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2. LA FILIERE PECHE ET PISCICULTURE

Le secteur des pêches au Congo comprend trois sous-secteurs distincts:

- la pêche maritime, industrielle et artisanale;

- la pêche continentale pratiquée dans le complexe hydrologique de la cuvette congolaise ainsi que dans les fleuves et cours d'eau mineurs du bassin du Niari;

- la pisciculture, rurale et commerciale.

Chacun de ces sous-secteurs répond à des dynamiques spécifiques, propres aux milieux physique et socio-économique dans lesquels ils s'insèrent.

Globalement, le potentiel de production halieutique et piscicole, tous sous-secteurs confondus, est compris entre 100000 et 130 000 t/an, répartis comme suit: 30 % pour la pêche maritime, 68 % pour la pêche continentale et 2% pour la pisciculture.

2.1 La pêche maritime

2.1.1 Ressources halieutiques et potentiels de développement

Le milieu maritime congolais se caractérise par des conditions climatiques de type équatorial, avec une saison sèche marquée par un refroidissement des eaux (zones de upwelling) entre juin et septembre. Les vents sont réguliers et modérés, ce qui toutefois n'empêche pas l'établissement d'un ressac généralement fort.

Le littoral congolais a une longueur d'environ 170 Km. Les deux seules baies abritées sont celles de Loango et de Pointe Noire où se concentrent les activités de la pêche artisanale.

Le plateau continental a une largeur moyenne de 60Km, couvrant ainsi une surface, déduction faite de la zone reservée aux activités d'extraction pétrolière (environ 1400km²), de l'ordre de 9300km². Jusqu'à 20 milles au large, la zone côtière se caractérise par une alternance de fonds meubles et de fonds durs exploités simultanement par la pêche artisanale et la pêche industrielle.

Le plateau continental se prolonge par un talus de près de 120 Km de long, et d'environ 3 100 km² de superficie, dans une zone comprise dans l'intervalle de 200 à 1 000 m de profondeur.

La ZEE est estimée à environ 60000 km². Toutefois, la majeure partie de la zone n'apporte guère de ressources supplémentaires, excepté des thonidés lors de leurs migrations saisonnières. L'exploitation des pélagiques océaniques par une flottille nationale spécialisée semble à l'heure actuelle difficilement justifiable sur le plan de la rentabilité économique.

Les estimations sur les potentiels halieutiques maritimes sont fragmentaires et varient considérablement d'un auteur à l'autre. En moyenne, les eaux maritimes congolaises pourraient soutenir, pour les pêcheries connues, une production maximale équilibrée (PME) de l'ordre de 80 000 à 100 000 t/an, répartie comme suit:

- 70 000 à 85 000 t/an de poissons pélagiques côtiers et nérétiques (stocks partagés avec les pays voisins dont la quantité disponible varie d'une année à l'autre);

- 8 000 à 13000t/an de ressources démersales, y compris celles du talus continental;

- 4 000 à 5000 t/an de pélagiques océaniques.

Basé sur les estimations de PME, les stocks commercialement exploitables seraient de l'ordre de 20000à 50000t/an toutes espèces confondues. Toutefois, des estimations plus récentes (Henry, 1991) sont plus prudentes avec un potentiel exploitable situé entre 21 500 et 25500t/an et réparti comme suit:

- 13 000 à 17 000 t/an de petits pélagiques (sardinelles rondes et plates principalement, et ethmaloses);

- 7000t/an de démersaux côtiers, dont 5 500 t/an sur fonds meubles exploitables par les chalutiers, et 1500 t/an sur fonds durs uniquement accessibles à la pêche artisanale;

- 1 500 t/an de démersaux en zones profondes.

Les débarquements totaux de la pêche maritime congolaise sont évalués à l'heure actuelle à 20 400 t/an, y compris des captures effectuées dans les eaux de pays voisins, ainsi que la production de crevettes côtières (principalement Penaeus duorarum) estimée à environ 1 000 t/an. La pêche artisanale produit près de 8600t/an, soit environ 42% du total.

Le tableau ci-dessous montre l'évolution de la production de petits pélagiques et de celle de poissons démersaux entre 1980 et 1990. Il suggère globalement une grande stabilité des captures autour de 13 500 t pour les petits pélagiques et 4 500 t pour les espèces demersales, soit des prises annuelles moyennes autour de 18 000 t dans la période considérée.

Tableau 2: Répartition des captures, poisson de surface, poisson de fonds (tonnes)

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990
Pélagiques 7469 11265 13801 15133 14290 12487 13848 13030 15890 15675 15853
Démersaux 5518 5140 4010 5027 3809 2716 3269 3354 5267 5195 5254

Source: FAO/FIPPDAT.

Par ailleurs, la quantité de poissons rejetés par la flottille crevettière serait de l'ordre de 1 500 à 2000t/an, soit près de 10% de la production maritime nationale.

En gardant à l'esprit le fait que les information et données statistiques sont peu fiables, la comparaison des estimations concernant le potentiel commercialement exploitable dans l'immédiat (thonidés non compris) et les données de production, suggère que les eaux congolaises pourraient être proches de leur niveau d'exploitation maximale. En tenant compte des potentiels de production les plus prudents, 2 000 t/an de ressources démersales pourraient être encore disponibles, dont 1 500 t/an sur fonds meubles et 500t/an sur fonds durs. La quantité de petits pélagiques non exploitée serait en moyenne de l'ordre de 11000 t/an, avec toutefois des fluctuations importantes d'une année à l'autre, compte tenu des mouvements migratoires de ces espèces entre l'Angola et le Gabon. Dans les zones plus profondes, l'état d'exploitation de la ressource n'est pas disponible.

2.1.2 Environnement et pêche maritime

L'écosystème marin au Congo présente des signes de dégradation de plus en plus marqués, affectant la pêche. L'exploitation insuffisamment contrôlée des ressources pétrolières est la principale source de pollution, en particulier dans les zones adjacentes à Pointe-Noire (Fouta, Djéno, Mvassa, Loya). Ces pollutions ont des origines variées, dont: les décharges de la raffinerie et du terminal de Djeno; les fuites du pipeline de la rafinerie de pétrole; les boues de forages situées dans les 10 milles marins rejetées à la côte et pouvant contenir des émulsions d'huiles; l'absence de bacs de décantation; et, plus au large, le déballastage des pétroliers.

Le projet régional FAO/COI/OMS/PNUE "WACAF " d'observation des pollutions marines, exécuté entre 1986 et 1989 à Pointe-Noire, a permis de constater, et partiellement de quantifier, l'ampleur des phénomènes de pollution par les hydrocarbures. Outre la prolifération du goudron sur les plages, l'affectation des écosystèmes côtiers et estuariens serait marquée par une disparition progressive d'espèces comme la dorade grise ou le disque. Toutefois, ces phénomènes nécessitent confirmation au moyen de séries statistiques plus détaillées.

L'érosion côtière est un autre phénomène préoccupant dans la baie de Pointe-Noire, ainsi que dans la baie de Loango, située à une vingtaine de km au nord de Pointe-Noire. L'hypothèse généralement émise pour expliquer ce phénomène est le port de Pointe-Noire. Les infrastructures pourraient contrarier la sédimentation au nord de la ville. L'érosion côtière provoque le recul du rivage, ce qui a pour effet de désorganiser la pêche artisanale sur certaines plages (disparition de campements de pêcheurs, réduction de la surface des débarcadères, ...).

2.1.3 Organisation technique et socio-économique

La pêche artisanale

La brièveté des distances maritimes pour accéder aux zones de pêche les plus productives favorise a priori la pêche artisanale. Celle-ci est en effet capable d'exploiter la majeure partie du plateau continental. Les deux principaux domaines exploitables par la pêche artisanale sont simultanément les zones côtières de fonds meubles jusqu'à des profondeurs de 70 m et une distance d'environ 15 milles, et les zones côtières de fonds durs s'étendant approximativement jusqu'à 20 milles au large par des fonds de 50 à 70 m.

Cependant, bien que la législation des pêche réserve la bande côtière des 8 milles exclusivement à la pêche artisanale, celle-ci s'y trouve souvent en compétition avec les chalutiers industriels.

La pêche artisanale est usuellement décrite en fonction des deux principales communautés qui exerçent l'activité: les pêcheurs nationaux, généralement d'ethnie Vili, et les pêcheurs étrangers migrants pour la plupart originaires du Golfe du Bénin, les Popo. Les deux communautés ont des logiques économiques et sociales différentes, mais semblent avoir trouvé une complémentarité en termes de modes d'exploitation. La pêche Popo, plus capitalistique, assume le risque de se concentrer presque essentiellement sur l'exploitation des petits pélagiques.

L'effectif total de la pêche artisanale est estimé à environ 1350 pêcheurs, dont 330 Popo.

Les Popo possédent 32 compagnies de pêche basées à Pointe- Noire, comprenant 160 pirogues de type ghanéen de 10-12 m, entièrement motorisées. Les compagnies appartiennent soit à des individus soit à des groupes. Les pirogues sont conduites par des équipages de 5 à 6 hommes, travaillant à temps plein. Des pêcheurs congolais sont également recrutés par les compagnies, sur la base de contrats temporaires ou permanents. Les Popo utilisent généralement des filets maillants de surface, avec pour espèce cible les sardinelles.

Les revenus des pêcheurs migrants Popo sont difficiles à évaluer car ils varient en fonction du type de contrat propre à chaque compagnie. En général, le produit de la vente des captures est partagé équitablement entre les pêcheurs et le propriétaire de la pirogue, le patron. L'organisation interne des communautés de Popo repose sur un ensemble de règles socio-économiques traditionnelles, y compris le devoir de transférer la majeure partie des revenus de la pêche vers la communauté du pays d'origine. A l'heure actuelle, la cohésion de la communauté Popo semblerait être mise à mal par les conflits fréquents observés entre les patrons-pêcheurs et les femmes commerçantes. Les femmes Popo, qui assurent la transformation et la commercialisation du poisson, interviennent en effet de plus en plus dans le financement des marées, diminuant d'autant le pouvoir de négociation des patrons-pêcheurs.

La flottille Vili, répartie sur tout le littoral, est composée d'environ 400 pirogues monoxyles de 5-6 m de long, non bordées et à fond plat, motorisées seulement dans 10% des cas. Ce faible taux de motorisation, ainsi que la faible capacité de transport des pirogues, limite l'effort de pêche et empêche l'accès à de nombreuses zones de fonds rocheux situées plus au large. Les Vili utilisent fréquemment des lignes à main (sur fonds durs) pendant la saison sèche, et des filets maillants de surface et de fonds pendant la saison chaude. Les sennes de plages sont également employées. Les espèces démersales (dorades roses, crabes, langoustes) sont les espèces les plus recherchées, bien que les sardinelles et les ethmaloses constituent une part importante des prises, notamment pendant la petite saison sèche et la saison des pluies. De manière générale, les pêcheurs Vili tendent à se spécialiser au cours de la saison dans les techniques de pêche/espèces cibles qui répondent le mieux à la demande du marché.

Les moyens de production de la pêche Vili appartiennent souvent à des propriétaires non pêcheurs (50% à Pointe-Noire). Les revenus moyens des pêcheurs Vili ont été estimés en 1990 dans la zone du Projet d'appui à la pêche maritime artisanale (projet de Matombi), financé par la Caisse française pour le développement (CFD). Pour les pêcheurs, membres permanents d'équipage, les revenus moyens pourraient s'établir à environ 30 000 FCFA/mois, dans le cas des pirogues à rames, et 60000FCFA/mois, dans le cas où les pirogues sont motorisées. Toutefois, les revenus réels de la plupart des pêcheurs Vili sont bien en deça de ces estimations car peu d'entre eux sont membres permanents d'un équipage. Les pêcheurs Vili n'ont par conséquent pas de rémunération fixe, les revenus étant calculés en fonction des résultats journaliers. Par ailleurs, on peut noter que le revenu d'un pêcheur utilisant une pirogue améliorée comme celle utilisée sur le projet de Matombi, a été évalué à environ 50000FCFA/mois.

Pour les propriétaires, les revenus bruts (part revenant à la pirogue sans tenir compte des retenues comptabilisées dans les charges d'exploitation) ont été estimés à 33 000 FCFA/mois, dans le cas des pirogues à rames, et à 59 000 FCFA/mois, dans le cas d'une pirogue motorisée. En retranchant de ces revenus bruts la somme nécessaire au financement de la trésorerie et des investissements, les revenus nets pour les propriétaires seraient de 8 000 FCFA/mois dans le cas des pirogues à rames alors qu'il serait déficitaire dans le cas des pirogues motorisées (Palladin, 1991).

Ces résultats économiques médiocres pourraient expliquer la quasi-inexistence d'épargne au sein des communautés Vili, ainsi que le faible attrait exercé par cette activité auprès des investisseurs.

L'approvisionnement en intrants constitue l'une des préoccupations majeures des pêcheurs artisans. Les intrants de production, dont la plupart proviennent des pays voisins par des circuits informels, sont rarement disponibles et relativement chers. Pour les pêcheurs Vili, les problèmes d'approvisionnement concernent surtout le fil, les filets et les hameçons. Pour les pêcheurs Popo, l'approvisionnement en moteurs et pièces détachées constitue la principale contrainte, la plupart des moteurs hors-bord étant des Yamaha fournis par un concessionnaire exclusif.

La pêche industrielle

La pêche maritime industrielle est constituée aujourd'hui d'une flottille de 18 navires composée de 6 sardiniers, 6 chalutiers et 6 crevettiers, répartis entre les différents opérateurs économiques suivants:

- deux groupes privés (Dubois/Tchilassi, et Pemaco) détenant 4 chalutiers, 4 crevettiers, et 2 sardiniers, soit 55% de l'ensemble de la flottille;

- un groupe constitué en société d'économie mixte (Scim/Sagap) détenant 2 chalutiers et 3 sardiniers, soit 30% de la flottille;

- deux indépendants (Agimex et Pepimex), détenant 2 crevettiers et 1 sardinier.

Au cours de la dernière décennie, des restructurations importantes des armements (faillites, rachats, etc.) se sont opérées. Le nombre de bateaux est passé de 16 en 1987 à 13 en 1990, pour augmenter à nouveau à 18 en 1992. En revanche, le nombre de TJB a été relativement stable, passant de 1 423 en 1980 à 1 693 en 1990, soit une augmentation de 18%. L'augmentation de la puissance de la flottille a permis notamment le renforcement des capacités de la pêche crevettière pour l'exportation. La flotte, dont l'âge moyen actuel est de 16 ans, a été par ailleurs sensiblement rajeunie. La tendance actuelle est à la concentration des entreprises.

La pêche industrielle représente 550 emplois directs, auxquels il convient d'ajouter environ 1 700 emplois induits dans la commercialisation.

La production a été estimée en 1992 à 10 800 t de poisson, dont environ 60% de pélagiques, et à 730t de crevettes pour l'exportation. La contribution du sous-secteur industriel à la production totale du secteur de la pêche maritime a ainsi été de l'ordre de 58% en 1992.

Les volumes de débarquement de la flottille industrielle varient considérablement selon les années, en fonction de la quantité disponible de ressources pélagiques migratrices, de la nature des accords de pêche et des problèmes de gestion des armements.

Le potentiel de capture global de la flottille dépasse aujourd'hui largement celui des ressources nationales commercialement exploitables. Ce constat avait déja été établi en 1991 sur la base d'une étude BDPA-SCETAGRI/SEPIA INTERNATIONAL. En effet, en 1990, l'estimation de surcapacité de production de la flottille était de 6 000 à 10000t/an pour les sardiniers (pélagiques côtiers), et d'environ 6000t/an pour les chalutiers glaciers et chalutiers crevettiers congélateurs (espèces démersales).

En 1990, les ressources maritimes potentiellement disponibles étaient évaluées à 6 500 - 10 500 t/an pour les pélagiques côtiers, et à 5 500 t/an pour les démersaux côtiers. En 1992, ces évaluations ont été revues à la baisse (2000t/an) en ce qui concerne les ressources démersales disponibles pour la flottille industrielle.

Le rendement de l'effort chalutier poursuit son déclin. Celui-ci est accéléré par la diminution des surfaces chalutable compte tenu de l'augmentation des surfaces maritimes réservées à l'exploitation pétrolière. Ainsi, on estime que les rendements moyens journaliers d'un chalutier type étaient de 4,5 t en 1971, 3,7 t en 1979, 2,4 t en 1983 et environ 1 t/j en 1990. Avec des débarquements d'environ 1000t/an en moyenne, la pêche crevettière a contribué au cours de ces dernières années à maintenir l'équilibre économique du sous-secteur industriel. Toutefois, cette pêcherie enregistrerait elle aussi, depuis peu, des rendements décroissants (environ 1 t/j en 1986 contre 0,4 t/j actuellement). Dans ce contexte, la rentabilité financière des navires, sardiniers et chalutiers qui n'ont pas encore été amortis, est de moins en moins évidente.

Malgré un contexte économique difficile, le sous-secteur de la pêche industrielle fait toujours preuve de dynamisme, et continue de prendre des risques, ainsi qu'en attestent les importants investissements effectués depuis 1988 dans le renouvellement ou le renforcement des outils de production (chalutiers congélateurs pêche arrière, crevettiers congélateurs, structures à terre, ...). Sur la période 1988-90, les investissements ont été évalués à près de 3 milliards FCFA, soit environ 10,3 millions $ EU. Ces investissements s'expliquent par le besoin de diversification et de recherche de nouvelles marges financières par des améliorations technologiques. Dans ce contexte, la formation continue des patrons de pêches, qui sont pour la plupart des autodidactes, permettrait une meilleure valorisation des nouvelles unités de production.

Il convient également de noter que certaines infrastructures à terre disponibles pour la pêche industrielle ne sont plus adaptées à l'évolution de la flottille; par exemple, la profondeur à quai ne permet pas l'accostage des plus gros bateaux, les aires de manutention sont congestionnées, etc.).

2.1.4 Transformation et commercialisation du poisson de mer

Les captures de la pêche artisanale sont vendues, soit en frais (espèces démersales), sans utilisation de glace, soit en fumé (petits pélagiques ou démersaux ne trouvant pas d'acheteurs en frais).

Le poisson provenant de la pêche Vili est rarement acheminé par le producteur lui-même jusqu'aux centres de consommation. Il est généralement vendu à des mareyeurs venant de Pointe-Noire. Ces mareyeurs travaillent généralement sur la base de marges commerciales excédant 50%. Par ailleurs, la commercialisation relève traditionnellement de la responsabilité individuelle de chaque producteur, en ce sens que les produits sont rarement regroupés avant d'être vendus aux mareyeurs.

La transformation des petits pélagiques est assurée dans la plupart des cas par les femmes de la communauté Popo, utilisant des techniques de fumage à chaud. Lorsque les captures de sardinelles de la pêche industrielle sont abondantes, le secteur artisanal de la transformation peut également absorber l'excédent de captures. Les femmes Popo assurent également le mareyage de l'ensemble de la production.

La vente au détail fait intervenir un nombre important d'intermédiaires sur les marchés. Sur le marché de Pointe-Noire, deux poissonneries bien équipées assurent également une partie de la distribution du poisson frais.

Le poisson du secteur industriel est distribué presqu'exclusivement en frais ou en frais-congelé. La manipulation du poisson fait intervenir une main d'oeuvre nombreuse. Le port de Pointe-Noire ne possède pas de criée.

Au cours des dernières années, d'importants investissements ont été consentis pour le développement d'infrastructures de stockage. Un groupe a notamment investi dans une usine de froid équipée de quatre tunnels de congélation, d'une capacité de 20t/jour, et de 7 000 m3 de chambres froides. Le développement des capacités de stockage répond, en particulier, à un besoin de rationaliser la distribution du poisson pélagique et des importations dans le temps. Cette logique d'amélioration de la chaîne du froid se retrouve également en amont de la filière, avec l'augmentation progressive du nombre de chalutiers congélateurs et en aval avec l'équipement de wagons isothermes.

La distribution du poisson de mer de la pêche industrielle vers Brazzaville s'effectue en effet par train. Il n'y a pas d'intermédiaires, les mareyeurs assurant entièrement l'expédition. Le poisson est expédié par le Chemin de Fer Congo-Océan (CFCO) en conteneurs posés sur wagons. Certains mareyeurs louent des wagons à l'année, qu'ils équipent de conteneurs isothermes. La durée du transport jusqu'à Brazzaville est normalement de 15 heures environ. Mais compte tenu des nombreux incidents de parcours, le transport peut parfois durer cinq jours, résultant en une perte partielle ou totale du chargement. Les principales villes se trouvant sur le trajet (Dolisie, N'Kayi, Mbinda) sont également ravitaillées par l'intermédiaire de la CFCO. Le poisson séché de la pêche artisanale utilise les mêmes itinéraire et moyen de transport.

Les incertitudes quant à la durée du trajet par voie ferroviaire et le manque d'alternative pour le transport, demeurent les principales contraintes des mareyeurs de la pêche maritime.

2.2 La pêche continentale

2.2.1 Ressources piscicoles et potentiels de développement

Bien que situé au niveau de l'équateur, le Congo a un climat de type guinéen forestier. Il existe une saison sèche et une longue saison humide dans la partie sud du pays. La partie septentrionale est caractérisée par un climat de type plutôt équatorial, sans véritable saison sèche. Les températures moyennes de l'air sont comprises entre 23 et 26° C, alors que la pluviométrie s'établit autour de 2 000 mm dans les parties nord-est et centre-ouest du pays.

Le réseau hydrographique se rattache essentiellement au fleuve Congo qui, avec son affluent l'Oubangui, forme la frontière avec le Zaïre sur plus de 1 000 km.

Les principales espèces de poisson des eaux intérieures sont: Distichodus sp., Labeo sp., Alestes sp., Tilapia sp., Chrysicthys sp., Auchenoglanis sp., Clarias sp., et Lates sp.

La pêche continentale se pratique surtout sur le réseau hydrographique septentrional, dense et à température pratiquement constante, de la cuvette congolaise. La cuvette, qui couvre une surface d'environ 145 000 km², comprend six cours d'eau principaux et leurs affluents:

- la Sangha (500 km), et son principal affluent la Likouala-aux-Herbes (350 km);

- la Likouala-Mossaka (475 km), et ses deux principaux affluents, le Mambili et le Kouyou;

- l'Oubangui qui borde la Cuvette sur près de 500 km;

- l'Alima, longue également de 500 km, mais moins importante du point de vue de la pêche;

- le fleuve Congo, qui draine sur sa rive droite les eaux de toutes les rivières citées ci-dessus. Il borde la cuvette sur près de 350 km, avec une largeur moyenne de 6 à 9 km pouvant atteindre dans certains cas plusieurs dizaines de km (ex. pool de Sandy Beach 35 km).

Les eaux de la cuvette sont relativement acides, avec des PH pouvant aller jusqu'à 4,8. Par ailleurs, les eaux sont géneralement turbides et pauvres en sels minéraux. En moyenne, la productivité est assez faible, soit 20 à 25 kg/ha/an. La cuvette se caractérise aussi par deux milieux biologiques différents: les eaux courantes, d'une part, et les lagunes et marécages recouverts de masses végétales, d'autre part.

Le potentiel de capture dans la région de la Cuvette pourrait se situer entre 60 000 et 100 000 t/an (Welcomme, 1979, Corsi et al., 1980). Toutefois, en raison de la dispersion des pêcheries, de la faible densité de population dans cette région (1,1 hab/km²), et des faibles concentrations de poisson, le potentiel exploitable du point de vue commercial devrait se situer à un niveau bien inférieur.

Les pêcheries continentales congolaises comprennent par ailleurs: les eaux du bassin du Kouilou-Niari dans la partie sud-occidentale du pays (rivières Kouilou/Niari, son affluent la Bouenza et la rivière Nyanga); des rivières côtières peu importantes comme la Loemé, la Noumbi et la N'Gongo; et quelques lacs et lagunes sur la lisière littorale (lacs Cayo, Loufoumbou, Dinga, Nonga; lagunes de Conkouati, Loubi/Djeno et Malonda). Le potentiel halieutique de ces plans d'eau n'est pas connu avec précision, et pourrait être de l'ordre de 10 à 15 000 t/an (Deucenick, 1988). A noter que sur ces pêcheries, la productivité des eaux est plus élevée pendant la grande saison sèche (de juin à septembre).

Ainsi, le potentiel total de capture des pêches continentales peut être placé raisonnablement entre 70 000 et 80000 t/an.

Il n'existe pas de système de suivi statistique de la production de la pêche continentale. Selon les résultats d'une enquête cadre effectuée début 1991, et les estimations disponibles, la production commercialisée de la pêche continentale dans la Cuvette aurait été de 27 000 t en 1991 et de 21 000 t en 1992. Pour avoir une idée plus précise des captures totales, il conviendrait cependant d'ajouter environ 25% pour prendre en compte l'autoconsommation (CITERCO, 1982). La production totale dans la cuvette pourrait être ainsi d'environ 30000t/an. La production hors cuvette est estimée quant à elle à environ 1 500 t/an.

La production totale de la pêche continentale, auto-consommation comprise, pourrait être de l'ordre de 32 000 t/an, soit 40 à 45% du potentiel exploitable. Les estimations officielles, plus prudentes, placent la production de la pêche continentale à 22500t/an. S'il est possible d'affirmer que les ressources du bassin de la Cuvette sont aujourd'hui sous-exploitées (environ 30 000 t/an disponibles), celles des autres zones pourraient parfois se situer à un niveau proche du niveau d'exploitation maximal.

Des informations précises sur l'état des écosystèmes aquatiques, fluviaux et lacustres, ne sont pas disponibles. On ne relève toutefois pas d'indices sérieux de dégradation.

2.2.2 Organisation technique et socio-économique

La pêche continentale est une activité artisanale, ou de subsistance, pratiquée toute l'année par environ 10 000 pêcheurs, hommes et femmes. Les activités de pêche continentale sont menées sur tout le territoire national, mais plus particulièrement dans le bassin de la cuvette (régions de la Cuvette, de la Likouala et de la Sangha), où plus de 80% de la population active exerce, comme principale occupation, des activités liées à la pêche.

Dans la zone de la cuvette, les pêcheurs opèrent géneralement à titre individuel. Seul un tiers d'entre eux pratiquent des pêches collectives, de manière occasionnelle. Autour de Brazzaville, des pêcheurs sont organisés en groupement de type coopératif. Hormis dans le cas de la coopérative du port de Yoro (COOPEM), très intégrée et bien organisée, la plupart des membres de groupements s'approvisionnent en intrants, et vendent leur production, à titre individuel, la coopérative étant uniquement un lieu d'entraide et de conseil.

Les embarcations sont constituées de pirogues monoxyles d'une longueur moyenne de 6 m. Leur nombre est estimé à plus de 12000. Le taux de motorisation des pirogues est assez faible, en raison de la proximité de la plupart des campements et des zones de pêche et surtout compte tenu du manque de moyens logistiques pour la réparation et la maintenance des moteurs. Le taux de motorisation serait toutefois de 20% dans la zone de Mossaka. Le prix des pirogues est compris entre 15000 et 55 000 FCFA selon la taille, et peut atteindre 100 000 FCFA pour les grandes pirogues et jusqu'à 5 millions FCFA pour les baleinières utilisées, entre autres, pour le transport du poisson. La durée de vie des pirogues est de 6 à 10 ans.

Les techniques traditionnelles de capture comprennent: les palangres, les filets maillants (dérivants et dormants), les éperviers, les nasses, les claies, et les harpons. Les techniques de pêche sont très diversifiées en fonction des zones et des saisons. Elles peuvent même être combinées au cours d'une même journée. Récemment, la senne de plage a été introduite. La plupart des pêcheurs s'approvisionnent en intrant directement à Brazzaville.

Il convient par ailleurs de noter que les infrastructures de base (routes, puits, électricité, ...) font généralement défaut dans les zones rurales isolées, et en particulier dans la région de la Cuvette.

Les modes de production reposent généralement sur des régimes traditionnels de propriété ou d'usufruit des zones de pêche. Dans la région de la Cuvette, l'unité de propriété est souvent la famille, bénéficiant de droits de succession collectifs, mais individualisables et transférables. L'établissement de ces régimes n'empêche toutefois pas les pêcheurs de migrer le long des rivières selon les saisons. Ils sont alors assujettis à des systèmes de droits d'accès traditionnels.

Le revenu d'un pêcheur varie considérablement en fonction de son statut, des techniques de pêche utilisées, et du degré d'enclavement de sa zone de production. A titre d'exemple, le salaire moyen des pêcheurs membres de la COOPEM à Brazzaville, a été évalué en 1993 à 17000FCFA/mois. Pour les pêcheurs travaillant à temps plein sur le fleuve Congo où des bateaux passent régulièrement, le revenu moyen a été évalué en 1991 entre 50 et 67000FCFA/mois. Sur les cours d'eau enclavés (ex: rivière N'Deko), le revenu peut en revanche être trois fois moins élevé. Enfin, les pêcheurs occasionnels (essentiellement des fonctionnaires et élèves opérant pendant les périodes de vacances) se procureraient à partir d 'activités de pêche un revenu annuel moyen de l'ordre de 150000 FCFA/an.

Les femmes travaillant au niveau de la filière pêche gagnent sensiblement moins que les hommes, avec des revenus de 50 000 à 200 000 FCFA/an en moyenne, soit 4 200 à 16700FCFA/mois.

Le pouvoir d'achat des communautés de pêcheurs des eaux continentales est variable. Leurs conditions de vie sont généralement précaires.

2.2.3 Transformation et commercialisation du poisson d'eau douce

Le poisson produit dans la cuvette est commercialisé en quasi-totalité sur Brazzaville, essentiellement sous forme de poisson séché/fumé. On estime actuellement que près de 70% de la production de la pêche continentale est transformée par fumage, les espèces les plus prisées par le consommateur étant la carpe, les anguilles, le tilapia, les silures (Clarias sp.), la truite et le capitaine (Lates sp.).

Les techniques de fumage sont traditionnelles (fumoir motalaka). Le stockage des produits se fait de manière très artisanale, soit dans les cases, soit sur des claies au-dessous desquelles est entretenu un feu doux pour empêcher le développement des insectes ichtyophages. Les pertes après capture sont évaluées à près de 25% de la production, ce qui est considérable.

Le fumage du poisson génère des problèmes environnementaux non négligeables. Une étude a montré que pour fumer une production estimée à 20 000 t/an de poissons, environ 200000 m3 de bois-énergie, équivalant à 500 ha de forêts, sont nécessaires (Miazenza et al., 1991).

La valeur ajoutée sur le produit transformé étant insuffisamment rémunérée, un marché de poisson frais/congelé (poissons à forte valeur marchande de grande taille), et de poisson vivant pour les espèces résistantes (silures, polyptères,...) de petite taille, tend à se développer depuis plusieurs années.

Les débouchés commerciaux sont essentiellement tournés vers Brazzaville, la distribution des produits sur le marché local ne constituant qu'un palliatif imposé par les difficultés et le coût du transport fluvial. Quelle que soit la période de l'année, le poisson se vend en moyenne à un prix 2,5 fois plus élevé à Brazzaville que sur les lieux de production. Il existe toutefois au niveau de la capitale des périodes de saturation du marché, en particulier suite à l'arrivage occasionnel de produits fumés zaïrois.

Le fleuve Congo demeure le principal axe de distribution du poisson vers Brazzaville (plus de 80% des flux de commercialisation), le voyage durant près d'une semaine aller/retour en moyenne. Les circuits de commercialisation du poisson d'eau douce s'arrêtent à Brazzaville, car à mesure que l'on se rapproche de la côte, celui-ci devient de moins en moins compétitif par rapport au poisson congelé, tel que le chinchard.

Les différents circuits de commercialisation sur le fleuve font intervenir plusieurs catégories de commerçants:

- des commerçantes locales, souvent issues des communautés de pêcheurs, qui se rendent à Brazzaville;

- l'ATC, une agence de transport gouvernementale, qui jusqu'à récemment assurait 99% du fret fluvial;

- des transporteurs privés venant de Brazzaville, dont le nombre est croissant.

Les transporteurs privés offrent des débouchés commerciaux de plus en plus recherchés par les pêcheurs, en dépit des passages irréguliers. Ces transporteurs utilisent des embarcations légères ou des baleinières spécialement aménagées pour le transport du poisson. Dans ces conditions, le poisson peut être vendu à Brazzaville, en frais, ou en congelé dans des congélateurs domestiques alimentés par un petit groupe électrogène, sous 48 heures, à un prix de revient intéressant.

De manière générale, la principale contrainte à la commercialisation du poisson demeure le transport, en raison du mauvais état et de l'insuffisance des infrastructures routières, et de la faiblesse des embarcations pour le transport fluvial. Ces contraintes pourraient être levées en partie par une motorisation accrue des embarcations sur les lieux de production, ainsi que par l'amélioration du système de collecte des produits organisé par les transporteurs privés.

2.3 La pisciculture

Au Congo, les seules activités d'aquaculture sont menées en eaux continentales. L'aquaculture en eaux saumâtres ou salées n'existe pas.

La pisciculture a été introduite dans les années 50, avec le soutien de programmes de développement de centres d'alevinage destinés notamment à assurer la formation des techniciens et à produire des alevins de tilapias pour des pisciculteurs privés. Des centres ont par ailleurs été équipés pour faire de la recherche (ex: centre de Djoumouna). En 1958, 13000 étangs avaient été construits dont 8400 étaient en production. Les paysans se sont par la suite progressivement désintéressés de l'activité piscicole en raison du manque de résultats techniques et économiques, malgré des essais de relance par divers projets de développement.

De 1981 à 1991, le secteur de la pisciculture a bénéficié d'une assistance importante dans le cadre du projet PNUD/FAO "Développement de la pisciculture rurale". Parmi les activités de ce projet, qui concernaient surtout la recherche et la formation, des essais de pisciculture en étangs de production ont été menés. L'objectif de ces essais était de vulgariser des techniques adéquates pour tout pisciculteur privé. Les principaux travaux ont porté sur l'alimentation, la fertilisation des étangs, la reproduction artificielle et l'alevinage de Tilapia nilotica. Des essais de production ont également été faits en combinaison avec des poissons voraces tels que Clarias gariepinus.

Dans la zone du projet, les rendements des pisciculteurs sont passés de l'ordre de 1 t/ha/an en 1982 à 2,7t/ha/an en 1989. Pendant la même période, le pourcentage d'alevins produits par les pisciculteurs eux-mêmes, est passé de 5% à 41%. Toutefois, faute de suivi, la production a chuté en 1992 à 30 t, aprés avoir stagné autour de 250 t entre 1989 et 1991.

En raison de la disponibilité en eau dans le pays, il existe de nombreuses zones propices au développement d'une pisciculture familiale en étangs aménagés. Cette pisciculture, soutenue par des centres d'alevinage, pourrait dégager des rendements relativement élevés. Les régions où ont été installés les centres d'alevinage devraient par conséquent bénéficier en priorité de programmes d'assistance (zone sud-ouest) en vue de leur privatisation. Dans la zone nord, les sites propices sont ceux du Pool, de Bouenza, Mossenjdo, Dolisie, Boko, Mfouati, Gomboma et Ewo. Le potentiel est évalué à plus de 2 000 t/an (Deceunick, 1988).

Des pisciculteurs ont par ailleurs tenté récemment d'intensifier leurs systèmes de production en installant des stations commerciales en zones péri-urbaines où le marché est quasiment garanti. Une proposition de projet semi-industriel de ce type (Brazzaville, Madingo et Mindoulo) a été récemment agréée en principe par la BDCA mais ne s'est pas matérialisée.

Le développement ultérieur de la pisciculture nécessiterait, à ce stade, que soient prioritarisés les objectifs et les activités à conduire, afin d'éviter la dispersion des efforts de l'Etat, et de préciser le rôle que doit jouer le secteur privé.

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