Cet ouvrage représente la concrétisation d'une collaboration constante et fructueuse entre le service des opérations des projets forestiers en Afrique et la Sous-division de la communication pour le développement.
Il a pour ambition d'apporter une contribution méthodologique au développement de l'approche participative dans les projets forestiers.
Il est aujourd'hui établi, dans la plupart des pays africains, que la gestion durable des ressources forestières ne se conçoit pas sans participation populaire et il n'y a pas de participation populaire sans dialogue, sans partage des informations et des expériences, sans échange des savoirs et des techniques.
C'est animé de cet esprit que de nombreux projets forestiers ont entrepris, avec plus ou moins de succès, la mise en uvre de méthodes de participation de la population aux activités liées à l'exploitation et la préservation des ressources forestières.
Cette démarche impliquait un soutien méthodologique , la maîtrise des instruments de communication susceptibles d'appuyer la mise en uvre d'une telle approche, ainsi que l'existence d'un mécanisme d'échange d'informations et d'expériences entre ces différents projets.
C'est à cette fin que le Service des opérations des projets forestiers de la FAO a organisé, en février 1992, à Dakar, un atelier regroupant l'ensemble des projets forestiers des pays francophones d'Afrique afin de leur permettre de confronter les diverses méthodologies utilisées pour susciter la participation populaire ainsi que leurs expériences respectives en matière de communication.
Le concept d'approche participative, mis au point au Sénégal, avec l'appui du projet de développement de la foresterie rurale, fut jugé le plus pertinent.
A la suite de cet atelier, le service des opérations forestières et la Sous-division de la communication pour le développement sont convenus, pour répondre à la demande des projets forestiers en matière d'appui méthodologique, de préparer une publication basée sur une analyse des expériences les plus significatives menées sur le terrain en matière d'approche participative ainsi que sur les outils de communication les plus appropriés pour accompagner une telle approche.
Cet ouvrage est donc le résultat d'un minutieux recueil d'informations auprès de nombreux projets forestiers en Afrique sahélienne.
Il propose d'abord une définition du concept et de la méthodologie de l'approche participative.
Il fait ensuite ressortir les principales expériences menées, en matière de participation dans plusieurs projets forestiers exécutés avec le concours de la FAO au Burkina Faso, Niger et Sénégal.
Il procède enfin à une analyse des méthodes et outils de communication les plus pertinents et les mieux adaptés pour permettre la mise en uvre de cette démarche dans les meilleures conditions aux niveaux national régional et local.
Cette publication, destinée aux techniciens forestiers et animateurs ruraux impliqués dans l'exécution des projets forestiers participatifs, a pour ambition de les aider à recentrer leur méthodologie d'approche des populations, à améliorer leur pratique d'animation et de sensibilisation et à élaborer une stratégie de communication pour une gestion concertée et participative des ressources forestières.
Des fiches techniques portant sur les projets analysés et les outils de communication les plus appropriés sont présentées en annexe.
Nous espérons que cet ouvrage permettra d'encourager toutes les initiatives prises en matière d'approche participative et de communication pour une meilleure gestion des ressources forestières et renforcera les liens entre ces initiatives pour déboucher sur la mise en place d'un véritable réseau sahélien de l'approche participative.
ACCT | Agence de coopération culturelle et technique |
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AFALN | Association pour la formation et l'alphabétisation en langues nationales (Sénégal) |
BIFS | Bureau d'information de formation et de sensibilisation (DEFCCS Sénégal) |
CERP | Centre d'expansion rural polyvalent (Sénégal) |
CESAO | Centre d'études économiques et sociales de l'Afrique de l'Ouest (Burkina Faso) |
CESPA | Centre de services de production audiovisuelle (Mali) |
ClEPAC | Centre international pour l'ébucation permanente et l'aménagement concerté (France) |
ClERRO | Centre interafricain d'études en radio rurale de Ouagadougou (Burkina Faso) |
ClLSS | Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel |
CONSERE | Conseil supérieur des ressources naturelles et de l'environnement (Sénégal) |
CTP | Conseiller technique principal |
CVD | Comité villageois de développement |
DEFCCS | Direction des Eaux et Forêts, Chasse et Conservation des Sols (Sénégal) |
DFVAF | Direction de la foresterie rurale et de l'aménagement forestier |
EGAM | Entraide des groupements associés de Mérina DaLar (Sénégal) |
ENDA | Environnement et développement africain |
FAO | Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture |
FODO | Division des opérations forestières |
GGF | Groupement de gestion forestière |
GRAAP | Groupe de recherche et d'action pour l'autopromotion paysanne (Burkina Faso) |
GRAD | Groupe de réalisations audiovisuelles pour le développement (France) |
GRET | Groupe de recherche et d'échanges technologiques (France) |
GTZ | Deutsche Gesellshaft fur technische zusammerarbeit (RFA) |
IREF | Inspection régionale des eaux et forêts |
MARP | Méthode accélérée de recherche participative |
MEPN | Ministère de l'Environnement et de la protection de la nature (Sénégal) |
MRL | Microréalisation |
OAPF | Opération aménagement et production forestières (Mali) |
ONG | Organisation non gouvernementale |
PAM | Programme alimentaire mondial |
PNUD | Programme des nations unies pour le développement |
PRECOBA | Projet de reboisement communautaire dans le bassin arachidier (Sénégal) |
PREVINOBA | Projet de reboisement villageois dans le nord-ouest du bassin arachidier (Sénégal) |
PRODASPI | Projet de développement agro-sylvo-pastoral dans sept villages-pilotes (Sénégal) |
PROGONA | Projet de boisements villageois et reconstitution de forêts classées de gonaLiés (Sénégal) |
PROWALO | Projet d'Aménagement des forêts du Walo (Sénégal) |
UICN | Alliance mondiale pour la nature (Union internationale pour la protection de la nature) |
UNSO | Bureau des nations unies pour la région soudano-sahélienne |
Les différents pays de la sous-région, et plus particulièrement en Afrique sahélienne, sont confrontés à un grave processus de dégradation de leur environnement et de leurs écosystèmes forestiers. Ce processus, lié aux sécheresses successives et à la forte pression démographique, met en péril la survie-même des populations et des économies nationales. Dans ce contexte, la lutte contre la désertification et la restauration/protection des ressources naturelles font partie des programmes prioritaires des gouvernements, afin d'améliorer les conditions de vie des populations et, par ailleurs, jeter les bases d'un développement social et économique durable.
Face à l'urgence et l'ampleur des actions à entreprendre, les Gouvernements -sous l'égide du CILSS et avec l'aide de la Communauté internationale (1) - se sont mobilisés depuis le milieu des années 70 pour tenter de lutter contre la désertification, notamment par des plantations forestières et des actions de restauration/conservation des sols. D'importants projets se sont alors focalisés sur des thèmes porteurs, comme la constitution d'une ceinture verte autour des villes et la lutte contre l'ensablement des terres de culture et des fleuves par le reboisement à grande échelle.
Les diverses initiatives en la matière se sont matérialisées notamment par des plantations d'essences exotiques réputées à croissance rapide, qui s'effectuaient la plupart du temps à détriment des espèces locales moins productives et de la diversité biologique des formations naturelles. L'objectif recherché était, entre autres, la restauration du couvert forestier et surtout la production de bois de feu pour l'approvisionnement des villes pour faire face à la croissance exponentielle de la demande. Cependant, malgré la mobilisation de moyens financiers énormes, ces grands projets de reboisement dits de première génération ont montré très rapidement leurs limites et ont conduit progressivement les différents responsables et bailleurs de fonds à s'interroger sur les résultats obtenus et les causes des échecs.
D'une part, les projets forestiers visaient à la plantation de grands périmètres à caractère industriel et en monoculture. Ces périmètres, exigeant un investissement important à la plantation, créaient de surcroît des charges récurrentes très élevées - devenues vite insupportables pour les gouvernements aux économies fragiles. Le plus souvent, ces périmètres étaient installés sans l'implication réelle des populations (travaux en régie) et sous le contrôle exclusif des services techniques et des projets. La seule participation des populations se limitait à la main-d'uvre nécessaire aux travaux de plantation, qui se monnayait en nature (vivres PAM) ou en espèces.
D'autre part, les projets privilégiant les aspects techniques étaient généralement conçus en dehors des conditions locales du milieu et sans prise en compte ni des besoins des populations ni des modes traditionnels d'exploitation. Ces projets ont, dès lors, plutôt fonctionné en imposant des solutions par l'extérieur et en excluant totalement de la conception et des décisions les populations, principales utilisatrices des ressources naturelles.
Les conséquences négatives les plus graves de cette stratégie d'intervention ont été notamment l'absence de prise en charge par les populations rurales du suivi et de la gestion des réalisations. En définitive, malgré leur coût, celles-ci n'ont permis ni d'inverser ni de stopper le processus de dégradation des ressources forestières. La pauvreté des populations et la précarité des conditions de vie ont eu tendance à s'accentuer.
Plusieurs facteurs désormais connus sont à l'origine du processus de dégradation des ressources naturelles et de désertification. On reconnaît en effet que celui-ci est le résultat de la conjonction d'un ensemble de facteurs complexes, dont les principaux sont d'ordre climatique (sécheresses successives et irrégularité des pluies à l'origine de la fragilisation du milieu naturel et d'une forte dégradation du couvert forestier) et d'ordre anthropique (croissance démographique, modes d'exploitation du milieu non adaptés aux conditions nouvelles).
Parmi les autres facteurs, on peut citer également des politiques de gestion des ressources naturelles et forestières inadéquates ne prenant en compte ni le potentiel du milieu physique, ni les besoins réels des populations ou le rôle social et économique des ressources naturelles; des interventions au travers des structures étatiques empêchant une prise en charge au niveau villageois des reboisements et actions de restauration des sols; une sectorialisation poussée des interventions et la non-prise en compte de l'ensemble des facteurs en jeu et de l'interaction entre les différents secteurs (agriculture/élevage/forêt)(2).
La persistance du processus de dégradation et de désertification, et même son accélération, le constat de l'échec dû aux différentes politiques interventionnistes menées depuis près de 20 ans, ont contraint les gouvernements et les services forestiers à repenser peu à peu leur stratégie d'intervention en milieu rural. A l'heure actuelle, la plupart des politiques environnementales ou de gestion des ressources naturelles et/ou forestières prônent la participation des populations locales comme principe de base. Cette réflexion s'inscrit par ailleurs dans le contexte de démocratisation généralisée, de décentralisation des services techniques (afin d'améliorer l'encadrement et le suivi des politiques au niveau régional) et de désengagement de l'Etat des secteurs de la production, désengagement par ailleurs consécutif à la crise économique et financière que traversent les pays de la sous-région.
Sur le terrain, les partenaires du développement et les différents responsables de projets ont progressivement intégré à la fois les diverses composantes du milieu physique, les conditions socio-économiques et associé les populations au niveau de leur terroir (3). Les concepts de "développement rural intégré", de "développement local", de "gestion de terroir" se sont progressivement développés, ainsi que la "gestion des ressources naturelles" et plus particulièrement celle des ressources forestières. Toutefois, il est important d'insister sur le fait que:
en Afrique sahélienne, la gestion des ressources naturelles et forestières est un élément moteur de la gestion du terroir en raison du caractère primaire des besoins des populations rurales et de l'importance de l'exploitation des ressources notamment à des fins agricoles, d'élevage ou pour la production de bois.
Au niveau technique, de nombreuses expériences acquises ces dernières années dans plusieurs pays de la sous-région (Sénégal, Burkina Faso, Mali, Niger...) permettent à l'heure actuelle de disposer d'un certain nombre d'acquis techniques fiables, adaptés aux différentes conditions agro-écologiques et disponibles sous forme de fiches techniques simples à l'intention des agents d'encadrement et des populations. Ces "paquets techniques" permettent d'apporter des solutions simples à des problèmes spécifiques de gestion et/ou restauration du milieu naturel et sont conçus de telle manière qu'ils puissent intégrer les connaissances des populations, les savoir-faire et les pratiques locales.
En matière de participation des populations aux différentes actions conçues par et pour elles, des expériences très intéressantes sont menées depuis le milieu des années 80 dans la sous-région. Elles visent à repenser les diverses actions et modes d'intervention et à associer étroitement les populations rurales à la gestion concertée et intégrée des ressources naturelles et forestières au niveau de leur terroir.
Ces expériences ont été progressivement formalisées sous forme d'une méthodologie connue sous le nom d'approche participative. Au travers de la mise en uvre d'une série d'étapes, celle-ci a précisément pour objectif général d'impliquer et d'associer de manière étroite les populations dans le diagnostic, l'identification, la programmation, la mise en uvre et le suivi des actions à mener au niveau du terroir et de définir les responsabilités des différents partenaires dans le suivi et la gestion des ressources naturelles.
Complémentaire de l'approche terroir - basée notamment sur un diagnostic intégré du milieu (physique et socio-économique) et la connaissance des modes d'utilisation et d'exploitation du milieu par les populations -, L'approche participative appliquée à la gestion des ressources naturelles doit être considérée comme un outil qui favorise la prise en charge effective par l'ensemble de la population d'un village ou d'un ensemble de villages des actions de restauration et de développement du terroir. Elle assure la mise en place d'un partenariat dans la gestion des ressources naturelles au niveau du terroir.
L'approche participative est une démarche qui peut être appliquée à tout programme de développement rural. Elle conduit à une gestion concertée des ressources naturelles si la sensibilisation porte sur cette thématique. Elle vise alors à l'amélioration des conditions de vie des populations tout en assurant le développement des ressources forestières et leur exploitation/gestion sur une base durable à leur profit. Elle contribue enfin au développement local.
L'enjeu de l'approche participative est donc fondamental: il s'agit - dans un contexte de désengagement de l'Etat et de crise économique et financière - d'aider les populations, d'une part, à lutter contre la fatalité et mettre tous les moyens en uvre pour restaurer et/ou conserver le patrimoine naturel, et, d'autre part, à développer leur capital de production pour elles-mêmes et les générations futures. En d'autres termes, l'approche participative favorise la promotion de l'auto-développement des communautés villageoises et une prise en charge active de leur propre avenir.
Par ailleurs, la mise en uvre de l'approche participative impose l'apprentissage d'un mode d'intervention nouveau tant pour les populations, qui ont une vision déformée des services forestiers (répression) et des projets (pourvoyeurs de fonds), que pour les agents techniques qui doivent apprendre à écouter les populations et à ne pas imposer a priori leur savoir technique.
L'objet de la présente publication est de faire le bilan des expériences récentes dans ce domaine en Afrique sahélienne et de montrer les perspectives de l'approche participative en tant que méthodologie privilégiée. Elle vient en appui des politiques de développement rural permettant d'associer les populations à la conception, la prise de décision, la mise en uvre, le suivi et la gestion des actions de développement.
Une première partie traite de la méthodologie de l'approche participative en elle-même partant de la définition de ses principes et fondements et des différentes étapes qui la caractérisent. Elle analyse également les principales difficultés rencontrées sur le terrain par les responsables de projets forestiers lors de sa mise en uvre (au travers d'exemples concrets au Sénégal, au Burkina Faso et au Niger).
Les diverses conditions de réussite de l'approche et les adaptations que son développement nécessite au niveau politique et institutionnel et législatif (harmonisation des stratégies d'intervention en milieu rural, création d'un cadre de concertation, formation, révision du code forestier et du régime foncier) y sont également analysées.
Une deuxième partie traite plus spécifiquement des méthodes et outils de communication utilisés lors de la mise en uvre des différentes étapes et phases de l'approche participative, pour susciter la participation de la population et instaurer le climat de confiance et de dialogue indispensable entre la population et les agents techniques. La communication va également permettre, au-delà des objectifs propres de l'approche participative, de créer un dynamisme nouveau au sein de la communauté et jouer ainsi un rôle positif dans le renforcement des solidarités entre les différents groupes sociaux et l'établissement d'un partenariat entre la population et les services techniques. Elle va faciliter les mécanismes de diffusion, de transferts ou d'échange des informations, des savoirs et des techniques. Enfin, la communication va contribuer à l'objectif d'autopromotion et d'auto-développement poursuivi par l'approche participative.
A l'instar de la méthodologie de l'approche participative et en appui à celle-ci, le développement de la communication nécessite un certain nombre de préalables, ainsi que la définition de stratégies de communication adaptées au contexte national, régional et local.
Enfin, un dernier point dégage, en guise de conclusion, les perspectives de l'approche participative et de la communication en tant que méthodologie efficace d'implication et d'association responsable des populations dans la gestion des ressources naturelles au niveau de leurs terroirs, notamment dans le cadre des programmes de lutte contre la désertification.