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4. CONSIDÉRATIONS HALIEUTIQUES

4.1 Potentiel de capture

Le potentiel de capture n'est pas seulement affecté par l'espèce de corégone utilisée pour le repeuplement mais aussi par les facteurs environnementaux abiotiques et biotiques et les facteurs intrinsèques de la population en question (voir point 3). Ceux-ci devraient être pris en compte avant de décider d'un repeuplement en corégone. Pour fixer le potentiel de capture, une procédure en trois étapes est recommandée.

Dès que le gestionnaire est convaincu que les conditions générales sont favorables au repeuplement, il doit considérer la relation entre le potentiel de capture, le stade de développement et la densité de repeuplement en vue de la détermination des prélèvements à réaliser par la pêche. Il faut insister sur le fait que les prélèvements prévus doivent être réalistes. Dans le but d'accroître les prises, une erreur fréquente est d'utiliser une densité initiale de repeuplement trop élevée. La première étape est d'examiner les données du tableau 1, qui résume tous les résultats connus chez les corégones en termes de nombre de poissons nécessaires au repeuplement en vue de dégager 1kg/ha de capture. Par exemple, si dans un lac eutrophe, l'objectif est d'accroître les captures de lavaret de 1 kg/ha, celui-ci pourra être atteint en déversant 323 larves (=1000/3,1) ou 38 juvéniles de l'été (=1000/26,3) ou 15 juvéniles de l'automne (=1000/66,7).

Tableau 1. Captures (kg/1000 poissons déversés) provenant des repeuplements en corégones, pour chaque stade de développement et dans le cas de lacs oligotrophes (finlandais) et eutrophes (polonais).

L'amplitude est indiquée entre parenthèse, sauf pour les larves vésiculées pour lesquelles seule l'amplitude est indiquée. Les “?” indiquent que les résultats ne sont pas connus.

STADEDE DEVELOPPEMENTPETITE MARÊNEPELEDLAVARET
OLIGO.EU.OLIGO.EU.OLIGO.EU.
Larves vésiculées0 – 0,040,17 – 50 – 14,90 – 26,30 –7,3?
Larves???16,9
(4,7 – 83,3)
?3,1
(0,9 – 38,5)
Juvéniles      
   - Eté???8
(0 – 333)
?26,3
(8,5 – 83,3)
   - Automne15,9?62,5
(3 – 142,9)
26,3
(1 – 200)
55,6
(2 – 250)
66,7
(2 – 250)

L'amplitude des données reprises au tableau 1 est très grande. Les captures provenant du repeuplement ne sont pas seulement affectées par les conditions environnementales et la densité des repeuplements mais également par la pêche. Naturellement, s'il n'y a pas de pêche, le produit des repeuplements est nul. Au point de vue de l'aménagement des pêches, l'effort de pêche devrait être pris en considération pour la densité de repeuplement. Cela peut être fait dans la deuxième étape du raisonnement.

Lorsqu'il existe suffisamment de données comparatives, cette seconde étape consiste à procéder à une analyse statistique des variables que l'on sait être significatives dans une aire géographique donnée. Cette méthode tient compte des considérations environnementales et halieutiques et donc de l'ajustement de la densité de repeuplement. Cette approche a été utilisée en pratique pour l'aménagement des pêches, au moins en Pologne (pour la petite marêne et le lavaret) et en Finlande (pour le lavaret). Les résultats de l'expérience polonaise sont disponibles à l'Institut des Pêches Intérieures à Olsztyn. En ce qui concerne la Finlande, l'annexe 2 présente un exemple d'application pour les repeuplements en juvéniles de lavarets. Cette méthode fournit une base de travail pour la régulation des pêches et du repeuplement qui pourront ultérieurement être ajustés en fonction du suivi des résultats de la pêche.

La taille des poissons déversés est un facteur important qui affecte le potentiel de capture. Le tableau 1 nous montre que les captures qui résultent des repeuplements sont fonction du stade de développement. Cependant, l'accroissement n'est pas linéaire (Fig. 2a). Les juvéniles d'été peuvent, à peu de choses près, donner d'aussi bons résultats que les juvéniles d'automne. Les observations faites en Finlande confirment également que la taille des juvéniles d'automne a un effet très faible sur les captures provenant du repeuplement. Un aspect primordial est que l'incertitude du potentiel de capture décroît aux stades de développement les plus avancés (Fig. 2c), ce qui est une indication de l'effet de la taille sur les captures.

La troisième étape du raisonnement devrait être une adaptation des règles d'aménagement. Ces règles devront être revues de temps à autre, mais cela devrait être fait de manière progressive, à des intervalles de temps suffisamment espacés pour pouvoir observer la rendement de la pêche à différents stades. Diverses méthodes sont disponibles pour tester l'efficacité des repeuplements: par exemple, des comparaisons entre lacs, l'étude de séries temporelles, l'alternance des années de repeuplement, l'analyse des captures ou des effectifs des classes d'âge. La contribution de toute population présente naturellement devrait également être prise en compte par le biais de techniques telles que la récolte des oeufs sur le fond, la comparaison des larves issues du peuplement naturel ou du repeuplement, le marquage des poissons.

4.2 Effets sur les populations de même espèce

Il peut y avoir des effets à court et à long terme de l'espèce de repeuplement sur les populations de même espèce. Cela suppose qu'une population autonome de l'espèce soit présente dans le lac et donc la plupart des lacs eutrophes sont hors propos.

Les effets à long terme sont peu connus, bien que l'on sache que l'hybridation et très probablement l'introgression se sont déjà manifestées (cf. point 3). De plus, il peut y avoir des effets sur la distribution et l'abondance des pathogènes et d'autres parasites des poissons. Les effets des facteurs génétiques et pathologiques sur le rendement de la pêche restent à ce jour inconnus.

On en connaît davantage sur les effets à court terme. Le repeuplement à l'aide d'oeufs fécondés et des larves vésiculées de toutes les espèces de corégones ont très peu d'effets néfastes dans les lacs qui abritent un stock endémique (pas ou peu d'augmentation des captures). Les repeuplements en juvéniles accroissent le taux de capture mais les repeuplements excessifs ont, dans de nombreux cas, contribué à un ralentissement de la croissance des populations et à la réduction de l'importance et de la valeur marchande des captures. Comme les repeuplements en juvéniles réussissent dans la plupart des cas, il y a une plus grande probabilité d'effets génétiques (augmentation des gènes “d'écloserie”) et, au moins en théorie, il est probable que la population de repeuplement détrône la population endémique.

4.3 Effets sur les populations des autres espèces de la pêcherie

De par les interactions complexes dans les écosystèmes d'eau douce, il est difficile de prévoir les effets des repeuplements sur l'écosystème ou la production totale de poissons. Cependant, si le repeuplement est réussi, il affecte le flux d'énergie dans toute la communauté. On connaît très peu de choses jusqu'à présent des effets précis des repeuplements au niveau des communautés. Quelques exemples connus sont présentés au point 3.3 (considérations d'ordre écologique).

4.4 Répartition des captures entre les groupes d'utilisateurs

Les repeuplements peuvent entraîner des conflits entre les différents groupes de pêcheurs et les autres utilisateurs de l'eau. La petite marêne et le lavaret ont été, le plus souvent, des espèces destinées à la subsistance et aux pêcheurs professionnels. Le lavaret a maintenant une importance croissante pour la pêche à la ligne.

Les repeuplements peuvent changer la répartition des prises entre la pêche commerciale, de subsistance et récréative. Actuellement, il y a de la pêche commerciale dans des lacs où il n'en existait pas avant repeuplement. Les prises commerciales s'effectuent à l'aide de verveux et, dans une certaine mesure, à l'aide de chaluts qui réduisent les prises aux filets maillants. L'importance moyenne de la taille des captures au verveux et au chalut est plus faible que celle observée pour le filet maillant. Cela peut créer des conflits entre les groupes de pêcheurs. Dans certains cas, des repeuplements excessifs ont occasionné un ralentissement de la croissance des lavarets de repeuplement. Cela a réduit les captures de la pêche de subsistance et appauvrit la condition du poisson.

4.5 Effets dans les pêcheries à stocks mélangés

Dans les pêcheries à stocks mélangés, il faut considérer les taux de croissance pour les repeuplements potentiels et la méthode de pêche proposée. Par exemple, l'introduction du peled dans le lac de Starnberg a été un échec parce que, avant d'avoir pu se reproduire, il était vulnérable aux filets maillants conçus pour la pêche du lavaret, dont la vitesse de croissance est plus faible.


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