10. Investissement dans le secteur agricole: évolution et perspectives

Documents d'information technique
© FAO, 1996


4. Vers une stratégie internationale d’investissement

Actions prioritaires

4.1 Si l’on veut que la croissance des disponibilités vivrières globales aille de pair avec celle de la population mondiale et de la demande, il est indispensable que l’investissement agricole progresse au même rythme. Etant donné que les investissements agricoles concernent les systèmes biologiques et les modifications du comportement humain, la plupart des investissements agricoles ont une maturation lente. Toute stratégie pour l’avenir devra donc prendre en considération deux données fondamentales. Premièrement, les investissements nécessaires doivent être faits suffisamment à l’avance. Deuxièmement, l’investissement est à lui seul un instrument trop lent pour satisfaire aujourd’hui les besoins des personnes actuellement sous-alimentées.

4.2A l’avenir, la plus grande partie des investissements requis devront provenir de sources intérieures. Les parties de l’Afrique subsaharienne où le potentiel d’épargne est extrêmement faible devront s’obliger en outre à prendre des mesures stimulant l’investissement intérieur dans l’agriculture, au niveau des ménages agricoles. Des efforts continus doivent être faits dans tous les pays les moins avancés pour identifier et éliminer les distorsions qui créent une discrimination à l’encontre de l’agriculture. La suppression de la discrimination pro-urbaine signifie l’abandon de la protection industrielle et des taux de change surévalués et le traitement équitable des zones urbaines et rurales en ce qui concerne l’infrastructure et les services22. Les transferts généralisés de revenus au moyen de subventions et d’interventions publiques sur les marchés doivent être remplacés par des aides ciblées en faveur des pauvres et par des dépenses de développement stimulant la croissance. Pour accroître l’efficacité et le sens de la propriété, il faut que les administrations locales et les communautés rurales aient les moyens de planifier et de réaliser leurs propres investissements. Les gouvernements devront continuer à adapter leurs rôles à leur nouveau mandat postajustement structurel. Il faudra envisager la privatisation des services de soutien à moins qu’ils ne soient mis en oeuvre pour le bien public. Ce serait le cas de la recherche et de la vulgarisation destinées aux petites exploitations agricoles ou traitant de questions de durabilité à plus long terme, de la création de routes rurales et de la mise en place de services d’assainissement, d’éducation et de santé. Les marchés financiers ruraux devront être renforcés pour prendre en charge les services financiers dont les communautés rurales ont besoin. Le fait que des services soient financés par des fonds publics n’implique pas nécessairement que la fourniture de services proprement dite sera confiée à un organisme public. Souvent la sous-traitance au secteur privé dans des conditions d’appel d’offres concurrentiel sera meilleur marché que des travaux effectués sans adjudication.

Amélioration immédiate de la sécurité alimentaire des ménages

4.3Dans la pratique, la seule façon de traiter les problèmes immédiats de ceux qui ont faim aujourd’hui, c’est d’augmenter l’aide alimentaire ciblée.23 On connaît parfaitement les moyens d’action possibles, qu’il s’agisse de programmes d’alimentation scolaire, de programmes visant les mères et les nourrissons ou les personnes déplacées, ou encore de projets vivres-contre-travail. La quantité d’aliments nécessaires, théoriquement, aux programmes ciblés pour répondre à l’ensemble des besoins – environ 30 millions de tonnes par an à l’heure actuelle – paraît bien faible par rapport aux disponibilités mondiales (près de 2 milliards de tonnes de céréales); mais le ciblage en lui-même, l’organisation de l’aide et le soutien logistique requis pour atteindre tous les nécessiteux représentent une tâche colossale. Si des conditions favorables à la croissance agricole peuvent être maintenues, il est probable que, les quantités d’aliments nécessaire pour faire face aux crises alimentaires diminueront à l’avenir, plutôt que d’augmenter. Ce ne sont ni les disponibilités alimentaires ni les investissements qui manquent, mais bien la volonté politique – au plan tant national qu’international – de lancer des programmes alimentaires ciblés à l’échelle requise. Les pays en développement les plus prospères peuvent disposer des aliments pour de tels programmes nationaux en utilisant les excédents de la production nationale ou les importations commerciales. Les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV) seraient, à court terme, les principaux bénéficiaires d’une distribution alimentaire sélective par l’intermédiaire de l’assistance internationale.

Renforcement de la sécurité alimentaire dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier

4.4 Les déficits alimentaires chroniques des PFRDV représentent un défi majeur sur la voie de l’amélioration de la sécurité alimentaire au niveau mondial. Afin de dépendre le moins possible d’achats de vivres importés ou d’aide alimentaire ciblée, ces pays doivent lancer des programmes d’investissement prioritaire pour rapprocher leur production vivrière intérieure des besoins nationaux, autant que peuvent le permettre leur patrimoine naturel et leur avantage économique comparatif. Dans de nombreux cas, il est possible de créer les conditions voulues pour une hausse relativement rapide de la production. Les changements de politiques améliorant la rentabilité des exploitations agricoles peuvent avoir l’impact le plus rapide. La mise en place d’incitations plus fortes peut aider les agriculteurs à adopter des techniques de production intensive et durable ou de suivre de nouvelles approches pour l’entreposage, la transformation et la commercialisation. Dans les cas où l’insécurité alimentaire chronique est essentiellement un fait rural, ces actions peuvent avoir un impact important sur la sécurité alimentaire au niveau à la fois national et individuel. Elles doivent être assorties d’autres mesures, favorisant la production mais pas nécessairement dans le secteur agricole, l’objectif étant d’élever les revenus des membres les plus pauvres des populations urbaines et rurales – et d’améliorer ainsi leur accès à la nourriture (voir encadré 6).

 

Encadré 6
INVESTISSEMENT DANS L'AGRICULTURE ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

La sécurité alimentaire ajoute une dimension d’équité à l’investissement et à la croissance agricoles. Le critère d’accès à la nourriture qui constitue l’un des éléments fondamentaux de la sécurité alimentaire, avec la disponibilité et la stabilité des approvisionnements requiert des mesures de lutte contre la pauvreté. Le fait que des individus vivant dans une pauvreté absolue soient incapables d’exprimer pleinement leurs demandes sur le marché explique que la faim et les excédents alimentaires puissent coexister. On établit une distinction entre la sécurité alimentaire au niveau national et au niveau des ménages, et entre l’insécurité alimentaire chronique et transitoire.

Pour remédier à l’insécurité alimentaire chronique, il faut en premier lieu une croissance durable des revenus. Pour essentielle qu’elle soit, la croissance économique généralisée n’est pas suffisante. On sait parfaitement aujourd’hui qu’en raison des rigidités institutionnelles et des carences du marché, l’effet de ruissellement de la croissance économique peut être insuffisant pour atteindre les pauvres. Il faut absolument créer des programmes ciblés pour les pauvres, générateurs de revenus ou d’aide supplémentaire, pour obtenir une croissance équitable. Le seul moyen durable d’assurer la sécurité alimentaire des pauvres est d’accroître leurs droits à la nourriture. Cela peut être réalisé par l’augmentation de leur capacité de générer des revenus, c’est-à-dire, de la productivité de leur travail, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’agriculture, grâce à l’investissement dans l’infrastructure et les ressources humaines. L’une des difficultés principales est l’identification des populations à risque. Les organisations internationales d’aide ont, au cours de la dernière décennie, amélioré des méthodes pour axer les programmes sur les nécessiteux. La gamme de ces programmes peut être très vaste. Outre l’adaptation des techniques agricoles disponibles aux caractéristiques des agriculteurs ayant peu de ressources, cela comprend des travaux publics à forte intensité de main-d’œuvre dans les régions pauvres, la promotion de marchés financiers ruraux pour faciliter l’accès des pauvres au crédit, toutes les mesures permettant d’améliorer la santé et l’instruction primaire, en particulier pour les filles, l’information nutritionnelle, la distribution de terres domaniales et la réforme agraire pour améliorer l’accès des pauvres aux ressources, ainsi que toutes les mesures destinées à la décentralisation et à la participation des pauvres aux programmes de développement. Dans les zones à faibles ressources et à forte croissance démographique, l’émigration peut être le seul moyen de réaliser la sécurité alimentaire.

L’insécurité alimentaire transitoire apparaît quand les stocks vivriers sont insuffisants pour durer jusqu’à la prochaine récolte, quand les aléas climatiques provoquent de grandes fluctuations des récoltes ou quand surviennent des situations d’urgence comme les guerres et les catastrophes naturelles. Les besoins de liquidités obligent parfois les populations à vendre après la récolte une partie des stocks vivriers nécessaires pour la consommation des ménages et les semences; une solution a été recherchée dans les pays sahéliens avec la création de banques de céréales, qui offrent au moins l’avantage de conserver les stocks vivriers dans la région, et d’éviter aux populations de devoir les racheter à l’extérieur à un coût élevé en fin de saison de mévente. De tels efforts ont souvent été contrecarrés par des problèmes de gestion et de liquidités, et l’expérience n’est pas uniformément positive. Plus commune est l’émigration saisonnière, des hommes en particulier, qui permet d’obtenir des revenus hors-exploitation pendant la période de soudure. En général, les femmes, les enfants et les vieillards demeurent au village, et des actions spéciales sont nécessaires pour assurer leur sécurité alimentaire. Lorsque l’émigration saisonnière est limitée par la rareté des possibilités d’emploi, les travaux publics en période de soudure peuvent améliorer la situation, à condition qu’ils ne coïncident pas avec le moment des semis. Si l’insécurité alimentaire transitoire est due à des situations d’urgence comme les guerres et les catastrophes naturelles, une aide alimentaire directe peut contribuer à restaurer la santé et la productivité de la population concernée. On constate de plus en plus que la gravité des catastrophes naturelles est en grande partie provoquée par l’homme. Ces phénomènes sont aggravés par la pression démographique et le manque de préparation des gouvernements, et ils peuvent être tempérés par les systèmes d’alerte rapide et des précautions appropriées comme la disponibilité en temps voulu de moyens de transport, de fournitures médicales et de crédits pour des importations alimentaires exceptionnelles, et la constitution de stocks vivriers d’urgence dans les zones affectées. De plus, la coordination de l’aide internationale peut contribuer fortement à améliorer l’efficacité des secours fournis.

Au niveau national, la sécurité alimentaire exige l’augmentation du degré d’autosuffisance. Si l’autosuffisance augmente, des devises étrangères affectées aux importations alimentaires commerciales peuvent être dégagées et investies dans la diversification économique, génératrice de croissance. Un autre effet concerne la conservation des ressources naturelles. Ceux qui sont exposés à l’insécurité alimentaire sont plus susceptibles de détruire leur environnement que les autres. Il est également important d’assurer un accès équitable à la terre et la sécurité des droits de propriété. Il s’agit, en grande partie, d’adopter des mesures au plan national pour éviter une discrimination antirurale. Les personnes les plus pauvres vivent encore principalement dans les zones rurales, et une croissance agricole largement répartie peut nettement contribuer à atténuer la pauvreté rurale. Toutefois, la pauvreté rurale et la pauvreté urbaine ne sont pas deux problèmes opposés, qui doivent entrer en concurrence pour attirer l’attention et les fonds des décideurs: dans la plupart des pays en développement la pauvreté urbaine est une conséquence de la pauvreté rurale et elle est alimentée par l’exode rural, les coûts élevés de la vie dans les villes pour les pauvres et les contraintes commerciales pour les produits et services non agricoles offerts par le secteur urbain. L’amélioration des termes de l’échange en faveur de l’agriculture est un moyen d’atténuer la pauvreté rurale. Cela est utile, en particulier, lorsque la plupart des pauvres se trouvent dans les zones rurales et ont accès aux facteurs de production agricole, en particulier à la terre. De telles conditions prévalent encore dans la majorité des pays en développement. Avec l’urbanisation rapide et incontrôlée, et l’accroissement du nombre de paysans sans terre dans certains pays, la situation évolue et nécessite des mesures additionnelles. Pour aider à combattre l’insécurité alimentaire, il faut que la production vivrière soit avantageuse pour les producteurs, mais aussi abordable pour les consommateurs. La sécurité alimentaire passe donc par l’accroissement continu de la productivité des facteurs de production et par des mesures incitatives au niveau des prix.

Il peut être coûteux de tendre vers l’autosuffisance alimentaire dans des conditions de désavantage comparatif. Selon la théorie économique classique, chaque pays devrait trouver un avantage comparatif quelque part. Toutefois, il a été souligné (Daly, 1993) que cette théorie n’est valable qu’en l’absence de mouvements de capitaux internationaux. Si un pays se trouve dans une situation de désavantage absolu dans toutes les activités économiques pertinentes, il pourrait bien choisir l’option «vivres d’abord». En pareil cas, et en cas de désavantage compétitif, c’est-à-dire, de désavantage qui n’est pas dû à un problème de disponibilité ou de coûts relatifs des facteurs, mais à des distorsions commerciales nationales ou internationales, on peut justifier un degré minimum d’autosuffisance dans les pays à faibles ressources, même si la rentabilité des investissements est inférieure à la normale. Lorsque cela est nécessaire, il faut procéder avec beaucoup de discernement, évaluer en détail les solutions possibles et être attentif aux implications concernant la durabilité de telles mesures. Le coût d’opportunité du travail étant en général faible dans les pays concernés, la production à forte intensité de main-d’oeuvre sera évidemment prioritaire.

Les pays pauvres à déficit vivrier peuvent être amenés à protéger leurs consommateurs de l’instabilité des cours du marché mondial en stabilisant les prix intérieurs des produits de base. En cas d’urgence nationale, on peut avoir recours à des prêts spéciaux comme les Facilités de financement compensatoire et de financement pour imprévus du FMI. On considérait auparavant que les stocks régulateurs dans les pays vulnérables contribuaient de façon importante à la sécurité alimentaire nationale. Cette opinion s’est modifiée, car souvent les coûts élevés que supposent le maintien de stocks alimentaires ne sont pas justifiés en comparaison des coûts qu’il faudrait engager pour importer des aliments dans une situation d’urgence, même à un prix considérablement plus élevé que la moyenne. Actuellement, on mise davantage sur les alertes rapides, sur les prêts d’urgence/d’imprévus et sur le bon fonctionnement du système commercial international ainsi que sur les réserves liquides. Selon les projections de la FAO, la demande céréalière des pays en développement augmentera de 550 millions de tonnes au cours de la période 1990-2010 et les besoins d’importation nette, de plus de 70 millions de tonnes, ajoutant ainsi de 10 milliards à 20 milliards de dollars EU à la facture d’importation des pays en développement. Les PFRDV n’ayant bien souvent pas d’autres solutions à court terme, ni même à moyen terme, pour obtenir les devises étrangères nécessaires à l’importation des aliments dont ils ont besoin, il est indispensable que la communauté internationale examine les moyens de satisfaire leurs besoins en combinant aide alimentaire ou accords financiers spéciaux et appui au développement des possibilités de production.

 

4.5 Partout où cela est possible, l’aide alimentaire d’urgence ciblée doit être intégrée aux initiatives ci-dessus destinées à réduire les déficits vivriers chroniques des PFRDV. Les programmes vivres-contre-travail peuvent être utilisés pour construire les nouvelles liaisons routières, les nouveaux marchés ou infrastructures d’irrigation dont dépendra en partie la croissance future de la production.

4.6 Dans la plupart des PFRDV, les coefficients d’épargne intérieure resteront faibles et l’accès aux crédits commerciaux internationaux limité. Ainsi, le secteur privé et le secteur public auront tous deux des difficultés, au moins à court et moyen termes, à financer les investissements nécessaires pour répondre aux nouvelles possibilités de production, même si le pays en question bénéficie d’un avantage économique comparatif. L’aide extérieure restera nécessaire, sous la forme de subventions ou de prêts à des conditions préférentielles. Il faudra absolument que les gouvernements appuient ou stimulent le changement technologique afin d’encourager les bénéficiaires les plus vulnérables – ceux qui pratiquent quasiment une agriculture de subsistance dans les zones à faibles ressources – à accepter les risques découlant d’une intensification de leurs systèmes traditionnels. Parallèlement, vu les mauvaises conditions d’existence dans ces pays, une importance particulière doit être donnée aux investissements dans les services ruraux de santé, d’éducation et de protection sociale.

Renforcement de la sécurité alimentaire mondiale

4.7 Une fois satisfaits les besoins urgents des pauvres sous-alimentés et des pays où l’insécurité alimentaire est chronique, l’étape suivante consiste à réunir les investissements supplémentaires indispensables pour accroître la production vivrière et permettre aux populations des pays en développement d’accéder à ces disponibilités accrues. Il faudrait des investissements supplémentaires d’environ 31 milliards de dollars par an pendant les 20 prochaines années, par rapport aux niveaux actuels. Sur ce montant annuel, 24 milliards de dollars devraient provenir d’investissements privés. Pour mobiliser des ressources privées supplémentaires il faudra donner aux ménages agricoles des stimulations et des signaux, en introduisant des mesures appropriées qui encouragent l’épargne privée et augmentent la confiance en l’avenir des petits agriculteurs.

4.8 L’investissement public doit avoir pour objectif de transférer de nouvelles techniques de production et de créer les conditions nécessaires à leur mise en place car la croissance des revenus et de la production en dépend. Pour réaliser des progrès, il faudra suivre deux axes: maintenir les gains de la révolution verte et pousser plus avant, là où le patrimoine naturel et les conditions socioéconomiques le permettent; et introduire de nouveaux systèmes permettant une intensification durable dans les régions moins dotées en ressources, où la productivité est moindre. Le savoir-faire et les moyens matériels de production doivent être assurés. Dans un cas comme dans l’autre, on s’attachera à améliorer l’efficacité de l’utilisation des facteurs de production limitants – qu’ils soient d’origine naturelle ou humaine. Chaque pays décidera de la répartition des nouveaux investissements entre régions à fort potentiel et régions à moindre potentiel, en fonction de l’efficacité relative de l’utilisation des facteurs de production dans des contextes différents, ainsi que de l’équilibre souhaité entre les gains de production et les progrès sociaux. Si l’agriculture est perçue comme un secteur moins intéressant pour les investissements, cela est dû à la persistance des distorsions au niveau des politiques et à la discrimination des préventions antiagricole. L’attrait relatif de l’agriculture peut être largement renforcé par l’adoption de mesures non discriminatoires et par la reconnaissance de son rôle de régulateur social dans des situations de croissance démographique rapide.

4.9 L’investissement privé continuera de prédominer pour les actifs immobilisés et l’équipement, la fourniture et la distribution des intrants industriels, la transformation, l’entreposage et le transport. Il doit intervenir de manière accrue dans d’autres domaines où les profits peuvent être privés, et où le secteur public doit donc poursuivre son retrait. En outre, si l’occasion et les moyens lui sont donnés, le secteur agricole est aussi tout à fait capable de répondre à de nouvelles possibilités, notamment de se tourner vers des produits à valeur plus élevée (fruits et légumes, viande et produits laitiers) ou d’offrir des services de transformation pour lesquels la demande augmente dans les économies en expansion et en voie d’urbanisation.

4.10 Des initiatives privées pourraient être prises dans les domaines suivants: secteurs spécifiques de la recherche agricole, vulgarisation pour ceux qui ont les moyens de payer, création, exploitation et entretien d’une part plus grande de l’infrastructure d’irrigation, services plus nombreux au niveau de l’exploitation, éléments d’infrastructure économique ou sociale dans les zones rurales, et financement rural. Des associations ou des communautés, plutôt que des personnes physiques ou des entreprises commerciales, peuvent prendre le relais des organismes publics. Les ONG peuvent également jouer un rôle important en aidant les individus et les communautés à s’organiser pour assumer leurs nouvelles responsabilités.

4.11 La part de l’investissement public doit rester souple et adaptée à la situation de chaque pays, mais elle devra diminuer quand cela est possible. Même si sa contribution financière diminue, l’Etat jouera vraisemblablement un rôle accru. Si l’élargissement prévu de la participation du secteur privé à la croissance agricole doit devenir une réalité dans un plus grand nombre de pays en développement, il faut absolument des politiques publiques éclairées et efficaces, appuyées par une autorité effective. Aucun de ces points n’entre dans le sujet spécifique de ce document, mais leurs implications ont été constatées à maintes reprises: des incitations adéquates, des types de risques acceptables, et un cadre stable pour les transactions commerciales doivent être mis en place. En outre, il reste de nombreux investissements nécessaires à la croissance agricole, dont les retombées ne peuvent pas être accaparées par des privés, ou alors seulement en partie. Ces investissements resteront nécessairement du domaine public, car les gouvernements ne pourront se permettre de les négliger. Dans certains cas, comme l’élaboration et l’expérimentation de nouveaux systèmes de production durable dans les zones à faibles ressources, l’expansion de grands périmètres d’irrigation, ou l’amélioration et la mise en service d’infrastructures rurales mineures, les investissements seront partagés avec les bénéficiaires. D’autres investissements devront être entièrement financés par l’Etat, notamment pour les services de vulgarisation destinés aux ruraux pauvres, ou pour le suivi, la réglementation et la protection des ressources naturelles dans les zones agricoles. La répartition des responsabilités publiques et privées, examinée ci-dessus aux paragraphes 2.62 et 2.63, doit aussi être prise en compte à l’heure de faire des choix.

Engagements renouvelés pour le progrès

4.12 Les actions prioritaires énumérées ci-dessus sont la confirmation de tendances qui s’accentuent déjà dans de nombreux pays. Le débat ne porte pas uniquement sur le point de savoir s’il est réaliste d’envisager une augmentation du financement public du développement, compte tenu de l’insécurité alimentaire grandissante des pays les moins avancés; il faut aussi déterminer si les pays ont la volonté politique de procéder à des réformes structurelles favorisant l’agriculture, qu’une aide extérieure supplémentaire soit ou non disponible. Cela conduirait à une plus grande maturité et autonomie économique, indépendante des humeurs et des décisions au sein de la communauté internationale des donateurs. La viabilité des décisions et la réussite de la mise en oeuvre d’investissements efficaces ne pourront être assurées qu’avec le consensus de tous les intéressés – privés et publics, à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Comme les investissements agricoles portent sur le long terme, ce consensus doit être durable et les engagements, une fois pris, doivent être tenus. C’est alors seulement que la contribution attendue des investissements privés se matérialisera et que les programmes d’encadrement des pouvoirs publics porteront leurs fruits.

4.13 Les alliances essentielles doivent être renforcées et de nouvelles alliances, conclues.

Le rôle de la FAO

4.14 La FAO continuera d’aider les pays membres à renforcer leurs capacités pour la création d’un cadre favorable aux investissements, par des services comme les travaux sectoriels, l’analyse des politiques, les études par produit, la mise en place et l’amélioration de systèmes d’alerte rapide, les prévisions des récoltes et les conseils juridiques. Toutes ces activités sont des moyens de faciliter les décisions d’investissement et de réduire les risques de manière à attirer des capitaux vers l’agriculture. En outre, la FAO participe directement à la préparation de projets d’investissement pour le compte de ses pays membres, mettant à profit toutes les compétences de son personnel hautement qualifié. La FAO, qui intervient dans le monde entier, est bien placée pour servir de tribune et de source de compétences et d’assistance pour la communauté internationale en matière de questions transnationales, y compris le soutien à l’investissement dans le domaine de l’agriculture et de l’environnement.


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Notes

(22) See also WFS companion paperSocio-political and economic environment for food security (WFS 96/03).

(23) See also WFS companion paperFood security and food assistance (WFS 96/13).