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1. CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

1.1 INTRODUCTION

1.1.1 Rôle des subventions dans les développement économique

La politique économique, définie comme l'ensemble des mesures prises par le gouvernement pour influencer l'activité économique, présuppose l'incapacité du système commercial à atteindre certains buts économiques tels que perçus par les décideurs. En tant qu'instrument de cette politique, le subventionnement peut donc être considéré comme un moyen permettant d'atteindre certains objectifs avec un bon rapport coût-efficacité; dans de nombreux cas toutefois, les subventions et autres instruments sont utilisés en diverses combinaisons pour atteindre des objectifs spécifiés.

Dans l'optique du développement, le subventionnement est utilisé: (a) pour assurer le transfert de revenu d'un groupe ou d'un secteur à un autre; (b) pour encourager l'adoption de certaines techniques de préférence à d'autres; (c) pour accroître la production de certains biens auxquels l'Etat accorde une plus haute priorité; (d) pour réduire les prix à la consommation en abaissant les coûts de production; (e) pour assurer aux producteurs un revenu supérieur à ce que leur permettrait l'état du marché; (f) pour promouvoir l'exploitation de ressources dans des cas où l'initiative privée ou les ressources privées sont limitées; (g) pour produire un effet de démonstration et stimuler ainsi les investissements privés. Enfin, le subventionnement est souvent utilisé comme instrument de la politique financière à des fins de stabilisation et de promotion de l'emploi.

1.1.2 Forme et mécanisme des opérations de subventionnement

Bien que les subventions puissent avoir beaucoup d'autres fonctions, on peut dire que leur rôle économique est essentiellement d'accroître et/ou stabiliser le revenu. Dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest, les subventions au secteur de la pêche prennent la forme d'une réduction des prix des moyens de production, d'une réduction des prix des biens de consommation (principalement les produits alimentaires), de la fourniture d'infrastructures et de celle de services tels que vulgarisation et formation.

Le mode d'organisation du programme de subventionnement est étroitement conditionné par les caractéristiques du secteur des pêches dans ces pays. Ainsi, la situation peut être celle d'une croissance trop lente de la production, par exemple si les ressources du pays sont exploitées par des pêcheurs utilisant des méthodes traditionnelles; un programme de subventions est alors entrepris en vue d'accroître la production pour répondre à la demande croissante. Ou bien, la production peut être en voie de diminution en conséquence du vieillissement des navires ou de l'augmentation des prix des intrants; le subventionnement peut alors devenir une option politique impérative pour empêcher la diminution du revenu national. Dans d'autres cas encore, le désir de stimuler le progrès technique et assurer ainsi une utilisation plus efficace des ressources peut rendre nécessaire un degré de subventionnement en l'absence duquel les ressources risqueraient d'être sousutilisées.

Comme le montre la figure 1, techniquement le subventionnement d'un intrant K pour la pêche signifie une réduction de son prix sur le marché. En admettant que l'intrant, dont le prix est ainsi subventionné, n'ait pas d'autre utilisation possible, la subvention aura un effet de substitution - à savoir le remplacement par l'intrant moins coûteux de celui plus onéreux mesuré par AB et un effet-revenu mesuré par BC qui est représentatif des gains résultant du mouvement des prix relatifs et de l'accroissement de la production. La mesure dans laquelle ces changements se produiront effectivement dépendra en premier lieu de l'élasticité-prix de la demande de l'intrant considéré et de l'élasticité de la production par rapport à l'intrant subventionné. Bien que les estimations de l'élasticité-prix soient inexistantes pour de nombreux intrants utilisés dans le secteur de la pêche en Afrique de l'Ouest, il est évident que l'élasticité de la production pourrait être positive pour beaucoup de pays de cette zone en raison du sous-développement de leurs pêches (Mabawonku, 1984). Et, étant donné que les intrants pour lesquels il existe des substituts doivent présenter une élasticité par rapport aux prix, le recours au subventionnement des intrants en tant que moyen d'accroître la production de poisson a toutes chances de produire des effets positifs.

Figure 1

Figure 1: Incidence de la subvention au prix de K sur la production (Q)

Dans ce cas, le subventionnement d'un intrant est défini comme une mesure prise pour en faire baisser les prix (quelquefois au-dessous de ceux du marché lorsque des circuits commerciaux existent déjà pour l'intrant en question) dans le but d'accroître la demande de cet intrant ou d'accéler l'adoption de son utilisation. En Afrique de l'Ouest, d'autres formes de subventionnement comprennent les bonifications d'intérêts pour le recouvrement des prêts, la fourniture d'infrastructures, etc. Mais, quelle que soit la définition retenue, le concept de subvention aux moyens de production englobe la totalité de ces mesures pour autant qu'elles réduisent le coût à supporter par l'entrepreneur privé.

1.2 INCIDENCE DES SUBVENTIONS SUR L'EXPLOITATION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

Dans quelle mesure le subventionnement peut-il être appliqué de façon suivie à une ressource dont le taux d'exploitation optimal est déterminé par sa capacité de régénération? Quel serait le taux de subventionnement optimal, à court et à long termes, pour maximiser le revenu national du secteur des pêches?

Supposons une fonction de rendement définie par R=f(K) et une courbe du coût moyen AC1. Lorsqu'une subvention S est appliquée à K, le coût moyen est abaissé à AC2. Soit OA la mesure de l'effort appliqué initialement. A AC, l'avantage net pour la nation est mesuré par CD. On observe toutefois que l'application de la subvention S permet d'accroître l'effort de AB pour tenter “d'utiliser au maximum les ressources halieutiques du pays”. A BE, l'avantage additionnel net (NB) est FG, l'effort additionnel est AB, et cet accroissement de l'effort est associé à un coût marginal HJ.

Les conclusions ci-après peuvent manifestement être dégagées de ce qui précède:

(a) si l'avantage additionnel net (ΔNB) est supérieur au coût marginal associé, à savoir si Δ NB > Δ AC, la subvention a eu un effet positif sur le revenu national et devrait être maintenue; (b) si l'avantage additionnel net est égal au coût marginal associé, à savoir si Δ NB = Δ AC, le taux de subventionnement est optimal pour la ressource considérée; (c) si l'avantage additionnel net est inférieur au coût marginal associé, à savoir si NB, AC, la subvention a un effet négatif et devrait être supprimée1

Il importe de noter que le point dë référence pour ces options est le MEY, à savoir le rendement économique maximum que peut procurer la ressource sur une base soutenue2. En Afrique de l'Ouest, la détermination du rendement économique maximum (MEY) ou du rendement maximum à long terme (MSY) d'une pêcherie multispécifique, soulève des difficultés. Le MEY peut néanmoins être déterminé à partir de ce qui a été expliqué plus haut en admettant un accroissement progressif de l'effort jusqu'à ce que soit atteint le point où

NB = AC

Lorsque la création d'emplois est le principal objectif du gouvernement, la règle à appliquer pour prendre une décision diffère quelque peu. En tel cas, la ressource est exploitée jusqu'àu point où l'avantage additionnel net s'établit à zéro (c'est-à-dire jusqu'au point où le coût moyen est exactement égal au rendement moyen évalué en prix constants). Comme le montre la figure 3, le subventionnement conduira à une augmentation de l'effort d'une quantité égale au taux de subvention multiplié par le taux des droits, tandis que le taux de subvention effectif sera inférieur de la même quantité au taux nominal. Et, étant donné que la perception de droits de douane assure des

1 A noter que le montant de la subvention est supposé être égal à l'accroissement du coût marginal. Si le montant de la subvention est indépendant du coût marginal pour le secteur privé, la base de comparaison retenue doit être la corrélation entre ANB et la valeur de la subvention

2 Le MEY a été intentionnellement utilisé comme point de référence pour assurer la clarté de l'exposé. Il pourrait y avoir d'autres points d'équilibre selon la pente de la courbe de l'effort

Figure 2

Figure 2: Incidence de la subvention sur l'exploitation des ressources

Figure 3

Figure 3: Incidence de la subvention sur l'exploitation des ressources lorsque la création d'emplois est le principal objectif

recettes au gouvernement, le transfert aux pêcheurs correspondra à la différence entre les dépenses consacrées au subventionnement par le governement et le revenu tiré de la perception du droit d'importation (Mabawonku et Olomola, 1936). Si la subvention est appliquée directement au coût c.a.f. de l'intrant, alors le taux effectif de subventionnement sera égal au taux nominal.

1.3 MESURE DES COUTS DES SUBVENTIONS

Comme on l'a dit plus haut, il existe différents types de subventions dans les divers pays d'Afrique de l'Ouest. Elles ont une caractéristique commune, à savoir qu'elles sont essentiellement des formes de réduction des prix des intrants. En outre, comme on le verra plus loin pour des études de cas nationales, la distinction entre subvention pour le développement et subvention pour la modernisation n'est pas aussi précise qu'on aurait pu l'escompter. Ce qui est essentiel en ce point de notre exposé, est la quantification de ce qui constitue un élément de subventionnement. Dans certains pays, les intrants sont achetés en franchise par le gouvernement ou par un organisme para-étatique, et distribués aux pêcheurs à des prix subventionnés. Dans d'autres cas, les intrants à distribuer aux pêcheurs sont achetés par appels d'offres sur le marché libre à des prix incluant le coût/ assurance frêt, le droit de douane et la marge de gros, avant d'être vendus aux bénéficiaires à prix réduits. Dans d'autres encore, la subvention concerne uniquement le carburant utilisé par les pêcheurs et reste la même quelle que soit la quantité achetée. Il y a également des cas où, outre les subventions précitées ou leurs diverses combinaisons, des prêts d'investissement sont accordés à des taux d'intérêt inférieurs à ceux pratiqués par les banques commerciales. Un cadre doit être défini pour l'analyse quantitative de chacun de ces cas.

Cas 1 - Droit de douane et subvention. La perception d'un droit sur les matériels de pêche accroît le coût de l'intrant. Si une subvention est alors appliquée, le taux effectif de subventions peut être inférieur aux taux nominaux tel qu'il figure dans les comptes du gouvernement. Si une subvention de 50 pour cent est appliquée au prix incluant le droit de douane, le prix subventionné sera plus élevé que s'il n'a pas été inclu de droit de douane, et le taux d'exploitation sera supérieur à celui qu'il ne faudrait pas dépasser pour préserver la ressource. Même en l'absence de subvention, la maximisation de l'emploi a pour effet d'accroître l'effort appliqué qui passe de E correspondant au MSY à A. Avec une subvention pour les moyens de production, l'emploi est encore accru de AD, tandis que les recettes diminuent de FG.

Lorsque l'on recourt aux subventions en vue de créer des emplois, il y a deux aspects à prendre en considération. En premier lieu, il faut que le taux de variation du rendement social maximum (MScY) soit égal au taux de subventionnement, à savoir que

Si le taux de variation du MScY est inférieur au taux de subventionnement, le but de la création d'emplois ne sera pas atteint ne sera pas atteint, car la pêcherie sera caractérisée par une capacité sous-utilisée ou un surinvestissement. En deuxième lieu, l'avantage d'une telle politique découle de l'aptitude à la régénération d'une ressource qui a été exploitée au-delà de son rendement maximum à long terme. Si la ressource est capable de se régénérer à moyen terme, il peut être souhaitable de créer davantage d'emplois dans le courtterme. Si elle ne l'est pas, alors le programme de subventionnement aura un effet négatif, en rendant par exemple tout le soutien financier improudctif.

Cas 2 - Subventionnement des taux d'intérêt: au Nigéria et en Gambie, les pêcheurs et les sociétés des pêche peuvent obtenir des prêts d'institutions financières soutenues par le gouvernement à des taux d'intérêt inférieurs à ceux pratiqués par les banques commerciales. De même que les taux d'intérêt sur les prêts pour l'agriculture et pour la pêche sont imposés, les taux pratiqués par les banques commerciales sont soumis aux directives de la Banque centrale. Dans de nombreux pays d'Afrique, il n'existe pas de taux d'intérêt du marché libre. On peut utiliser comme indicateur supplétif des taux du marché libre le taux perçu dans le secteur non institutionnalisé. Mais, étant donné le faible volume des transactions, cela ne reflète pas non plus le coût d'opportunité du capital.

Aux fins de la présente étude, on supposera que les taux pratiqués par les banques commerciales reflètent le taux de préférence sociale tel que déterminé par les diverses banques centrales. Pour calculer le montant des paiements de transfert au secteur des pêches par le moyen de prêts accordés à des taux subventionnés, on applique l'équation ci-après:

$ = p (1 + r) - p (1+ )

où $ est le montant de la subvention, P est le montant du prêt accordé, r est le taux d'intérêt des banques commerciales et le taux d'intérêt subventionné.

Un cas plus compliqué est celui où les intrants subventionnés sont vendus aux pêcheurs à crédit et à des taux d'intérêt subventionnés. Soit Ps le montant dépensé pour l'intrant subventionné et r le taux d'intérêt subventionné. La valeur de la subvention ainsi allouée sera égale à:

$ = (pc -ps (1 + r - )

Où Pc est la valeur de l'intrant aux prix du marché et r, et sont comme indiqués ci-dessus.

Cas 3 - Fourniture d'infrastructures: Dans les quatre pays considérés dans la présente étude, des dépôts pour le carburant, des véhicules réfrigérés et des entrepôts frigorifiques sont fournis par le gouvernement et mis sans aucun frais à la disposition de groupes de pêcheurs. Quoique ces intrants n'entrent pas directement dans l'équation production - effort, ils n'en ont pas moins pour effect d'accroître la valeur des produits et, en modifiant la forme de ces derniers, de créer un avantage additionnel pour les utilisateurs.

L'évaluation de ces intrants en l'absence de tous services comparables dans le secteur privé devient extrêmement difficile. Elle l'est même encore plus lorsque le taux d'utilisation des capacités est inconnu, c'est-à-dire lorsque l'on ne sait pas si elles sont pleinement utilisées ou non. Un reccourci consiste à calculer le “coût locatif” de l'infrastructure, défini comme:

est le coût locatif annuel, V le coût d'acquisition, r le taux d'intérêt et n la durée de vie de l'infrastructure.

Dans de nombreux cas, l'infrastructure est fournie au titre de dons ou à celui de l'aide. Cela signifie que, si l'argent nécessaire avait été trouvé sur le marché financier intérieur, la valeur du taux d'intérêt r aurait pu être différente de celle obtenue lorsque l'infrastructure était en cours de construction. Cette remarque vaut également dans des cas tels que celui du Nigéria où l'infrastructure fournie était financée par des crédits budgétaires.

1.4 QUANTIFICATION DES AVANTAGES DES SUBVENTIONS POUR LES PECHES

Dans la section 1.2, on a examiné l'avantage additionnel net associé à une unité de subvention. Il peut être considéré comme une mesure de l'avantage direct de tout programme de subventionnement. Il peut être mesuré soit par la production additionnelle de poisson, soit en valeur en multipliant cette production additionnelle par les prix obtenus. Dans une pêcherie multispécifique où une unité de pêche débarque diverses espèces de poissons, il n'existe pas de prix unique sur la base duquel on pourrait calculer la valeur de toutes les espèces, et cela en raison des préférences variables des consommateurs. La quantité de chaque espèce débarquée doit plutôt être évaluée sur la base de son propre prix réel. Les informations disponibles dans les zones étudiées ici n'indiquent pas clairement quel est le prix utilisé pour calculer la valeur des quantités débarquées et la méthode statistique actuellement employée dans la région ne donne pas non plus une définition claire du prix à utiliser pour ces calculs.

Aux fins de l'analyse économique, une distinction doit également être faite entre les types de poisson qui entrent dans le commerce et ceux qui n'y entrent pas. Pour les premiers, la détermination correcte de la valeur devrait concerner: (a) pour les exportations, le prix f.o.b. et (b) pour les quantités non exportées, le prix paritaire à l'importation. Pour les espèces qui n'entrent pas dans le commerce, le prix correct devrait être le prix “sortie d'exploitation”, c'est-à-dire le prix obtenu au lieu de débarquement.

Il n'est pas toujours vrai que l'avantage additionnel net tel qu'observé soit imputable à la subvention en soi. En premier lieu, la subvention ellemême a un effet de démonstration. Un groupe de pêcheurs peut avoir accès à de nouvelles techniques de pêche dans le cadre d'un projet de développement. Les gains de productivité peuvent attirer l'attention d'autres unités de pêche ne relevant pas du projet. En deuxième lieu, les prix du poisson peuvent augmenter par suite de modifications des goûts qui ont pour effet d'inciter d'autres pêcheurs ne participant pas au projet à investir dans la nouvelle technique. Dans les deux cas, on enregistre un accroissement de la production dont une partie ne peut être attribuée à la seule subvention.

Semblable situation est illustrée dans la figure 4. A T*, l'avantage total imputable à la subvention accordée est AC. Mais, en raison de l'effet de démonstration et d'autres effets exogènes, la production augmentait de par elle-même et à T* elle était de AB. L'avantage proportionnel à attribuer au projet peut être mesuré par AC-AB/AC (Mabawonku, 1986b)

Indépendamment des effets de démonstration, d'autres avantages indirects du subventionnement des pêches dont la quantification est possible sont l'intensification (ou la réduction) des activités liées à l'industrie de la pêche. C'est ce que montre la figure 5.

L'accroissement de la production résultant de la subvention produit des avantages indirects tels que l'intensification des activités des sociétés

Figure 4

Figure 4: Illustration des modifications de la production

fournissant des intrants ou des services à l'industrie de la pêche. Par exemple, des emplois supplémentaires sont crées non seulement pour la commercialisation des moteurs hors-bord, mais aussi grâce à l'installation d'ateliers de réparation des moteurs, de chantiers de construction navale, etc. En outre, on peut également enregistrer une intensification des activités des grossistes et détaillants en poisson. En accroissant le pouvoir d'achat des pêcheurs et des autres personnes travaillant dans des services connexes, on accroît la demande de biens de production. En outre, l'augmentation de la production de poisson, qui fait baisser les prix alimentaires, contribue à soulager le problème nutritionnel du pays et à accroître le pouvoir d'achat réel de la population.

Un autre avantage indirect est le taux d'accroissement du transfert de technologie. On a pu constater que les pêcheurs de la région adoptent rapidement de nouvelles pratiques de pêche et qu'ils ont investi des sommes importantes, même sans appui du gouvernement, pour tenter de tirer parti des nouvelles méthodes et engins.

Figure 5

Figure 5: Quelques avantages indirects des subventions au secteur des pêches

On en vient finalement à la répartition des avantages au sein de la population. Dans le premier cas, une subvention est un paiement de transfert du gouvernement à un groupe de bénéficiaires. L'avantage qui en est retiré résulte du fait que le transfert est effectué à des voies d'investissement plutôt que de consommation. Cela signifie que les bénéficiaries ne peuvent se réserver complètement les avantages prouvés par le subventionnement. En outre, les ressources exploitées par les pêcheurs sont une “propriété commune” de tous les membres de la société.

Le mode de redistribution des avantages retirés à la fois du subventionnement et du fait que les ressources sont propriété commune est souvent déterminé par les lois en vigueur dans le pays ou par les objectifs que celui-ci souhaite atteindre. Au Nigéria par exemple, l'allocation d'un énorme montant au secteur agricole pendant le milieu des années 70 et au début des années 80 avait explicitement pour objectif le recyclage des recettes tirées du pétrole en vue d'assurer une croissance économique équilibrée et de parvenir à l'autosuffisance alimentaire. En tel cas, la question de la répartition des avantages ne semble pas se poser, dans la mesure où tous les secteurs de l'économie ont pris part à l'exercice de transfert.

Quoiqu'elle soit empiriquement possible, la quantification des avantages revenant à des tierces parties peut être un exercice purement théorique lorsque les objectifs du gouvernement ne sont pas clairement annoncés. Toutefois, les bénéficiaires secondaires peuvent comprendre le gouvernement qui perçoit des impôts sur les intrants destinés à la pêche, des impôts personnels ou sur le revenu, des impôts sur les sociétés, ainsi que les intérêts à payer par l'industrie de la pêche. Les avantages pour les consommateurs peuvent être mesurés par la réduction en pourcentage des prix du poisson. Et, étant donné que les bénéficiaires directs effectuent des achats sur le marché local, les dépenses consacrées à ces achats peuvent servir de mesure supplétive pour la part du profit qui est redistribué dans l'économie. Tout aussi important est le pourcentage de profits réinvesti ou économisé par les bénéficiaires directs. Tout accroissement des réinvestissements des profits directs réduit la demande de fonds à placer, tandis qu'une progression de la tendance à économiser a pour effet d'accroître le volume des crédits d'investissement disponsibles pour d'autres activités.

En général, la mesure des coûts et avantages dans un eéconomie où il y a un haut degré d'interdépendance entre les divers éléments du système se révèle assez compliquée. Elle nécessite des informations sur l'ensemble des systèmes économiques, politiques, juridiques et sociaux du pays. Cela va bien au-delà du but de la présente étude.

Pour une analyse empirique de l'effet du subventionnement sur les pêches en Afrique de l'Ouest, il y a lieu de bien préciser un certain nombre de problèmes. En premier lieu, il n'y a pas de données appropriées et lorsque l'on possède effectivement des informations, leur fiabilité est quelque fois douteuse. A l'heure actuelle, la collecte de données est limitée à celle d'informations sur les quantités débarquées, les espèces pêchées et leur abondance, les importations et les exportations. Cela n'est pas suffisant pour permettre l'analyse des questions de développement. Par exemple, on ne possède pas de statistiques sur les dépenses d'exploitation des pêcheurs, les profits, les marges bénéficiaires des détaillants, etc. dans les pays considérés dans la présente étude.

En troisième lieu, le cadre défini pour l'étude ne tenait pas compte des particularités de la sous-région de l'Afrique de l'Ouest, dans la mesure où il ne prévoyait pas l'examen des activités des flottilles étrangères ni du rôle joué par les organismes donateurs.

Dans la présente étude, les prix “à terre” (équivalents aux prix sortie d'exploitation) sont utilisés pour calculer la valeur des débarquements. Quoique l'on apprécie l'effet de l'inflation sur le prix, il y a un effet de normalisation dû au fait que l'inflation affecte également les prix des moyens de production. Les dépense d'exploitation ne sont pas prises en compte en l'absence de telles données. On utilise plutôt le revenu brut comme mesure des profits. Cela n'entraîne pas forcément de surestimation étant donné la valeur des intrants achetés, autres que ceux qui ont attiré la subvention semble négligeable (Mabawonku, 1978).


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