Page précédente Table des matières Page suivante


3. CONCLUSIONS ET OBSERVATIONS GENERALES

Les quatre pays couverts par la présente étude peuvent être considérés comme ayant des objectifs de développement analogues; ils ont aussi, à des degrés variables, expérimenté des mécanismes de subventionnement analogues pour atteindre leurs buts. Mais les objectifs et les moyens mis en oeuvre pour les atteindre ne relèvent pas de la simple mécanique et ne peuvent non plus être conçus hors du contexte global du développement de l'économie. En outre, le rythme du développement économique et les fonds qui lui sont consacrés sont fonction de la politique du gouvernement et, plus spécialement, des intérêts des classes dirigeantes.

L'étude des systèmes de subventionnement fait apparaître un certain nombre de tendances communes. En premier lieu, une petite proportion seulement desartisans - pêcheurs les plus directement intéressés par le programme de subventionnement ont pu en bénéficier effectivement. Cela tient dans certains cas à l'insuffisance des crédits disponsibles, spécialement en devises, pour importer le complément nécessaire de moyens de production. En deuxième lieu, dans les cas où l'on a observé une tendance à la réduction du subventionnement, il y a eu un fléchissement général de la production des artisans - pêcheurs.

Pour d'autres pays tels que le Sénégal, il semble que le subventionnement ait atteint un point optimum au-delà duquel le transfert pourrait être contreproductif. En Côte d'Ivoire par exemple, le programme de subventionnement apparaît négligeable si l'on considère la contribution apportée par le secteur des pêches à l'économie du pays. Le secteur industriel bénéficie davantage que le secteur artisanal du subventionnement du carburant.

Dans les quatre pays étudiés, le programme de subventionnement s'est révélé positif en ceci qu'il a permis d'accroître le volume de la production et le revenu national. Exception faite de la Gambie, où les matériels de pêche subventionnés n'ont été soumis à aucun droit d'importation,tous les autres pays se sont assuré un revenu substantiel en percevant des droits d'importation sur les matériels utilisés par les artisans-pêcheurs. Dans la mesure où le programme de subventions a pour effet d'accroître l'effort de pêche, l'étude n'indique en aucune façon un appauvrissement du capital de ressources halieutiques. Un effet négatif peut exister dans des zones de pêche particulières, mais il est relativement insignifiant.

Depuis six ou sept ans, il est à la mode de discuter les effets négatifs du subventionnement. On fait valoir que le subventionnement représente un transfert de ressources du secteur le plus productif vers le secteur le moins productif de l'économie. On prétend également qu'il a l'inefficacité pour corollaire, qu'il a un effet préjudiciable sur la répartition du revenu et qu'il fausse les signaux émis par le marché. Ces économistes qui voient les choses du côté de l'offre supposent que tous les marchés sont pleinement développés et monétisés, et qu'il existe nombre d'entrepreneurs prêts, sans aucune mesure d'incitation, à engager des ressources dans l'opération la plus profitable. A leur point de vue, toutes les ressources, y compris les êtres humains, sont mobiles et malléables. Malheureusement, ces théoriciens ne font pas la différence entre les problèmes que soulève le développement d'une économie et ceux que soulève la gestion d'une économie développée. Développer une économie peu avancée exige la mobilisation de ressources, la stimulation de la population, que ce soit par la contrainte ou par des mesures d'incitation, etc. en vue d'utiliser les moyens disponsibles pour l'exploitation des ressources les plus profitables, mais restées jusqu'alors inconnues ou sous-utilisées. C'est là qu'intervient le subventionnement du secteur des pêches. La pêche est une activité spécialisée qui exige une formation dans des domaines techniques spéciaux, une information sur la situation du marché et l'identification de la méthode d'approvisionnement ayant le meilleur rapport coût/efficacité. En Afrique, il y a encore moins de vingt ans, la pêche commerciale sur une grande échelle n'avait jamais été considérée comme une activité rentable. La pêche artisanale était extrêmement primitive et limitée aux eaux côtières, aux lagunes et aux estuaires.

En l'absence de compétences techniques et avec des connaissances limitées sur le capital de ressources, se risquer dans l'inconnu aurait été une entreprise sans espoir. Mais avec l'aide du gouvernement, si maigre soit - elle, il est devenu possible d'acquérir les connaissances et les compétences techniques nécessaires pour rendre le secteur de la pêche commercialement rentable. La pêche commerciale est encore une industrie naissante en Afrique de l'Ouest et la mesure dans laquelle l'effort de pêche pourra être accéléré grâce au programme de subventionnement sera déterminée par le potentiel des ressources. Absolument rien n'indique encore pour le moment qu'à l'échelle actuelle du subventionnement, il permettra à lui seul d'atteindre cet objectif.

En général, le subventionnement - son taux et son utilisation - est en analyse finale une question politique. Malheureusement toutefois, les artisans - pêcheurs qui devraient bénéficier du programme correspondant sont les moins à même de se faire entendre et les moins bien organisés, et ils n'ont pas le moyen d'influencer les décisions politiques. Les grandes entreprises de pêche industrielle, quoiqu'elles soient peu nombreuses, influencent souvent à un degré décisif les initiatives du gouvernement. Au Sénégal et au Nigéria, ces groupes ont atteint un stade de maturité suffisant pour être exposés aux forces du marché au lieu de dépendre d'un gouvernement paternaliste. Par suite, bien qu'il puisse être nécessaire de maintenir l'assistance au secteur de la pêche artisanale, le subventionnement de la pêche industrielle pourrait être progressivement réduit sans répercussions graves pour l'économie.

En dernier lieu, il faut bien faire ressortir le caractère indicatif de la présente étude et de ses conclusions. Des études sur les effets micro et macro du programme enttepris devront être effectuées dans les différents pays pour permettre d'identifier une approche différente du subventionnement. Mettre fin brutalement au programme de subventionnement pourrait avoir des conséquences encore beaucoup plus graves qu'un dommage permanent au secteur des pêches; le apys tout entier pouduits s'en ressentir, avec une augmentation des prix des produits alimentaires, un accroissement du chômage, un gasillage colossal de ressources investies dans des projets déjà exécutés et un fléchissement des performances globales de l'économie.


Page précédente Début de page Page suivante