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Sécurité alimentaire: exemples de réussite


Documents d'information technique 1-5
Volume 1
© FAO, 1996


Introduction

1.1 Ce document illustre l’expérience de divers pays en matière d’amélioration de la sécurité alimentaire. Chaque monographie résume les principaux problèmes de sécurité alimentaire du pays considéré et analyse brièvement les diverses approches adoptées pour les résoudre. Dans la plupart des cas, il s’agit d’exemples de succès durables obtenus en matière de disponibilités alimentaires nationales et de sécurité alimentaire des ménages depuis 1961, ou du bon niveau de leur sécurité alimentaire actuelle. Quelques autres exemples ont été choisis pour souligner les aspects où les résultats de la sécurité alimentaire ont été positifs, même si la situation générale des disponibilités alimentaires moyennes ou de la sécurité alimentaire des ménages n’a guère progressé. Enfin, le cas de l’Afrique australe montre comment une grave crise de sécurité alimentaire peut être prévenue grâce à l’effort international; il illustre parfaitement la nature des actions qui peuvent éviter une famine généralisée après une catastrophe naturelle.

1.2 La section 2 analyse le concept de la sécurité alimentaire dans le contexte des stratégies de développement, et même le degré de sécurité alimentaire et les progrès réalisés au moyen d’indicateurs appropriés. Les monographies qui s’inscrivent dans le cadre général sont présentées dans le chapitre 3, qui constitue le corps de ce document, et la section 4 présente les conclusions.


2. Problèmes de sécurité alimentaire au niveau national

2.1 Le cadre conceptuel de la sécurité alimentaire a sensiblement changé au fil du temps. Cela reflète l’évolution des perceptions de l’ensemble du problème alimentaire mondial. Au lendemain de la crise alimentaire mondiale du début des années 70, le concept de sécurité alimentaire reposait largement sur la vision suivante: la sécurité alimentaire d’un pays peut être assurée si l’on dispose de stocks céréaliers mondiaux plus abondants et si l’on parvient à contenir dans des limites raisonnables les fluctuations des cours internationaux des céréales.

2.2 Ainsi, la stratégie recommandée par la Conférence mondiale de l’alimentation en 1974, et précisée dans l’Engagement international sur la Sécurité alimentaire mondiale, a souligné particulièrement le maintien de la stabilité des approvisionnements pour garantir la disponibilité matérielle de vivres en cas de mauvaises récoltes généralisées et surtout pour maintenir les niveaux de consommation dans les pays les plus vulnérables. L’Engagement envisageait une coordination internationale des stocks détenus par les pays, des programmes d’aide alimentaire et des diverses mesures dont, notamment des accords commerciaux à long terme. Parallèlement, l’Engagement reconnaissait que la réalisation de la sécurité alimentaire mondiale au sens large dépendait de la croissance de la production alimentaire, en particulier dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV).

2.3 Alors que la production alimentaire mondiale s’est accrue au même rythme ou parfois plus rapidement que la population au fil des années, l’écart entre l’offre et la demande de vivres et ses conséquences, la faim et la malnutrition, reste élevé, surtout dans les PFRDV. Tenant compte du nouveau contexte dans le lequel se situe la sécurité alimentaire mondiale, le Comité de la sécurité alimentaire mondiale, à sa huitième session en 1983, a rééxaminé et élargi la notion même de sécurité alimentaire et l’a définie en ces termes: «L’objectif ultime de la sécurité alimentaire mondiale devrait être d’assurer à tous en tout temps l’accès matériel et financier aux aliments de base dont ils ont besoin» (FAO, 1983). Pour atteindre cet objectif, il a été reconnu que trois conditions devaient être assurées, à savoir: l’adéquation ou la disponibilité des approvisionnements; alimentaires en quantité suffisante; la stabilité des approvisionnements; et l’accès des ménages, en particulier des ménages pauvres à ces approvisionnements.

2.4La Conférence internationale sur la nutrition (CIN), qui s’est tenue en 1992, a ajouté une dimension nutritionnelle en déclarant qu’assurer la sécurité alimentaire, c’est «permettre à tous d’accéder à tout moment aux aliments salubres et nutritifs dont ils ont besoin pour mener une vie saine et active». C’est ce concept qui est le plus largement admis aujourd’hui. En outre, l’effort d’accélération de la production à travers le monde ne doit pas entraîner de dégradation des ressources naturelles et de l’environnement et il a donc été précisé que cet objectif ne devrait compromettre ni le potentiel productif des ressources naturelles, ni l’intégrité des systèmes biologiques, ni la qualité de l’environnement1.

2.5 Pour analyser le concept de sécurité alimentaire, les processus fondamentaux du bien-être nutritionnel peuvent être décomposés en sous-systèmes distincts déterminant respectivement: la quantité, la qualité et la nature des aliments auxquels un ménage a accès; la répartition de ces aliments entre les membres du ménage; la préparation de ces aliments et l’équilibre métabolique individuel. Les deux premiers déterminent la sécurité alimentaire du ménage alors que les deux derniers relèvent davantage de l’hygiène et de la santé. Ces sous-systèmes interdépendants sont influencés par une même combinaison de processus d’ordre technologique, économique, social, politique, juridique et culturel qui sont liés au développement entendu dans son sens le plus large. En effet, quelles que soient les causes directes de la sous-alimentation et de l’insécurité alimentaire des ménages, les facteurs de blocage sont les mêmes que ceux qui entravent la lutte contre la pauvreté et le développement.

2.6 Malgré l’accélération de l’urbanisation constatée dans la majorité des pays en développement, la plupart des victimes de l’insécurité alimentaire et de le pauvreté vivent et gagnent leur vie dans les zones rurales du monde en développement, leurs principaux moyens de subsistance proviennent de l’activité agricole et la plupart d’entre eux produisent directement ce qu’ils consomment. En outre, dans les pays moins avancés, les emplois et revenus disponibles, non seulement dans l’agriculture mais dans tous les secteurs, sont considérablement limités par des facteurs tels que la productivité agricole, les ressources naturelles et la disponibilité de capitaux, de biens d’équipement fabriqués et d’infrastructures économiques, sociales et institutionnelles en zones rurales. Pour exploiter tout le potentiel productif des populations rurales et éliminer les îlots d’insécurité alimentaire et de pauvreté en milieu rural, il est indispensable de supprimer les inégalités dans la répartition des terres et des revenus et dans l’accès au pouvoir, de dispenser un enseignement et une formation et de débloquer l’accès aux intrants, aux services et aux lieux d’échanges. Ces mesures devraient aussi permettre de résoudre quelques-uns des problèmes des citadins touchés par l’insécurité alimentaire, en atténuant les pressions de l’exode rural, en développant la demande de produits non agricoles, etc., même si elles ne suppriment pas la nécessité de politiques spécifiques pour atténuer l’insécurité alimentaire et la pauvreté des individus vulnérables qui affluent toujours plus dans les villes.

2.7 A condition de pouvoir distinguer les effets de l’hygiène, de la santé et des soins, de ceux de la sécurité alimentaire des ménages, les indicateurs de l’état nutritionnel peuvent être le moyen le plus direct d’évaluer le degré de sécurité alimentaire au niveau des ménages. Pour le mesurer, le meilleur procédé consiste à se baser sur des enquêtes directes sur l’apport alimentaire, et de disposer, pour les comparer, de normes appropriées d’adéquation. En général ces enquêtes sont coûteuses et difficiles à réaliser, surtout dans les régions et les pays où la vulnérabilité est la plus élevée. Cependant, il existe des méthodes approximatives qui permettent d’estimer le nombre d’individus qui, au niveau d’un pays, présentent, selon toute probabilité, des carences alimentaires. Si ces estimations donnent des indications sur l’incidence des carences alimentaires, elles ne peuvent pas être utilisées comme indicateurs de l’incidence de la sécurité alimentaire, car elles ne tiennent pas compte des individus qui ne souffrent pas nécessairement de carences alimentaires, mais qui sont cependant exposés à un risque relativement élevé en raison des fluctuations des disponibilités alimentaires et de l’accès aux vivres (FAO, 1996a).

2.8 La FAO a élaboré un indice global de la sécurité alimentaire des ménages (IGSAM) en se fondant sur les travaux de Sen (1976) et Bigman (1993), en incorporant les trois éléments de la sécurité alimentaire mentionnés plus hauts; la disponibilité, la stabilité des approvisionnements alimentaires et l’accès aux vivres (voir encadré 1). Elle a aussi introduit un indicateur qui permet d’échafauder davantage d’hypothèses, mesurant l’insuffisance des disponibilités alimentaires au niveau national (Voir encadré 2) et calculé à partir des estimations de la sous-alimentation chronique. Ces deux mesures, combinées à celles des disponibilités alimentaires calculées à partir des bilans alimentaires, constituent le fil conducteur commun aux diverses expériences politiques qui, dans chaque pays, ont influencé la situation économique et sociale déterminant la sécurité alimentaire.

Encadré 1

Indice global de sécurité alimentaire des ménages (IGSAM)

Pour calculer cet indice, on part des estimations de la FAO concernant la sous-alimentation dans les pays en développement, on prend ensuite en compte les indices mesurant l'écart entre l'apport alimentaire des personnes sous-alimentées et les besoins énergétiques moyens à l'échelle nationale, l'inégalité de la répartition des déficits vivriers et l'instabilité des disponibilités énergétiques alimentaires annuelles, qui est un indicateur assez approximatif du risque de carence alimentaire au niveau des agrégats. Les méthodes utilisées pour calculer l'importance de la sous-alimentation (pour plus de détails voir FAO, 1996) ne reflètent que le nombre de sous-alimentés chroniques qui, au cours de l'année, ont un apport alimentaire moyen insuffisant pour maintenir leur poids corporel et exercer des travaux non fatigants. Les individus affectés par une insécurité alimentaire saisonnière aiguë ne sont pas directement pris en compte, même si la mesure de la variabilité des disponibilités alimentaires, qui est comprise dans les calculs, peut donner une idée du risque auquel le pays est confronté.

La formule de l'indice est la suivante:

AHFSI = 100-[H(G+(1-G)Ip)+ ½ s{1-H(G+(1-G)Ip)}]100,

où,

- H est le taux mesurant la proportion de personnes sous-alimentées par rapport à la population totale; cet indice exprime l'ampleur de la sous-alimentation;

- G est le déficit vivrier qui mesure l'écart relatif entre l'apport alimentaire énergétique moyen journalier des personnes sous-alimentées et les besoins nutritionnels moyens à l'échelle nationale, cet indice exprime la gravité de la sous-alimentation;

- I p mesure l'inégalité de la répartition des déficits vivriers; il s'agit du coefficient de variation des disponibilités énergétiques alimentaires, mesurant la probabilité d'une insécurité alimentaire temporaire.

- s est le coefficient de variation des disponibilités énergétique alimentaires.

Les valeurs de l'IGSAM peuvent varier de 0 à 100; les valeurs les plus élevées correspondent aux plus hauts niveaux de sécurité alimentaire. L'IGSAM n'étant qu'un chiffre relatif, il est difficile d'élaborer des hypothèses à partir d'une valeur quelconque, sauf lorsqu'elle se situe à l'une des deux extrémités de l'échelle.

Encadré 2

Explication des diagrammes normalisés utilisés dans chaque monographie

Afin de pouvoir comparer les expériences en matière de sécurité alimentaire des divers pays sélectionnés, deux diagrammes normalisés, construits sur la base des données collationnées par la FAO, sont présentés. Le premier résume les éléments saillants des bilans alimentaires établis par la FAO, d’après les données fournies par ses membres. Les chiffres concernant la production, la consommation brute, l’utilisation totale et les importations de toutes les cultures vivrières répertoriées sont complétés par une estimation de la teneur respective en Calories, regroupés puis normalisés et combinés à des estimations de la population totale, de façon à établir des séries chronologiques indiquant les Calories par habitant et par jour pour la période 1961-1992.
Le second diagramme reporte les valeurs de deux indices composites similaires mesurant le degré de sécurité alimentaire dans les pays concernés pour trois périodes différentes: 1969-1971, 1979-1981 et 1990-1992. Le premier de ces indices est l’IGSAM, décrit en détail dans l’encadré 1. D’après les estimations de la FAO (1994a), les pays ayant un indice supérieur à 85 sont considérés comme jouissant d’une sécurité alimentaire «élevée»; 25 des pays signalés entraient dans cette catégorie. En revanche, sept pays, dont l’indice est inférieur à 65, sont considérés commme ayant un niveau de sécurité alimentaire «critique». Trente-cinq autres pays, dont l’indice est compris entre 75 et 65, sont classés dans la catégorie des pays à «faible» sécurité alimentaire. Dans les 26 pays restants, la sécurité alimentaire est dite «moyenne».

Le second indice relève davantage de l’hypothèse et mesure le niveau d’inadéquation alimentaire (FA) du pays, qui est défini par la formule (FAO, 1996a):

FA= [(PUNNUR(CAVREQ-CAVUNNUR))/ PTOTALCAVALAIL ]100

Où:

- P UNNUR = pourcentage de personnes sous-alimentées

- P TOTAL = population totale

- C AVREQ = besoins énergétiques moyens

- C AVUNNUR = disponibilités énergétiques moyennes du groupe de personnes sous-alimentées;

- C AVAVAIL = disponibilités énergétiques moyennes.

Comme on peut le voir, l’indice ne tient pas seulement compte du nombre de personnes sous-alimentées, il mesure aussi leur déficit alimentaires et exprime, en pourcentage, les disponibilités énergétiques supplémentaires nécessaires pour amener toute la population sous-alimentée au niveau moyen, en supposant un ciblage parfait.

 


3. Brefs exemples d'expériences nationales en matière de sécurité alimentaire

3.1. Aucun pays ne peut prétendre avoir totalement éliminé la sous-alimentation chronique et l’insécurité alimentaire. Il n’existe donc à ce jour aucun exemple qui puisse être présenté comme une réussite complète à cet égard. Et s’il était possible d’en trouver un, il est probable que les voies qui ont conduit au succès ne sauraient être reproduites ou seraient inappropriées ailleurs, étant donné la complexité de la problématique de la sécurité alimentaire évoquée ci-dessus et la multiplicité de ses aspects, de ses causes et de ses conséquences. Pourtant, la découverte de certaines constantes au niveau mondial, importantes et significatives, reliant le degré de sécurité alimentaire au niveau de développement économique et social, permet de penser qu’il existe de nombreuses expériences plus au moins positives qui méritent d’être examinées.

3.2 Une expérience nationale peut avoir permis d’avoir améliorer certains aspects de la sécurité alimentaire, alors que d’autres apparaîtront comme des échecs, du fait qu’ils impliquent parfois des arbitrages entre plusieurs objectifs concurrentiels répondant à des considérations de sécurité alimentaire qui ne sont pas nécessairement immédiates. Le présent chapitre décrit les expériences positives en matière de sécurité alimentaire d’un groupe de pays sélectionnés, mettant en évidence, le cas échéant, les lacunes et même certains échecs incontestables, dans la mesure où ces derniers peuvent s’avérer instructifs.

3.3. Les cas ici décrits présentent les expériences faites par des pays, grands ou petits, des diverses régions du monde et dont les orientations politiques sont différentes. Dans chaque cas, la production intérieure, les importations commerciales et l’aide alimentaire jouent un rôle différent sur la sécurité alimentaire et la part de l’agriculture dans l’économie est plus ou moins importante.


BURKINA FASO2

3.4 La sécurité alimentaire est devenue un objectif majeur du Burkina Faso. La sécheresse qui a frappé la région du Sahel de la fin des années 60 jusqu'au milieu des années 70 a montré à quel point le pays était sensible aux aléas climatiques. Depuis, le gouvernement s'est attaqué à ce problème, en prenant diverses mesures macroéconomiques ou techniques: la restructuration des finances publiques, la conservation des sols et la collecte de l'eau, la colonisation de nouvelles terres, la création de revenus au niveau des ménages, et les transferts. Le résultat a été positif dans la mesure où la sécurité alimentaire et le bien-être des populations ont été accrus.

3.5 Pour la période 1961-1992, les disponibilités énergétiques par habitant et par jour, à l’échelle du pays, ont été, en moyenne, de l’ordre de 1800 Calories, soit une croissance annuelle modérée (0,9 pour cent), avec toutefois des fluctuations importantes. Trois périodes peuvent être distinguées. De 1961 à 1967, on constate une légère augmentation des disponibilités énergétiques par habitant, suivie d’une tendance à la baisse de 1968 à 1974, principale période de sécheresse dans la région du Sahel. La tendance à la hausse est manifeste de 1975 à 1991, avec d’importantes fluctuations d’une année sur l’autre (figure 1). Cette évolution des disponibilités alimentaires suit de près celle de la productivité de la main-d’oeuvre rurale. La production céréalière totale par personne vivant de l’agriculture, par exemple, est passée d’environ 180 kg en 1961 à plus de 300 kg en 1991, avec toutefois d’amples fluctuations d’une année sur l’autre.

3.6 Cependant, depuis le début des années 70 (l’après-sécheresse), les importations alimentaires ont aussi augmenté, en partie parce que les consommateurs urbains ont modifié leurs habitudes alimentaires en faveur du riz et du blé. Sur l’ensemble de la période, la contribution de la production intérieure à la croissance des disponibilités alimentaires est légèrement supérieure à 50 pour cent, et ne dépasse que de très peu celle des importations. Ce sont les importations commerciales, en particulier de blé et de riz qui ont enregistré les fluctuations les plus fortes, ce qui montre bien que c’est le principal mécanisme d’ajustement servant à maintenir les approvisionnement totaux au niveau souhaité. Les variations futures des importations commerciales dépendront des revenus et des prix. Bien que ses effets ne soient pas encore apparents, la récente dévaluation (1994) de la monnaie nationale, associée aux hausses des cours sur les marchés céréaliers mondiaux, pourrait faire monter les prix frontière et inciter les consommateurs urbains à revenir à leurs anciennes habitudes et à acheter des céréales produites dans le pays. On constate une forte réaction positive de la production rurale à la hausse des prix, si la politique gouvernementale facilite la fourniture d’intrants et la mise en place d’infrastructures(Savadogo, Reardon et Pietola, 1994).

3.7Dans le passé, le niveau de sécurité alimentaire des ménages était faible au Burkina Faso. Selon l’IGSAM et l’indice d’inadéquation alimentaire (voir figure 2), le Burkina Faso a connu, jusqu’au début des années 90, une grave insécurité alimentaire, avec un déficit calorique de près d’un tiers des besoins nationaux. Depuis, la situation s’est sensiblement améliorée et le Burkina Faso n’est plus considéré comme un pays où la sécurité alimentaire des ménages est critique: la valeur de l’IGSAM est proche de 70, et l’inadéquation alimentaire a été réduite à environ un 10e des besoins nationaux3.

3.8L’évolution de la sécurité alimentaire, telle qu’elle vient d’être décrite, est le résultat net de nombreux facteurs dont les plus importants sont: la restructuration des finances publiques au profit du secteur rural; les modifications des politiques concernant le secteur agricole et la sécurité alimentaire; et les facteurs démographiques et les migrations d’une zone rurale à l’autre encouragées par l’Etat ou spontanées4.

 

Figure 1

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - BURKINA FASO (1961-1992)

 

Figure 2

DEGRÉ SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, MESURÉ PAR L'INDICE D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET L'IGSAM - BURKINA FASO

3.9 Au cours de la période 1983-1989, le gouvernement a mis en œuvre d’importantes politiques macroéconomiques et sectorielles visant à rétablir les équilibres macroéconomiques. Un système de redistribution des dépenses a été mis en place pour financer des programmes sectoriels, notamment en faveur de l’agriculture, tout en respectant les objectifs de réduction des déficits publics. Pour réduire le déficit, les coupes budgétaires, qui ont principalement porté sur les salaires de la fonction publique (60 pour cent du budget total), ont permis d’économiser pendant la période 1984-1990 environ 14 milliards de Francs CFA au total, soit 4 pour cent des 300 milliards de F CFA de recettes cumulées pendant la même période (Zagré, 1992;Savadogo,1994). Cette série de mesures de stabilisation a porté ses fruits puisque le déficit du budget public est tombé de 24,5 milliards de F CFA en 1984 à 4,5 milliards en 1985, ce qui a effectivement permis le financement du secteur rural, dont il est question dans les paragraphes suivants.

3.10 Le Burkina Faso ayant été éprouvé par une série de graves sécheresses qui ont sévi de la fin des années 60 au milieu des années 70, les responsables politiques se sont rendus compte de la vulnérabilité du pays aux conditions naturelles, et ont redoublé d’effort pour stabiliser et accroître la productivité des terres. Les mesures de conservation des sols (principalement utilisation d’engrais et de compost, et construction de remblais de pierre pour réduire les ruissellements d’eau de surface) ont été encouragées par le gouvernement qui a fourni des camions et mis en oeuvre des programmes vivres-contre-travail. Ces mesures de conservation, introduites dès les années 60, ont été intensifiées pendant la période d’ajustement que le pays s’est imposée entre 1983 et 1989 (Sanders et al.,1987; Savadogo et Wetta, 1992). Les politiques de conservation ont permis d’améliorer les rendements des terres dégradées du Plateau central, et, partant, d’accroître et de stabiliser la production (Cleaver, 1993).

3.11 En ce qui concerne les changements démographiques, la population urbaine a augmenté beaucoup plus rapidement que la population rurale, qui a elle-même connu d’importantes migrations du plateau central à faible potentiel productif vers les régions du sud-ouest du pays. La croissance de la population urbaine a pour effet de modifier les habitudes alimentaires au niveau national. Au cours des années 80, la part des céréales non traditionnelles (riz et blé) dans les importations céréalières totales a augmenté par rapport à celle des céréales traditionnelles (sorgho, maïs). Le changement démographique déterminant a cependant été la migration massive du plateau central surpeuplé et à faible potentiel vers les terres agricoles des bassins de la Volta (au Sud et au Sud-Ouest) plus fertiles, mais infestées par l’onchocercose. Ces migrations, qui avaient commencé dès le début des années 60, se sont accélérées de la fin des années 70 jusqu’au début des années 80, après que le programme de santé publique de grande envergure parrainé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) eut permis de contrôler la simulie, insecte vecteur de l’onchocercose (Mc Millan et Savadogo, 1996). La sécheresse de 1968-1974 entraîna des besoins en nouvelles terres; ces besoins furent amplifiés par la grande sécheresse de 1984. Comme les nouveaux arrivés étaient plus ouverts aux nouvelles technologies que les populations autochtones, la productivité et la production agricole par rapport à la surface cultivée et par personne a augmenté à l’échelon national (Savadogo, 1990).

3.12 Malgré les importantes améliorations de la sécurité alimentaire décrites ci-dessus, les enquêtes réalisées au niveau des ménages indiquent qu’une insécurité alimentaire saisonnière prévaut encore dans le pays et il est donc nécessaire de prévoir une intervention de rééquilibrage alimentaire à l’inter-saison. Les ménages, qui ont besoin d’argent, vendent normalement les céréales au moment de la récolte et doivent en racheter quand les prix sont plus élevés. Des revenus non agricoles permettraient de sortir de ce cercle vicieux, mais l’actif des ménages pauvres qui vivent dans les campagnes, et qui sont les plus touchés par l’insécurité alimentaire, n’a guère d’autres sources qu’agricoles. Le programme de création de revenus non agricoles lancé par le gouvernement en 1993 s’attaque à ce problème de diversification des revenus et, par voie de conséquence, à l’accès aux vivres.


CHINE5

3.13 La Chine suscite une grande admiration car elle parvient à nourrir plus d'un cinquième de la population mondiale avec un quinzième seulement des terres arables du monde. Partie d'un niveau de 1 500 Calories par habitant et par jour au début des années 60, elle a réussi à porter ses disponibilités alimentaires à plus de 2 700 Calories par habitant et par jour au début des années 90, presque exclusivement grâce à l'augmentation de la production intérieure. L'expérience de ce pays, en particulier les réformes introduites après 1978, démontre l'importance des incitations et d'un cadre institutionnel propre à maximiser les effets des infrastructures agricoles, mais aussi des efforts judicieux de recherche et de diffusion de nouvelles technologies. Au fil des années, la Chine a réussi l'exploit d'assurer la sécurité alimentaire de toute la population, pourtant en augmentation.

3.14 Après l’avènement de la République populaire de Chine en 1949, l’économie agraire, dévastée par la guerre, a été reconstruite grâce à une stratégie de développement privilégiant l’industrie lourde. Pour faciliter l’accumulation rapide de capital malgré le faible taux d’épargne intérieure, la politique a favorisé le transfert des excédents de l’agriculture vers l’industrie, essentiellement en maintenant les salaires des ouvriers du secteur industriel à un bas niveau. Cette politique obligeait en effet à maintenir très bas les prix des produits alimentaires, de l’énergie, des transports et des autres biens de première nécessité. Un programme de vente obligatoire de céréales et une politique stricte de rationnement alimentaire ont en particulier influé sur les prix des produits alimentaires.

3.15 Cependant, une série de facteurs – la croissance de la population, l’accélération de la demande de vivres par les secteurs urbain/industriel, une grave famine qui a provoqué la mort de millions de personnes entre 1958 et 1961, et une disponibilité limitée de devises – ont suscité de vives préoccupations en matière de sécurité alimentaire et incité à viser un objectif d’autosuffisance alimentaire. Le gouvernement a été poussé à adopter une stratégie propre à favoriser et à stimuler le développement simultané de l’agriculture et de l’industrie. En ce qui concerne l’agriculture, cette stratégie prévoyait un programme massif d’investissements dans des activités à fort coefficient de main-d’œuvre, telles que l’irrigation, la bonification des terres et la protection contre les inondations. Parallèlement, la recherche et la diffusion de variétés à haut rendement et de méthodes de cultures améliorées étaient encouragées. La collectivisation de l’agriculture était considérée comme le système idéal pour coordonner ces fonctions et effectuer les achats de céréales et d’autres produits jugés nécessaires à la mise en oeuvre de la stratégie de développement industriel (Lin, 1995).

3.16 La stratégie a porté ses fruits dans la mesure où elle a permis à la Chine d’éliminer la famine et de garantir un niveau de nutrition raisonnable à toute sa population. Deux enquêtes sur la consommation alimentaire à l’échelle de la nation montrent que les apports énergétiques et protéiques par habitant ont augmenté entre 1959 et 1982, passant de 2 060 à 2 485 Calories par habitant et par jour. L’apport protéique quant à lui est passé de 57 à 67 g par habitant et par jour. Les deux augmentations ont été attribuées à un accroissement de la production de céréales qui fournissent une proportion très élevée des Calories et des protéines (71 pour cent des Calories et 78 pour cent des protéines en 1982).

3.17 L’évolution de la situation de la sécurité alimentaire en Chine est illustrée à la figure 3. La production alimentaire et les disponibilités alimentaires totales par habitant ont suivi des trajectoires similaires, étant donné que le niveau des importations alimentaires est resté relativement faible, passant d’environ 2,5 pour cent des disponibilités par habitant jusqu’au milieu des années 70, à 3,5 pour cent par la suite. L’écart croissant entre les disponibilités de produits vivriers en général et ceux destinés à la consommation humaine reflète aussi la modification de la structure de la demande puisque l’augmentation de l’alimentation du bétail sous-tend un accroissement de la consommation de viande. La croissance de la production de Calories par habitant a tourné autour de 7 pour cent par an entre 1961 et 1966, puis est brusquement tombée par la suite à environ 3 pour cent, une moyenne qui pourrait se ventiler ainsi: stagnation entre 1967 et 1977, reprise au rythme d’environ 6 pour cent par an de 1977 à 1984, et chute à moins de 0,5 pour cent par an entre 1985 et 1992.

3.18 En ce qui concerne la répartition au niveau national, on constate que, depuis le début des années 70, la sécurité alimentaire des ménages mesurée par l’IGSAM et le niveau d’inadéquation alimentaire (voir figure 4), suit une amélioration comparable à celle des disponibilités alimentaires moyennes, à l’échelle nationale. La Chine, qui était considérée comme un pays à faible sécurité alimentaire durant la période 1969-1971, a atteint aujourd’hui un niveau proche de celui des pays à sécurité alimentaire élevée. Ce phénomène est illustré par un indice d’un ordre qui relève davantage de l’appréciation, celui de l’insuffisance alimentaire servant surtout à mesurer la gravité et l’étendue de la sous-alimentation dans le pays. Le déficit énergétique total de la population sous-alimentée, qui atteignait près de 15 pour cent au début de la période considérée, est tombé en-dessous de 5 pour cent au cours des dernières années. Cette information est confirmée par deux grandes enquêtes nationales effectuées en 1975 et en 1985. La comparaison des données respectives de ces deux études indique que l’état nutritionnel s’est amélioré pendant la décennie. Le poids et la taille des enfants observés, plus élevés en 1985 par rapport à 1975, témoignent d’une régression de l’incidence de la malnutrition aiguë et chronique (Capital Institute Paedriatrics, 1985).

 

Figure 3

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - CHINE (1961-1992)

Rôle des modifications de la structure institutionnelle de l’agriculture

3.19 Après la période de crise et de famine, qui a sévi de 1959 à 1961, un certain nombre de réformes ont été introduites. Les contrôles sévères du système collectif sur l’agriculture ont été assouplis, au profit d’un système de gestion plus décentralisé. Les investissements infrastructurels ont été poursuivis, de même qu’un effort notablement soutenu et fructueux dans le domaine de l’amélioration des semences. Grâce à un système de recherche décentralisé complété par des services de vulgarisation efficaces, à la fin des années 70, 80 pour cent des variétés traditionnelles de riz et de blé avaient été remplacées par de nouvelles variétés naines. Pendant plus d’une décennie, la Chine a été le seul pays au monde à produire du riz hybride à des fins commerciales. Des variétés nouvelles d’autres cultures telles que le maïs et le coton ont aussi été introduites et encouragées pendant les années 60 et 70. La mécanisation s’est aussi accélérée dès 1965 et, en particulier, à partir des années 70.

3.20L’amélioration des infrastructures, la mécanisation et la diffusion d’intrants et de semences modernes ont toutes ensemble permis à la Chine d’éliminer la famine et de maintenir un apport calorique suffisant, mais la croissance de la production céréalière a pu tout juste dépasser celle de la population. Entre 1952 et 1978, la production céréalière par habitant s’était accrue de 0,4 pour cent par an, soit une augmentation des disponibilités par habitant de 10 pour cent seulement en un quart de siècle, alors qu’aucune amélioration sensible des niveaux de vie n’avait été obtenue après 30 ans de révolution socialiste. En dépit d’une expansion spectaculaire de l’utilisation d’intrants modernes au cours des années 60 et 70, la productivité totale des facteurs de production agricole était restée, dans les années 80, inférieure d’environ 20 pour cent à son niveau d’avant le mouvement de collectivisation (Wen, 1993). Le mauvais rapport entre l’effort fourni et le niveau de rémunération n’a guère encouragé l’efficacité du travail et cet effet négatif, associé à une gestion inefficace et à une utilisation anti-économique des ressources a contribué à la faible efficience technique de l’agriculture chinoise6.

 

Figure 4

DEBRÉ DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE MESURÉ PAR LE NIVEAU D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET IGSAM - CHINE

3.21 Frustrées de n’être pas parvenues à élever sensiblement les niveaux de vie après 30 ans de révolution socialiste, les autorités chinoises ont introduit en 1979 une série de réformes radicales en agriculture. Ces réformes comprenaient des incitations, sous la forme d’un relèvement des prix fixés par les achats publics, mais aussi une série de réformes institutionnelles, telles que: la diversification de l’économie rurale, la spécialisation de la production, l’expansion des droits à la terre, une souplesse accrue dans le choix de l’emploi, la sélection des cultures en fonction de l’avantage comparatif de la région et le renforcement du rôle des marchés. Mais le changement le plus important a été l’apparition, puis la prédominance du système de responsabilisation des ménages, par lequel ces derniers reprenaient aux équipes collectives le rôle prépondérant et devenaient les unités de base de la production et de la gestion dans la Chine rurale.

3.22 L’assouplissement des contrôles des initiatives du secteur privé et des marchés a libéré le potentiel du secteur agricole. Alors que la population s’est accrue au rythme moyen de 1,3 pour cent par an entre 1979 et 1984, la valeur des productions agricole et céréalière a augmenté à raison de 11,8 pour cent par an et de 4,1 pour cent par an respectivement, au cours de cette période. D’après des estimations empiriques, environ la moitié de l’augmentation de la production agricole enregistrée entre 1978-1984 peut être attribuée à une amélioration des mesures d’incitation, avec le passage du système collectif au système de responsabilisation des ménages. La valeur réelle de la production agricole ayant plus que doublé depuis 1978, le revenu rural par habitant a rapidement augmenté, ce qui a permis de réduire des deux tiers le nombre de personnes vivant dans des conditions d’extrême pauvreté. C’est entre 1979 et 1984 que le revenu rural par habitant a progressé le plus vite (+ 15 pour cent en moyenne par an) (FAO,1994b). La population rurale pauvre est tombée de 260 millions en 1978 à 100 millions en 1990 (soit de 33 pour cent à environ 12 pour cent de la population rurale).

Maintenir le rythme: perspectives et problèmes de l’agriculture chinoise

3.23 Alors que la production agricole a continué de progresser de façon spectaculaire après la réforme instituant le système de responsabilisation des ménages en 1984, la production céréalière nationale a diminué, puis stagné entre 1984 et 1989. Cette stagnation était imputable au fait que, profitant de l’autonomie de décision laissée aux ménages individuels en matière de production, les paysans ont affecté davantage de ressources aux cultures qui échappaient au contrôle de l’Etat et qui procuraient des bénéfices plus élevés. Le fait que la commercialisation des céréales n’ait pas été complètement libéralisée a sans doute également joué un rôle. Les paysans sont encore obligés de vendre au gouvernement un certain quota de leur production, à des prix inférieurs à ceux du marché; ainsi toute incitation à la production devient vaine. Pour accélérer la croissance de la production et répondre à la demande croissante de céréales vivrières et fourragères, le gouvernement doit libéraliser totalement les marchés et soutenir vigoureusement la recherche agricole.

3.24 La lutte contre la pauvreté va demeurer un problème important en Chine. Si la forte croissance du secteur agricole a largement contribué à réduire l’ampleur de la pauvreté durant la première moitié des années 80, son ralentissement, après 1985, fait stagner le niveau de cette pauvreté. En 1978, la plupart des pauvres résidaient dans des régions où des gains de productivité rapides ont pu être obtenus grâce à une utilisation accrue d’intrants agricoles et de semences hybrides. En 1985 en revanche, c’est dans les zones non irriguées moins productives qu’ils étaient concentrés. La productivité a été légèrement améliorée dans ces zones défavorisées, mais les efforts doivent être poursuivis car tout semble indiquer que l’accélération de la croissance de la production agricole a été jusqu’ici largement annulée par la croissance de la population.


COSTA RICA7

3.25 Au Costa Rica, la sécurité alimentaire, mesurée par les disponibilités et la production alimentaires par habitant et par des indicateurs directs du degré de sécurité alimentaire des ménages, a régulièrement progressé tout au long de la période considérée. Ce succès s'explique en partie par la priorité donnée à la lutte contre la pauvreté. Malgré les problèmes macroéconomiques rencontrés et l'ajustement des politiques qui a réduit la production de quelques cultures traditionnelles, la réorientation vers une croissance tirée par les exportations a permis d'importer davantage pour maintenir le niveau des disponibilités alimentaires par habitant, actuellement proche de 3 000 Calories par jour.

3.26 L’économie costa-ricienne a connu des taux de croissance élevés pendant près de trois décennies jusqu’au début des années 80, bien que les exportations soient limitées aux produits tropicaux traditionnels (bananes et café). Contrairement à ce qui s’est produit dans de nombreux pays d’Amérique latine, la rapide croissance économique s’est accompagnée d’un développement social important: l’incidence de la pauvreté atteignait environ 20 pour cent à la fin des années 70. Cependant, au début de la décennie 80, l’économie a été durement éprouvée par la détérioration des termes de l’échange et des conditions défavorables sur les marchés financiers internationaux. Les réformes institutionnelles visant à ouvrir l’économie à la concurrence extérieure, à réduire les distorsions des prix et l’interventionnisme de l’Etat et à diversifier les exportations pour surmonter la crise, ont permis à l’économie de s’adapter au nouveau contexte sans imposer de coûts sociaux élevés.

3.27Pendant les années 60 et 80, le Gouvernement costa-ricien a mis en œuvre une série de politiques efficaces visant à promouvoir la croissance agricole, en mettant l’accent sur la production vivrière. A cette fin, une série de mesures ont été adoptées: fixation de prix plancher, subventionnement des taux d’intérêt et des intrants et fourniture de services de vulgarisation agricole et d’une assistance technique. Elles se sont avérées extrêmement efficaces pour promouvoir la production d’aliments de base (La figure 5 masque ce progrès, car la production de bananes a une influence prépondérante dans le secteur alimentaire). La tendance à la hausse des importations alimentaires par habitant qui a caractérisé la décennie 60 s’est donc inversée au début des années 70. Cependant, en 1982, le coût du programme agricole avait atteint 30 pour cent de l’ensemble des dépenses publiques courantes et il a été le premier a être pénalisé par la grave crise que traversait alors le pays. Les objectifs ont été réorientés, les principes de substitution des importations, d’autosuffisance alimentaire et d’endettement pour assurer la croissance, ont été remplacés par une politique de développement durable fondée sur l’exportation. La diminution de la production des cultures traditionnelles au cours de cette période a été compensée par une progression rapide de la production et de l’exportation des cultures non traditionnelles; cela a permis d’augmenter la part des importations par habitant à près de 30 pour cent des disponibilités alimentaires totales8.

 

Figure 5

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - COSTA RICA (1961-1992)

 

Figure 6

DEGRÉ DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, MESURÉ PAR L'INDICE D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET L'IGSAM - COSTA RICA

3.28 Les faits nouveaux évoqués plus haut ont déterminé une augmentation annuelle moyenne des disponibilités alimentaires par habitant de l’ordre de 1 pour cent par an, puisqu’elles sont passées d’environ 2 200 Calories en 1961 à quelque 2 900 Calories en 1992. Bien que l’apport alimentaire varie considérablement d’une région à l’autre, les améliorations de l’IGSAM et de l’indice d’inadéquation alimentaire ont été comparables à celles des disponibilités moyennes à l’échelle nationale. Le degré de sécurité alimentaire des ménages est passé de moyen à élevé, alors que le déficit vivrier, qui était un peu en dessous de 6 pour cent des besoins nutritionnels moyens a été réduit à environ 2 pour cent au cours de la même période (voir figure 6).

3.29 Bien que le gouvernement ait renoncé à poursuivre l’objectif d’autosuffisance alimentaire à tout prix, la dépendance persistante et croissante du pays à l’égard des importations alimentaires conduit à se demander si le Costa Rica a un potentiel d’exportation suffisamment solide pour payer la facture d’importation croissante et améliorer la sécurité alimentaire dans les années à venir. Cette question doit être examinée en tenant compte des termes de l’échange généralement défavorables entre pays développés et en développement – surtout si ces derniers ont d’importants secteurs d’exportations primaires – du niveau d’endettement et de l’instabilité financière mondiale récente.


ÉQUATEUR9

3.30 Bien que les principaux indicateurs de la sécurité alimentaire en Equateur témoignent d’une amélioration régulière tout au long des trois décennies couvertes par cette étude, la production et les disponibilités alimentaires par habitant ont suivi une trajectoire similaire à celle des indicateurs et des politiques macroéconomiques. Les réformes des politiques macroéconomiques et sectorielles ont eu un impact profond sur les disponibilités alimentaires par habitant, qui ont diminué sous l’effet des déséquilibres macroéconomiques croissants avant les années 80, et se sont grandement améliorées depuis, avec la mise en oeuvre des politiques de stabilisation et d’ajustement structurel.

3.31 L’Equateur a traversé des phases diverses: stagnation relative avant les années 70, forte croissance pendant la décennie 70, crise pendant les années 80 et reprise économique irrégulière depuis le milieu des années 80. Il est aussi passé par divers remaniements institutionnels et politiques et a essayé plusieurs stratégies de développement. La stratégie de développement autocentrée, fondée sur la substitution des importations et privilégiant le secteur industriel, en vigueur dans les années 60, a cédé le pas à une stratégie tirée par les exportations de pétrole dans la décennie 70, elle-même peu à peu remplacée par la stratégie de développement suggérée par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale durant la dernière décennie, sous l’effet de la récession économique. Pendant les années 70, l’Equateur avait enregistré des taux de croissance du PIB impressionnants et sans précédent (approximativement 18 pour cent par an entre 1972 et 1981). En moins de 30 ans, sa situation s’est améliorée au point que, d’un des pays les plus pauvres d’Amérique latine, avec un PIB d’environ 200 dollars EU par habitant en 1961, l’Equateur est passé dans la catégorie des pays à revenu moyen-faible, avec un PIB d’environ 1 200 dollars par habitant au début des années 90.

3.32 La croissance plutôt inégale de l’Equateur s’est accompagnée de transformations structurelles importantes de l’économie. Alors que pendant les années 50 et 60, l’Equateur était un pays exportateur de fruits tropicaux typique, caractérisé par une économie traditionnelle, essentiellement rurale, il s’est transformé dans la décennie 90 en une économie latinoaméricaine classique, essentiellement urbaine reposant sur l’industrie. La part de l’agriculture dans le PIB a chuté de 26,4 pour cent au début des années 60 à moins de 15 pour cent au début de la décennie 90, quand les activités industrielles, notamment l’exploitation et le raffinage du pétrole, assuraient près de 35 pour cent de la valeur ajoutée totale.

3.33 Le choix de cette politique de développement s’expliquait fondamentalement par un environnement macroéconomique relativement peu favorable à la croissance agricole, surtout dans les années 60 et 70. La surévaluation du sucre équatorien et la forte taxation des cultures d’exportation traditionnelles, café et bananes, réduisait la compétitivité de l’ensemble du secteur. En conséquence, les exportations stagnaient alors que les importations de matières premières meilleur marché étaient encouragées. Les importations alimentaires étaient subventionnées, afin de garantir aux consommateurs urbains l’accès aux produits alimentaires en particulier lorsque les cours internationaux étaient hauts. Au contraire, les importations alimentaires ont été taxées lorsqu’il a fallu, à plusieurs reprises, encourager la production locale de cultures vivrières. Toutefois, cette politique a abouti à une diminution moyenne de la production par habitant (exprimée en équivalent énergie) d’environ 2,8 pour cent par an pendant la période 1961-1983 (voir figure 7). Du point de vue alimentaire, seuls les secteurs de la production animale, halieutique (crevetticulture) et rizicole ont alors connu une progression modeste. Celles de maïs, de blé, d’orge, de pommes de terre, mais aussi de bananes et de café, ont reculé, alors que les pâturages se sont considérablement étendus. Ces réorientations de l’affectation des ressources reflétaient à la fois le faible niveau des incitations à cultiver et les initiatives des grands propriétaires terriens en réaction contre la réforme agraire.

3.34 L’aggravation des déséquilibres macroéconomiques au début des années 80 a conduit à l’adoption de mesures de stabilisation et d’ajustement structurel. A partir de 1984, le gouvernement a renoncé à réglementer l’économie. Le commerce international, les marchés financiers et les investissements étrangers ont été libéralisés; un système de taux de change flottant a été institué; les marchés intérieurs et les relations de travail ont été déréglementés et la politique agricole a été réorientée, les interventions directes sur les marchés cédant le pas à un simple rôle d’accompagnement du secteur privé. Bien que le gouvernement ait conservé le contrôle de quelques marchés agricoles, tels que ceux du riz, du soja et du sorgho, la tendance négative de la production alimentaire par habitant a été inversée, passant de -2,8 pour cent par an en 1983, comme on l’a noté plus haut, à 4,1 pour cent ensuite. Parallèlement, la part des importations dans les disponibilités alimentaires totales destinées à la consommation humaine directe (en équivalent énergie), qui était passée de 8 pour cent dans les années 60 à près de 20 pour cent au début des années 80, s’est stabilisée depuis lors autour de ce niveau (voir figure 7).

 

Figure 7

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - ÉQUATEUR (1961-1992)

3.35 Les faits brièvement décrits ci-dessus ont aussi eu une incidence sur les disponibilités alimentaires durant la même période. Les disponibilités par habitant et par jour se sont accrues en moyenne de 0,7 pour cent par an entre 1961 et 1992, passant d’à peine 2 000 Calories en 1961 à environ 2 600 Calories en 1992. On notera que la croissance annuelle observée depuis 1983 est de 1,1 pour cent, soit un net progrès par rapport aux 0,6 pour cent estimés pour la période antérieure. En ce qui concerne la sécurité alimentaire, l’Equateur est actuellement dans la catégorie niveau élevé, avec un IGSAM supérieur à 85, et un taux d’inadéquation alimentaire inférieur à 5 pour cent (voir figure 8). Cependant les femmes enceintes, les mères allaitantes et les enfants de moins de cinq ans des groupes touchés par l’insécurité alimentaire, restent encore très vulnérables.

3.36 En dépit des progrès réalisés en matière de sécurité alimentaire, la prévalence de la malnutrition reste élevée parmi les groupes marginalisés, en zone rurale comme en zone urbaine. Les carences en oligoéléments (notamment en fer, en iode et en vitamine A) sont généralisées. Le gouvernement, en collaboration avec des organisations non gouvernementales (ONG), adopte actuellement une approche intersectorielle pour améliorer la sécurité alimentaire en liaison avec le système de surveillance alimentaire et nutritionnelle. Cette approche combine des programmes de développement général avec des interventions ciblées sur les groupes marginalisés. Le premier volet comprend les actions suivantes: diversification de la production alimentaire pour la consommation nationale, prévention contre les pertes après-récolte, mesures portant sur la qualité et l’innocuité des aliments, amélioration des systèmes de distribution, promotion de la coordination entre l’industrie alimentaire et les institutions nutritionnelles, promotion du marché des aliments enrichis, sensibilisation des familles, des communautés, des enfants des écoles aux problèmes alimentaires et nutritionnels par des programmes de formation et de la vulgarisation en matière de nutrition. L’appui aux groupes marginalisés est principalement axé sur l’augmentation et la diversification de la production et de la consommation alimentaires des ménages et sur la promotion d’activités rémunératrices. Une place importante est accordée à la formation et à l’organisation de groupes de femmes.

 

Figure 8

DEGRÉ DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, MESURÉ PAR L'INDICE D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET L'IGSAM - ÉQUATEUR


INDE10

3.37 L'Inde est un vaste pays d'une superficie totale de plus de 297 millions d'hectares, qui abrite une population d'un peu plus de 935 millions d'habitants. Elle est classée dans la catégorie des pays à faible revenu, avec un produit national brut (PNB) d'environ 300 dollars par habitant, d'après les dernières estimations. Depuis le début des années 80, l'Inde connaît une croissance économique modérée, d'environ 5,2 pour cent par an, mais nettement plus rapide que celle de la population qui, elle, est légèrement supérieure à 2 pour cent pendant cette période. Malgré une assez grande instabilité des disponibilités alimentaires par habitant depuis les années 60, l'Inde a poursuivi ses efforts pour atteindre l'autosuffisance et améliorer la sécurité alimentaire des ménages, tout au long de cette période. Les disponibilités alimentaires par habitant sont actuellement de 2 400 Calories par jour et la prévalence de la pauvreté reste élevée, mais le large recours à des mesures ciblées de lutte contre la pauvreté a réduit la vulnérabilité aux famines et préservé le niveau de sécurité alimentaire.

3.38 L’Inde a toujours une économie essentiellement agraire, la contribution de l’agriculture au PIB étant légèrement inférieure à un tiers. Les performances de l’économie indienne ont été largement conditionnées par la philosophie économique et politique de ses fondateurs, qui est profondément ancrée dans des principes démocratiques et trouve son expression dans un système d’économie mixte.

3.39 Peu après l’indépendance, au milieu des années 50, l’Inde est entrée dans une phase d’industrialisation ambitieuse qui mettait l’accent sur la substitution des importations et sur le rôle central du secteur public; celui-ci était censé orchestrer l’économie par des investissements dans l’industrie lourde et des infrastructures sociales. Tout au long de cette période, l’industrie a été fortement protégée par des taux de change surévalués, des restrictions quantitatives et des droits de douane sur les importations. Malgré le soutien direct apporté à la production agricole par la subvention des intrants (engrais, irrigation, énergie, semences, etc.), la protection accordée au secteur industriel a lourdement pénalisé l’agriculture. Durant la période triennale qui a pris fin en 1992-1993, par exemple, on estime que la taxation indirecte totale a atteint environ 28 pour cent de la valeur brute de la production agricole, alors que les subventions dépassaient à peine 5 pour cent. Malgré cela, depuis l’indépendance, le secteur a progressé au rythme de 3 pour cent, soit beaucoup plus rapidement que la population, . En effet, entre 1961 et 1992, la croissance annuelle moyenne de la production alimentaire par habitant, exprimée en équivalents énergie, a été d’environ 0,7 pour cent (voir figure 9). Depuis 1980, ce taux a doublé, pour passer à 1,4 pour cent par an. Les perfectionnements des technologies (qui ont considérablement accru les rendements) ont été le principal moteur de cette croissance, qui a permis au pays de frôler l’autosuffisance alimentaire. La part des importations dans les disponibilités alimentaires destinées à la consommation humaine directe est actuellement d’environ 1 pour cent, contre environ 6 pour cent au début des années 60.

3.40 Malgré une augmentation des disponibilités alimentaires moyennes par habitant, qui sont actuellement légèrement inférieures à 2 400 Calories par jour, contre 2 000 Calories au début des années 60, et un niveau acceptable d’adéquation et de sécurité alimentaire globale des ménages (voir figure 10), la prévalence de la pauvreté reste relativement élevée (environ 40 pour cent). Cela signifie que l’augmentation de la consommation alimentaire par habitant n’a pas été uniforme entre les ménages. Préoccupés par cette vulnérabilité, qui est aggravée du fait de la variation des disponibilités alimentaires d’une année sur l’autre, les pouvoirs publics ont mis en place des moyens d’intervention directement axés sur les groupes à haut risque. Le Programme de développement rural intégré, le Programme national d’emploi rural, et, plus récemment, le Programme de garantie de l’emploi, et diverses mesures en matière de santé et de nutrition, ont permis d’ éliminer la famine, de réduire la prévalence de la malnutrition protéinoénergétique avancée et même légère, de diminuer fortement le nombre de cas de Kwashiorkor et de réduire les déficiences en oligoéléments comme le béribéri, la pellagre, et surtout la cécité nutritionnelle.

 

Figure 9

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - INDE (1961-1992)

 

Figure 10

DEGRÉ DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, MESURÉ PAR L'INDICE D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET L'IGSAM - INDE

3.41 Les carences en micronutriments, en particulier en vitamine A et en fer, représentent encore de gros problèmes de santé publique dans le pays, surtout parmi les groupes vulnérables des zones marginalisées. Les politiques de développement actuelles soulignent la nécessité d’adopter une approche intégrée et intersectorielle. Le plan sectoriel pour l’agriculture prévoit: la diversification de la production alimentaire pour satisfaire les besoins nutritionnels, la prévention des pertes après-récolte, la promotion de projets locaux d’horticulture pour améliorer la nutrition, l’éducation nutritionnelle, ainsi que la formation et l’organisation de groupes d’agricultrices. Le système de distribution publique destiné à assurer la sécurité alimentaire des ménages fournit des aliments essentiels dans des zones défavorisées. Les industries de transformation alimentaire sont encouragées à tous les niveaux à préparer et à mettre sur le marché une série de produits précuits ou cuisinés de bonne qualité répondant de préférence aux goûts traditionnels, ou encore des produits de consommation courante enrichis. Des programmes d’aide sociale s’efforcent de satisfaire les besoins essentiels, notamment les besoins alimentaires des couches défavorisées de la société.

Réduire la vulnérabilité à la famine en Inde11

3.42 L’Inde a réussi à éviter de graves famines, après l’indépendance en 1947. Les améliorations de la productivité et de la production dans le secteur alimentaire et la mise en place d’un vaste système de distribution public de vivres ont certes joué un rôle majeur à cet égard, mais ce sont les programmes d’emploi rural mis en oeuvre qui semblent avoir fait la différence par rapport aux pays qui pâtissent encore de famines dramatiques. Les programmes ont plus ou moins varié d’un Etat à l’autre, mais tous ont pour objet de fournir des emplois aux populations rurales pauvres prêtes à effectuer des travaux manuels non qualifiés, rémunérés à la tâche. Les bénéficiaires visés acceptent presque toujours automatiquement, car ils n’ont aucune autre opportunité d’emploi. Pourtant le taux de rémunération est en général inférieur aux salaires agricoles et les lieux de travail sont souvent très éloignés du domicile. Les projets sélectionnés sont souvent à forte intensité de main-d’oeuvre et créent des actifs productifs. Dans l’Etat de Maharastra par exemple, qui a une population active rurale de 20 millions de personnes, le programme peut fournir jusqu’à environ 100 millions de journées de travail par an (Gaiha, 1995).

3.43 On a constaté que le degré de participation à ces programmes était lié à la conjoncture économique des Etats concernés: il croît en périodes de crise et diminue quand la situation s’améliore. En dépit du fait que le système de rémunération à la tâche n’est pas toujours adapté à certains hommes physiquement affaiblis ou aux femmes en raison des trajets souvent longs à parcourir, ces programmes permettent cependant d’améliorer la situation de ces travailleurs pendant l’intersaison lorsque les activités agricoles se ralentissent. Les autorités indiennes, aidées par la présence d’institutions démocratiques, ont eu la volonté politique d’ engager les ressources nécessaires pour soutenir ces programmes, en particulier pendant les périodes de grave insécurité alimentaire où, très vite, le droit à la nourriture n’est plus garanti; elles espèrent ainsi réduire, sinon éliminer complètement, la mortalité liée à la famine. C’est en cela que l’expérience indienne se démarque de celle des autres pays, même si l’Inde a encore beaucoup de chemin à faire pour éliminer totalement la pauvreté et la sous-alimentation chronique.


INDONÉSIE12

3.44 L'Indonésie poursuit avec constance depuis la fin des années 60 et le début des années 70, une politique destinée à assurer son autosuffisance en riz (principal aliment de base du pays) et à améliorer sa sécurité alimentaire. Cette politique a atteint ses deux objectifs; d'une part, les disponibilités alimentaires par habitant, qui frôlaient les 2 000 Calories à la fin des années 60, sont passées à environ 2 700 Calories par jour au début des années 90 et, d'autre part, le degré de sécurité alimentaire des ménages a sensiblement progressé au cours de cette période. Ce succès est en partie dû à une approche intégrée: le gouvernement a accompagné ses interventions commerciales par des activités de recherche, de diffusion et de fourniture de variétés de riz à haut rendement (VHR) et des nouveaux intrants.

3.45 Pendant trois décennies, grâce à une croissance économique rapide et à une stabilité macroéconomique, politique et sociale, l’Indonésie est devenue, avec la Malaisie et la Thaïlande, l’un des trois «tigres» asiatiques de la deuxième génération hautement performants. Bien que l’Indonésie soit considérée comme un pays à revenu faible-moyen, avec un PNB de 740 dollars par habitant en 1993, elle a enregistré un taux de croissance annuel moyen supérieur à 6 pour cent pendant les 30 dernières années, alors qu’il n’avait été que de 2 pour cent en moyenne entre 1955 et 1966. Cette expansion repose sur des politiques de stabilisation mises en œuvre pendant la période 1966-1972, notamment celles concernant les ajustements des taux de change et la libéralisation des flux de capitaux étrangers. Elle fut encore renforcée entre 1973 et 1982 par l’augmentation des recettes d’exportation et les investissements du boom pétrolier.

3.46 Le secteur agricole, et plus particulièrement le sous-secteur rizicole, a bénéficié d’un appui important durant cette période d’essor. Des sommes considérables ont été investies dans les systèmes d’irrigation, les infrastructures, la recherche, la vulgarisation et l’éducation. Ces mesures ont été complétées par des programmes de stabilisation et de soutien des marchés, confiés au BULOG, un organisme semi-public de commercialisation chargé de la stabilisation et du soutien des prix et de la sécurité alimentaire; d’autres organismes avaient en charge les programmes d’intensification des cultures, comprenant la diffusion des VHR et la fourniture des nouveaux intrants. L’appui direct fourni au secteur agricole, reflété par le maintien d’un taux de protection nominal favorable pour la plupart des cultures importantes, fait de l’Indonésie l’un des rares pays en développement qui a activement protégé son agriculture.

3.47 Les effets de ces politiques sur le secteur alimentaire sont illustrés à la figure 11. La production et les disponibilités alimentaires par habitant qui stagnaient au début des années 60, ont connu des augmentations considérables: la production alimentaire est passée d’un taux annuel moyen négatif d’environ 2 pour cent à un taux annuel positif de 2 pour cent et les disponibilités vivrières d’une croissance zéro à une croissance d’environ 1,5 pour cent par an. Les importations alimentaires globales restent importantes, puisqu’elles tournent autour de 6 pour cent des disponibilités vivrières totales par habitant pour la période 1988-1992. Cependant, grâce à l’attention spéciale accordée au secteur rizicole, la production de riz a plus que doublé en 25 ans, ce qui a fait de l’Indonésie un pays qui n’importe plus de riz qu’occasionnellement et qui, en conditions normales, est devenu exportateur.

3.48 Ces améliorations se sont largement répercutées sur le degré de sécurité alimentaire à l’échelle nationale. L’Indonésie a réussi à passer de la catégorie sécurité faible à sécurité élevée (son IGSAM est proche de 90). En effet le déficit énergétique d’un individu sous-alimenté moyen, qui se situait légèrement en dessous de 10 pour cent au début de la période considérée, est tombé à environ 2 pour cent ces dernières années (figure 12). La stratégie intégrée de développement agricole et les ajustements pertinents que l’Indonésie a su apporter aux politiques et aux programmes macroéconomiques, dès l’apparition des nouveaux défis, ont été les éléments clés de ce succès.

3.49 Une enquête sur le programme de nutrition appliqué, effectuée en 1973, a évalué la consommation moyenne à 1 528 Calories par personne et par jour et à 42,8 g de protéines. Selon les enquêtes sur les dépenses des ménages réalisées en 1980, 1981 et 1984, ces données étaient passées à 1 800 Calories et à 43 g de protéines. La faiblesse de ces apports, considérablement inférieurs aux chiffres concernant les disponibilités alimentaires nationales (environ 2 500 Calories), montre qu’il existe des problèmes d’insécurité alimentaire dans le pays, mais l’augmentation indiquée ci-dessus prouve qu’une amélioration de l’état nutritionnel a été enregistrée. Une étude comparant les résultats de deux enquêtes réalisées en 1979 et en 1986, sur des enfants de moins de cinq ans dans 27 provinces, montre que le taux élevé de malnutrition (<70 pour cent à la norme du rapport poids/taille) est descendu de 5,9 pour cent en 1979 à 4,2 pour cent en 1986. Cependant le régime alimentaire des Indonésiens est très déséquilibré, car 82 pour cent de l’apport énergétique est fourni par des céréales, des racines ou des tubercules et des noix ou des graines oléagineuses, ce qui n’assure que 8,5 pour cent de Calories d’origine protéique et 15 pour cent provenant de lipides, la majorité étant assurée par des glucides. Les planificateurs de la production agricole doivent étudier les possibilités d’améliorer les disponibilités de produits animaux, de matières grasses, de légumineuses, de fruits et de légumes.

 

Figure 11

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - INDONÉSIE (1961-1992)

3.50 Le gouvernement indonésien note avec une grande préoccupation, dans le Plan d’action national pour la nutrition, la prévalence de la sous-alimentation dans les populations pauvres, notamment les personnes âgées. Ce plan, qui souligne la nécessité d’un engagement politique et d’un programme décentralisé d’amélioration du bien-être des paysans, préconise une approche intersectorielle de la lutte contre la pauvreté. Il précise que l’amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition des ménages, fait partie intégrante de la stratégie de développement. Des systèmes d’alerte et d’intervention rapides dans les provinces exposées à des pénuries alimentaires sont aussi en préparation.

Les politiques des prix à la production concernant le riz13

3.51 Depuis sa création en 1967, le BULOG met en œuvre les politiques de prix concernant les principales cultures vivrières de l’Indonésie. Les divers programmes d’intensification ont joué un rôle essentiel dans la diffusion des nouvelles technologies qui ont permis à l’Indonésie d’atteindre l’autosuffisance en riz; par ailleurs, l’approche adoptée par le BULOG pour la commercialisation et la distribution de ce produit était destinée à compléter ces politiques au niveau de la production par un système d’incitations positives. Ces initiatives ont été prises à une époque où les filières de commercialisation étaient gravement désorganisées et les systèmes de transport et autres infrastructures commerciales étaient dans un état déplorable. Le BULOG, non seulement contrôlait les échanges internationaux de riz, mais il était aussi chargé de soutenir et de stabiliser les prix de ce produit sur le marché intérieur. A travers un réseau très organisé au niveau des provinces et des districts, il achetait, entreposait et distribuait le riz, appliquait des prix planchers pour soutenir les producteurs et des prix plafonds pour protéger les consommateurs. Même si le secteur privé gérait plus ou moins 90 pour cent de la production de riz, ses opérations étaient gênées par les marges commerciales pratiquées par le BULOG, qui pour ce dernier étaient facilitées par de larges moyens financiers et par une promptitude d’intervention sur le marché.

 

Figure 12

DEGRÉ DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, MESURÉ PAR L'INDICE D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET L'IGSAM - INDONÉSIE

3.52 Au début, le résultat le plus important de l’Office a été de stabiliser les fluctuations annuelles et saisonnières des prix du riz. Comme il était aussi chargé de la distribution aux forces armées et aux fonctionnaires de l’Etat, il a été amené, en certaines périodes, à se fixer des objectifs d’achats bien précis. Au début des années 70, les prix du riz ont été maintenus à un niveau inférieur aux prix à l’importation et la consommation de riz a été subventionnée. La taxe ainsi imposée aux producteurs a progressivement été levée pour favoriser les améliorations de la productivité, la création d’emplois et l’atténuation de la pauvreté dans les zones rurales. Depuis le milieu des années 80 et jusqu’au début des années 90, les prix du riz indonésien ont été égaux ou supérieurs aux cours mondiaux, ce qui a inévitablement exercé des pressions sur le budget de l’Etat, trop limité pour répondre aux multiples objectifs fixés. L’évolution de la structure du marché du riz et de l’ensemble de l’économie a probablement beaucoup altéré au fil du temps les coûts et les avantages des opérations. Par exemple, une amélioration généralisée des infrastructures de transport et d’information pourraient permettre au BULOG de concentrer ses interventions sur les zones du pays qui n’ont pas pu bénéficier de cette évolution. Ou encore, la distribution du riz pourrait être modifiée pour mieux cibler ceux qui sont touchés par l’insécurité alimentaire. Dans la limite de ce qui est politiquement réalisable, les autorités introduisent déjà de nouvelles mesures qui tiennent compte de l’évolution du cadre économique du pays.


MOZAMBIQUE14

3.53 Une dizaine d'années après le début de la libéralisation économique et quatre ans après la fin de la guerre civile qui a dévasté le pays, le Mozambique est encore l'un des pays les plus pauvres du monde. La faim reste une dure réalité pour d'innombrables ménages. En dépit de cette situation encore défavorable, des progrès spectaculaires ont été accomplis ces dernières années sur la voie d'une sécurité alimentaire durable. Trois aspects en témoignent: premièrement, l'augmentation des disponibilités énergétiques par habitant parallèlement à la réduction considérable de l'aide alimentaire; deuxièmement, une meilleure stabilité à la baisse des prix du maïs blanc, le principal aliment de base produit dans le pays; et troisièmement un système d'approvisionnement qui offre aujourd'hui aux consommateurs un choix plus vaste d'aliments de base bon marché. La figure 13 montre que la production et les disponibilités alimentaires par habitant ont considérablement diminué, malgré une augmentation des importations par habitant constituées en grande partie par l'aide alimentaire, depuis le début des années 70. La forte chute de l'IGSAM (qui classe le Mozambique parmi les cinq pays du monde en développement où le niveau de sécurité alimentaire est le plus faible) et l'augmentation de l'inadéquation alimentaire laissent entrevoir la situation de sécurité alimentaire désastreuse qui était celle du pays avant la fin des hostilités (voir figure 14). L'augmentation substantielle de la production céréalière totale et des disponibilités énergétiques d'origine céréalière par habitant, qu'a connue ces dernières années le Mozambique, malgré une diminution spectaculaire de l'aide alimentaire, n'apparaît pas sur le graphique. Selon les prévisions, la production de 1996/97 serait deux fois plus élevée qu'en 1989 et dépasserait de 25 pour cent celle de 1995/96. D'après les projections, les disponibilités énergétiques d'origine céréalière par habitant, pour 1996, seront égales ou supérieures aux meilleurs résultats obtenus depuis 1989. La contribution de l'aide alimentaire devrait tomber à 2 pour cent seulement au cours de l'année 1996, ce qui représente une baisse de 72 pour cent par rapport à son niveau de 1992, pendant la sécheresse qui a alors frappé l'Afrique australe de 1992 et de 49 pour cent par rapport aux trois années antérieures à la sécheresse.

3.54 L’augmentation des disponibilités s’est accompagnée d’une meilleure stabilité à la baisse des prix du maïs blanc dans les principaux centres urbains. A Maputo, la capitale, après la sécheresse, c’est-à-dire de mars 1993 à janvier 1996, le prix moyen de cette principale culture de base avait baissé de 40 pour cent par rapport au niveau moyen de la période qui s’étend de mars 1990 à mars 1992, avant la sécheresse. Compte tenu de l’excellente production céréalière attendue dans toute la région de l’Afrique australe cette année, les prix du maïs blanc à Maputo devraient tomber en dessous de son plus bas niveau. A l’amélioration des disponibilités et à la meilleure stabilité à la baisse des prix du maïs blanc pour les consommateurs urbains s’est ajoutée la disponibilité permanente d’aliments de base bon marché, tels que les farines complètes («99 pour cent») de maïs jaune et blanc, auxquelles les consommateurs à faible revenu accordent leur préférence quand ils ont le choix.

 

Figure 13

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - MOZAMBIQUE (1961-1992)

Eléments favorables à l’amélioration de la sécurité alimentaire

3.55 La fin de la guerre était la condition préalable à l’amélioration de la sécurité alimentaire. Pourtant, les progrès rapides des trois ou quatre dernières années ne sont pas uniquement dus au retour de la paix. Les grandes orientations prises avant les accords de paix ont créé les conditions d’une reprise rapide après la cessation des hostilités. Les changements clés ont trait à la politique générale de commercialisation des produits alimentaires et à des politiques spécifiques sur la commercialisation de l’aide alimentaire en maïs jaune.

3.56 A partir de 1987, le pays a mis en route un train de réformes économiques financées par des donateurs dans le cadre du Programme de redressement économique, visait à supprimer les restrictions sur la circulation des produits entre les divers districts et provinces et à éliminer les monopoles géographiques des commerçants privés agréés. Cela a permis l’entrée rapide sur le marché de nouveaux commerçants, qui ont dominé le commerce alimentaire dans la capitale de Maputo en 1992. Ces négociants, dont la plupart opéraient sans licence, géraient presque toute la production intérieure qui arrivait dans la ville, et faisaient rentrer régulièrement de la farine de maïs, de la farine de blé, du sucre, de l’huile végétale et d’autres denrées provenant du Swaziland et d’Afrique du Sud. Au moment de la désintégration des magasins d’Etat et de l’apparition d’un circuit commercial parallèle, les donateurs cherchaient les moyens d’ouvrir le marché pour distribuer l’aide alimentaire commercialisée. Leurs livraisons ont commencé au milieu de l’année 1991 et ils ont entamé des pourparlers avec le gouvernement mozambicain pour que les céréales soient vendues directement à des grossistes privés agréés (appelés réceptionnaires), à prix fixes, marchandises débarquées au port. Les nombreux réceptionnaires assuraient la compétitivité du système à ce niveau. Ils revendaient ensuite sur le marché parallèle très compétitif. La libéralisation des marchés alimentaires et l’apparition d’un système de commercialisation concurrentiel ont contribué de façon décisive aux améliorations de la sécurité alimentaire:

Ž en reliant les zones urbaines et rurales grâce à des flux commerciaux et en accroissant les incitations aux producteurs, en acheminant le maïs par le réseau des petits moulins artisanaux, ce qui assurait l’accès des citadins pauvres, et de plus en plus de ruraux également, aux farines complètes de maïs blanc et jaune bon marché, leur permettant ainsi d’utiliser au mieux leur pouvoir d’achat limité;

Ž en favorisant des échanges transfrontaliers actifs (des importations pour l’essentiel), ce qui a contribué à contenir les hausses des prix dans le sud du Mozambique pendant la famine de 1995-199615.

 

Figure 14

DEGRÉ DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, MESURÉ PAR L'INDICE D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET L'IGSAM - MOZAMBIQUE

3.57 Malgré ces progrès considérables, il reste d’importants problèmes à résoudre pour progresser encore sur la voie d’une sécurité alimentaire durable. Les principaux défis à relever sont les suivants: consolider les réformes dans le secteur commercial; investir dans des infrastructures de commercialisation propres à réduire les coûts; et investir pour donner au pays les moyens d’identifier et de diffuser des technologies de production améliorées.


THAÏLANDE16

3.58 Un pouvoir fort, une stabilité macroéconomique, une stratégie de développement tournée vers l'extérieur et une instruction primaire généralisée font partie des facteurs qui ont permis une croissance régulière de l'économie, d'environ 7 pour cent par an, au cours des trois dernières décennies. La production alimentaire a progressé au même rythme que l'ensemble de l'économie, mais pendant longtemps, ni les disponibilités alimentaires par habitant ni la sécurité alimentaire des ménages n'ont enregistré de progrès spectaculaire. En effet, les disponibilités énergétiques par habitant et par jour ont à peine dépassé 2 000 Calories jusqu'à la fin des années 80, puis ont augmenté pour s'arrêter juste au-dessous de 2 500 Calories. L'accroissement de la production est essentiellement dû à une expansion des terres cultivées. L'intensification des cultures, l'amélioration de la diversité et la réduction de la pauvreté restent les grands défis à relever.

3.59 Au cours des trois dernières décennies, la croissance a été fondée sur des transformations du secteur agricole. Une gestion macroéconomique stable, la création d’infrastructures et la promotion d’une meilleure intégration sociale ont favorisé cette progression. L’expansion spectaculaire des terres mises en culture a été le facteur essentiel de la croissance de l’agriculture et de l’ensemble de l’économie qui a elle-même contribué à stabiliser le cours de la monnaie locale, le baht, durant cette période. La croissance du secteur agricole s’est poursuivie après le choc pétrolier de 1972, grâce à une hausse des cours internationaux des produits agricoles et en dépit de l’augmentation des prix de l’énergie et d’un endettement croissant. A l’époque du deuxième choc pétrolier de 1979, cependant, il ne restait plus de terres disponibles et le rythme de l’expansion des surfaces cultivées s’est cependant ralenti; cela a imposé une réorientation vers une stratégie de développement basée sur l’industrie. L’achèvement de la restructuration de l’économie, la baisse des prix de l’énergie et la dépréciation du dollar des Etats-Unis ont favorisé un essor industriel sans précédent après le milieu des années 80, grâce auquel les exportations des biens manufacturés ont pour la première fois dépassé celles des produits agricoles.

3.60 Ces faits nouveaux ont aussi été ressentis dans le secteur alimentaire: la production alimentaire par habitant, restée relativement stable pendant les années 60, a connu une progression relativement rapide jusqu’au milieu des années 80 (+ de 3 pour cent par an), pour stagner à nouveau par la suite. La figure 15 montre clairement le statut d’exportateur de produits alimentaires de la Thaïlande. Un autre fait est mis en évidence par le graphique: les améliorations de la production alimentaire ne se sont pas répercutées sur les disponibilités, tout au moins jusqu’au début de la phase de développement reposant sur l’industrie au milieu des années 80. Le taux de croissance annuel moyen des disponibilités vivrières pendant la première période est inférieur à 0,5 pour cent, mais dépasse 1,5 pour cent pendant la seconde. L’écart croissant entre les disponibilités alimentaires totales et celles destinées à la consommation humaine témoigne aussi d’une modification des habitudes alimentaires, dérivant de l’industrialisation rapide pendant cette période17. Cependant, le fait que les disponibilités vivrières moyennes par habitant soient restées inférieures à 2 500 Calories jusqu’en 1992, donne à penser qu’il reste des problèmes d’insécurité alimentaire dans le pays.

 

Figure 15

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - THAÏLANDE (1961-1992)

3.61 Cette supposition est confirmée par de récentes estimations qui placent parmi les pauvres environ 25 pour cent de la population, essentiellement concentrée dans les zones rurales. Du point de vue de la sécurité alimentaire des ménages, les estimations de l’IGSAM et de l’inadéquation alimentaire brossent un tableau similaire: selon le premier indice, la Thaïlande a un niveau tout juste supérieur à celui des pays à sécurité faible, alors que l’inadéquation alimentaire n’a pas dépassé 8 pour cent des disponibilités nutritionnelles moyennes (figure 16).

3.62 Le gouvernement a reconnu que la malnutrition était un problème social important: deux plans sociaux et économiques nationaux ont donné une haute priorité à l’amélioration des problèmes nutritionnels. Dans les années 80, la Thaïlande a réussi à réduire considérablement l’incidence de la malnutrition en adoptant une approche intégrée. En conséquence, les chiffres (basés sur les normes thaïlandaises), fournis par le Programme national de surveillance de la croissance, relevant du Ministère de la santé publique, témoignaient d’une amélioration de l’état nutritionnel des enfants de la naissance à 60 mois dans toutes les régions du pays. Alors que la proportion d’enfants qui avaient un rapport poids/âge correspondant à 75 pour cent de la norme en 1979-1982 était de 15,1, ce pourcentage n’était plus que de 2,8 en 1986. La volonté politique et le fait que les pouvoirs aient reconnu que l’alimentation et la nutrition étaient des facteurs essentiels du développement humain ont servi d’éléments déclencheurs. Ces bonnes performances ont certes été facilitées par un environnement économique favorable, mais l’élimination du problème nutritionnel était aussi considérée comme une condition préalable du développement général.

 

Figure 16

DEGRÉ DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, MESURÉ PAR L'INDICE D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET L'IGSAM - THAÏLANDE

3.63 Le Plan d’action pour la nutrition de la Thaïlande (1994) reflète l’inquiétude que suscite la persistance des maladies de dénutrition, comme les carences en fer dans toutes les zones rurales du pays et les troubles de carence en iode chez les jeunes enfants et les femmes en âge de procréer dans certaines régions. De gros efforts sont déployés pour renforcer l’intégration multisectorielle et adapter la planification et la budgétisation des programmes conventionnels. Les programmes de nutrition communautaires et le Plan de lutte contre la pauvreté (qui prévoit la création d’emplois ruraux, un programme de production agricole, des projets ou activités de développement villageois et la fourniture de services de base) sont considérés comme hautement prioritaires pour réduire les carences en micronutriments. Les politiques de développement rural donnent la priorité aux zones de concentration de la grande pauvreté et mettent l’accent sur la participation des populations. La transformation, la conservation et la distribution des aliments sont encouragés car ils sont considérés comme des moyens importants pour améliorer la sécurité alimentaire au niveau des ménages. Des programmes visant à garantir la protection des consommateurs et à promouvoir des habitudes alimentaires appropriées sont en cours d’exécution. Une attention accrue est accordée aux groupes à haut risque, comme les enfants en bas âge et les vieillards.

3.64 Les questions de durabilité, qui ont été mises au premier plan en raison des méthodes utilisées dans le passé pour accroître la production, sont peut-être tout aussi préoccupantes pour les problèmes de sécurité alimentaire dans le pays. Comme on l’a déjà noté, cette croissance avait principalement dérivé d’une expansion des terres cultivées qui avait entraîné une déforestation massive.

3.65 Le couvert forestier a considérablement diminué, tombant de 60 pour cent de la superficie totale au début des années 50 à environ 30 pour cent à la fin des années 80. Les rendements, en particulier ceux du principal aliment de base qui est le riz, restent bien inférieurs à ceux des concurrents de la Thaïlande sur les marchés internationaux. Ainsi, la diversification, la durabilité, la réduction de la pauvreté, l’accroissement de la productivité et l’atténuation des déséquilibres sont les enjeux auxquels le pays doit encore faire face pour améliorer la sécurité alimentaire future.

Bref historique des politiques concernant le riz, en Thaïlande18

3.66 Durant les années 80, le riz représentait 40 pour cent du PIB agricole, 30 pour cent des exportations agricoles et les deux tiers de l’apport énergétique alimentaire des Thaïlandais. En effet, 98 pour cent des 4 millions de ménages agricoles thaïlandais pratiquaient la riziculture, soit 55 pour cent de la population nationale et 66 pour cent de la population active. En outre, le riz était le bien de consommation courante qui avait la plus forte influence sur coût de la vie. Les politiques de fixation des prix et de commercialisation de cette céréale revêtaient donc une importance particulière avant le milieu des années 80.

3.67 La caractéristique dominante des politiques mises en œuvre à cette époque était les diverses taxations directes et indirectes des exportations de riz. Les différents instruments d’intervention sur les prix finissaient par abaisser le prix à la production. Cette baisse avait elle-même un impact notable sur le salaire réel urbain et sur l’orientation et l’ampleur des transferts intersectoriels. Les rizeries, les points de vente au détail, l’industrie en général et les consommateurs finaux, à des degrés divers, bénéficiaient directement de cette baisse, même si l’enjeu réel des politiques était de stabiliser les prix intérieurs, principalement en empêchant une hausse exagérée. Cet aspect qui privilégiait les consommateurs a été renforcé par un programme de ventes de riz à bas prix, financé sur les taxes à l’exportation, jusqu’au milieu des années 70. L’accroissement de la production a été maintenu, en dépit des lourdes taxes imposées aux producteurs, grâce à l’expansion des surfaces cultivées.

3.68 Lorsque l’expansion des surfaces a atteint son maximum, les politiques concernant le riz ont été radicalement réorientées vers un soutien des prix à la production, principalement pour encourager l’intensification des cultures et promouvoir des augmentations des rendements. Cependant les subventions à la production étaient coûteuses et stériles car elles étaient financées sur les taxes frappant les exportations de riz. Ce phénomène, associé à une moindre dépendance à l’égard des recettes fiscales provenant des exportations de riz et à un relâchement des marchés internationaux a abouti à la libération totale des exportations de riz en 1986.


TUNISIE19

3.69 En Tunisie, la sécurité alimentaire s’est améliorée très rapidement depuis le début des années 60. Depuis cette date, les disponibilités par habitant sont passées d’environ 2 000 à près de 3 500 Calories quotidiennes aujourd’hui. Pour atteindre ce niveau élevé, il a fallu avoir recours aux importations de produits alimentaires, car d’importantes contraintes naturelles limitent la production agricole nationale. Grâce à l’intervention efficace du gouvernement, qui a mis en place d’importants dispositifs de protection sociale au niveau des ménages, la sécurité alimentaire de la majorité de la population a effectivement été améliorée. En outre, une politique de limitation de la croissance démographique place la Tunisie en tête des pays d’Afrique en ce domaine, avec un rythme d’accroissement de la population inférieur à 2 pour cent.

3.70 Depuis l’indépendance, le secteur public a progressivement acquis un rôle prépondérant dans l’économie tunisienne. A la fin des années 80, 25 pour cent des effectifs salariés totaux du pays travaillaient dans la fonction publique; la part du secteur public dans les investissements fixes totaux était de l’ordre de 60 pour cent et sa contribution à la valeur ajoutée atteignait près de 50 pour cent. Les dépenses des entreprises publiques dépassaient 40 pour cent du PIB. Dans le même temps, l’Etat consacrait aux politiques sociales une plus grande part du budget public que la plupart des pays à revenu intermédiaire. En conséquence, le taux d’alphabétisation est aujourd’hui de 65 pour cent, l’espérance de vie de 68 ans et l’inégalité des revenus a diminué, même s’il existe de grandes disparités entre les régions (Banque mondiale, 1995). Les estimations de la pauvreté, dérivées des enquêtes sur les dépenses de consommation, indiquent que son incidence est actuellement assez faible, puisqu’elle touche un peu moins de 7 pour cent de la population totale, contre environ 22 pour cent en 1975.

3.71 La réduction notable de l’incidence de la pauvreté s’est aussi accompagnée d’améliorations sensibles du degré de sécurité alimentaire de l’ensemble des ménages, comme en témoigne l’augmentation de la valeur de l’IGSAM au cours de la période 1961-1992. De même l’inadéquation alimentaire est actuellement inférieure à 1 pour cent (voir figure 17). Au cours de la même période, comme nous l’avons vu plus haut, les disponibilités alimentaires moyennes par habitant et par jour sont passées d’environ 2 000 à près de 3 500 Calories, soit un taux de croissance moyen légèrement supérieur à 1,5 pour cent par an (voir figure 18). L’état nutritionnel des enfants comme des adultes s’est aussi progressivement amélioré.

 

Figure 17

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - TUNISIE (1961-1992)

 

Figure 18

DEGRÉ DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, MESURÉ PAR L'INDICE D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET L'IGSAM - TUNISIE

3.72 Ces résultats favorables sont principalement imputables aux importations alimentaires en général et à l’aide en particulier. La part des importations alimentaires dans les disponibilités destinées à la consommation humaine a augmenté, en moyenne, d’un point par an au cours de la période considérée. Cependant, depuis 1971, l’aide alimentaire reçue représente en moyenne 8,5 pour cent (avec des pointes à 50 pour cent) des disponibilités vivrières. Celle-ci a servi à compenser en partie les effets de la sécheresse. La Tunisie est très vulnérable en ce domaine car ses ressources en terre et en eau sont très limitées. On prévoit que toutes les ressources en eau seront exploitées d’ici la fin du siècle; précisons toutefois que 6 pour cent seulement des terres agricoles sont irriguées et qu’elles assurent 30 pour cent de la production du secteur. En outre, plus de 60 pour cent des terres exploitables du pays sont dégradées, ce qui entraîne une perte en terres définitive d’environ 0,5 pour cent de la superficie arable chaque année (Banque mondiale, 1995).

3.73 D’autres efforts sont accomplis pour améliorer la sécurité alimentaire des ménages et diversifier les régimes alimentaires: des remaniements des politiques agricoles sont en cours pour produire sur place des aliments appropriés et réduire la consommation de denrées importées. La promotion de l’industrie alimentaire est considérée comme indispensable pour créer des emplois et produire des aliments faciles à consommer. Des initiatives sont en cours pour améliorer la commercialisation, la distribution et le contrôle de la qualité des aliments. Une grande importance est accordée à l’éducation nutritionnelle, pour influencer la consommation. Des interventions intégrées parallèles (dispositifs de protection sociale, lutte contre la pauvreté) sont mises au point à l’échelon local pour venir en aide aux groupes de population vulnérables. Des programmes d’intervention en cas de catastrophes naturelles (telles que la sécheresse) sont en cours d’élaboration.

Ajustement structurel aux problèmes de sécurité alimentaire20

3.74 Au milieu des années 80, l’intervention systématique des pouvoirs publics dans l’activité économique a fini par engendrer un déséquilibre assez important du budget national et de la balance des paiements, par renforcer les tendances inflationnistes et par ralentir la croissance économique. Les politiques de stabilisation et d’ajustement structurel adoptées après 1986 avaient pour but de corriger ces déséquilibres, en réduisant les dépenses publiques et la demande. La privatisation et le désengagement des entreprises publiques, les réformes du système bancaire et la libéralisation des échanges internationaux et des marchés intérieurs ont effectivement permis d’obtenir une certaine stabilité macroéconomique, des taux d’inflation inférieurs à ceux des pays de l’Union européenne et une accélération du taux de croissance du PIB par habitant qui est passé de 1,2 pour cent par an en moyenne, pendant la période 1981-1986 à 2,4 pour cent pendant la période 1987-1994.

3.75 La réorientation des politiques s’est aussi reflétée dans l’agriculture. Les subventions aux engrais, aux aliments fourragers, aux pesticides et aux herbicides, aux semences, à l’irrigation et aux services de mécanisation ont été considérablement réduites depuis 1989. La Caisse générale de compensation (CGS), principal organisme créé en 1971 pour soutenir les prix alimentaires à la consommation et à la production, poursuit ses activités mais ses déficits, qui ont contribué à la crise financière du milieu des années 80, sont maintenant maîtrisés. En outre, la structure de l’appui fourni par la CGS a été sensiblement modifiée; celle-ci affecte aujourd’hui une proportion plus grande de ses ressources au soutien de la consommation de céréales. On a aussi élaboré des programmes de lutte contre la pauvreté, ciblés sur les groupes vulnérables, dont l’action s’exerce au niveau des maternités et des centres de santé, des cantines scolaires, des centres régionaux d’emploi des jeunes ruraux, etc. La Tunisie est l’un des rares pays d’Afrique à avoir mis en place des dispositifs de protection sociale pour compléter les programmes d’ajustement structurel (PAS). Au niveau de la production, les prix de quelques produits, comme la volaille et la viande bovine ont été complètement libérés, alors que les marchés du blé, de l’huile d’olive, du sucre, du thé et du café et du lait reconstitué sont encore contrôlés par des entreprises paraétatiques.

3.76 Le maintien des interventions de l’Etat dans le secteur alimentaire et l’importante réorientation des politiques semblent avoir joué un rôle déterminant dans l’évolution à tendance positive des disponibilités vivrières et de la sécurité alimentaire en Tunisie. Cependant, l’extrême instabilité de la production agricole21 reste très préoccupante et il en sera ainsi tant que les contraintes relatives aux ressources en terres et en eau n’auront pas été surmontées. Ainsi, la diversification (non seulement dans le secteur agricole, mais aussi dans l’ensemble de l’économie), sera capitale pour la sécurité alimentaire future en Tunisie.


TURQUIE22

3.77 La Turquie est un pays en développement qui a maintenu des disponibilités et une sécurité alimentaires relativement élevées depuis 1960. Les progrès ont en grande partie été obtenus avant les années 60, grâce à une intervention massive des pouvoirs publics sur les principaux marchés agricoles. Actuellement, les problèmes de sécurité alimentaire relèvent plus de l'équilibre nutritionnel des régimes alimentaires que de l'augmentation ou du maintien des disponibilités alimentaires. Cependant, malgré une intensification des efforts visant à libéraliser les marchés agricoles, l'intervention du secteur public reste importante, ce qui grève lourdement le budget de l'Etat et exerce une pression considérable sur le niveau général des prix.

3.78 La Turquie s’est engagée assez tôt sur la voie de l’industrialisation. La modernisation de ce pays est souvent comparée à celle du Japon, car ces deux nations ont commencé à poursuivre activement leurs efforts de développement à peu près en même temps. Cependant, la Turquie avait un patrimoine naturel suffisant et a opté dès les premiers stades du processus d’industrialisation, pour une stratégie de développement axée sur l’autosuffisance agricole et la substitution des importations, plutôt que sur une croissance tirée par les exportations. L’autosuffisance agricole était vue comme un moyen d’assurer la sécurité alimentaire, mais elle a aussi fourni une bonne base pour l’industrialisation. En effet, les premières usines créées au début de l’ère républicaine étaient toutes liées à l’agriculture.

3.79 La promotion de l’autosuffisance a commencé par un soutien des prix du blé, principal aliment de base, dès le début de la grande dépression des années 30. Le programme de soutien a par la suite été élargi à une vingtaine d’autres cultures. La croissance de la production agricole, beaucoup plus rapide que celle de la population, puisqu’elle a été de 3,5 pour cent par an en moyenne, a été étayée d’abord par une expansion de la superficie cultivée, puis par une amélioration des rendements. La croissance de la production alimentaire par habitant pour la période 1961-1992 (moins de 0,5 pour cent en moyenne) a été modeste, mais les disponibilités alimentaires destinées à la consommation humaine étaient déjà élevées ( plus de 2 800 Calories par personne) au début de la période et ont continué à augmenter pour atteindre environ 3 400 Calories en 1992 (voir figure 19).

3.80 La situation de la sécurité alimentaire des ménages est allée de pair avec celle des disponibilités, puisque la Turquie est restée dans la catégorie des pays à sécurité alimentaire élevée au cours des 25 dernières années (voir figure 20). Depuis l’achèvement de la construction du grand périmètre d’irrigation dans le sud-est du pays (projet GAP) il semble que l’insécurité alimentaire ne posera désormais plus de problèmes.

3.81 D’après les bilans alimentaires, les disponibilités totales sont satisfaisantes, mais, dans de nombreuses zones des problèmes continuent à se poser pour une double raison: la répartition inégale entre les catégories socioéconomiques, les sexes et les groupes d’âge; de mauvaises habitudes alimentaires et une qualité médiocre d’aliments souvent contaminés. Si la prévalence de la malnutrition a régressé au cours des 10 dernières années, elle reste élevée dans quelques zones limitées extrêmement pauvres du pays. Les carences en oligoéléments persistent, notamment en fer, en calcium et en riboflavine (vitamine B2); elles proviennent d’une consommation insuffisante de lait et de laitages, de viande, d’œufs et de produits animaux en général. Des efforts sont actuellement menés pour améliorer la protection des consommateurs en renforçant la législation en matière d’alimentation et les programmes de contrôle de la qualité ainsi que l’information du public. L’enrichissement des aliments, en fonction des besoins locaux, est encouragé. L’amélioration des systèmes de distribution alimentaire, notamment de la cuisine de rue, est considérée comme un des moyens permettant de faciliter l’accès à un régime sain et diversifié. L’utilisation durable des ressources naturelles, grâce à des méthodes culturales plus appropriées, est considérée comme une condition préalable de la sécurité alimentaire future. Des zones de développement prioritaires ont été établies pour promouvoir un développement «auto-entretenu» dans les zones défavorisées. Les interventions urgentes en cas de catastrophes naturelles ou provoquées ont bénéficié d’une attention particulière.

 

Figure 19

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - TURQUIE (1961-1992)

3.82 La Turquie a fourni des produits alimentaires d’origine nationale à d’autres pays dans des situations d’urgence et met actuellement en oeuvre une politique pour partager ses compétences, son savoir-faire et ses autres ressources avec ces pays. La Turquie continue de soutenir des pays à déficit vivrier d’Afrique, du Proche-Orient, des Balkans et du Caucase dans leurs efforts en faveur de la sécurité alimentaire, en organisant des programmes de formation et d’enseignement et en les aidant à améliorer leur production et leur productivité.

Aperçu général des politiques de soutien à l’agriculture en Turquie

3.83 Les prix de soutien à la production, les achats d’intrants et les crédits subventionnés, les contingents, les droits de douane, les taxes, la distribution de terres, les investissements infrastructurels, la mise en place de services de vulgarisation, etc. tels sont les diverses mesures prises par la Turquie pour atteindre ses objectifs de stabilisation des revenus et des prix, de stimulation de la production et des revenus, de satisfaction de la demande et d’amélioration de la balance des paiements. Cinq ministères et environ 20 institutions paraétatiques (entreprises publiques, monopoles d’Etat et groupements de coopératives (de vente et/ou de crédit) ont participé à la formulation et à la gestion des politiques de fixation des prix agricoles. Au début des années 80, presque tous les principaux produits agricoles, hormis les fruits et les légumes frais, représentant plus de 90 pour cent de la valeur totale de la production agricole, recevaient un soutien gouvernemental sous une forme ou une autre. De même, les pouvoirs publics produisaient, distribuaient ou fixaient les prix de la plupart des intrants nouveaux. Le secteur agricole continue de bénéficier d’investissements infrastructurels, de périmètres d’irrigation, de mesures de mise en valeur et de conservation des terres et de services de vulgarisation, gratuitement ou à des prix subventionnés.

 

Figure 20

DEGRÉ DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, MESURÉ PAR L'INDICE D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET L'IGSAM - TURQUIE

3.84 Bien que ces mesures n’aient pas été motivées par les seules préoccupations de sécurité alimentaire, il est indéniable qu’elles ont contribué à faire de la Turquie un pays à sécurité élevée. C’est notamment grâce à ces mesures que l’utilisation et l’adoption de nouvelles technologies a été encouragée, et que la demande de main-d’oeuvre agricole, la productivité et les revenus agricoles ont augmenté (Kasnakoglu, Akder et Gürkan, 1990). Toutefois, ces résultats ont coûté cher au gouvernement. D’après les données dont on dispose, les dépenses publiques en faveur de l’agriculture, par le biais de mesures de soutien aux prix des produits, ont atteint environ 35 pour cent du PIB agricole, avec une pointe de 8,9 milliards de dollars en 1992 (FAO, 1996b). Conscients du fait qu’une intervention aussi massive grève lourdement les ressources budgétaires et que cette pression finit par se répercuter sur le niveau général des prix, les responsables politiques s’efforcent actuellement de réduire le niveau d’intervention, ce qui éliminera les distorsions des marchés, et de cibler les groupes les plus démunis.


ZIMBABWE

3.85 Le Zimbabwe n'a pas enregistré d'amélioration sensible des disponibilités alimentaires moyennes et de la sécurité alimentaire des ménages au cours des trois dernières décennies, ce qui le classe parmi les pays vulnérables. La productivité du secteur alimentaire tend à la baisse depuis le début des années 70. Les déséquilibres économiques et financiers, qui ont été créés après l'accession à la pleine indépendance en 1980, ont obligé à mettre en oeuvre un Plan d'ajustement structurel au début de la décennie 90. Pendant cette période, le pays a été confronté à deux graves sécheresses (1991-1992 et 1994-1995), mais une famine et une malnutrition généralisées ont été évitées, grâce à une aide de la communauté internationale et à une coordination remarquablement efficace avec d'autres pays de l'Afrique australe. En outre, après 1993, la restructuration des circuits de commercialisation du maïs, principale culture vivrière, a supprimé certains obstacles sur les marchés. Elle a aussi permis d'améliorer sensiblement la sécurité alimentaire des groupes les plus vulnérables, en réduisant le prix de la culture vivrière de base.

3.86 Le Zimbabwe a obtenu sa pleine indépendance en 1980. Le nouveau gouvernement, lié par la Constitution issue des accords de Lancaster House qui accordaient son indépendance au pays, mais aussi par le besoin de consolider son assise politique, ne s’est pas attaqué immédiatement à la réforme des politiques agricoles qui avaient été suivies par l’administration de la minorité blanche. Pendant les premières années de l’indépendance, le Zimbabwe a surtout concentré son attention et ses ressources sur l’accroissement de la production agricole dans les «terres communales» (anciennes Réserves pour les autochtones). Les facilités de crédit, les services de vulgarisation, les programmes intégrés en faveur des cultures et les structures de commercialisation (notamment le nombre de dépôts de marchandises) ont été développés dans les cinq premières années. Grâce à ces mesures, la contribution des terres communales à la production commercialisée de maïs est passée de 7 à 50 pour cent, entre 1980 et 1985, bien que cette amélioration ne se reflète pas dans les tendances de la production globale par habitant. En 1985, les agriculteurs des terres communales produisaient et vendaient plus de coton que les grands domaines.

3.87 Après 1985, le parti au pouvoir est devenu plus fort et a introduit une partie des politiques socialistes qu’il défendait avant l’indépendance. Un contrôle des prix du maïs a été institué et un système de subventions a été établi. L’Office de commercialisation des céréales détenait la haute main sur les achats de maïs et le rôle des commerçants privés était minime. Davantage d’intrants étaient mis à la disposition des terres communales et des zones rurales reculées, mais la commercialisation du maïs était sévèrement réglementée. La circulation ou le commerce de cette céréale entre des terres communales non contiguë étaient interdits. Le maïs blanc, en particulier, ne pouvait pas franchir les frontières commerciales communales. Le maïs ne pouvait être acheté que par l’Office de commercialisation des céréales, à des prix officiels subventionnés, ce qui fait qu’il était difficile d’acheminer les excédents céréaliers vers les régions déficitaires. De ce fait, le maïs était souvent transporté sur de longues distances, des points d’achats aux entrepôts, avant d’être transformé en semoule fine ou en farine extrafine dans l’une des quatre grandes minoteries du pays. Ces minoteries fournissaient la quasi-totalité de la farine de maïs disponible à des fins commerciales aux centres urbains et aux zones rurales. En contrôlant le marché des céréales, le gouvernement comptait garantir aux centres urbains un approvisionnement régulier en farine de maïs, à des prix qu’il pouvait réglementer et, au besoin, subventionner. Ce système obligeait à transporter le maïs vendu par les paysans des terres communales jusqu’aux centres urbains, où il était transformé, puis à le retransporter jusqu’aux zones rurales, où la farine était revendue. Cette organisation s’est avérée extrêmement peu rentable.

3.88 L’impact de ces faits nouveaux peut être observé à la figure 21. Pendant presque toute la période 1961-1992, la production alimentaire a dépassé l’utilisation intérieure. Malgré cela, les disponibilités énergétiques moyennes et le degré de sécurité alimentaire des ménages (voir aussi figure 22), n’étaient guère encourageants et aucune amélioration sensible n’a été enregistrée pendant toute cette période. Les disponibilités alimentaires moyennes ont tourné autour de 2 100 Calories par habitant et la sécurité alimentaire des ménages a été faible pendant une bonne partie de la période. Malgré d’amples fluctuations, la production alimentaire par habitant s’est sensiblement accrue de 1961 à 1974, au rythme d’environ 2,5 pour cent par an. Depuis cette date et jusqu’en 1992 elle a cependant diminué d’environ 4 pour cent en moyenne par an, abstraction faite de quelques hausses éphémères. La baisse a été aggravée par la sécheresse de 1991/92.

Améliorer la sécurité alimentaire des ménages en réformant le marché23

3.89 Au début des années 90, le gouvernement zimbabwéen a reconnu l’existence de graves déséquilibres dans l’économie. Pendant plusieurs années, le niveau des importations avait dépassé celui des exportations, d’où une forte accumulation de la dette extérieure. Le pays devait continuellement emprunter pour financer les déficits du secteur public. Les déficits budgétaires qui atteignaient 10 pour cent du revenu national décourageaient les investisseurs privés et créaient des tensions inflationnistes. La décennie qui a suivi l’indépendance a en effet été marquée par une stagnation de l’économie, alors que le revenu réel par habitant restait inchangé.

3.90 En octobre 1990, le lancement du Programme économique d’ajustement structurel (ESAP) a été annoncé. Les mesures prises étaient similaires à celles adoptées dans d’autres pays: libéralisation de l’économie, réduction du déficit budgétaire, réduction et redéploiement des effectifs de la fonction publique et création de conditions propres à attirer les investissements étrangers. Les «coupes» dans les dépenses publiques ont mis la population, en particulier les pauvres, dans une situation très difficile. Pour remédier à ce problème, le gouvernement a institué, en novembre 1991, un Programme de dimensions sociales du programme d’ajustement, alimenté par le Fonds pour le développement social (SDF)24.

 

Figure 21

DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT - ZIMBABWE (1961-1992)

 

Figure 22

DEGRÉ DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, MESURÉ PAR L'INDICE D'INADÉQUATION ALIMENTAIRE ET L'IGSAM - ZIMBABWE

3.91 L’assouplissement des politiques et des contraintes, en particulier pour la commercialisation du maïs, a eu un impact positif notable sur la sécurité alimentaire des ménages. Avant l’ESAP, les subventions de la farine de maïs étaient limitées à la semoule fine, qui n’est produite que par les grandes minoteries. La farine complète, dont la consommation est très répandue dans les zones rurales, est un produit du maïs non raffiné, moulu à la demande des agriculteurs qui apportent leur production à de petits moulins. Elle était donc dédaignée par les grandes minoteries qui la considéraient comme un produit grossier peu demandé.

3.92 Quand il y avait suffisamment de céréales pour la libre disposition des consommateurs, la farine complète était moulue dans de petits moulins à marteau. Ainsi, en 1991, les petits moulins de Harare ont fourni 8 pour cent de la farine de maïs dont la ville avait besoin (Jayne et al., 1991). Pourtant, les diverses restrictions imposées avant l’ESAP ont pénalisé les petits moulins, et donc aussi les consommateurs urbains, qui obtenaient difficilement le maïs qui permettait de satisfaire les besoins en farine complète. La farine complète de maïs laisse des marges brutes sensiblement plus faibles que la farine raffinée 25.

3.93 Les études entreprises avant la libéralisation des marchés alimentaires prévoyaient que la suppression des contrôles sur les transferts de maïs vers les zones urbaines permettrait aux petits moulins et aux ménages urbains à faible revenu d’accéder beaucoup plus facilement à cette céréale, en réduisant considérablement son prix. L’enquête sur les ménages indiquait aussi que la demande de farine complète était largement supérieure à la consommation effective en raison des restrictions qui limitaient l’accès des consommateurs à cette céréale. En se fondant sur ces conclusions, le Ministère du Territoire a recommandé la suppression des réglementations sur la circulation du maïs entre les petites exploitations et les centres urbains en juin 1993. A peu près à la même époque, la subvention de la semoule fine, qui coûtait au gouvernement l’équivalent annuel de 2 pour cent du PIB, a été supprimée. Sans la subvention, le prix de la semoule fine a rapidement augmenté de 53 pour cent.

3.94 Les pouvoirs publics ont encouragé les consommateurs urbains à acheter le maïs et à le porter aux moulins à marteau locaux pour qu’il soit transformé en farine complète, ce qui leur évitait d’être pénalisés par le retrait de la subvention. Les recherches entreprises après les réformes ont mis plusieurs faits en évidence: premièrement, en l’espace de deux ans, la proportion de cet aliment de base acheté par l’intermédiaire des circuits de distribution informels est monté en flèche, passant de 8 à presque 50 pour cent; deuxièmement, les réformes commerciales ont permis aux ménages urbains d’acquérir de la farine de maïs à 60-70 pour cent du prix de la farine transformée dans les grandes minoteries; et troisièmement,l’économie pour les consommateurs représentait de 7 à 13 pour cent du revenu moyen des ménages du quintile le plus défavorisé de Harare (Rubey, 1995; Jayne et al., 1995). Les responsables des politiques gouvernementales et le grand public considèrent généralement ces réformes du marché du maïs comme l’un des aspects les plus positifs de l’ajustement structurel au Zimbabwe.


LA SÉCHERESSE EN AFRIQUE AUSTRALE

3.95 L'Afrique australe a périodiquement été frappée par des sécheresses, les plus récentes ont sévi en 1991/92 et en 1994/95. Cependant, celle de 1991/92 qui a décimé la production agricole de la sous-région et imposé un niveau d'importations sans précédent restera probablement dans les mémoires comme la pire de ces dernières décennies. Cette calamité a réduit la production céréalière totale de la sous-région de plus de 50 pour cent par rapport à la moyenne. Les besoins d'importation de céréales ont plus que doublé et la vie de quelque 18 millions de personnes ont été en danger. Heureusement, grâce des systèmes d'alerte rapide efficaces, à une coordination régionale rapide et à un soutien international adéquat, les secours ont atteint leurs objectifs en palliant les plus graves pénuries alimentaires et en stoppant la généralisation de la famine.

Evolution de la crise de 1991/92

3.96 La saison des pluies de 1991/92 est arrivée à temps en octobre dans plusieurs pays de la sous-région, mais par la suite les précipitations ont été inférieures à la normale, ce qui a sérieusement retardé le développement des cultures, notamment en Afrique du Sud, au Zimbabwe, et dans les provinces du centre et du sud du Mozambique. Jusqu’au début du mois de janvier 1992, les conditions des cultures étaient encore bonnes en Angola, au Malawi, en Namibie, en République-Unie de Tanzanie et en Zambie et à peu près normales ailleurs. Cependant, des vagues de chaleur et de sécheresse prolongées en janvier et en février pendant les stades cruciaux de la pollinisation ont sérieusement entravé la croissance des cultures dans toute la région à l’exception de l’Angola et de la République-Unie de Tanzanie; cela a affecté le rendement un peu partout et les récoltes ont été très mauvaises. Les pluies de mars sont arrivées trop tard pour sauver les récoltes dans la majorité des pays, bien qu’elles aient été bénéfiques pour les pâturages et aient parfois limité l’impact de la sécheresse dans le secteur de l’élevage, les cultures vivrières et le bétail avaient déjà subi des dommages irréversibles dans la plupart des régions.

3.97 En décembre 1991, les systèmes d’alerte rapide de la sous-région soutenus par la FAO ont averti très tôt qu’une sécheresse se préparait. A la fin du mois de février 1992, il a été confirmé que la situation semblait critique. La sécheresse qui avait entraîné les graves pénuries alimentaires, a également mis à risque les réserves d’eau déjà en baisse, les besoins du secteur de l’élevage et même ceux de la population.

3.98 Le pays le plus durement touché a été le Mozambique, où la sécheresse a aggravé les effets négatifs de plusieurs années de guerre civile sur la production vivrière. La destruction quasi totale des récoltes dans de nombreuses régions du pays a entraîné des déplacements massifs de populations qui avaient fuit la guerre et qui désormais étaient à la recherche de nourriture et d’eau, et quelque 3 millions de personnes ont été exposées à la famine. Les pénuries alimentaires dues à la sécheresse ont été aggravées par le bas niveau des stocks céréaliers dans la sous-région. Les déficits en céréales secondaires des pays de la sous-région étaient habituellement compensés par des exportations en provenance de l’Afrique du Sud et du Zimbabwe, ainsi que, dans une moindre mesure, du Malawi, de la Zambie ou de la République-Unie de Tanzanie. Or, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, dont les récoltes avaient été maigres en 1991, avaient épuisé leurs stocks de maïs et étaient eux-mêmes sévèrement touchés par cette sécheresse. En conséquence, ces deux pays habituellement exportateurs se sont trouvés devant la nécessité d’importer de grandes quantités de maïs en 1992/93. L’état des cultures état un peu meilleur en République-Unie de Tanzanie qui ne disposait cependant d’aucun excédent exportable.

Mesures prises et résultats: la sécheresse de 1991/92

3.99 Dès les premières alertes annonçant l’imminence d’une sécheresse, une série de missions conjointes FAO/PAM d’évaluation des récoltes et des disponibilités alimentaires se sont rendues dans la sous-région en mars/avril 1992, juste avant que les cultures n’arrivent à maturité. Ces missions, en coopération avec les gouvernements et avec la Communauté du développement de l’Afrique australe (SADC) ont évalué le volume de la récolte céréalière de 1992 et estimé les besoins d’importation et d’aide alimentaire céréalières pour la campagne 1992/93. Elles ont aussi entrepris une évaluation complète et détaillée des capacités logistiques des principaux ports de la région, y compris en Afrique du Sud.

3.100 Les missions ont confirmé que cette sécheresse, la plus grave depuis plusieurs décennies, avait dévasté les récoltes dans la plupart des pays de la région. Les besoins d’importation céréalières des 10 pays de la SADC ont été estimés au total à 6,1 millions de tonnes, contre environ 2 millions de tonnes dans une année normale. En outre, elles ont enregistré le fait que l’Afrique du Sud (qui n’adhérait pas à la SADC à cette époque) devrait importer 4,5 millions de tonnes de maïs et un million de tonnes de blé. L’aide alimentaire totale requise, qui s’élevait à 4 millions de tonnes, comprenait une aide d’urgence de 1,6 million de tonnes, et il fallait aussi 232 000 tonnes de vivres supplémentaires pour des programmes ciblés d’alimentation en faveur des populations vulnérables.

3.101 Il était évident que la plupart des pays touchés ne seraient pas en mesure de financer le volume sans précédent des importations alimentaires requises pour la période 1992/93. Les missions FAO/PAM concluaient que, seul un effort international massif de secours permettrait d’éviter des pénuries alimentaires et la famine généralisées qui risquaient de se déclencher plus tard dans l’année. L’attention internationale étant monopolisée par la détérioration de la situation alimentaire dans l’ex-URSS, l’Europe centrale et la Corne de l’Afrique, des efforts particuliers ont dû être déployés pour mobiliser l’assistance internationale en faveur de l’Afrique australe.

3.102 Le bulletin d’alerte spéciale, publié à cet effet par le Système mondial d’information et d’alerte rapide (SMIAR) de la FAO en avril 1992 a attiré l’attention de la communauté de donateurs sur la gravité de la sécheresse et servi de base pour la préparation de l’Appel commun Nations Unies-SADC.

3.103 Les pays de la SADC ont réagi rapidement en avril 1992 en constituant une équipe spéciale régionale chargée de coordonner leurs secours, notamment les achats, l’allocation et le transport des importations alimentaires. Six couloirs d’acheminement ont été formés, reliant les ports, les réseaux ferroviaires et routiers et les divers services logistiques, y compris ceux du secteur privé; cette coordination devait permettre d’acheminer sans trop de difficultés les secours massifs requis pour surmonter les effets de la sécheresse. En outre, un centre de consultation logistique, financé par plusieurs donateurs, a été créé avec la participation du PAM pour rassembler et diffuser régulièrement des informations sur toutes les activités portuaires et les transports dans la région afin de réguler les arrivages et les acheminements.

3.104 La collaboration établie entre les Nations Unies et la SADC pour évaluer les besoins d’aide alimentaire et non alimentaire d’urgence et planifier les opérations de livraisons a conduit ces deux organisations à lancer l’Appel commun ONU-SADC de 1992 en faveur de l’Afrique australe, auquel la Banque mondiale, le FMI et plusieurs ONG ont apporté leur soutien.

3.105 L’Appel a réussi à attirer l’attention mondiale sur la détresse de la région. Une assistance internationale était sollicitée pour un total de 4,1 millions de tonnes de produits alimentaires, soit 1,8 million de tonnes d’aide alimentaire ciblée et 2,3 millions de tonnes allouées au programme général. L’appel demandait aussi une assistance non-alimentaire de 223 millions de dollars EU, pour l’alimentation en eau, des soins de santé, des intrants pour l’agriculture et l’élevage, ainsi qu’une aide à la coordination des opérations de transport et de logistique.

3.106 La réponse des donateurs à l’appel ONU-SADC a été très positive, puisque les annonces de contribution ont couvert environ 82 pour cent des besoins de l’aide ciblée et 89 pour cent de ceux des programmes généraux. Les contributions au titre des transports et de la logistique ont été largement suffisantes, puisqu’elles représentaient deux fois le montant demandé par les pays de la SADC; en outre de nombreux donateurs, ONG et organismes concernés ont participé activement aux différentes activités de secours. Finalement, les livraisons des marchandises ont été globalement satisfaisantes; on sait simplement qu’on aurait pu effectuer le même travail à un moindre coût avec une planification et un échelonnement plus efficaces et des opérations de transport moins problématiques.

3.107 La réponse aux demandes d’aide non alimentaire liée à la fourniture d’eau, de soins de santé et d’intrants agricoles, ainsi qu’à la remise en état de l’agriculture a été plus limitée; toutefois la mobilisation des ressources pour ces besoins s’est poursuivie bien après 1992 au travers de diverses filières bilatérales et multilatérales. Des prêts à des conditions de faveur, accordés par des institutions comme la Banque mondiale, ont permis aux Etats impliqués d’avoir recours au circuit commercial pour continuer les importations de vivres.

3.108 Dans l’ensemble, la coordination efficace entre les pays de la sous-région et avec le système des Nations Unies, ainsi que la réaction très positive des donateurs, ont permis de surmonter la crise provoquée par la sécheresse en Afrique australe et d’éviter une famine.

Enseignements de la sécheresse de 1994/95

3.109 Grâce à l’expérience de la crise de 1991/92, l’impact de la sécheresse de 1994/95 en Afrique australe, quoique sérieux, a été loin d’être aussi catastrophique. La sécheresse a été grave au Lesotho, où la production a été pratiquement anéantie, et sérieuse en Afrique du Sud, en Zambie et au Zimbabwe, tant en termes de déficit de la production alimentaire intérieure que du manque à exporter. D’autres pays ont aussi pâti à des degrés divers des effets de la sécheresse.

3.110 Un certain nombre de facteurs favorables ont contribué à atténuer les effets de la sécheresse de 1994/95 sur la situation des approvisionnements alimentaires des pays de la sous-région.

3.111 Les bulletins d’alerte spéciale sur la crise publiés en décembre 1994 et en janvier 1995 ont été distribués à la communauté internationale par le SMIAR de la FAO. Ils ont été suivis d’une série de missions conjointes FAO/PAM d’évaluation des récoltes et des disponibilités alimentaires qui ont visité la région en mars/avril 1995, avec la coopération des gouvernements et de la SADC. Ces missions ont confirmé les alertes précédentes et chiffré les besoins alimentaires dans la sous-région.

3.112 Les gouvernements des pays touchés et la communauté internationale ont immédiatement réagi à ces alertes qui annonçaient l’imminence de déficits des approvisionnements et préparé des plans d’urgence appropriés en temps voulu. Les abondants stocks, reconstitués grâce à la récolte exceptionnelle de l’année précédente, détenus par les offices de commercialisation nationaux, les paysans et les secteurs commerciaux dans plusieurs pays, notamment en Afrique du Sud et au Zimbabwe, ont permis de faire la soudure, en attendant la récolte suivante et l’arrivée des importations.

3.113 La FAO et le PAM ont pris l’initiative d’anticiper l’approbation des opérations d’urgence dans les pays gravement touchés afin d’éviter des retards probables dans la mobilisation des secours. Les pays de la sous-région ont pris un certain nombre de mesures pour limiter les pertes de récolte dues aux ravageurs et aux maladies.

3.114 En juin 1995, la SADC a lancé un appel international aux donateurs pour combattre les effets de la grave sécheresse qui sévissait dans certaines régions d’Afrique australe et surmonter les pénuries alimentaires prévues dans les pays membres. Plusieurs donateurs y ont répondu généreusement. En collaboration avec les gouvernements, les institutions des Nations Unies, des ONG et des partenaires locaux, les donateurs ont entrepris diverses actions dans toute la région, en particulier pour venir en aide aux groupes vulnérables, dont certains ne s’étaient pas encore complètement remis des effets de la sécheresse de 1992.

3.115 Depuis la grave sécheresse de 1991/92, un certain nombre de faits positifs se sont produits sur les plans institutionnel et économiques dans la sous-région. L’Afrique du Sud est devenue membre de la SADC en 1994. L’Angola et le Mozambique ont signé un accord de paix et plusieurs pays ont libéralisé leurs politiques de marché. Ces facteurs contribuent aujourd’hui à une forte reprise de la production alimentaire et facilitent grandement la commercialisation et les échanges dans la sous-région.


4. Conclusions

4.1 Cette brève série de monographies montre comment des pays différents ont fait face, avec des structures économiques et sociales, des ressources naturelles et sociales et des orientations politiques différentes, à divers problèmes d’insécurité alimentaire à l’échelon de la nation et des ménages. Ces études montrent l’influence du climat général sur les processus économiques et sociaux qui conditionnent en fin de compte le degré de sécurité alimentaire des populations. Quelles que soient les politiques spécifiques adoptées dans les différents pays, à différentes périodes, la garantie de la sécurité alimentaire des groupes vulnérables impose toujours des choix difficiles. En outre, les multiples objectifs qui doivent être poursuivis dans chaque contexte doivent être politiquement, socialement et économiquement réalistes pour avoir des chances de succès.

4.2 Quelle que soit la période considérée, l’orientation et la nature des politiques mises en oeuvre sont cependant ordinairement dictées par la nature des contraintes jugées incontournables par les pouvoirs publics. Pour la plupart des pays étudiés, la décennie 80 a été une époque où les contraintes économiques et financières ont dominé les programmes d’action. Quelques-uns de ces pays, comme la Chine, la Turquie et l’Indonésie, qui ont toujours attaché de l’importance aux mesures d’amélioration de la productivité dans le secteur agricole et alimentaire, en encourageant les recherches, la vulgarisation et l’adoption de nouvelles technologies de production, ont déjà beaucoup amélioré leur sécurité alimentaire. D’autres pays, comme la Thaïlande, la Tunisie et le Costa Rica, ont choisi de renforcer la sécurité alimentaire par des mesures d’aide directe, ciblées sur les groupes vulnérables. Les pays les plus vulnérables présentés dans ce document, comme le Mozambique, le Zimbabwe et le Burkina Faso, ont surtout réussi à atténuer l’insécurité alimentaire des groupes les plus défavorisés, en supprimant quelques-uns des obstacles qui limitaient la liberté des opérations sur les marchés alimentaires.

4.3 D’une manière générale, la plupart des pays figurant dans cette étude ont été confrontés à un moment ou à un autre, entre le début des années 60 et 90, à des déséquilibres financiers et macroéconomiques qui ont mis en péril la durabilité de leurs dépenses publiques et ralenti les performances de leurs économies. Dans certains d’entre eux, une forte protection accordée aux producteurs agricoles et/ou aux consommateurs a largement contribué à créer des déséquilibres. Les résultats des programmes d’ajustement structurel et de libéralisation économique mis en oeuvre pour corriger ces déséquilibres semblent mitigés. Dans la mesure où ils impliquent une réduction du soutien aux producteurs et aux consommateurs vulnérables, ils commencent généralement par avoir un impact négatif sur la sécurité alimentaire. Par la suite, toutefois, l’amélioration de l’efficacité économique doit avoir des effets positifs sur la sécurité alimentaire générale. Les expériences du Burkina Faso, du Costa Rica, de l’Equateur, du Mozambique, de la Tunisie et du Zimbabwe montrent que ces programmes ont vraiment porté leurs fruits. Lorsque, en outre, ils ont été accompagnés de politiques appropriées, notamment des dispositifs de protection sociale pour les groupes vulnérables, comme cela a été le cas en Tunisie et au Costa Rica, les progrès sont encore plus marqués. En effet , les mesures directement axées sur les groupes vulnérables, comme les programmes vivres-contre-travail en Inde, tendent également à réduire les distorsions et les déséquilibres.


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Notes

1 FAO/PNUD, Accord de coopération (septembre 1994).

2 Cette section est une version revue et condensée de FAO (1996c).

3 On notera que la vulnérabilité n’est pas uniforme dans tout le pays. D’après les données collectées par ICRISAT en 1985, considérée comme une bonne année, dans le Plateau central très peuplé,tributaire de l’agriculture mais dégradé, l’apport énergétique moyen par habitant et par jour (2 000 Calories) est plus faible que dans la région du Sahel (3 200 Calories), située au nord du pays, exposée à la sécheresse et tributaire de l’élevage. En outre, la variabilité et, partant, la vulnérabilité est plus grande dans le Plateau central. Les données rassemblées par le CEDRES 10 ans plus tard confirment la disparité entre les régions, en comparant le Plateau central à la zone la plus productive, qui est la région soudano-guinéenne. La consommation énergétique annuelle moyenne, qui est de 2 900 Calories pour la zone guinéenne, est plus élevée que dans le Plateau central (2 500 Calories). Dans l’ensemble, les données microéconomiques suggèrent un meilleur accès aux disponibilités énergétiques, dans la fourchette des valeurs nationales; c’est dire l’importance des dimensions régionales et saisonnières lors de la conception des programmes de sécurité alimentaire.

4 La période couverte dans cette étude de cas (1961-1991) étant antérieure à la signature d’un programme d’ajustement avec le FMI et la Banque mondiale, l’impact potentiel des modifications de l’environnement économique sur la sécurité alimentaire n’est pas traité. De même, le gouvernement a entrepris tardivement (1993) des programmes spécifiques de sécurité alimentaire et de lutte contre la pauvreté, bénéficiant d’un appui de la Banque mondiale, dans des zones rurales sélectionnées. Ces activités créatrices de revenu s’adressent essentiellement aux femmes, car on estime que les revenus gérés par les femmes ont plus de chances d’améliorer la sécurité alimentaire. Il est cependant encore trop tôt pour évaluer l’impact net de ces programmes.

5 Ce texte est une version revue et condensée de Lin (1995).

6 Compte tenu des problèmes que pose la supervision du travail d’une équipe agricole, le succès d’un système d’agriculture collective dépend d’un contrat d’autodiscipline qui ne peut être respecté que si l’équipe s’est constituée volontairement. Avant le mouvement des communes populaires de l’automne 1958, la participation d’un paysan à une équipe de production était volontaire. Par la suite, elle est devenue obligatoire. En conséquence, le contrat n’a pas pu être respecté et la productivité agricole s’est effondrée (pour plus de détails, voir Lin 1990, 1993 et 1995).

7 Version revue et condensée de FAO (1995c).

8 Les importations alimentaires au Costa Rica sont caractérisées par un aspect intéressant, qui est l’importance de l’aide alimentaire. Au cours de la période 1971-1991, les céréales ont représenté plus d’un quart des importations alimentaires, en équivalent énergie. Bien que ce pourcentage soit récemment descendu à environ 23 pour cent (1990-1992), l’aide céréalière représente encore 6 pour cent des disponibilités alimentaires par habitant destinées à la consommation humaine.

9 Version revue et condensée de FAO (1995d).

10 Cette section est une version revue et condensée de FAO (1995h).

11 Cette section s’inspire des conclusions figurant dans Drèze et Sen (1989).

12 Version revue et condensée et publiée de FAO (1995i).

13 D’après Banque mondiale (1992).

14 Cette section est inspirée de FAO (1996e).

15 Il est important de noter qu’il n’y avait jamais eu de marchés libres privés au Mozambique avant la fin des années 80. Tant sous le régime colonial que sous celui du Frelimo, le Front de libération du Mozambique, le commerce privé était réglementé de façon stricte, notamment en maintenant des prix fixes à tous les niveaux du système.

16 Version condensée et éditée de FAO (1995g)

17 Les fortes augmentations de la production de manioc à des fins industrielles ou fourragères ont aussi joué un rôle important dans l’amplification apparente de l’écart entre les disponibilités alimentaires globales et celles destinées à la consommation humaine.

18 Cette section est largement inspirée des études de la Banque mondiale (1984) et de Siamwalla et Setboonsarng (1992).

19 Cette section est largement inspirée de FAO (1995b).

20 Cette section est inspirée de Banque mondiale (1995) et Khaldi et Naili (1995).

21 Le coefficient de variation de la production alimentaire par habitant, mesurée en équivalent énergie, est d’environ 30 pour cent en Tunisie. Vient ensuite la Turquie, qui, de tous les pays qui figurent dans cette étude, se place au deuxième rang, avec un coefficient de variation de 7,5 pour cent. Le coefficient de variation est le rapport entre l’écart-type de la production alimentaire par habitant selon une tendance complexe, et son niveau moyen pendant la période 1961-1992.

22 Cette section est une version revue et condensée de FAO (1996c).

23 Cette section est une version revue et condensée de Jayne et al., 1995.

24 Il est regrettable que, depuis l’introduction de l’ESAP, le pays ait été frappé par deux graves sécheresses. Dans les deux cas, malgré une réponse tardive aux signes avant-coureurs de la sécheresse, le pays a exécuté avec succès plusieurs programmes d’aide alimentaire qui ont évité la famine et épargné des souffrances à la population, dans une large mesure grâce au système d’entreposage des céréales de l’office para-public de commercialisation. Il a cependant été difficile d’évaluer les effets de l’ESAP, compte tenu de la sécheresse.

25 Les faibles quantités de maïs arrivant , par les «filières officielles», dans les centres urbains pour être traitées dans des petites minoteries artisanales étaient complétées par du maïs acheminé illégalement vers les villes.