6. Coûts et bénéfices des aménagements hydrauliques

Tendances des investissements

6.1 Dans beaucoup de pays en développement, notamment en Asie, les crédits alloués à l’irrigation étaient prédominants dans les budgets de l’agriculture depuis plusieurs décennies et une proportion importante de l’aide internationale au développement était aussi consacrée à des projets d’irrigation. Entre 1950 et 1993, la Banque mondiale à elle seule a prêté 31 milliards de dollars EU pour des projets ayant une composante d’irrigation (Banque mondiale, 1994). Les investissements dans l’irrigation ont culminé au milieu des années 70: les organismes extérieurs de financement leur consacraient des engagements de quelque 2,5 milliards à 3 milliards de dollars par an. Depuis le début des années 80, ils ont diminué. Actuellement, la Banque mondiale affecte moins de 1 milliard de dollars par an à des projets d’irrigation et le montant total alloué par tous les donateurs et institutions financières est en moyenne de l’ordre de 2 milliards de dollars par an.

6.2 Pendant les années 50 et 60, tous les fonds étaient destinés à de nouveaux aménagements. Mais depuis les années 70, une part croissante des engagements ont été destinés à la remise en état, la modernisation et l’expansion des réseaux existants. A l’heure actuelle, plus de la moitié des investissements dans l’irrigation sont consacrés à ces activités.

6.3 L’Asie reçoit depuis toujours la part du lion des fonds alloués à l’irrigation: cela n’a rien d’étonnant, car elle possède 75 pour cent des superficies irriguées du tiers monde. Ainsi, c’est à elle qu’ont été destinés 69 pour cent des prêts de la Banque mondiale au secteur de l’irrigation; toutefois, les prêts et dons à la région Asie, qui avaient culminé à la fin des années 70, avaient diminué de plus de moitié à la fin des années 80 (Yudelman, 1994). L’Afrique quant à elle n’a reçu que 12 pour cent des prêts de la Banque mondiale; ces prêts ont été destinés principalement aux régions arides et semi-arides d’Afrique du Nord, du Sahel et de Madagascar; mais comme la taille moyenne des projets était petite, cette aide représente 30 pour cent du nombre des projets financés par la Banque mondiale (Banque mondiale, 1994). Le Fonds international de développement agricole (FIDA) a financé plus de projets en Asie du Sud et du Sud-Est que n’importe où ailleurs (FIDA, 1994).

6.4 Plusieurs facteurs expliquent la réduction des investissements dans l’irrigation, en particulier:

Il est toutefois essentiel de relancer les investissements dans l’irrigation. Etant donné la longue période de gestation de ces projets, il faut entreprendre dès aujourd’hui les investissements de base dans la mise en valeur des eaux et l’irrigation si l’on veut que les périmètres deviennent pleinement opérationnels au cours des 15 prochaines années.

Coût de la mise en valeur des eaux

6.5 Le coût de la construction et de la remise en état des aménagements hydrauliques a beaucoup augmenté au cours des dernières décennies. Dans beaucoup de pays en développement, il a au moins doublé ou triplé. Les coûts de remise en état et de modernisation sont généralement de l’ordre de 25 à 40 pour cent du coût des nouveaux projets6.

6.6 Le développement de l’irrigation est généralement moins coûteux en Asie du Sud et de l’Est que dans les autres régions du monde en développement. En effet, les zones irriguées sont de vastes plaines où l’on peut compter sur de grands cours d’eau permanents permettant des ouvrages relativement simples de dérivation et de transport de l’eau. En outre, étant donné la dominance de la riziculture, le réseau de distribution n’a pas besoin d’être dense, ce qui contribue aussi à réduire les coûts. De plus, il existe en Asie une longue tradition d’irrigation, appuyée par des institutions expérimentées et efficaces.

6.7 Il est incontestable que jusqu’ici les grands et moyens projets d’irrigation sont plus coûteux en Afrique que dans les autres régions. Cela peut s’expliquer par de nombreux facteurs, notamment:

6.8Le coût des infrastructures telles que les locaux de service (bureaux, ateliers, logements du personnel), les routes de desserte, l’établissement des colonies et les services sociaux (écoles, dispensaires, adduction d’eau, etc.) est souvent compris dans le coût du projet d’irrigation; or, il peut dépasser les investissements directs dans l’irrigation7. Il est en général bien plus élevé en Afrique subsaharienne que dans les autres régions du monde parce que beaucoup de projets d’irrigation sont situés dans des régions reculées et sous-développées8.

Moyens de réduire le coût des aménagements hydrauliques

6.9 Il faut améliorer la planification des programmes d’aménagement des eaux. Ceux-ci sont souvent planifiés et conçus sur la base de données géologiques, hydrologiques et topographiques insuffisantes et inexactes. D’où une mauvaise conception technique des composantes qui gonfle les coûts et peut obliger à modifier les plans pendant les travaux.

6.10La conception technique ne doit pas nécessairement être complexe ni faire appel aux matériaux les plus coûteux. Par exemple, pour les ouvrages de petites dimensions, il est tout aussi efficace et moins coûteux d’utiliser des briques ou des parpaings plutôt que du béton9.

6.11 Les programmes d’aménagement hydraulique ne doivent pas être planifiés et réalisés isolément. Malgré ce qui est dit plus haut, il faut planifier et réaliser dès le début certaines infrastructures essentielles, de façon qu’elles soient en place au moment voulu. Par exemple, les routes d’accès aux chantiers doivent être prêtes avant le début des travaux, faute de quoi ceux-ci risquent de subir des retards coûteux. Si possible, les infrastructures devraient être financées par d’autres sources.

6.12 Il faudrait encourager la création d’entreprises de travaux publics locales compétentes. Le climat économique doit leur permettre d’acheter en temps utile les équipements et les matériaux nécessaires. Si possible, il faudrait regrouper les travaux dans des marchés plus importants (comprenant par exemple la construction de plusieurs petits réseaux dans une même zone) pour garantir un programme continu sur une certaine durée, de façon à réduire les frais de démarrage et les frais généraux. Les appels d’offres doivent être préparés avec soin et comprendre des spécifications claires correspondant à des plans détaillés. Pour les marchés publics, le gouvernement devra veiller à ce que les entreprises soient payées ponctuellement.

6.13 Il faudrait autant que possible remplacer les matériaux et équipements importés par des produits locaux car les droits de douane gonflent le coût du réseau d’irrigation. Toutefois, certains matériaux ne peuvent être remplacés et tous les pays ne peuvent pas créer une industrie locale pour fabriquer tous les équipements et matériaux nécessaires aux aménagements hydrauliques. Il faut choisir avec soin les fournisseurs les moins-disants pour une qualité déterminée, en tenant compte des conditions de vente et du service. Les groupements régionaux tels que la Communauté de développement de l’Afrique australe devraient faciliter l’achat dans les pays membres possédant déjà des industries. Une autre possibilité de réduire le coût des projets consisterait à abaisser les droits de douane sur les matériaux et équipements importés.

6.14Il conviendrait d’encourager le secteur privé à développer l’irrigation pour réduire les investissements à la charge de l’Etat. C’est au contraire à l’Etat qu’il incombe de mettre en place les infrastructures que le secteur privé ne construirait pas, telles que les routes et, dans certains cas, l’électrification. Là où c’est nécessaire, l’Etat devra aussi prendre à sa charge les infrastructures de base de mise en valeur des eaux et le réseau primaire de canaux et de collecteurs10. L’initiative privée pourrait alors prendre la relève et se charger du réseau de distribution, y compris les pompes à faible élévation d’eau. Il faudrait privilégier l’irrigation par pompage le long des cours d’eau pour éviter de construire des ouvrages coûteux de dérivation, de transport et de distribution. Les particuliers ne font des aménagements hydrauliques que s’ils considèrent qu’ils sont rentables et sûrs. Ils utilisent d’autres critères que le secteur public et choisissent des partis techniques moins coûteux. Toutefois, un certain contrôle du secteur public reste nécessaire pour des raisons de sécurité publique, d’environnement, de protection des droits d’eau des tiers, etc.

 

Encadré 4
DÉVELOPPEMENT DES BARRAGES AU ZIMBABWE

Le Zimbabwe exécute un programme de développement de barrages moyens, d’une capacité de 800 000 m3 à 10 millions de m3. Les plans de la plupart des barrages ont été établis par des consultants et la construction est confiée à des entreprises privées. Comme ils sont situés en zone rurale et n’appartiennent à aucun propriétaire précis, ils tendent à être surdimensionnés. Les évacuateurs, construits en béton ou en maçonnerie, sont très grands, ainsi que les barrages eux-mêmes et les talus en amont et en aval sont protégés d’un perré épais. Rien n’est fait au moment de la planification pour préparer les usagers à assurer l’entretien des barrages. On évite donc systématiquement les risques et les barrages sont conçus pour nécessiter un minimum d’entretien, mais cela implique un coût initial considérable.

 

6.15 Beaucoup de progrès ont été réalisés depuis une dizaine d’années dans plusieurs pays en développement. Les infrastructures rurales (routes, électricité, etc.) se sont beaucoup développées. Dans bien des pays, les organismes responsables de planifier et réaliser les aménagements pour l’irrigation ont acquis une expérience considérable. Les grilles de salaire ont été restructurées pour conserver et attirer du personnel qualifié et expérimenté. Beaucoup de pays appliquent des réformes macroéconomiques consistant notamment à réduire les taux de change et les droits d’importation. Il semble donc que l’on entre dans une nouvelle ère offrant de bonnes perspectives à une mise en valeur efficiente des eaux.

Les investissements dans la maîtrise des eaux peuvent être rentables

6.16 L’évaluation la plus complète des projets de développement de l’irrigation est l’étude récente de l’expérience de la Banque mondiale. Le taux moyen de rentabilité économique est de 15 pour cent, ce qui est satisfaisant, même si c’est 7 points de moins que les taux indiqués dans les examens préalables. Toutefois, si l’on pondère la moyenne des taux de rentabilité en fonction de la taille des projets, on obtient une rentabilité de 25 pour cent (contre 29 pour cent dans les examens préalables), ce qui indique que la rentabilité des grands projets est plus élevée. (Les constatations de la FAO sont plus encourageantes: par exemple, dans 50 pour cent des projets d’irrigation en Afrique examinés, le taux de rentabilité de l’investissement a été supérieur aux chiffres de l’examen préalable). L’écart entre les chiffres des examens préalables et les constatations des évaluations a entraîné une certaine désaffection à l’égard des projets d’irrigation. Les résultats d’environ un tiers des projets ont été jugés décevants et l’étude de la Banque conclut qu’il y a une grande marge d’amélioration possible. Toutefois, il ne faut pas oublier que les projets d’irrigation de la Banque mondiale ont en général affiché des taux de rentabilité positifs équivalents ou supérieurs à ceux d’autres projets agricoles.

6.17 Les taux de rentabilité sont différents selon les régions du monde. En Afrique, les grands projets se heurtent en général à de graves contraintes. L’environnement physique difficile exige des prouesses dans la conception et l’exécution des projets. Toutefois, les investissements dans des grands réseaux peuvent être rentables quand la conception et l’exécution sont bonnes, à condition que les autres contraintes soient surmontées et que le cadre institutionnel et réglementaire soit favorable.

6.18 Les investissements publics dans les petits et moyens projets d’irrigation peuvent être directs ou indirects. Dans le premier cas, la conception, la construction et l’exploitation des réseaux sont financées par le budget public et réalisées par des organismes publics. Dans le deuxième, le secteur public se contente de mettre des ressources à la disposition des agriculteurs et du secteur privé sous forme de dons, prêts ou assistance technique pour le développement d’ouvrages d’irrigation appartenant à des agriculteurs ou à des groupements d’agriculteurs, qui en assurent la gestion. Des monographies réalisées en Asie du Sud révèlent la supériorité de la stratégie d’investissement indirect.

6.19 Il faut rappeler que beaucoup de réseaux d’irrigation ont été construits à une époque où les termes de l’échange étaient défavorables à l’agriculture en raison de la surévaluation du change et des nombreux impôts indirects qui pénalisaient l’agriculture ou des subventions qui privilégiaient le secteur urbain concurrent. Les réseaux publics et privés d’irrigation ainsi que les nouveaux investissements ont des chances à l’avenir d’avoir une meilleure rentabilité pour les raisons suivantes:

Problèmes d'exploitation et d'entretien

6.20 La plupart des réseaux publics d’irrigation sont mal entretenus et l’eau fournie n’est pas modulée en fonction des besoins et des demandes des irrigants. On dit souvent que cela tient à ce que beaucoup de ces derniers ne paient pas les redevances d’eau, de sorte qu’il est impossible de financer des services adéquats. Les irrigants, de leur côté, répondent que les cultures ne sont pas assez rentables, que les services sont inefficaces et qu’ils ne peuvent pas payer les redevances.

6.21 Plusieurs études ont prouvé que les réseaux publics d’irrigation sont généralement moins productifs que ceux qui ont été développés par des agriculteurs ou des groupes d’agriculteurs. Les irrigants individuels utilisant des pompes privées peuvent appliquer un calendrier d’irrigation optimal et obtiennent ainsi des rendements plusieurs fois supérieurs à ceux des réseaux publics. En outre, ils peuvent échelonner leurs cultures de façon à vendre leurs récoltes au meilleur cours. Même si leurs coûts d’exploitation sont plus élevés puisqu’ils doivent financer la pompe et son coût de fonctionnement, ces frais supplémentaires sont compensés par la rentabilité accrue qui résulte de la souplesse des apports d’eau.

6.22 Deux conclusions importantes se dégagent de ces observations. Premièrement, les agriculteurs sont prêts à payer l’eau à condition qu’elle leur soit fournie au moment voulu et dans les quantités voulues; deuxièmement, il est évident que les systèmes de distribution de l’eau dans les réseaux publics laissent beaucoup à désirer du point de vue des exploitants. Les organismes responsables sont souvent sollicités par trop de considérations différentes (préoccupations des villages, restrictions de l’utilisation des terres, régime de succession, approvisionnement en carburant, procédures d’expulsion, commercialisation des cultures, récoltes, etc.) qui ne leur permettent pas d’assurer avec efficience les services de distribution d’eau. En revanche, plusieurs expériences novatrices prouvent que, quand les services d’irrigation doivent rendre des comptes et que les agriculteurs paient les services reçus, la performance de l’irrigation s’améliore beaucoup.

6.23 En résumé, le recouvrement des frais d’exploitation et d’entretien est moins un problème financier qu’un problème économique quand il s’agit de fournir avec efficience un service de distribution d’eau. Cet objectif ne pourra guère être atteint sans une participation structurée et efficace des agriculteurs à la gestion des réseaux d’irrigation. Plusieurs expériences pilotes menées en Afrique ont montré que l’on peut obtenir de très bons résultats quand les fonctions de gestion sont partagées avec les agriculteurs ou leur sont purement et simplement transférées. Encore faut-il qu’il existe une ferme volonté de transformer ces expériences en des politiques et pratiques d’application générale.

Le scénario "sans irrigation"

6.24 Une bonne méthode pour déterminer les avantages que peuvent rapporter de nouveaux investissements dans l’irrigation consiste à étudier les scénarios «sans irrigation». Pour justifier les investissements considérables qui sont nécessaires pour rendre durables les systèmes d’irrigation existants, il faudrait aussi comparer des scénarios avec et sans travaux d’entretien et de remise en état. Pour assurer la viabilité de l’irrigation, il faut surmonter un grand nombre d’obstacles techniques: inondations, engorgement, salinité, sédimentation des réservoirs, dégradation des infrastructures. En principe, tous ces problèmes peuvent être résolus, à condition que les ressources économiques nécessaires soient disponibles.

6.25 Quand on envisage les problèmes que pose la maîtrise de l’eau, il ne faut pas oublier que l’agriculture pluviale ne permettrait pas à elle seule de satisfaire la demande croissante de produits alimentaires. Les terres adaptées à l’agriculture pluviale sont devenues une ressource rare. La productivité de l’agriculture pluviale est limitée par l’humidité du sol dans les zones sujettes à des fluctuations des précipitations et à des sécheresses. Certes, un accroissement considérable de la productivité de l’agriculture pluviale est possible à moyen terme, notamment en Europe de l’Est. Mais une partie des cultures pluviales a déjà atteint un niveau élevé de productivité, qui ne pourra pas être augmenté sans compromettre la durabilité. Les pays industrialisés pourraient renoncer à exporter leurs ressources précieuses en eau et en sols superficiels sous forme de céréales vivrières de faible valeur. Il n’en est pas moins vrai que, dans beaucoup de pays, les problèmes économiques, la concurrence d’autres activités prioritaires, la performance médiocre de l’irrigation et les problèmes d’environnement ont amené à négliger l’irrigation, au détriment du bien-être national.

6.26 Si le potentiel prouvé d’expansion de l’irrigation n’est pas réalisé, et à plus forte raison si l’irrigation recule, il en résultera inévitablement une nouvelle expansion de l’agriculture pluviale, qui se situera en grande partie dans des zones où le régime des pluies est très aléatoire. Une telle expansion provoquera de nouveaux déboisements et amènera à étendre les cultures sur les versants et à proximité des cours d’eau, ce qui accélérera l’érosion et la sédimentation dans les cours d’eau, les estuaires et les réservoirs.

6.27 Il semble donc inévitable qu’en l’absence de programmes d’aménagement hydraulique l’expansion démographique obligera des millions d’indigents à établir des systèmes de culture non durables dans des zones arides, sujettes aux sécheresses et peu productives ou écologiquement fragiles pour d’autres raisons. Sur ces terres peu productives, les investissements qui permettraient de protéger la terre (construction de terrasses, utilisation d’intrants achetés tels que les engrais) ne se justifieraient pas. On observe déjà beaucoup d’exemples d’exploitation destructive de la terre et de destruction de la diversité biologique en Afrique et dans d’autres régions du monde. La plupart des agriculteurs n’ont plus de nouvelles terres à mettre en culture et n’ont plus d’autres solutions que d’intensifier l’agriculture et l’élevage. L’intensification est préférable à la mise en culture des zones encore en friche, de plus en plus rares, qui risque de provoquer de graves dégâts écologiques. La maîtrise de l’eau sera un élément essentiel de cette intensification. Il faut se rendre compte qu’aujourd’hui la relance des efforts de maîtrise de l’eau serait bénéfique pour l’environnement.


7. Mise en valeur des eaux et environnement

7.1 Les ouvrages de génie civil nécessaires pour amener l’eau au moment voulu là où elle est nécessaire ont des effets sur l’environnement. On a dit plus haut que la maîtrise de l’eau, facteur essentiel à une agriculture intensive produisant des denrées de valeur, peut à bien des égards être bénéfique pour l’environnement, par comparaison avec le scénario sans irrigation. Mais le prélèvement d’eau dans les cours d’eau (que ce soit pour l’irrigation ou pour d’autres usages) menace la santé de l’environnement aquatique. Le stockage de l’eau dans des réservoirs superficiels transforme radicalement l’utilisation des terres et le paysage. Une irrigation mal gérée a des effets néfastes tels que la dégradation des sols par salinisation et engorgement ou la propagation de maladies transmises par l’eau; il faut en tenir compte et prendre des mesures pour prévenir ou atténuer ces effets. Heureusement, on comprend beaucoup mieux aujourd’hui les mécanismes des effets négatifs de l’irrigation et il est presque toujours possible de prendre des mesures préventives et correctives. Comme dans toutes les autres activités de développement, il doit y avoir un arbitrage entre la mise en valeur des ressources en eau et la protection de l’environnement. Il faut bien comprendre tous les coûts et les avantages des aménagements. Il n’est plus possible d’ignorer ou d’externaliser comme autrefois les coûts écologiques du développement. Dans le même esprit, quand il est nécessaire de déplacer des populations pour créer des réservoirs, il faut bien comprendre tous les aspects sociaux, consulter les intéressés, leur assurer un traitement équitable et prévoir des ressources financières suffisantes pour amortir l’impact de l’expulsion.

Débit minimum des cours d'eau

7.2 L’eau est prélevée dans les rivières et conservée dans des réservoirs pour être utilisée au moment où on en a besoin. Les réservoirs ne servent pas seulement à l’irrigation: beaucoup sont utilisés pour l’approvisionnement en eau potable ou encore pour la production d’électricité. On tend de plus en plus à les gérer de façon intégrée en vue d’objectifs multiples afin de maximiser le rendement de l’ensemble du système hydraulique. Les réservoirs assurent une certaine protection contre les inondations; mais les eaux de crue alimentent les marécages des bas-fonds et jouent un rôle important pour les pêcheries et le gibier aquatique, entre autres. L’agriculture est la principale utilisatrice de l’eau et, si les systèmes d’irrigation sont efficients, elle ne restitue pratiquement pas d’eaux de colature. C’est ainsi que des fleuves tels que le Colorado et le Nil n’ont presque plus d’eau quand ils arrivent à leur embouchure. En règle générale, quand le débit des rivières s’amenuise, la concentration de polluants augmente, ce qui a de graves effets sur les écosystèmes aquatiques et la diversité biologique. Les estuaires, qui jouent un rôle très important pour la pêche, sont particulièrement menacés. La réduction du flux d’eau douce qui se déverse dans la mer fait remonter l’eau salée et perturbe le milieu de l’estuaire. Dans les deltas, le manque d’eau et la sédimentation provoquent une érosion progressive.

7.3 Le débit à maintenir dans les cours d’eau dépend de nombreux facteurs: saison, exigences de l’habitat aquatique, équilibre des sels et des sédiments, importance du fleuve pour la vie locale et autres facteurs spécifiques au bassin considéré. L’écologie des cours d’eau est un phénomène complexe encore mal compris et qui appelle des recherches. Il convient de fixer provisoirement un débit minimum pour assurer une certaine protection de la santé du réseau fluvial. Dans les régions où les cours d’eau sont déjà tombés en dessous du seuil de durabilité écologique, il faudra pour rétablir le débit minimum que certains usagers (agriculture, usages urbains) renoncent à une partie de l’eau qu’ils utilisent et la restituent à l’environnement. Des initiatives dans ce sens ont déjà été prises par exemple dans l’Etat de Californie. Il sera peut-être plus difficile de réserver de l’eau pour l’environnement dans les pays en développement où la croissance démographique fait augmenter les besoins de produits alimentaires et d’eau potable. Mais le maintien d’un débit minimum dans les cours d’eau pour protéger les pêcheries, l’économie des deltas et la santé des populations locales n’est pas moins nécessaire dans les pays en développement que dans les pays développés.

7.4 Quand on inclut le débit minimum des cours d’eau dans les estimations des besoins d’eau, on compte parfois 1 000 m3 par an et par personne, soit 30 litres par seconde pour 1 000 habitants, pour assurer une dilution suffisante si les eaux usées sont rejetées sans traitement (Postel, Daily et Ehrlich, 1996). En supposant que la moitié des effluents municipaux et industriels fassent l’objet au moins d’un traitement secondaire avant d’être rejetés, on peut admettre un débit moitié moins grand, 500 m3 par personne et par an. Mais ces chiffres ne tiennent pas compte des spécificités complexes et mal connues des divers bassins fluviaux.

Rôle crucial des bassins versants d'altitude

7.5 La dégradation – parfois la dévastation – des bassins versants du cours supérieur des rivières est un phénomène d’importance mondiale. Le régime des cours d’eau dépend de la saisonnalité et des caractéristiques des précipitations ainsi que des caractéristiques du bassin telles que pente, sol et végétation. En raison de l’effet orographique des barrières montagneuses, les précipitations augmentent généralement avec l’altitude et, dans la plupart des cours d’eau, une part importante du débit provient du cours supérieur. Dans les bassins rocheux imperméables, les pluies violentes provoquent des crues subites et intenses très chargées en sédiments tandis que, si le bassin est boisé, les mêmes conditions météorologiques ne provoquent qu’une crue modérée car la forêt facilite l’écoulement souterrain et l’infiltration dans la nappe. Un bassin de réception d’altitude intact et en bon état présente beaucoup d’avantages pour les populations d’aval: moindres besoins de stocker l’eau, risques d’inondation réduits, disponibilité d’eau souterraine, meilleure qualité de l’eau, réduction des sédiments.

  

Encadré 5
LA MER D'ARAL

Par sa taille, la mer d’Aral était autrefois le quatrième lac du monde. A la suite de la dérivation des cours d’eau qui l’alimentaient, dont l’eau était nécessaire pour cultiver du coton dans le désert, elle a perdu les trois quarts de son volume et la moitié de sa superficie. Avant 1960, ses deux principaux affluents lui apportaient en moyenne 55 km3 d’eau par an. Pendant les années 80, leur apport était tombé à 7 km3, soit environ 6 pour cent de leur débit total. Dans leurs cours inférieurs, ces fleuves sont maintenant à sec presque toute l’année. Les forêts galeries sont réduites à des vestiges, de même que les services et les habitats qu’elles fournissaient, et les marécages ont diminué de 85 pour cent. La pollution chimique considérable produite par l’agriculture a beaucoup réduit la diversité biologique. Les captures de poissons dans le lac, qui s’élevaient pendant les années 50 à 44 000 tonnes par an et qui faisaient vivre 60 000 personnes, sont tombées à zéro.

Pour restaurer l’écosystème de la mer d’Aral, il faudrait lui allouer une quantité considérable d’eau. Il en avait été tenu compte lors des plans initiaux, mais les projets envisagés à l’origine qui prévoyaient la dérivation d’eau à partir du bassin de réception de l’océan Arctique n’ont jamais été réalisés. Rien que pour stabiliser la mer d’Aral au niveau actuel, il faudrait 35 km3 d’eau par an: cinq fois plus que le débit des années 80. La restitution d’une telle quantité d’eau à l’environnement nécessiterait l’abandon de l’irrigation des terres marginales, une réduction des superficies cultivées en coton et en riz et une nette amélioration du rendement de l’irrigation. En fait, il faut bien reconnaître que l’eau du bassin de la mer d’Aral n’est pas suffisante pour satisfaire tous les besoins: dans ce genre de situation de pénurie, l’irrigation à bas rendement peut difficilement supporter la concurrence des autres utilisations.

Les Présidents des cinq nouveaux Etats indépendants du bassin de la mer d’Aral se sont rencontrés en 1994 et ont approuvé un plan d’action qui prévoit notamment la mise en place d’une stratégie régionale de gestion des eaux. Un des objectifs à moyen terme est d’améliorer les conditions sanitaires et écologiques dans la zone sinistrée qui entoure la mer d’Aral.

 

7.6 Les activités humaines peuvent dégrader les bassins versants d’altitude et exposer les sols à l’érosion par la déforestation, le surpâturage, la mauvaise gestion des terres arables; il faut ajouter à ces facteurs les mauvaises techniques d’exploitation forestière et de construction de routes, qui entraînent la sédimentation des rivières. On estime que plus de 200 millions de personnes vivent dans les montagnes, pour la plupart dans des conditions marginales, et y mènent des activités qui ont ou peuvent avoir des effets sur les ressources hydriques. Des efforts considérables et de gros investissements ont été consacrés depuis un demi-siècle à des projets et programmes de conservation des forêts, des sols et des eaux. Les résultats ont souvent été décevants, mais certains projets ont bien réussi et d’utiles enseignements ont été tirés de l’expérience.

7.7 On reconnaît en général qu’il est inutile de lancer des programmes de restauration qui s’attaquent aux symptômes de la mauvaise gestion des bassins versants au lieu d’en traiter les causes. Une des causes d’échec est que les améliorations locales dont bénéficient les populations misérables des zones d’altitude ne sont ni suffisantes ni équitablement réparties. La plupart des effets bénéfiques de l’amélioration des régimes hydrologiques se font sentir ailleurs, du fait de la stabilisation du débit des cours d’eau et de la réalimentation des aquifères souterrains. La lutte contre l’érosion en altitude est souvent hors de portée des agriculteurs de montagne et les avantages de la reforestation ont une trop longue période de gestation pour qu’ils puissent s’y intéresser. Quand l’aménagement du régime hydrique d’un bassin privilégie les populations d’aval aux dépens des populations d’amont, il ne peut pas être durable.

7.8 Il faut de nouvelles approches novatrices et plus efficaces de l’aménagement des bassins versants d’altitude, basées sur le principe d’une répartition équitable des avantages et des charges entre l’amont et l’aval. On a compris que la protection des cours supérieurs doit être intégrée dans les projets de mise en valeur des ressources, mais on ne dispose encore pas de bonnes méthodes d’évaluation économique des effets positifs en aval des mesures de conservation des sols et des eaux appliquées en amont ni du danger de l’inaction. Les effets de la foresterie et des travaux de conservation des sols et des eaux sur les barrages, les canaux et les ouvrages de génie civil sont mal compris et n’ont pas été chiffrés. La péréquation des coûts et des avantages à l’échelle de tout le bassin est impérative pour assurer la durabilité; cela fera probablement monter le coût des projets futurs de mise en valeur des eaux.

7.9 La politique forestière et les règlements écologiques concernant les forêts et les marécages ont des effets sur les approvisionnements en eau, les crues, les sécheresses, les durées de ruissellement et la qualité de l’eau. Ces politiques régissent des problèmes tels que les droits d’eau, le partage de l’eau et les conflits; mais il n’existe pas de bons outils d’évaluation. Les populations qui vivent en amont et celles qui risquent de perdre leurs logis et leurs moyens de subsistance pour céder la place à des infrastructures hydrauliques doivent participer aux décisions. Il faut repenser l’art et la science de l’aménagement intégré des bassins hydrologiques à la lumière des recommandations de la Conférence internationale sur l’eau et l’environnement et de la CNUED. Il faut notamment internaliser systématiquement le coût réel des ressources et de la dégradation de l’environnement et tenir compte des besoins et des aspirations des populations locales et autochtones. De plus, il faut que ces populations participent directement aux décisions et aient leur part des richesses créées par ces activités.

Aménagements hydrauliques et santé

7.10 L’eau favorise la propagation des bactéries et virus pathogènes. Elle joue également un rôle important dans la transmission des parasites, soit directement, soit en servant d’habitat aux vecteurs de ces parasites. Les maladies transmises par des vecteurs en présence d’eau sont particulièrement fréquentes dans les zones irriguées.

7.11 De toutes les maladies transmises par l’eau, la plus grave est le paludisme, tant par le nombre de décès qu’elle provoque que par le nombre de personnes infectées chaque année, dont la qualité de vie et la capacité de travail se trouvent diminuées. On estime qu’environ 2 milliards d’êtres humains vivent dans les zones impaludées et qu’environ 100 millions de personnes sont atteintes chaque année par la maladie. Quatre-vingt-dix pour cent des décès ont lieu en Afrique subsaharienne. La pharmacothérapie est devenue difficile ces dernières années parce que le parasite est résistant à certains médicaments utilisés depuis longtemps dans bien des régions du monde. La lutte contre les vecteurs est devenue moins efficace parce que certaines espèces d’anophèles ont acquis une résistance à des insecticides autrefois efficaces tandis que d’autres insecticides ont été interdits pour des raisons écologiques. Il faut prévoir dès la conception des aménagements hydrauliques des interventions viables et écologiquement rationnelles, basées sur des évaluations d’impact sanitaire.

 

Encadré 6
CULTURES ITINÉRANTES OU AGRICULTURE IRRIGUÉE

La déforestation irréversible dans des pays tels que le Laos et Madagascar est en grande partie due à un cycle toujours plus intensif d’agriculture sur brûlis pour la production vivrière.

La réduction des rendements oblige les pauvres à défricher des superficies toujours plus grandes, au prix d’un effort physique toujours plus pénible. Pour nourrir un village laotien de 1 000 habitants, il faut défricher chaque année 200 hectares de forêt, qui produiront 600 kg de céréales par hectare et par an pendant deux ans. Si l’on compte qu’il faut une jachère de cinq ans pour rétablir la fertilité des sols, le village a besoin au total de 1 000 hectares de forêt. Tout accroissement de la population et toute nouvelle réduction de la fertilité des sols ou perte de sols par érosion accroîtraient la superficie nécessaire.

Pour le même village, un périmètre irrigué de 100 hectares de rizières avec un rendement modeste (2 400 kg/ha en une récolte par an) permettrait d’assurer l’autosuffisance alimentaire. De plus, les paysans gagneraient beaucoup de temps puisqu’ils n’auraient plus besoin de défricher la terre et de sarcler les cultures pluviales: ils pourraient consacrer ce temps à d’autres activités lucratives. Si l’on accroît l’intensité de culture sur les terres irriguées (double récolte, apports d’engrais, variétés à haut rendement), la production agricole pourra encore augmenter et la dégradation de l’environnement provoquée par les cultures itinérantes ralentira beaucoup.

 

7.12 La schistosomiase (ou bilharziose) est presque aussi répandue que le paludisme, mais provoque rarement une mort immédiate. C’est une maladie débilitante chronique, provoquée par un nématode dont le cycle de vie comporte un stade dans un hôte intermédiaire, un escargot aquatique. On estime que la maladie est présente dans 74 pays et que quelque 200 millions de personnes en sont atteintes. Elle frappe particulièrement les enfants qui jouent dans de l’eau contaminée par l’hôte intermédiaire. Une grave atteinte de bilharziose à cet âge peut provoquer des lésions irréversibles de la vessie, des reins et du foie, qui sont susceptibles de provoquer une mort prématurée de nombreuses années après l’infection. A n’importe quel âge, la maladie provoque un malaise général et réduit la capacité de travail.

7.13 Le risque d’apparition de ces maladies augmente avec la mise en place de réseaux d’irrigation dans les cas suivants:

7.14 Ces maladies peuvent être combattues par divers moyens, dont certains ont un effet synergique. On distingue trois catégories d’interventions:

La lutte écologique est celle qui a l’effet le plus durable et qui est la moins dangereuse pour l’environnement. On peut citer plusieurs exemples d’interventions réussies d’aménagement de l’environnement visant à maîtriser les vecteurs.

Prévenir la dégradation des terres irriguées

7.15 De mauvaises pratiques d’irrigation peuvent faire remonter la nappe jusqu’à proximité de la surface, ce qui provoque l’engorgement du sol, noie les plantes et risque d’entraîner une salinisation secondaire quand les eaux souterraines ramènent vers la surface des sels dissous provenant des couches inférieures. En zone aride, les remontées d’eau et l’évaporation l’emportent souvent sur l’infiltration. Quand les eaux d’irrigation ou les eaux souterraines contiennent des sels, ceux-ci risquent de se concentrer dans les couches supérieures et de provoquer une toxicité suffisante pour réduire le rendement des cultures.

7.16 On estime qu’à l’échelle mondiale l’irrigation a entraîné une grave salinisation sur quelque 20 à 30 millions d’hectares. Environ 60 à 80 millions d’hectares souffrent à des degrés divers d’engorgement et de salinité. Une bonne partie de ces terres risquent de devenir improductives à moins que des mesures correctives ne soient prises.

7.17 Beaucoup de facteurs influent sur la salinité et la sodicité du sol, y compris la qualité et la profondeur de la nappe, les caractéristiques physiques du sol, les pratiques d’irrigation, la présence de drainage artificiel. En présence d’un excédent d’eau, dans un système où la capacité de drainage est réduite, le sol s’engorge et les sels se concentrent par évaporation.

7.18 Il est possible de limiter ou de maîtriser les risques de salinisation et de sodification en améliorant les pratiques d’irrigation, en construisant un réseau de drainage, en favorisant le lessivage des sels et par d’autres mesures d’aménagement foncier:

7.19 L’établissement d’un réseau de drainage au champ est coûteux, de même que celui d’un collecteur. L’entretien des drains demande beaucoup de temps aux agriculteurs et celui du collecteur coûte cher aux administrations locales. Toutefois, un réseau de drainage efficace est essentiel pour assurer la durabilité de l’agriculture irriguée. Le coût du drainage doit être ajouté aux frais normaux de fonctionnement et d’entretien du réseau d’irrigation.

7.20 Il est parfois très difficile d’éliminer les eaux de drainage. En général, la concentration en sels augmente graduellement d’amont en aval dans les grands cours d’eau, à mesure que viennent s’y jeter les eaux de colature. Quand la salinité des eaux d’irrigation atteint un certain seuil, il faut trouver d’autres solutions, comme l’acheminement des eaux de drainage par des collecteurs spéciaux jusqu’à la mer ou jusqu’à des étangs de décantation. Il appartient aux autorités de veiller à ce que les eaux de drainage soient évacuées sans danger. En particulier dans les régions où le secteur privé développe activement l’irrigation, le souci de rentabilité immédiate amène souvent à négliger le drainage. Il importe d’établir dès le début dans ces zones des infrastructures de base d’un système de collecteurs et d’en assurer l’entretien.


8. Actions prioritaires

8.1 La maîtrise de l’eau et de l’humidité du sol permet de pleinement réaliser le potentiel des variétés à haut rendement et des pratiques culturales améliorées produites par la recherche agronomique. Limitée par des contraintes naturelles, l’agriculture pluviale ne pourra pas satisfaire la demande croissante de produits alimentaires. La sécurité alimentaire risque d’être gravement compromise si l’irrigation n’est pas développée. L’eau est une ressource limitée et la liste des pays qui manquent d’eau augmente à mesure que les besoins approchent du volume maximal que peut produire le cycle hydrologique et que l’on se rend compte que l’environnement est lui aussi un usager de l’eau de plein droit. Grâce au commerce, les pays où la production vivrière est limitée par le manque d’eau peuvent consommer plus qu’ils ne produisent; mais les pays et régions défavorisés sur le plan commercial, parmi lesquels on compte beaucoup des pays où le paupérisme et l’insécurité alimentaire ont la plus forte incidence, devront activement promouvoir la production locale. Il existe des techniques efficaces permettant de maîtriser l’eau pour fournir au sol l’humidité dont il a besoin, mais elles doivent être adaptées aux conditions physiques et sociales locales. Pour accroître la production vivrière, il est essentiel d’investir dans les infrastructures hydrauliques, de continuer à réformer les institutions qui s’en occupent et de créer un environnement favorable. Les domaines d’action prioritaires sont les suivants.

Évaluation des ressources et des besoins

8.2 A un moment où la pénurie oblige à assurer une gestion des eaux de plus en plus précise et planifiée, les ressources hydriques et l’utilisation de l’eau sont étonnamment mal connues dans beaucoup de pays qui manquent d’eau, ce qui rend la planification plus précaire et accroît les coûts d’investissement. L’informatique, les satellites et les techniques modernes de communication permettent de recueillir des données complètes à peu de frais. Malheureusement, les programmes nationaux et internationaux de collecte des données ne bénéficient pas de financements suffisants et le manque de données, ou leur caractère approximatif, est utilisé comme prétexte pour reporter les décisions en matière d’aménagement hydraulique. Un programme de mise en valeur des eaux exige une longue période de gestation entre la conception et le moment où le réseau fonctionne en régime de croisière. Les gouvernements peuvent établir des services de taille limitée, mais fonctionnels, chargés de rassembler systématiquement les données d’importance stratégique tandis que la communauté internationale et les donateurs pourraient s’entendre sur les besoins d’information et les ressources à allouer à cette activité.

8.3 Il est urgent que les gouvernements, les associations de producteurs et les organisations internationales déterminent, compte tenu des spécificités de chaque pays, le potentiel d’accroissement durable de la production vivrière que recèlent les ressources nationales en terre et en eau. Il sera alors possible de déterminer où les ressources en eau peuvent être utilisées de façon plus intensive et plus productive et où au contraire l’intensité actuelle d’utilisation risque de n’être pas durable. Un effort particulier sera nécessaire pour développer les capacités dans les pays à bas revenus et à déficit vivrier (bases de données, systèmes et instruments d’optimisation des décisions).

Politiques

8.4 A l’aube d’une ère de pénurie de plus en plus généralisée, les politiques d’exploitation et de répartition de l’eau héritées d’une ère d’abondance doivent être révisées. Il ne saurait y avoir de politique sociale sans structures institutionnelles d’allocations de l’eau. Les arbitrages sont différents selon l’importance attachée aux divers objectifs dans chaque société. La politique de l’eau, notamment dans les aspects intéressant la sécurité alimentaire, ainsi que les stratégies utilisées pour l’appliquer, relève des autorités nationales et parfois provinciales. Toutefois, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et les donateurs peuvent aider à la réexaminer et à renforcer les capacités.

8.5 Les politiques, les institutions, les lois et les règlements doivent promouvoir une utilisation durable, rentable et socialement équitable de l’eau. Celle-ci n’est pas seulement un bien économique: l’accès à l’eau est aussi un droit de l’homme. Un système efficient d’allocation de l’eau doit prévenir les abus et les pratiques monopolistiques. Quand l’eau devient une ressource précieuse, il faut que les droits d’utilisation soient garantis par la loi de façon à promouvoir les investissements privés. Pour établir des titres juridiques et surveiller les allocations et, éventuellement, le marché de l’eau, il faut des institutions efficaces et compétentes. Les donateurs sont bien placés pour donner des avis aux pays qui s’emploient à se doter du cadre institutionnel et juridique nécessaire à une gestion économique et pour l’essentiel privatisée des eaux.

8.6 La totalité des eaux superficielles et souterraines d’un même bassin constitue un ensemble interdépendant en raison des relations amont-aval et des mélanges qui modifient la qualité de l’eau: l’aménagement hydraulique doit donc de préférence se faire à l’échelle du bassin. Les agences de bassin doivent être habilitées à imposer des règlements, mais ne doivent pas intervenir directement dans la mise en valeur. D’une façon générale, il faudrait encourager des séquences d’utilisation déterminées par les exigences qualitatives des utilisateurs successifs.

8.7 Les objectifs à atteindre d’ici l’an 2010 au moyen d’un ensemble approprié de politiques et plans nationaux et régionaux sont les suivants: accroissement d’au moins 20 pour cent du rendement de l’eau; investissement dans l’hydraulique agricole de façon à accroître les superficies irriguées d’environ 1,1 pour cent par an (soit un total de 40 millions d’hectares d’ici 2010) et bonification de 10 millions d’hectares de terres engorgées et salinisées.

Recherche, transfert de technologies, renforcement des capacités et vulgarisation

8.8 Grâce aux progrès de l’informatique, de la télédétection et des communications, la recherche sur la mise en valeur des eaux et l’irrigation a permis de mettre au point des techniques plus efficientes et peu coûteuses de petite irrigation et de maîtrise de l’humidité du sol. De nouveaux progrès technologiques permettront de continuer à rendre plus fiable et plus précise la maîtrise de l’eau de façon à optimiser le rendement de cette ressource limitée. Les pays développés de la zone tempérée devraient développer les recherches technologiques en partenariat pour répondre aux besoins des pays en développement des zones tropicales et arides. Il est nécessaire d’intégrer la recherche technologique et la recherche sociologique: les techniques d’irrigation doivent être utilisées par les agriculteurs, mais leurs desiderata ont trop souvent été ignorés ou mal compris dans les pays en développement. Ces derniers devraient inciter les institutions publiques et privées de recherche hydraulique à privilégier les aspects concernant l’assimilation du progrès technologique dans le contexte local.

8.9 Les interactions complexes entre les aménagements hydrauliques et l’environnement aquatique sont mal comprises. On ne peut pas prélever la totalité de l’eau des cours d’eau et des lacs. Une certaine quantité d’eau doit continuer à suivre son cours naturel pour sauvegarder l’intégrité des systèmes aquatiques et la diversité biologique. On a trop souvent ignoré cet impératif, et l’environnement en a beaucoup souffert: sa restauration, à supposer que les dégâts ne soient pas irréversibles, n’est jamais complète. Il y a beaucoup de cas différents selon les régions et les bassins hydrologiques. Il faudrait un effort de recherche pour mieux comprendre les systèmes aquatiques et pouvoir rationaliser la planification et l’aménagement de façon à optimiser les projets et assurer la protection de l’environnement.

8.10 Le transfert des technologies est un processus d’apprentissage qui va dans les deux sens. Les fondations de la technologie sont invariantes, mais les applications peuvent prendre des formes différentes. Il faut établir des ponts entre les instituts de recherche des pays développés et les paysans des pays en développement pour assurer la valorisation technologique, environnementale et sociale de la recherche. A notre époque de généralisation des communications électroniques dans les pays en développement, les conditions sont plus favorables que jamais dans l’histoire à cette valorisation. La création de systèmes peu coûteux de communications multilatérales entre les administrations, les instituts de recherche et les groupes communautaires et même éventuellement les agriculteurs individuels pourra puissamment aider le transfert des techniques et donc l’amélioration de la gestion des eaux. De même, les communications préparent le terrain à une intensification de la coopération Sud-Sud. Les gouvernements devraient tirer un parti maximum de ces nouvelles possibilités et les donateurs devraient appuyer le développement des infrastructures nécessaires à cet effet.

Infrastructures et investissement

8.11 Il n’y a guère de chance que l’on puisse accroître la production vivrière dans les proportions voulues sans investir dans les infrastructures hydrauliques avec l’appui d’institutions transformées. Les infrastructures hydrauliques ne doivent pas être développées isolément mais dans le cadre de programmes intégrés de développement zonal. Le secteur public doit conserver la responsabilité de la construction et de l’exploitation des barrages, des ouvrages de dérivation, des canaux primaires et des grands collecteurs, tandis que les associations d’irrigants et le secteur privé assureront la gestion et éventuellement la construction des réseaux de distribution à l’exploitation. Il faut trouver des formules novatrices de financement de l’irrigation. En même temps, il est essentiel que les donateurs, les gouvernements et les organismes d’aide recommencent à investir davantage dans l’irrigation.

8.12 Le succès de l’irrigation dépend au moins autant de facteurs économiques et de la présence de services adéquats que de la technologie. Les échecs du passé sont en partie imputables aux carences des systèmes de commercialisation et d’entreposage, de l’économie des produits agricoles et du crédit. Ces carences doivent être corrigées moyennant de bonnes politiques macroéconomiques pour stimuler la production et assurer la rentabilité des projets.

8.13 Il est possible et nécessaire de réduire le coût du développement de l’irrigation, notamment en ayant recours à des bureaux d’étude et des entreprises nationaux; il faudrait également promouvoir la fabrication locale des matériaux et équipements nécessaires. Les gouvernements devraient encourager le développement d’une industrie locale de l’irrigation avec des services après-vente efficaces.

Nécessité d'un environnement porteur

8.14 Une politique macroéconomique saine propre à promouvoir les investissements et la rentabilité dans le secteur agricole ainsi qu’un soutien technique (public ou privé) de qualité sont essentiels à l’accroissement de la production. Une gestion privilégiant le service, dans un contexte de rationalité économique et de rentabilité, est un moyen très efficace d’assurer l’entretien et l’efficience de systèmes d’irrigation qui soient capables à la fois de répondre à la demande du marché et de s’adapter aux changements. Des syndics affranchis du joug de la bureaucratie officielle peuvent appliquer les méthodes du secteur privé pour fournir aux agriculteurs des services efficaces, économiques et ponctuels. Il faut toutefois que les gouvernements conservent la responsabilité des décisions de politique générale et veillent à ce que les régisseurs honorent leurs obligations contractuelles.

Sauvegarde des ressources naturelles

8.15 Il est essentiel de remettre en état, de protéger et de surveiller les ressources naturelles aussi bien dans les zones de production vivrière que dans les forêts et les bassins versants adjacents. Les politiques, les institutions et le cadre réglementaire doivent être adaptés de façon à créer des incitations économiques et sociales propres à amener les producteurs et les autres agents de la filière alimentaire à réduire la dégradation et adapter des pratiques d’aménagement viables. Il faudra pour cela des investissements nationaux, appuyés par une coopération technique internationale et régionale plus intense.

8.16 Pour protéger les régimes hydrologiques et réduire les risques d’inondations destructrices et d’érosion, il importe de freiner le déboisement des bassins versants d’altitude. Il faut préserver la contribution que la forêt, les arbres et la sylviculture apportent à la sécurité alimentaire sous forme d’aliments, de plantes médicinales, de fourrages et d’éléments fertilisants. L’intensification – grâce à l’irrigation – de la production sur des terres agricoles déjà exploitées pourra freiner les empiètements de l’agriculture pluviale sur les terres forestières.


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Notes

(6) Plusieurs auteurs citent des moyennes composites du coût des nouveaux projets et de la remise en état de périmètres existants dans les différentes régions du monde en développement. Le coût des nouveaux projets varie entre 1 400 dollars EU par hectare en Asie du Sud et 18 300 en Afrique subsaharienne. Les coûts de remise en état vont de 520 dollars EU à 2 900. La plupart des projets étudiés sont des réseaux d’irrigation gravitaire de taille moyenne à grande, avec maîtrise complète de l’eau.

(7) Par exemple, l’inclusion des infrastructures non productives dans le projet de polder au Tchad a fait monter les coûts de 150 pour cent (Brown et Nooter, 1992).

(8) L’ordre de grandeur des coûts indiqués par la FAO est confirmé par des grands et moyens réseaux (de 1 500 à 150 000 hectares) en projet ou construits récemment en Asie du Sud et de l’Est. Le coût moyen des nouveaux aménagements est de 1 490 dollars EU par hectare (l’éventail va de 810 à 2 530 dollars EU) au Viet Nam et de 2 600 dollars EU (950 à 3 600) en Inde. Le coût moyen de la remise en état est de 450 dollars EU par hectare (160 à 3 200) au Viet Nam et en Chine. Les grands réseaux récemment construits en Afrique, à proximité de cours d’eau, en particulier en Afrique de l’Ouest, avec des ouvrages de protection contre des inondations, ont coûté de 2 000 à 6 500 dollars EU par hectare, selon le degré de maîtrise de l’eau et les conditions locales. Les travaux comprennent généralement la construction de digues, de canaux, de drains et d’ouvrages de régulation et le nivellement du terrain. Ces coûts sont deux à trois fois plus élevés que le coût moyen de projets analogues en Asie. Cela tient en partie à ce qu’en Asie les grandes digues de protection contre les inondations, qui sont nécessaires dans la plupart des projets, et qui représentent une proportion importante des coûts (jusqu’à 30 pour cent), ont été construites il y a longtemps et sont rarement incluses dans les nouveaux projets.

(9) Pour la construction d’un déversoir, on a examiné diverses solutions techniques, dont une faisant appel au maximum aux matériaux locaux.

Une petite vanne-secteur utilisée pour irriguer 193 hectares de rizières ne suffisait pas à retenir les crues. Il a fallu prolonger les ouvrages de dérivation de 25 m au moyen d’un déversoir en béton, mais les travaux n’ont pas pu être achevés parce que les fondations n’étaient pas assez solides. Il a donc fallu étudier l’état des fondations (bien évidemment, les sondages auraient du être faits beaucoup plus tôt, avant d’établir les plans du déversoir; c’est là un exemple de planification sur la base de données insuffisantes). On a constaté que les fondations avaient une résistance suffisante, mais que des infiltrations pourraient se produire et provoquer un phénomène de renard. L’étude des fondations a amené à engager des consultants étrangers qui ont proposé un projet comportant la construction d’un barrage déversoir, d’un rideau de palplanches avec mur parafouille, d’un mur en aile en maçonnerie à côté du déversoir existant et d’une digue protégée de gabions et de perrés. Le coût des travaux était estimé à 187 500 dollars EU. Comme c’était trop cher et que les équipements et les compétences nécessaires pour construire le rideau de palplanches n’étaient pas disponibles localement, on a étudié d’autres solutions.

Le nouveau projet d’aménagement des ouvrages de prise d’eau comportait une utilisation maximum de matériaux et de personnel local, mais la solution technique choisie ne modifiait ni la sécurité ni les fonctions de l’ouvrage. Il a été décidé de construire un déversoir en gabions qui fermerait le cours de la rivière sur 23 m. Les coûts de construction se sont élevés à 107 500 dollars EU (soit 57 pour cent seulement du devis original). L’ouvrage fonctionne depuis plus de dix ans sans problème et sans exiger un travail excessif d’entretien.

(10) Une solution de ce genre pourrait aussi être envisagée pour beaucoup de projets de remise en état: les gros ouvrages seraient assurés à l’échelon central, mais on s’en remettrait aux irrigants pour les aménagements aux champs.

(11) Il faudra tenir compte des enseignements qui se dégagent de l’évaluation des projets d’irrigation pour tout nouvel investissement dans la modernisation ou la remise en état de réseaux existants. Une des leçons les plus importantes de l’expérience est qu’il faut parachever les projets (y compris le drainage, les rigoles de distribution aux champs et le nivellement) et traiter la totalité de la zone de réception, y compris les zones d’amont non irriguées, et mettre en place des mécanismes assurant l’entretien du réseau pendant toute sa durée de vie.