de balistes ait été observée en mars 1972 au Togo (Beck, 1974). La biomasse et la proportion des balistes sont nettement plus faibles au début des années 1980. L'espèce disparait pratiquement des prises en 1985–1986.

Détaillons quelque-peu les résultats :

• D'après les données de deux chalutiers commerciaux opérant au Togo (in Bernacsek, Faggianelli et al., 1987) les rendements en balistes ont augmenté de 1972 à 1975 jusqu'à atteindre 310 kg par heure de chalutage cette année là ; ils diminuent par la suite et la dernière valeur connue n'est plus que de 28 kg en 1977.

• Des campagnes de chalutage de fond menées entre10 et 60 mètres à intervalles plus ou moins mensuels par les navires LOME et HAMBURO (Beck, 1974) ont permis de calculer que la biomasse instantanée apparente moyenne de baliste était de 4600 tonnes (35,4 kg/ha) au Togo entre juin 1973 et avril 1974, l'espèce représentait 69 % des prises totales.

• Robertson (1977) calcule une biomasse de 2300 tonnes (41 kg/ha) de baliste entre 25 et 50 mètres, soit 68/emsp/% des prises totales dans les eaux togolaises, à partir des données de la campagne de chalutage de fond du N/O FIOLENT en mai 1976.

• De 1977 á 1978, trois campagnes soviéto-béninoises par chalutage de fond ont eu lieu en saison chaude entre les profondeurs 11 et 78 mètres (surtout 20–50 m) du plateau continental béninois (anonyme, 1978). Le baliste était présent et représentait 6,5 % des prises totales.

• La campagne d'échointégration ECHOBAL 2 de novembre 1981 ne mentionne pas le baliste dans les eaux du Togo et du Bénin (Petit et Le Philippe, 1984).

• Le N/O ANDRE NIZERY a effectué six campagnes de chalutage de fond sur le plateau continental togolais entre janvier 1983 et mars 1984. Elles ont été utilisées par Lhomme (1985) pour calculer des biomasses et des densités apparentes moyennes. Dans l'ensemble, le baliste représentait moins de 10 % de la biomasse apparente totale 10–115 mètres, sa densité apparente diminuait en allant de l'Ouest vers l'Est : 2,70 kg/ha (soit 15 % du total) en zone Ouest, 0,77 kg/ha (4 % du total) en zone Centre, 0,35 kg/ha (1,5 % du total) en zone Est.

• Le même navire a effectué campagnes de chalutage de fond Bénin en juillet 1985 et janvier 1986> Le baliste n'est pas signalé dans le rapport (Vendeville, 1986) concernant ces deux campagnes, ce qui implique, d'après les rendements par espèce fournis, que son abondance n'a pu dépasser au mieux 2–3 kg/heure.

• La campagne d'échointégration avec chalutages de contrôle du N/O CORNIDE DE SAAVEDRA n'a pas permis de déceler des balistes dans les eaux togolaises et béninoises en aoôt 1986.

3. EVOLUTION DES TAILLES MOYENNES

3.1 Par pays

- Ghana

K. Koranteng et S. Quaatey (Annexe X du présent rapport) fournissent des distributions annuelles de fréquences de taille des balistes mesurés lors des campagnes de chalutage de fond. On observe une diminution des modes qui passent de 19 cm en 1977 à 16–17 en 1980, puis à 15 cm en 1981–1982–1984.

- Côte d'Ivoire

Le Tableau 3 donne les modes des distributions de fréquence et les poids moyene des balistes pour chacune des campagnes de chalutage de fond du N/O ANDRE NIZERY. Les distributions de fréquence de l'ensemble des individus mesurés à chaque campagne sont fournies dans le Tableau 4. Au delà des variations saisonnières des modes et poids moyens - en particulier augmentation du poids moyen en saison froide dô à une fuite d'autant pius marquée des eaux d'upwelling que les individus sont petits - on remarque une diminution très nette des valeurs entre les années 1978–1980 et les années 1983–1984.

3.2 Entre zones

Le rapport de la campagne du N/O Dr. FRIDTJOF NANSEN indique qu'en juin 1981 il y aurait eu une différence de taille entre les balistes pélagiques pêchés au Ghana, en Côte d'Ivoire et en Guinée Bissau (Figure 2). La même observation est faite en ce qui concerne les balistes pélagiques captur5es au Ghana et en Côte d'Ivoire lors de la campagne du N/O CORNIDE DE SAAVEDRA d'aoôt 1986 (Figure 3).

En ce qui concerne les campagnes de prospection par chalutage de fond effectuées au Ghana et en Côte d'Ivoire avec la même ouverture de maille des culs de chalut, les données fournies par Koranteng et Quaatey (Annexe X du présent rapport) pour les années 1979 et 1980 ont des modes plus petits que ceux des distributions de fréquence des campagnes CHALCI de la même période (cf. Tableau 3) ; les mesures dansles deux pays ont été faites au centimètre inférieur de longueur à la fourche. Les modes deviendraient similaires en 1983–1984.

4. DISCUSSIONS - CONCLUSION

A partir de l'ensemble des données que nous venons d'examiner, on peut raisonnablement admettre qu'il y eu une diminution de la biomasse des balistes dans la région Golfe de Guinée Ouest ces dernières années. Cette diminution s'est tout d'abord manifestée au Bénin et au Togo, zone proche de la limite Est de l'expension du stock 8a son apog5ee : la rivière Dodo au Nigéria d'aprèss Robertson (1977). L'abondance du baliste baisserait dès 1976 au Togo d'après les rendements de deux chalutiers commerciaux. En 1977–1978, on trouve encore un peu de baliste au Bénin, il disparait par la suite. En 1983–1984, il reste encore en quantités relativement faibles au Togo, le gradient de densité diminuant fortement en allant de l'Ouest vers l'Est; il n'a plus été rencontré par la suite (aoôt 1986).

Le diminution de l'abondance au Ghana et en Côte d'Ivoire serait pius tardive, à partir de 1980–1981. D'après les données du N/O CORNIDE DE SAAVEDRA, il semblerait que l'année 1986 vcit une nouvelle baisse du stock, surtout en Côte d'Ivoir.

Le stock de baliste de la région GOLFE de Guinée Ouest est donc en diminution, diminution qui aurait commencée par une contraction de la zone de répartiton. On notera qu'une telle contraction a été décelée au Sénégal (Caveriviere, 1987), limite Nord de épartition du stock centré sur la Guinée.

Quelles peuvent être les causs de cette diminution ?

Plusieurs causes possibles ont été attribuées (Caverivière et al., 1981, Caverivière, 1982) à la première prolifération du baliste, dont l'une - directe ou indirecte - aurait été la modification du milieu physique liée àune période de sécheresse. En effect, l'explosion démographique du baliste avait coincidé avec une augmentation de la salinite moyenne des eaux mesurée à la station côtière située au large d'Abidjan. Nous avons examine l'évolution récent de cette salinite à cette station et porté sur la Figure 4 l'ensemble des valeurs. Malheureusement, depuis le début de l'année 1982 cette station à été déplacée huit milles plus au large, ce qui doit modifier très nettement les valeurs de la salinite lors de la période annuelle de crue des fleuves ; de pius, plusieurs périodes d'indisponibilité de la vedette océanographique chargée des preélèvements rendent impossibles les calculs des moyennes annuelles en 1978–1979–1984–1985. Compte-tenu de la première observation, les valeurs moyennes de la période 1980–1983 seraient sans doute toutes revenues au niveau des valeurs antérieures à la prolifération du baliste. Gulland et Garcia (1984), d'après les données de Binet (1982), indiquent que le débit des fleuves et l'abondance en plancton remontent â partir de 1978. Ces mêmes auteurs indiquent qu'une augmentation de l'abondance de la poule de mer (Cephalacanthus volitans), poisson semi-pélagique appartenant à la même communauté que Balistes carolinensis, serait survenue au Ghana en même temps que la prolifération du baliste (d'après Pupyschev, 1982), il semble que cette concordance dans l'augmentation des abondances aurait également eu lieu en Guinée Bissau.

Une étude rècente (Mahé, 1987) portant sur la variabilité des apports hydriques continentaux dans le Golfe de Guin5ee fournit des données complémentaires et plus vastes concernant le débit des fleuves et la dessalure. Elle porte sur 13 fleuves se dé versant enter la Côte d'Ivoire et le Congo. La figure 5 présente les variations de l'ensemble des débits des fleuves par rapport à la moyenne 1944–1986. La figure 6 présente le même schéma pour quatre fleuves de la région Côte d'Ioire-Bénin. On notera que les deux séries de variations sont très proches l'une de l'autre. La diminution de l'abondance du baliste dans la région observée en 1986 peut correspondre à la remontée des débits en 1985–86. Les débits proches de la moyenne de 1979–1980 peuvent, dans une certaine mesure, être mis en relation avec la baisse relative de l'abondance apparente du baliste notée en 1980–81 pour les rendements des petits chalutiers côtiers ghanéens et en 1981 (par rapport à 1979–80) pour les rendements en baliste du N/O KAKADIAMAA. De même, ils peuvent être mis en relation avec la position haute (au niveau de la courbe d'avant la prolifération du baliste) despoints 1978 à 1980 du modèle global appliqué à la Côte d'Ivoire (cf. Caverivière, 1982 et Annexe XIII du présent rapport), mais ceci de manière encore moins satisfaisante vu l'inexistence d'un décalage dans le temps (et même d'une “anticipation” pour 1978). Les très jeunes balistes, qui vivent près de la surface au dessus du plateau continental, pourraient être sensibles à la dessalure des eaux, ce qui nuirait au recrutement.

Il est difficile de fournir des explications à la différence des tailles des balistes dans le temps et dans l'espace. Si pour des régions eloignées on peut imputer les différences des tailles à des différences de croissance, Caverivière et al. (1981) indiquent que la croissance du baliste au Sénégal serait beaucoup plus rapide qu'en Côte d'Ivoire : Crosnier (1964), Durand (1967), Fontana (1979) nutent un phénomène de nanisme des espèces au fur et à mesure que l'on se papproche du fond du Golfe de Guinéel, il ne devrait pas y avoir de grande différence entre la croissance des balistes au Ghana et en Côte d'Ivoire, l'hydrologie marine des deux pays étant similaire. La différence pourrait provenir de ce que le baliste est exploité au Ghana et pas en Côte d'Ivoire, mais si cela peut expliquer la proportion plus importante des gros individus en Côte d'Ivoire, la place des modes principaux devrait être la même pour des poissons pêchés à la même période par le même navire. Reste l'hypothèse d'une migration des jeunes balistes hors des eaux ghanéennes, balistes qui alimenteraient (de manière massive) à un âge plus avancé, les stocks des eaux adjacentes. Cette hypothèse ne peut être rejetée mais ne nous paraft pas suffisante.

La diminution dans le temps de la valeur des modes lors des campagnes de chalutage de fond, qui paraft accompagner grosso modo une diminution de la biomasse, est elle aussi difficilement explicable.

D'autres campagnes, avec si possible un échantillonnage plus important des balistes, permettront peut-être de trouver des réponses satisfaisantes à ces questions.

BIBLIOGRAPHIE

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Sourcd : FRU, Tema

Fig. 1 Evolution des rendements en baliste des chalutiers côtiers ghanéens

Fig. 2 Distributions de fréquences de taille des balistes au large de Ghana, de la Côte d'Ivoire et de la Guinée-Bissau en Juin 1981 (in FAO, 1984)

Fig. 3 Distributions de fréquences de taille des balistes capturés au Ghana et en Côte d'Ivoire lors de la campagne du N/O CORNIDE DE SAAVERA d'août 1986 (in Oliver et al., 1986)

Fig. 4 Evolution de la salinité moyenne à 20 mètres à la station côtière d'Abidjan. Les points 1982 et 1983 sont surévalués (voir texte)

Fig. 5 Hydraulicité moyenne des 18 etudiés de 1944 à 1986 (in Matté, 1987)

Fig. 6 Hydraulicité moyenne pour 4 fleuves de la région Côte d'Ivoire - Bénin (In MAtté, 1977)