11. Production alimentaire et impact sur l'environnement

Documents d'information technique
© FAO, 1996


1. Introduction 

1.1 Le présent document analyse les interactions entre l’utilisation des ressources naturelles (terres et eaux, ressources génétiques végétales et animales, végétation et sols) pour la production alimentaire et les options techniques permettant de réduire l’impact négatif sur l’environnement. La production vivrière est assurée par des hommes pour des hommes et il existe des forces sociales et économiques puissantes qui influent sur les modes de production. Ces forces sont brièvement étudiées dans le premier chapitre mais l’ensemble du problème n’est pas examiné ici (voir également les autres documents du SMA no 1-9).

1.2 Les informations ont été analysées suivant le système de zones agroécologiques de la FAO (ZAE) (carte 1). Aux fins d’analyses quantitatives, on a retenu une sélection de 84 pays dont le territoire fait partie de ZAE précises et on a évalué les données pertinentes concernant la population et la production agricole (tableau 1). Les pays sélectionnés représentent plus de 50 pour cent de la superficie émergée totale de la planète mais ne comprennent pas les pays appartenant à plusieurs ZAE, pour lesquelles les données ne peuvent être divisées.

1.3 Si l’on compare les chiffres des pays sélectionnés, il apparaît que les régions tropicales humides sont relativement peu peuplées, avec toutefois de fortes différences régionales. Au total, la densité de population dans les pays des zones tropicales humides chaudes est passée de 32,7 habitants au km2 en 1970 à 51,9 habitants au km2 en 1990, ce qui correspond à un accroissement annuel d’environ 2,5 pour cent. Les régions arides sont elles aussi peu peuplées mais le taux d’accroissement annuel de leur densité démographique est passé de 3,2 pour cent dans les années 70 à 3,9 pour cent dans les années 90. Les pays des zones tempérées et boréales ont de fortes densités de population mais des taux annuels d’accroissement démographique à peine supérieurs à zéro.

1.4 Etant donné que la plupart des statistiques sont fondées sur les limites géopolitiques nationales et non sur les ZAE, l’établissement de liaisons entre les facteurs biophysiques, économiques et démographiques n’est possible que dans certaines limites. Néanmoins, le système des zones agro-écologiques appliqué par la FAO est le moyen le plus généralement admis d’identifier les zones sur la base de leur potentiel agricole. Les zones à potentiel élevé ont une fertilité des sols forte (ou qui pourrait le devenir), des disponibilités en eau régulières et suffisantes provenant des précipitations ou de l’irrigation, une période de croissance végétale assez longue pour produire des récoltes et un régime climatique favorable, dans les limites des variations normales, à la production de récoltes annuelles (tableau 2). Ces zones peuvent assurer une production végétale intensive au moyen des technologies existantes à condition de veiller à ne pas dépasser la capacité de régénération des sols. On a identifié trois catégories de terre ayant la capacité d’assurer durablement une production intensive:

 

Tableau 1: Pays et zones choisis pour l’analyse des zones agroécologiques (ZAE)

Tableau 2: Définitions adoptées pour les zones agroécologiques

1.5 La base de ressources naturelles et les principaux systèmes de production vivrière sont présentés au Chapitre 3, tandis que le potentiel des technologies améliorées respectant l’environnement est étudié au Chapitre 4. Le Chapitre 5 expose certaines politiques et mesures nécessaires pour favoriser la production vivrière durable du point de vue écologique. Il insiste sur la nécessité d’un meilleur aménagement des sols et de la nutrition des végétaux, d’une utilisation rationnelle des ressources en terres et en eaux, d’un meilleur accès à l’énergie dans les zones rurales, d’une utilisation sans danger des pesticides et des engrais et des avantages importants qu’offrent à la sécurité alimentaire les systèmes de production intégrée comme l’agroforesterie et le sylvopastoralisme.

 


2. Les dimensions de la production alimentarie

Leçons à tirer de l'expérience passée

2.1 L’accroissement de la population mondiale entraîne une réduction constante de la superficie de terre arable disponible par habitant. Le phénomène est particulièrement remarquable au Proche-Orient et en Afrique (figure 1), régions où la densité de population a augmenté de 73 et de 66 pour cent respectivement en 20 ans. Ces régions ont en outre des possibilités limitées d’accroître la production en raison de leurs disponibilités médiocres de terres arables et/ou de la faiblesse de leurs infrastructures.

2.2 L’utilisation des ressources en terres et en eaux qui sont peu abondantes constituera un facteur essentiel pour assurer les approvisionnements alimentaires à venir. On arrive fatalement à la conclusion que la production vivrière doit encore s’intensifier. Les progrès des sciences et des technologies ont permis de le faire dans le passé et il y a de multiples bonnes raisons de croire qu’ils continueront de le faire à l’avenir. Cependant, même dans les zones riches en ressources, il y a des limites à l’impact sur l’environnement que les systèmes naturels et humains peuvent tolérer si l’agronomie ne tient pas compte de ces facteurs.

 

Figure 1: ACCROISSEMENT DE LA DENSITÉ DÉMOGRAPHIQUE PARA HECTARE DE TERRE ARABLE, EN POURCENTAGE (1969/71-1992)

 

2.3 Ce sont les graves problèmes de pénuries alimentaires et de sous-alimentation qui ont amené non seulement à créer la FAO mais aussi à lancer une vaste coopération internationale après la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 50, il était posé en principe fondamental que la nourriture devait être produite dans les régions où elle était consommée. Les pays en développement étaient considérés comme ayant des besoins considérables et on pensait que les investissements dans les technologies agricoles modernes et les infra-structures correspondantes favoriseraient le développement et les approvisionnements alimentaires réguliers. Progressivement, les problèmes d’environnement ont pris de l’importance à mesure que le grand public et les responsables politiques prenaient conscience du coût économique et humain élevé de la pollution et de la dégradation des ressources.

2.4 Au cours des 20 dernières années, on est passé progressivement d’approches purement techniques à la production vivrière à des approches qui tiennent compte des facteurs écologiques, sociaux et économiques sous-jacents. Les stratégies visant à réduire l’impact sur l’environnement comptent parmi leurs principaux éléments le passage des solutions technologiques à des approches davantage fondées sur l’information et l’aménagement.

2.5 C’est seulement en 1987 que la notion de développement durable est apparue dans le rapport de la Commission Brundtland, Notre avenir à tous. Ce rapport a contribué à réorienter le débat des intérêts sectoriels étroits vers une appréhension générale des facteurs environnementaux, sociaux et économiques. Le rapport recommandait que l’on porte davantage attention à la qualité de la croissance économique, aux disparités sociales, aux besoins des générations futures par opposition aux générations présentes et à l’équilibre entre les préoccupations locales, nationales et mondiales.

2.6 La notion d’agriculture et de développement rural durables (ADRD) a été mise au point à la Conférence de den Bosch sur l’agriculture et l’environnement organisée en 1991 par la FAO et le Gouvernement des Pays-Bas. Elle a ensuite été reprise au Chapitre 14 du Programme «Action 21» lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED) tenue en 1992 à Rio de Janeiro, Brésil.

2.7 Selon les recommandations du Programme «Action 21», la notion d’ADRD doit être mise en oeuvre en fonction du contexte national en cause. L’utilisation d’intrants extérieurs est généralement bien plus faible dans les pays en développement, notamment ceux d’Afrique, que dans les pays développés. Le problème consiste à maintenir l’équilibre entre la qualité de l’environnement et les impacts que provoque l’accroissement de la production vivrière. Par exemple, lorsque l’utilisation des pesticides a augmenté en Asie pendant les années 70, la pollution de l’environnement dangereuse pour l’homme s’est accrue parallèlement en raison de l’insuffisance des contrôles sur la formulation des produits et de leur mauvaise utilisation. La protection intégrée (PI) constitue une solution préférable et, dans la plupart des cas, plus économique, mais elle oblige à abandonner la recherche de solutions purement technologiques pour avoir recours à des systèmes participatifs de recherche, d’éducation et de vulgarisation.

2.8 Les pays développés ont tendance à utiliser les intrants extérieurs de façon plus équilibrée en raison de leurs coûts élevés. En outre, un nombre croissant d’agriculteurs usent moins de pesticides et d’engrais et travaillent pour des consommateurs disposés à payer un peu plus cher des produits «verts» mais leur part dans la production totale reste limitée. De nombreux pays en développement ont des marchés «verts» destinés aux consommateurs qui souhaitent acheter des produits alimentaires obtenus suivant des méthodes respectueuses de l’environnement. Il est largement démontré que ces stratégies de production, tout en étant moins dangereuses pour l’environnement, sont économiquement viables pour les marchés limités à servir. La plupart des grands producteurs commerciaux trouvent encore économiquement rentable d’utiliser largement les pesticides et les engrais minéraux et n’ont pas encore adopté de façon générale les techniques de production respectant l’environnement comme la protection intégrée (PI) et les systèmes intégrés de nutrition des plantes (SINP).

Environnement et pauvreté

2.9 Les grandes famines du siècle étaient toutes presque dues à l’instabilité politique ou aux défauts des institutions qui bloquaient les mécanismes nécessaires pour produire et transporter les produits alimentaires et assurer l’accès à ces produits à ceux qui en avaient le plus besoin.

2.10 La pauvreté, l’insécurité alimentaire et les impacts sur l’environnement sont souvent associés et constituent un cycle qui se perpétue lui-même. Il est nécessaire de distinguer différents types de pauvreté rurale et leurs liens avec les impacts sur l’environnement (voir Reardon et Vosti, 1995). On doit se demander «de quel type de pauvreté il s’agit» pour savoir si la pauvreté est avant tout liée au revenu, à l’absence de ressources disponibles, au manque d’accès aux ressources de production (y compris les capitaux d’investissement), ou, ce qui est le plus probable, à des combinaisons de ces divers facteurs.

2.11 Citons quelques exemples d’interaction entre différentes dotations en ressources naturelles et la pauvreté: les zones tropicales humides du Brésil (zones riches en biodiversité naturelle et en terre mais possédant peu de sols fertiles propres aux cultures annuelles, de ressources financières, de main-d’oeuvre et d’infrastructure), le Sahel (vastes terres mais qualité et résistance physique des terres et ressources financières limitées) et le Rwanda (qualité des terres et main-d’oeuvre abondante mais superficie des terres et actifs matériels et financiers non agricoles limités).

2.12 La diversification des revenus dans le secteur agricole ainsi que le lancement d’activités non agricoles sont souvent considérés comme de bons moyens d’améliorer le sort des ruraux pauvres mais ceux-ci vivent souvent dans des zones marginales où l’environnement est particulièrement fragile et offre peu de possibilités de développement. Ainsi, les programmes de lutte contre la pauvreté doivent attaquer les causes profondes, que ce soit la dotation en ressources naturelles, la faiblesse de l’épargne et des investissements ou d’autres facteurs pour donner de bons résultats. La Chine a réussi à créer des zones d’entreprises rurales et urbaines qui fournissent des emplois qualifiés apportant de la valeur ajoutée à l’économie rurale.

2.13 Le cycle pauvreté/dégradation de l’environnement est accentué par les faibles prix à la sortie de l’exploitation qui ne couvrent pas suffisamment le prix de revient des récoltes et les frais de transport local élevés des producteurs et empêchent donc de livrer des engrais ou d’acheminer les produits en temps voulu jusqu’aux marchés. Les agriculteurs démunis de ressources manquent toujours d’informations essentielles sur les intrants, la situation des marchés ou les prix des produits qu’ils vont récolter.

L'évolution du rôle des pouvoirs publics

2.14 Depuis les années 80, plusieurs tendances mondiales qui ont des incidences importantes pour la politique environnementale et agricole sont apparues, en premier lieu, la réduction du rôle des pouvoirs publics dans l’économie agricole. Cette réduction a pris la forme d’une baisse des subventions à la production et à la consommation mais aussi d’une privatisation d’entreprises et de services qui relevaient autrefois de l’Etat comme la commercialisation, la vulgarisation et la recherche agricole.

2.15 La deuxième tendance, qui est d’ailleurs liée à la première, concerne la planification et la prise de décisions. Aujourd’hui, les provinces, les cantons, les districts et autres organismes intérieurs des pays jouissent dans l’ensemble d’une plus grande autonomie dans les domaines de la planification stratégique et matérielle et des travaux d’infrastructure. Cette décentralisation du développement s’accompagne d’un renforcement des réglementations internationales dans certains domaines (notamment création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et accords commerciaux régionaux1 et conventions écologiques concernant la biodiversité, le changement de climat, la désertification).

2.16 Cette tendance présente de l’importance parce que de nouveaux groupes prennent dès maintenant et prendront à l’avenir des décisions sur le mode d’utilisation des ressources naturelles et les niveaux acceptables de pollution et de dégradation. Des décisions de plus en plus nombreuses concernant le développement seront prises au niveau local et des conditions plus rigoureuses seront posées au niveau international. Comme il n’y a guère de normes environnementales scientifiques absolues applicables pour assurer une production vivrière durable, il faudra faire de multiples choix d’ordre social, politique et économique sur l’affectation des ressources, par exemple sur les moyens de produire de la nourriture tout en protégeant les zones importantes du point de vue biologique.

2.17 Le régime foncier est peut-être l’un des obstacles les plus importants à l’agriculture respectant l’environnement, et l’intervention des pouvoirs publics est indispensable dans ce domaine. Il est fréquent que le manque de sécurité d’occupation freine les investissements dans les mesures de conservation des terres et de renforcement de la productivité. Une législation judicieuse peut alors avoir un effet positif considérable. Il faut prendre des mesures analogues en ce qui concerne le régime d’exploitation de l’eau: les utilisateurs doivent reconnaître qu’il s’agit d’une ressource rare et bien réagir aux dispositions encourageant sa conservation et l’investissement dans les techniques d’économie de l’eau.

Le commerce et l'environnement

2.18 Le commerce des produits agricoles vivriers ou autres a joué un rôle important dans presque tous les pays en développement qui ont bénéficié d’une bonne croissance économique au cours des 20 dernières années2. Il enrichit les partenaires commerciaux en fournissant des revenus et des devises et, à condition d’être bien pratiqué, il permet d’exploiter les avantages relatifs d’un pays pour obtenir les produits agricoles auxquels il est le mieux adapté. Toutefois, l’instabilité des prix empêche de garantir un rendement régulier des investissements et les agriculteurs peuvent être exposés à des risques financiers plus élevés tout en n’ayant guère de possibilités de dépenser pour appliquer des pratiques agricoles respectant l’environnement.

2.19 Le commerce des produits agricoles vivriers ou autres est souvent considéré comme la cause de dégâts subis par l’environnement, en particulier de perte de fertilité des sols dans les pays exportateurs. D’après des estimations provisoires, la libération des échanges découlant des Négociations d’Uruguay devrait avoir des effets à peu près neutres pour l’environnement dans le cas de l’agriculture, au moins pendant les cinq à sept années à venir. Quelques transferts de production auront probablement lieu des pays offrant des subventions vers les producteurs à prix de revient inférieurs, tendance qui est positive pour l’environnement dans l’ensemble.

Deux domaines à potentiel sous-exploité

2.20 Le secteur urbain reste nettement favorisé dans de nombreux pays, par exemple lorsque le gouvernement désire maintenir les prix des produits alimentaires à un niveau moins élevé et concentrer les investissements dans les zones urbaines en faveur de l’industrie, des infrastructures et des services. Cette orientation limite la capacité des producteurs agricoles de réaliser des revenus suffisants, d’épargner et d’investir dans les ressources naturelles et de les gérer de façon durable.

2.21 La notion d’agriculture urbaine est apparue ces dernières années pour compléter le modèle classique de production de nourriture dans de grandes zones rurales éloignées avec transport des produits vers les zones urbaines pour la consommation. Bien que l’analyse pratique et l’expérience concernant l’exploitation de cette formule soient encore très limitées, l’agriculture urbaine et périurbaine offre un potentiel important d’accroissement de la production et de la sécurité alimentaire dans les zones à population très dense. Elle peut aussi aider les pays à s’adapter aux changements de mode d’alimentation; ainsi la recherche montre qu’en Asie les personnes qui vont s’installer dans les villes consomment plus de légumes, de fruits et de produits animaux pour remplacer les produits amylacés comme les céréales.

2.22 On néglige souvent le rôle clé que les femmes jouent dans l’agriculture en qualité de productrices de nourriture et d’utilisatrices des ressources naturelles. Alors qu’elles pratiquent souvent les cultures vivrières et gèrent et utilisent activement les ressources, elles sont rarement propriétaires de terres et manquent donc de garanties pour avoir accès au crédit. L’adoption de politiques de prêt moins rigides et plus novatrices de la part des institutions financières pourrait déclencher une dynamique puissante en faveur de l’accroissement de la production vivrière. Ainsi, au Bangladesh, la Banque Grameen a réussi à venir en aide aux pauvres des villes en mettant des idées nouvelles en action sur la base de principes économiques solides qui seraient applicables dans de nombreuses zones rurales.

2.23 Les productions de cultures de rente destinées à l’exportation sont le plus souvent dominées par les grands producteurs et les hommes; les cultures de subsistance sont généralement pratiquées sur les sols pauvres où, pour survivre, les femmes doivent surexploiter la terre afin de couvrir les besoins du ménage et provoquent ainsi sa dégradation. Les recherches ont rarement tenu compte de l’influence des disparités entre les sexes dans la production vivrière, la répartition du travail ou les prises de décisions, négligeant ainsi des possibilités importantes d’accroître l’efficacité, la productivité et la durabilité.

Interactions entre hommes et terres

2.24 Les activités humaines orientées vers la production vivrière revêtent de nombreuses formes: enlèvement de la végétation, travail du sol, drainage et introduction de nouvelles espèces végétales ou animales. Leurs effets dépendent de l’ampleur de l’exploitation. Par exemple, le défrichement d’une parcelle isolée de forêt, tout en ayant un effet destructeur sur les espèces qui y vivent, peut avoir moins d’impact sur la forêt que l’abattage sélectif d’arbres sur de grandes superficies. Dans le temps, les effets dépendent de la fréquence des interventions et de la permanence des effets: une coupe unique de forêt tropicale est suivie d’une repousse secondaire, de sorte qu’au bout de 200 ans environ la biomasse d’origine, mais pas nécessairement la composition par essences, s’est reconstituée.

2.25 L’enchaînement des effets sur le site et à l’extérieur rend les liens alimentation/environnement encore plus complexes (figure 2). Citons quelques exemples d’effets sur place: enlèvement de la végétation naturelle, accroissement des infestations d’herbes adventices ou d’insectes, compactage du sol provoqué par le passage des animaux ou les machines lourdes. Citons maintenant quelques effets à l’extérieur: envasement en aval résultant de l’érosion des sols, ruissellement (concentration des eaux dans les zones plus basses), enfin eutrophisation ou pollution des eaux souterraines et superficielles par l’utilisation excessive d’engrais.

 

Figure 2: INTERACTIONS ENTRE CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE, PRODUCTION VIVRIÈRE ET EFFETS SUR L'ENVIRONNEMENT

 

2.26 Dans certains cas, l’accroissement de la population (figure 3) a entraîné l’intensification de l’utilisation et l’augmentation de la productivité des terres déjà défrichées. Ainsi, la production céréalière de l’Inde est passée de 87 millions de tonnes en 1961 à 200 millions de tonnes en 1992, mais la superficie arable est restée à peu près constante, de sorte que l’extension de la culture des céréales à de nouvelles terres est restée limitée (figure 4). Dans d’autres cas, l’accroissement démographique n’a pas été accompagné par des augmentations de productivité, d’où une augmentation de la superficie des terres consacrées à la production vivrière. Dans ces zones, nombreuses en Afrique, la productivité des terres nouvellement défrichées a baissé au bout de peu de temps, provoquant une nouvelle expansion des cultures.

Figure 3: EVOLUTION DE LA DENSITÉ MOYENNE DE POPULATION PAR ZONE AGROÉCOLOGIQUE

Figue 4: TERRE ÉPARGNÉE EN INDE DU FAIT DE L'ACCROISSEMENT DE LA PRODUCTIVITÉ

Source: Adapté de Borlaug et Dowswell, 1996.


3. Ressources naturelles et production vivrière

Modification du paysage

3.1 Le mode d’utilisation des ressources naturelles pour la production vivrière est fortement influencé par des facteurs humains, économiques, culturels et sociaux, comme le montrent les changements très variés apportés à l’environnement naturel par la modification des paysages, l’utilisation et l’élimination des espèces et variétés végétales ou animales naturelles et la manipulation des sols et des eaux.

3.2 Les terres plates bénéficiant d’un climat favorable et de sols fertiles et bien drainés constituent une ressource naturelle très précieuse mais elles sont aussi recherchées en vue d’activités industrielles, de logement et de loisirs. Etant donné que 45 pour cent de la population mondiale vivent maintenant en milieu urbain, des milliers d’hectares de terres très productives pour l’agriculture sont perdus chaque année du fait que les villes s’agrandissent, que des routes et des aéroports sont construits et que de nouvelles zones industrielles et commerciales sont créées. Les établissements urbains et ruraux couvrent maintenant environ 4 millions de km2.

3.3 Les hommes ont de tout temps imposé des modifications structurelles au paysage. Au niveau local, ces modifications ont des effets sensibles sur le relief et l’hydrologie lorsque la végétation naturelle et le sol, le sous-sol et même les couches géologiques plus profondes sont déplacés pour créer une nouvelle surface plane. On trouve des exemples spectaculaires de construction de terrasses en Chine, en Indonésie, dans les pays andins d’Amérique du Sud, etc. La Chine possède à elle seule environ 26,6 millions d’hectares de terres aménagées en terrasses.

Superficies cultivées dans differentes zones agroécologiques

3.4 L'impact des systèmes de production vivrière sur l'environnement traduit les conditions agroécologiques et socioéconomiques du monde. Aux fins de la présente analyse, on a retenu les zones ci-après: tropiques humides chauds, tropiques chauds à saison sèche, tropiques frais, zones arides, zones subtropicales (pluies d'été), zones subtropicales (pluies d'hiver), zones tempérées et zones boréales.

3.5 Il est possible d’accroître la production vivrière dans les ZAE chaudes mais les sols, la nutrition des végétaux, la lutte contre les ravageurs et la gestion de l’eau y présentent une importance critique. En revanche, les zones tempérées plus fraîches enregistrent une production vivrière par habitants plus élevée grâce à leurs sols et à leur climat plus favorables et à l’abondance des capitaux disponibles pour l’investissement.

3.6 La superficie actuellement cultivée dans le monde s’établit à environ 1 400 millions d’hectares (dont 270 millions d’hectares irrigués) mais le pourcentage de terres consacrées aux cultures arables varie fortement dans les ZAE; ce pourcentage dépasse à peine 30 pour cent du total dans les zones tempérées et la zone tropicale chaude à saison sèche et tombe au plus bas dans les zones arides. La grande variété de cultures possibles dans les zones tropicales fraîches permet de porter la superficie cultivée à 15-20 pour cent de la superficie émergée totale.

PRATIQUES AGRICOLES NON LIMITÉES A CERTAINES ZONES AGROÉCOLOGIQUES

3.7 De nombreux systèmes d'exploitation correspondent aux caractéristiques de la zone agroécologique où ils sont pratiqués mais certains ne sont pas liés à des ZAE particulières, notamment l'agriculture irriguée, les systèmes de subsistance, l'exploitation mixte, les jardins familiaux et l'horticulture.

Agriculture irriguée

3.8 Les terres irriguées occupent une superficie relativement faible à l’échelle mondiale, soit moins de 300 millions d’hectares (environ 15 pour cent de la superficie arable) mais elles fournissent 36 pour cent de toutes les productions végétales et plus de la moitié de la production céréalière des pays en développement. Il est prévu qu’entre 1991 et 2010 la superficie irriguée passera de
248 à 311 millions d’hectares. Ce système d’exploitation peut être très productif, comme il l’est depuis des siècles dans de nombreuses zones d’Asie du
Sud-Est.

3.9 Dans les zones arides, environ 10 pour cent de la superficie irriguée souffrent de salinisation, et ce pourcentage est en accroissement. L’eau est utilisée peu efficacement: 60 pour cent au moins de l’eau d’irrigation n’arrivent pas aux végétaux en raison des fuites et de la percolation en profondeur à partir des canaux. Dans les champs, l’excès d’eau et l’absence de bons réseaux de drainage provoquent l’engorgement et la salinisation des sols. Ces phénomènes touchent 23 pour cent des terres irriguées en Chine et 21 pour cent au Pakistan. Divers risques pour l’environnement sont associés à l’irrigation à grande échelle: pollution des sources hors du site, accumulation de résidus de pesticides, apparition de la résistance chez les ennemis des cultures, salinisation et maladies transmises par l’eau comme la bilharziose, le paludisme, les diarrhées, l’onchocercose, le choléra et le typhus.

3.10 L’extraction d’eau douce des nappes phréatiques dans les plaines côtières peut provoquer des invasions d’eau salée. Il est ensuite difficile de reconstituer l’apport d’eau douce et les terres cessent d’être productives. L’extraction excessive d’eau pour l’irrigation a entraîné un rétrécissement spectaculaire de la mer d’Aral et la baisse de débit des cours d’eau a provoqué des incursions d’eau salée dans le delta du Nil en Egypte et celui du Gange-Brahmapoutre au Bangladesh. L’élévation du niveau de la mer due au réchauffement planétaire ne ferait qu’aggraver la situation.

Exploitation orientée vers la subsistance

3.11 Les systèmes d’exploitation orientés vers la subsistance comportent presque tous, à l’heure actuelle, des cultures de rapport, dont certaines cultures pérennes. Les petits agriculteurs se procurent ainsi des recettes qui atténuent leurs problèmes d’accès au crédit mais ils peuvent aussi aggraver les risques courus parce qu’ils ont davantage besoin d’intrants extérieurs. Les cultures de rapport ont tendance à occuper les terres les plus fertiles tandis que les cultures vivrières sont reléguées sur les terres à moins bon potentiel (cependant le contraire peut se produire, entraînant une baisse de rendement de cultures pérennes comme le cacaoyer en Afrique). Les spécificités liées au sexe sont importantes, parce que, dans les pays en développement, les femmes sont souvent responsables des cultures vivrières mais manquent de capitaux, n’ont guère de possibilités de s’instruire et consacrent une forte proportion de leur temps à des travaux non rémunérés. Cette combinaison de facteurs les oblige à surexploiter les terres disponibles pour les besoins du ménage et elles deviennent alors à la fois des agents et des victimes de la dégradation de l’environnement.

3.12 La dégradation des terres prend le plus souvent la forme d’épuisement des éléments nutritifs des sols dû à diverses raisons: faible approvisionnement en engrais, utilisation de terres marginales à cause de la pénurie de terre ou des problèmes d’occupation, érosion due à la mauvaise connaissance des mesures de protection et au manque de revenu pour les appliquer, enfin pollution imputable aux produits chimiques à usage agricole (s’ils sont utilisés) par ignorance des méthodes d’application.

Exploitation mixte

3.13 Les systèmes d’exploitation mixte sont fondés sur diverses combinaisons de production végétale et animale et comprennent souvent un élément de foresterie. Dans de nombreuses zones, ces systèmes mixtes sont actuellement remplacés par des systèmes spécialisés qui peuvent être plus productifs mais comportent davantage de risques. Les systèmes mixtes présentent de nombreux avantages pour l’environnement comme le recyclage des résidus de récolte et des déchets animaux, l’entretien des matières organiques du sol, l’utilisation de la traction animale, les coupe-vent, la diversification des sources d’aliments et de revenu, la conservation des sols, l’accroissement de la diversité agrobiologique et l’utilisation de biocombustibles. Du point de vue de la combinaison des avantages pour l’environnement et l’économie, les systèmes d’exploitation mixte devraient être promus plus activement, notamment pour les exploitants pauvres. Or, ces systèmes ont fait l’objet de recherches beaucoup moins poussées que les autres.

Jardins familiaux et horticulture

3.14 L’exploitation de jardins familiaux et la petite horticulture peuvent revêtir de multiples formes et apporter des contributions importantes à la nutrition de millions de ménages souffrant d’insécurité alimentaire. Sous leur forme traditionnelle, ces systèmes assurent une couverture permanente du sol et ne comportent guère de risque pour l’environnement car il s’agit en général de systèmes clos gérés avec soin qui utilisent comme engrais le fumier animal, les déjections humaines, les cendres et les déchets de cuisine compostés. Cependant, l’exploitation des jardins familiaux est en pleine évolution par suite de l’urbanisation et de la spécialisation: la production d’aliments de base augmente mais les produits chimiques sont de plus en plus largement utilisés.

3.15 A l’opposé, des serres hautement spécialisées, voire gérées par ordinateur, ont été construites pour abriter des cultures de haute valeur; ainsi aux Pays-Bas, environ 6 pour cent de la superficie cultivée sont consacrés à l’horticulture. Ces systèmes sont de plus en plus répandus, notamment en Asie du Sud-Est. Les principaux problèmes écologiques qu’ils posent sont liés à la lutte contre les ennemis des cultures, à la forte consommation d’énergie (pour le chauffage ou le refroidissement) et à l’évacuation des eaux usées polluées. Toutefois, on a réussi à concevoir des systèmes clos, avec maîtrise totale du climat, notamment fertilisation par CO2, qui permet à la production de se rapprocher du niveau maximum biologiquement possible.

IMPACTS BÉNÉFIQUES DE LA PRODUCTION VIVRIÈRE SUR LES SOLS

3.16 Diverses pratiques ont un effet bénéfique sur certains sols exploités pour l'agriculture: travail profond des sols, chaulage des sols acides, apport de matériaux organiques, application d'engrais, apport de sédiments pendant l'irrigation, drainage et lutte contre l'érosion

3.17 Les apports de matières organiques stabilisent la structure des sols, améliorent la rétention d’humidité et d’éléments nutritifs et fournissent les minéraux nécessaires à la bonne croissance des végétaux. L’application d’engrais minéraux pour accroître la productivité a des effets spectaculaires et elle est indispensable pour maintenir des rendements élevés. Toutefois, ces engrais sont bien plus efficaces lorsqu’ils sont utilisés avec d’autres éléments dans le cadre d’une stratégie globale de nutrition des végétaux.

3.18 L’érosion, l’utilisation par les cultures d’éléments nutritifs qui ne sont pas remplacés, l’acidification, la salinisation, la réduction de la teneur en matières organiques, la modification de la structure des sols, le compactage dû aux machines agricoles et au pâturage du bétail provoquent la dégradation des sols. D’après l’Evaluation mondiale de la dégradation des sols d’origine humaine (GLASOD) (PNUE/ISRIC, 1991), 1 965 millions d’hectares, soit 15 pour cent des sols du monde, ont été touchés. Parmi ces divers facteurs, c’est l’érosion hydraulique qui a eu l’effet le plus important (1 094 millions d’hectares, 55 pour cent), suivie de l’érosion éolienne (548 millions d’hectares, 28 pour cent), de la baisse de la teneur en éléments nutritifs (7 pour cent), de la salinisation (4 pour cent) et du compactage (3 pour cent).

3.19 L’érosion hydraulique peut prendre la forme d’une perte insidieuse de quelques millimètres de sol superficiel chaque année. Il semble bien qu’elle continue de s’aggraver sur les terres cultivées, bien que l’homme dispose de techniques permettant de limiter son impact. L’érosion d’un centimètre/hectare/an de sol superficiel équivaut à la perte de 100 à 150 tonnes de sol et la perte de 100 tonnes de sol par hectare peut comporter la perte de 2 000-2 500 kg/ha d’humus, 200-300 kg/ha d’azote, 100-200 kg/ha de phosphore et 500-1 000 kg/ha de potasse.

3.20 La réduction de rendement peut être notable (jusqu’à 34 pour cent), même si la perte de sol atteint seulement 5 pour cent par an. D’après une étude de la productivité des cultures sur les sols érodés en Afrique, la réduction atteindrait de 2 à 5 pour cent par millimètre de sol perdu. Pour l’ensemble de l’Afrique, la baisse de rendement due à l’érosion dans le passé a été estimée à 9 pour cent.

3.21 L’érosion éolienne frappe toutes les régions arides ainsi que les ZAE à saison sèche et les sols sableux et limoneux d’autres régions pendant les périodes de sécheresse, surtout en Afrique et en Asie du Sud-Ouest. En Afrique au nord de l’équateur, plus de 22 pour cent des terres sont touchées par cette forme d’érosion. La destruction de la végétation par le surpâturage et la sécheresse a fait avancer le désert de 90 à 100 km vers le sud au Soudan. L’érosion éolienne est un problème grave pour de nombreux pays comme le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria et certaines zones de l’ouest des Etats-Unis.

Risques de dégradation des sols

3.22 Les principales conséquences de la dégradation chimique du sol sont l’abaissement de la fertilité et l’accumulation de substances qui empêchent la croissance des végétaux. Le lessivage et l’épuisement des éléments nutritifs par les plantes cultivées réduisent progressivement la fertilité de certains sols. Les cultures poussent alors mal et la couverture peu abondante n’offre pas au sol une protection suffisante pour résister à l’érosion. D’après l’enquête GLASOD (PNUE/ISRIC, 1991), au moins 6 millions d’hectares ont été dégradés par l’acidification, et une baisse de la teneur en éléments nutritifs a été constatée sur 135 millions d’hectares dans le monde, l’Afrique et l’Amérique du Sud étant particulièrement touchées (carte 2).

3.23 Le compactage des sols dû à l’utilisation de machines agricoles modifie la structure des sols, réduit la pénétration de l’eau et des racines, ainsi que la croissance et la densité des racines; il affecte également l’activité microbienne et accroît les maladies radiculaires. Ce phénomène touche 68 millions d’hectares, surtout en Europe (33 millions d’hectares) et, dans une moindre mesure, au Brésil, en Asie occidentale et en Afrique. A mesure que l’utilisation de matériel agricole à roues augmente, les pertes de rendement s’accroissent, d’où des pertes financières pour les exploitants.

PRODUCTION ANIMALE

3.24 Les animaux domestiques jouent un rôle capital pour satisfaire les besoins alimentaires à venir du monde. A l'heure actuelle, 4 500 races d'au moins une quarantaine d'espèces couvrent au minimum 30 pour cent des besoins de l'humanité sous forme de viande, de produits laitiers, d'oeufs, de fibres, de traction, de fumier et de combustible. Les animaux fournissent 60 pour cent de la puissance de traction nécessaire à la culture et au transport des récoltes et représentent une réserve financière importante pour les petits exploitants. La diversité génétique de ces animaux et leur grande capacité d'adaptation à l'environnement sont à la base même de la productivité et de la durabilité de l'agriculture et constituent une garantie de sécurité alimentaire pour les populations qui vivent uniquement de l'élevage (soit 12 pour cent de la population mondiale). Comme les cultures vivrières, l'élevage a eu tendance à reposer sur des bases génétiques de plus en plus étroites de sorte que de nombreuses espèces domestiques sont exposées à l'extinction. Il n'y a qu'un petit nombre de pays en développement qui travaillent activement à conserver les ressources génétiques des animaux domestiques.

3.25 Divers aspects de l’élevage ont un effet négatif sur l’environnement: surpâturage, piétinement, dépôts de déchets, épuisement et pollution des eaux et réduction de la diversité génétique. L’utilisation des terres arables pour produire des céréales en vue de l’alimentation animale suscite de vifs débats dans certains pays. En effet, certains groupes estiment que ce genre de culture réduit la nourriture disponible pour les ménages à faible revenu exposés à l’insécurité alimentaire. L’élevage offre aussi des avantages indirects: utilisation des animaux pour la production d’énergie, fourniture de fumier et introduction de pâturages en jachère qui fixent l’azote en rotation avec les cultures arables. Le cuir et les produits dérivés sont des sous-produits importants mais les tanneries peuvent poser des problèmes pour l’environnement.

3.26 L’élevage extensif tient une place importante dans l’économie des pays tropicaux chauds à saison sèche et joue un rôle non négligeable dans de nombreuses exploitations des zones tempérées. Le défrichement des forêts tropicales à des fins d’élevage extensif sur lequel la politique de l’Etat exerce une forte influence a eu des effets catastrophiques dans certains pays d’Amérique latine.

3.27 La superficie consacrée aux pâturages atteint 3 424 millions d’hectares, dépassant ainsi la superficie des cultures. Environ les deux tiers des pâturages permanents se trouvent dans les pays en développement et le pourcentage que représente ces terres diminue en passant des zones tropicales aux zones tempérées puis à la zone boréale où ils dépassent à peine 10 pour cent de la superficie totale. Les zones tropicales humides chaudes ont également un pourcentage peu élevé (10-12 pour cent) de pâturages (figure 5).

Figure 5

Variation de la part des pâturages permanents par zone agroécologique

3.28 Dans les zones tropicales chaudes à saison sèche et les ZAE arides comme le Sahel, qui couvrent une partie du Kenya et de la Tanzanie et le sud-ouest du Botswana, la Namibie et certaines zones du Zimbabwe, les systèmes pastoraux fondés principalement sur les bovins ou les caprins sont les plus répandus. Dans le passé, ce type d’élevage était extrêmement mobile et couvrait une vaste superficie, ce qui permettait à la végétation de se reconstituer. L’accroissement de la population humaine a entraîné la transformation des pâturages en terres arables, de sorte que le bétail s’est regroupé sur une superficie réduite. Dans les zones à saison sèche, le cheptel a tendance à s’accroître les années à précipitations normales, de sorte qu’en période de sécheresse il y a plus d’animaux que la terre ne peut en nourrir. Dans les zones tempérées du nord, les printemps tardifs et froids accompagnés de fortes chutes de neige qui prolongent l’hiver et retardent la repousse des pâturages ont des effets
équivalant à ceux de la sécheresse.

PÊCHES ET AQUACULTURE

3.29 Les pêches apportent une contribution importante aux approvisionnements alimentaires, aux revenus et aux richesses car elles font vivre plus de 120 millions d'hommes et fournissent environ 19 pour cent des protéines d'origine animale consommées dans les pays en développement. La production mondiale totale de poisson (poissons, crustacés et mollusques) est passée d'environ 20 millions de tonnes en 1950 à 100 millions en 1989. Pendant les années 90, les captures des pêcheries marines ont diminué. L'accroissement de la production aquacole a compensé cette diminution mais la production annuelle plafonne à environ 70 millions de tonnes de produits destinés à la consommation humaine directe.

3.30 En 1993, les prises des pêches marines ont représenté 79,5 millions de tonnes de poisson et celles des eaux intérieures 6,5 millions de tonnes. La production de l’aquaculture intérieure et marine a atteint 10,7 millions et 5,6 millions de tonnes respectivement. Le niveau d’exploitation de près de 70 pour cent des stocks d’animaux marins pour lesquels on dispose d’estimations atteint presque ou dépasse le maximum acceptable de façon durable.

3.31 Les activités de capture peuvent endommager les habitats aquatiques car l’utilisation intensive d’engins mécanisés comme les chaluts et dragues de fond et celle des explosifs affectent la faune benthique, les prairies d’algues et les récifs coralliens. Les pêcheries commerciales (pêche des crevettes au chalut, chalutage de fond, pêche à la palangre et aux pièges, pêche aux filets dérivants en haute mer, etc.) rejettent chaque année en moyenne 27 millions de tonnes d’espèces non rentables. Comme l’écart entre l’offre et la demande ne cesse de s’élargir, une hausse des prix est inévitable et pourrait menacer la sécurité alimentaire de certains ruraux pauvres pour lesquels le poisson est une source de protéines importante.

3.32 Les effets sur l’environnement de l’aquaculture et des pêcheries fondées sur l’élevage sont essentiellement liés aux systèmes de production intensifs (élevage de saumon en cage, grands élevages de crevettes dans les zones côtières, etc.) qui entraînent un enrichissement excessif des plants d’eau en éléments nutritifs et en matières organiques, une dégradation des zones humides et la perte de la diversité biologique à la suite de l’introduction d’espèces exotiques.

3.33 Il y a de multiples sources de pollution d’origine terrestre liées aux activités humaines qui compromettent la capacité de régénération des ressources aquatiques des zones côtières. La première cause de raréfaction des poissons est la destruction de l’habitat conjuguée à la pollution industrielle urbaine et agricole, aux dépôts de terre, aux barrages, au détournement de cours d’eau, au défrichement des mangroves, à la sédimentation, à l’épuisement des ressources et au déboisement. La dégradation des environnements aquatiques peut affecter les ressources halieutiques dans les eaux intérieures, même à l’échelle de bassins fluviaux ou de lacs, et dans les eaux côtières ou les mers fermées ou semi-fermées.

TERRES HUMIDES DE VALEUR

3.34 Les terres humides, dont la superficie mondiale atteint 48,7 millions d'hectares, sont des zones de marais, de tourbières ou de plans d'eau, artificielles ou naturelles, permanentes ou temporaires. L'eau peut y être courante ou dormante, douce, saumâtre ou salée, et ces zones comprennent les eaux marines d'une profondeur ne dépassant pas six mètres à marée basse. Ce sont précisément les caractéristiques qui rendent les terres humides précieuses pour l'agriculture et la production vivrière qui les exposent à la dégradation.

3.35 Les pratiques agricoles font peser diverses menaces sur les terres humides. La dégradation des bassins versants peut causer une érosion qui envase ces terres et compromet leur système biologique et hydrologique. L’arrivée d’engrais et d’autres résidus chimiques sur les terres humides peut provoquer l’eutrophie ou empoisonner les végétaux et les animaux.

3.36 Les mangroves couvrent 15,5 millions d’hectares, dont 6,28 millions d’hectares en Asie, 5,78 millions en Amérique tropicale et 3,40 millions en Afrique tropicale. Les mangroves sont utilisées à l’échelon local pour l’agriculture, principalement la production de riz, et sont activement exploitées par les ruraux de tous les continents pour se procurer divers produits ligneux ou non; toutefois, c’est la conservation des systèmes halieutiques qui constitue la contribution majeure des mangroves à la production et à la sécurité alimentaire car elles représentent d’importantes frayères pour diverses espèces et aussi des zones de production de crevettes, huîtres, moules et autres mollusques. La conversion à l’aquaculture ou l’abattage des palétuviers peut réduire les habitats de reproduction de nombreuses espèces de poisson présentant une importance économique tout en exposant davantage l’agriculture intérieure aux tempêtes et aux inondations.

EFFETS DE LA PRODUCTION VIVRIÈRE SUR LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE

3.37 La production vivrière a eu divers effets importants mais opposés sur la diversité biologique: elle réduit les superficies de terres à l'état naturel et la diversité des écosystèmes et des espèces sauvages qu'elle abrite, mais elle crée, au bout de siècles de domestication et d'adaptation, une diversité agrobiologique constituée par les multiples races locales de végétaux et d'animaux domestiques. Cette réserve de diversité agrobiologique a diminué à mesure que les races de pays et les races traditionnelles ont été supplantées par l'introduction d'un nombre plus limité de variétés et de races à haut rendement qui ont une base génétique plus étroite. Certains voient là la cause la plus importante d'érosion génétique.

3.38 Les écosystèmes abritent la diversité biologique qui fait partie du capital naturel de la planète. Le nombre total d’espèces végétales et animales n’est pas connu mais il est souvent estimé à 13-14 millions dont seulement 1,75 million ont fait l’objet d’une description scientifique. De 5 à 20 pour cent de certains groupes de vertébrés et de végétaux sont déjà classés comme menacés d’extinction. La principale cause de la perte rapide de diversité biologique enregistrée au cours des 50 dernières années est la conversion des habitats naturels, avant tout les forêts, à d’autres utilisations, notamment la production vivrière.

3.39 Les espèces domestiques ne représentent qu’une fraction minuscule de la faune et des végétaux: sur 320 000 plantes vasculaires connues, 3 000 seulement sont régulièrement exploitées pour la production vivrière et 30 pour cent seulement des 50 000 espèces d’animaux vertébrés terrestres (estimation) et plus de 200 espèces de poissons, crustacés, mollusques, batraciens, tortues et végétaux aquatiques sont utilisés pour l’alimentation humaine. En ce qui concerne les animaux domestiques, il reste sur la planète moins de 20 mâles reproducteurs ou moins de 1 000 femelles reproductrices dans le cas de 30 pour cent des races. La diversité génétique de ces espèces, qu’il s’agisse de races améliorées ou de races de pays, et celle des espèces sauvages voisines sont indispensables à la production vivrière à venir qui exige une large gamme d’agrosystèmes et de ressources génétiques adaptés aux conditions locales.

3.40 Entre autres avantages importants, la diversité génétique des végétaux cultivés assure la résistance aux ravageurs et aux maladies, la tolérance à la sécheresse et d’autres caractéristiques souhaitables. Ces dernières années, on s’est efforcé de collecter et d’enregistrer les caractéristiques génétiques des espèces sauvages et domestiques, en particulier des races de pays, afin d’identifier les caractéristiques intéressantes pour l’agriculture. Ces matériaux sont conservés ex situ dans des banques de gènes. Récemment, on s’est préoccupé davantage de conserver in situ les races sauvages apparentées dans des aires protégées et de conserver à l’exploitation les races de pays. Ces modes de conservation dynamique permettent l’adaptation permanente des variétés végétales, notamment l’adaptation aux insectes nuisibles et aux maladies.

UTILISATION DES FORÊTS ET DES ÉCOSYSTÈMES NATURELS

3.41 Certaines populations vivent de la chasse et du ramassage de nourriture en forêt, se procurant ainsi en quantité suffisante des fruits à coque ou autres, des feuilles, des gommes et du gibier ainsi que des fibres, du fourrage et du bois de feu. Des populations vivent ainsi dans certaines zones d'Asie du Sud et du Sud-Est, certains pays d'Afrique occidentale et quelques régions d'Amérique latine et d'Europe. Les hommes tirent des recettes des forêts en ramassant, traitant et vendant des champignons, des fruits à coque, des baies, du gibier, etc.

3.42 La figure 6 présente le pourcentage de la superficie émergée totale que représentent les forêts dans 84 pays et fait ressortir les tendances dégagées sur 20 ans. La plus forte variation s’est produite dans les régions tropicales à saison sèche où la réduction atteint 0,69 pour cent par an au cours de la dernière décennie. Aucune tendance nette ne se dégage des chiffres concernant les zones tropicales humides chaudes, peut-être parce que les arbres repoussent dans de nombreuses zones après la coupe.

3.43 La culture itinérante, mode traditionnel d’utilisation des terres encore très répandu dans les zones à faible densité de population et à sols peu fertiles, consiste à éliminer la végétation naturelle d’un terrain, à cultiver ce dernier pendant deux à cinq ans puis à le laisser en jachère jusqu’à ce que la terre retrouve sa fertilité, le cycle étant alors répété. Ce mode de culture provoque une dégradation chronique lorsque la période de jachère n’est pas assez longue pour reconstituer le couvert végétal et la fertilité du sol.

3.44 Tant que la pression démographique est faible, la repousse naturelle des arbres et du reste de la biomasse suffit à couvrir la demande de bois de feu mais la culture itinérante, lorsqu’elle s’intensifie, compromet la diversité biologique locale en utilisant une plus grande superficie et en réduisant le temps disponible pour la régénération. En outre, lorsque la pression démographique oblige les cultivateurs à réduire la durée de la jachère, la fertilité des sols diminue, d’où une réduction des rendements des cultures et de la production de bois de feu. Les agriculteurs peuvent alors être forcés de mettre en culture d’autres terres boisées ou forêts.

3.45 La surexploitation d’un produit forestier ou l’abattage peu judicieux peuvent dégrader la végétation forestière et bouleverser l’habitat de la faune sauvage, ce qui non seulement compromet les ressources alimentaires et ligneuses de la forêt mais peut aussi affecter les sols, les eaux et les systèmes de production vivrière en aval. L’ouverture de terres forestières aux établissements humains ou à l’expansion de l’agriculture, par exemple en liaison avec des programmes d’éradication des tsé-tsé ou la construction de routes forestières dans des zones boisées autrefois inaccessibles, accroît les risques d’utilisation désordonnée et de surexploitation.

Figure 6

Variation de la superficie boisée par zone agroécologique

3.46 Près de 2 milliards d’hommes utilisent les biocombustibles (bois, résidus de récolte, excréments d’animaux, etc.) comme principales sources d’énergie domestique. Dans les zones tropicales, chaque habitant utilise de 1,5 à 2,5 kg de bois par jour contre moins de 0,5 kg dans les zones tempérées. La figure 7 ci-après fait ressortir une baisse générale de l’utilisation du bois de feu par habitant, mais ce phénomène est dû aux causes suivantes: a) la population augmente plus vite que la consommation de bois de feu, b) le bois de feu est de plus en plus rare et c) il est remplacé par des combustibles fossiles. En Amérique latine, l’adoption de combustibles de remplacement a fait passer la consommation de bois de feu exprimée en équivalent pétrole de 356 000 barils en 1970 à 307 000 barils en 1990. Cependant, en Amérique centrale, zone où la sécurité alimentaire constitue un grave problème, la part du bois de feu dans la consommation totale d’énergie est passée de 42 à 50 pour cent dans le même temps.

3.47 En chiffres absolus, le volume total de bois consommé comme combustible augmente dans le monde. Autour des grands centres urbains et là où les activités industrielles et commerciales qui utilisent le bois comme combustible sont regroupées, les forêts et les terres boisées avoisinantes sont soumises à de fortes pressions. Etant donné que dans les zones tropicales chaudes le bois est utilisé principalement comme combustible pour la cuisine, toute innovation technique ou modification du régime alimentaire entraînerait l’abandon du bois et en réduirait la consommation.

3.48 Lorsque le bois de feu devient rare, il est souvent remplacé par des excréments animaux qui ne peuvent plus alors servir de fertilisant. Cependant, les besoins de bois de feu et de charbon de bois de la population peuvent inciter à planter des arbres sous forme d’agroforesterie et de plantations communautaires ou commerciales sur des terres domaniales ou privées, à condition que les arbres soient une source de revenus et d’emploi et apportent ainsi des dividendes écologiques, sociaux et économiques.

Figure 7

Tendances de l’utilisation du bois de feu par zone agroécologique


4. Moyens possibles de réduire l'impact sur l'environnement

Moyens respectant l’environnement de conserver les sols et les eaux

4.1 Les systèmes de production alimentaire durables doivent atteindre trois objectifs:

4.2 Pour atteindre ces objectifs, il faut adopter une approche de la production vivrière différente de celle du passé. Presque toutes les options techniques permettant d’accroître la production vivrière ont des effets écologiques, sociaux ou économiques mais on peut obtenir deux avantages importants en privilégiant les pratiques fondées sur les caractéristiques écologiques comme la diversité, la résilience et l’utilisation rationnelle de l’énergie.

Conservation des sols

4.3 L’érosion a des effets importants sur les rendements des cultures au niveau du champ mais elle a aussi des effets considérables à l’extérieur au niveau des bassins versants (par exemple sur les ressources halieutiques et les habitats des poissons). Dans certains cas, des mesures écologiques comme la création de haies vives, de bandes de gazon et de vergers, associées à de simples terras-ses en gradins, peuvent donner de meilleurs résultats que la construction des terrasses à murs de pierres plus coûteuses. De nombreuses techniques ont été appliquées pour adapter l’exploitation aux conditions locales de sols, de climat et d’utilisation des terres ou aux pratiques locales; citons le travail réduit du sol, le labour profond, le labour suivant les courbes de niveau, les cultures en bandes ou cultures multiples, la rotation des cultures, l’emploi d’engrais verts, le paillage et la fertilisation.

4.4 Dans la zone aride et dans les régions les plus sèches des zones tropicales à saison sèche, il y a de grandes possibilités d’appliquer des techniques de conservation des sols et des eaux, comme l’a démontré le projet Keita de la FAO au Niger: suivant diverses méthodes participatives, on a planté des arbres pour produire du bois de feu, des aliments et servir de coupe-vent; on a pratiqué la récolte de l’eau et appliqué des mesures de lutte contre l’érosion éolienne et hydraulique.

4.5 Dans les zones les plus sèches, il peut suffire d’égaliser la surface du sol pour diriger les eaux de ruissellement vers des bassins où elles sont collectées ou de créer des bourrelets à pente douce pour recueillir l’eau des pentes non cultivées et la diriger vers les terres cultivées comme le faisaient les Nabatéens à Advat, dans le désert du Négev.

Ressources hydriques

4.6 Pour utiliser l’eau de façon durable, il est nécessaire de maintenir un débit suffisant, surtout pendant les périodes critiques de basses eaux, pour protéger les cours d’eau, les lacs et les terres humides. Les mêmes eaux sont utilisées pour les cultures, la pêche, la préparation des aliments et leur conservation et, dans certains cas, la production d’énergie. Pendant son trajet des bassins versants à la mer, l’eau est utilisée à de multiples reprises, changeant ainsi de qualité et de volume. Les activités agricoles ou forestières entreprises en amont peuvent avoir un impact négatif sur les utilisateurs d’aval si le ruissellement contamine l’eau au moyen de sédiments et de résidus d’engrais et de pesticides. En revanche, les zones qui conservent leur couvert forestier et leurs terres humides naturelles réussissent à maintenir la qualité de l’eau, régulariser l’approvisionnement et sauvegarder les habitats ripuaires des poissons et autres animaux.

4.7 L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a estimé, sur la base des conditions physiques et pédologiques, qu’il serait possible de mettre en irrigation au total 400 millions d’hectares, dont les trois quarts se trouveraient dans les pays en développement. Les terres irriguées sont deux fois et demie plus productives que les terres agricoles non irriguées et il est probable que leur superficie (environ 300 millions d’hectares à l’heure actuelle) augmentera. Toutefois, cet accroissement est entravé par la pénurie de terres appropriées, les disponibilités limitées d’eau et le coût élevé d’installation de grands périmètres. Dans de nombreux cas, il est plus rationnel d’améliorer l’efficacité de la gestion et de la production sur les terres déjà irriguées que d’en mettre de nouvelles en irrigation.

4.8 L’engorgement des terres est généralement imputable à l’utilisation excessive ou à la mauvaise gestion de l’eau d’irrigation. Le revêtement et la couverture des conduites entre les réservoirs et le point d’arrivée de l’eau permettent de mieux utiliser l’eau tout en réduisant les risques d’élévation du niveau de la nappe phréatique dans de nombreuses zones. Il serait nécessaire d’appliquer de telles mesures aux 11 millions d’hectares qui ont souffert d’engorgement en Asie, mais elles seraient aussi utiles dans les zones où la salinisation est fréquente et limite la productivité des terres irriguées (50 pour cent dans le monde). Dans la plupart des cas, les investissements dans l’éducation et la capacité de gestion permettent de réduire les effets de l’engorgement et de la salinisation des sols mieux que les travaux de drainage et d’amélioration des sols.

SYSTÈMES D'EXPLOITATION RESPECTANT L'ENVIRONNEMENT

4.9 Les cultures arables posent des problèmes écologiques sérieux, notamment sous les tropiques, car le travail régulier du sol ouvre la terre et l'expose à l'érosion. En outre, l'intensification de l'exploitation sous forme de réduction des jachères et de cultures multiples oblige à se préoccuper de la fertilité des sols et de la lutte contre les ennemis des cultures, ce qui entraîne habituellement un recours accru aux engrais minéraux et aux pesticides. Toutefois, il existe des techniques de remplacement, comme la protection intégrée (PI) et les systèmes intégrés de nutrition des plantes (SINP), qui devront être appliquées de plus en plus largement.

Systèmes intégrés de nutrition de plantes

4.10 Les végétaux trouvent des éléments nutritifs dans le sol, le fumier et les résidus de récolte qui font partie de la chaîne alimentaire. Les plantes cultivées peuvent utiliser directement les éléments nutritifs du sol, mais elles n’ont accès à ceux des résidus de récolte et du fumier organique que lorsqu’ils ont été décomposés par des bactéries. Les systèmes intégrés de nutrition des plantes ont pour objectif de bien équilibrer les éléments nutritifs de toute provenance, notamment ceux des engrais minéraux, dont disposent les agriculteurs pour qu’ils soient utilisés au mieux.

4.11 Les matières organiques contribuent à maintenir la structure et la microfaune des sols qui sont nécessaires pour assurer leur capacité de rétention d’eau, l’aération et les autres conditions requises pour fournir des éléments nutritifs aux végétaux. La situation reste fondamentalement la même, que les éléments nutritifs proviennent d’engrais organiques ou d’engrais minéraux. Cependant, les engrais organiques contribuent à maintenir la structure et la texture du sol, entraînent généralement peu de dépenses directes pour les agriculteurs et, s’ils sont associés à des engrais minéraux bien appliqués, renforcent leur effet sur le rendement et contribuent à compenser les pertes d’éléments nutritifs liées à la production vivrière.

4.12 Nombre d’agriculteurs n’obtiennent pas de bons rendements parce que les disponibilités d’engrais sont inférieures à la demande et peu variées et que les livraisons sont irrégulières. Des applications peu judicieuses peuvent avoir des effets négatifs et le manque d’éléments nutritifs à certains stades peut affaiblir les effets bénéfiques des applications antérieures. Par exemple, les manguiers reçoivent des engrais pour renforcer la floraison mais, si les éléments nutritifs disponibles pendant la maturation sont insuffisants, les fruits tombent des arbres avant d’être mûrs.

4.13 Il est donc nécessaire d’appliquer des systèmes de nutrition intégrés et d’assurer l’équilibre et la fourniture régulière d’éléments nutritifs, de façon à les utiliser rationnellement et à réduire les gaspillages et les pertes (figure 8). A cette fin, les recherches, l’enseignement et la formation devraient être davantage orientés vers la promotion et l’application de tels systèmes.

Protection intégrée

4.14 Depuis leur apparition il y a cinquante ans, les pesticides synthétiques sont devenus le principal moyen de lutter contre les ennemis des cultures et ils ont permis d’obtenir des rendements plus réguliers et d’utiliser davantage d’engrais. Toutefois, l’utilisation des pesticides synthétiques s’est souvent révélée non viable et peu efficace à long terme en raison de l’apparition de la résistance chez les ennemis des cultures, du coût croissant des pesticides eux-mêmes, de la destruction d’insectes utiles et des effets négatifs sur la santé des hommes et sur l’environnement. Devant ces difficultés, on s’est progressivement orienté vers la protection intégrée, système qui fait avant tout appel à la participation des agriculteurs et à la lutte biologique.

Figure 8

Diagramme simplifié des flux de nutriments

4.15 La protection intégrée permet aux agriculteurs de diriger directement les opérations de lutte. Ils surveillent eux-mêmes régulièrement l’état de santé de leurs cultures, l’activité des insectes utiles et, sur la base des informations ainsi obtenues et de leurs connaissances, décident des mesures appropriées. En général, la PI regroupe diverses techniques de lutte qui ont notamment l’avantage de maintenir l’utilisation des pesticides et les autres interventions à des niveaux justifiés du point de vue économique et sans danger pour l’environnement. On peut distinguer quatre éléments techniques: bonne gestion des cultures - les agriculteurs appliquent toutes les connaissances disponibles pour obtenir une récolte saine; adoption de pratiques telles que la surveillance des insectes utiles et la connaissance du cycle biologique des ennemis des cultures de façon à avoir recours aux prédateurs naturels et aux caractéristiques écologiques pour mieux pratiquer la lutte biologique; adoption de variétés de cultures sélectionnées pour la résistance durable aux ennemis ou de techniques comme le génie génétique, pour la résistance des plantes hôtes, notamment aux virus; enfin, en dernier ressort et seulement lorsqu’il a un effet net positif sur les mesures naturelles de lutte: emploi de produits chimiques.

4.16 La combinaison de technologies PI et SINP permet d’augmenter fortement la production dans les pays en développement, mais à condition que ceux qui les appliquent jouent un rôle actif. Les politiques de réduction des subventions sur les pesticides et les engrais doivent être orientées vers l’accroissement de la formation des agriculteurs, la réorientation de la recherche, de l’éducation et de la vulgarisation afin de répondre aux besoins effectifs des exploitants. Les pouvoirs publics doivent reconsidérer les politiques concernant l’achat, l’homologation, la formulation, l’application et l’évacuation des pesticides en tenant compte du Code international de conduite pour la distribution et l’utilisation des pesticides de 1985, amendé en 1989 pour y incorporer les principes de l’information et du consentement préalables (ICP) (FAO, 1990).

PRODUCTION ANIMALE: OPTIONS RESPECTANT L'ENVIRONNEMENT

4.17 A mesure que le niveau de vie s'améliore dans de nombreux pays, un nombre croissant d'habitants utilisent davantage de viande et de produits laitiers pour s'alimenter. En 1994, la production mondiale de viande a atteint 184 millions de tonnes, soit 33 kg par habitant. A l'échelle mondiale, environ 16 pour cent des céréales, 20 pour cent des aliments amylacés et 3 pour cent des graines oléagineuses sont destinés à l'alimentation du bétail. On prévoit que la demande de céréales aux fins d'alimentation animale atteindra 30 pour cent de la production totale en 2050, de sorte que les terres seront soumises à des pressions croissantes pour produire des céréales fourragères.

4.18 Les pâturages permanents couvrent 3 424 millions d’hectares et représentent donc la première forme d’utilisation des terres. Les systèmes de pâturages multi-espèces longtemps appliqués par les systèmes pastoraux traditionnels (bovins, chevaux et petits animaux en Asie du Nord) assurent une meilleure utilisation des aliments disponibles et maintiennent l’équilibre de la végétation. L’élevage des animaux en enclos permet d’utiliser rationnellement l’énergie et les éleveurs ont tendance à avoir de plus en plus recours aux plantes cultivées fourragères et aux aliments concentrés par opposition au pâturage libre.

4.19 La perte de ressources génétiques réduira la capacité des sélectionneurs de végétaux et d’animaux de s’adapter à l’évolution et aux exigences de l’industrie alimentaire. Il est nécessaire d’enregistrer les ressources zoogénétiques existantes, de promouvoir la productivité d’une gamme plus large de ces ressources, de les mettre à la disposition des agriculteurs et de conserver les ressources génétiques irremplaçables qui n’intéressent pas les exploitants pour le moment. Une large gamme d’organisations gouvernementales et non gouvernementales doivent participer à la gestion des ressources zoogénétiques comme elles le font déjà pour les ressources phytogénétiques.

4.20 Il est prévu que les émissions de méthane provenant des ruminants doubleront entre 1990 et 2050 et que l’évacuation des déchets animaux posera des problèmes. Des améliorations appropriées de l’alimentation et de la génétique permettent de limiter les émissions de méthane, et le méthane provenant des boues peut servir de biocombustible. Les coûts directs et indirects de réduction de la pollution dans le secteur de l’élevage ne sont estimés qu’à 0,72 pour cent des coûts totaux, ce qui laisse une large marge pour réduire encore l’impact de ce secteur.

PÊCHES: OPTIONS RESPECTANT L'ENVIRONNEMENT

4.21 Les disponibilités de poisson propres à la consommation humaine directe provenant des pêches marines ont été estimées à 50 millions de tonnes par an en 1990-93. En l'absence d'intervention pour atténuer la surpêche actuellement pratiquée, une réduction des approvisionnements provenant des pêcheries marines est prévisible. Les perspectives pourraient être comparables dans le cas des grandes pêcheries en eaux intérieures. La production aquacole qui devrait cependant continuer de s'accroître pourrait aussi être limitée par la mauvaise gestion et les impacts sur l'environnement qu'elle entraîne.

4.22 L’application de restrictions à l’accès aux ressources halieutiques qui est actuellement libre et gratuit paraît propre à assurer une gestion de ces ressources respectant l’environnement mais pour cela il faudrait aussi garantir une répartition équitable des ressources et l’établissement de droits des utilisateurs. Dans le cas des pêches artisanales, les droits des utilisateurs sont particulièrement importants pour protéger les pêcheurs de la concurrence insoutenable des navires industriels.

4.23 Toutefois, les accords d’aménagement des pêches ne peuvent être acceptables et durables que s’ils bénéficient d’une large participation de toutes les personnes intéressées. Il faut donc adopter des principes d’équité et déléguer la gestion au plus bas niveau possible en pratique. En cas de difficultés de répartition des ressources, des mesures classiques de gestion comme l’interdiction d’habitats indispensables aux poissons, la réglementation des engins de pêche, la fermeture des pêches à certaines saisons, le contingentement des prises et la fixation de taille minimum au débarquement doivent être appliquées avec rigueur.

4.24 Il faut également tenir compte du secteur des pêches et de l’agriculture pour la planification de l’utilisation des terres, l’aménagement des bassins fluviaux et des bassins versants et le développement et l’aménagement intégrés des bassins de versement et des zones côtières.

Forêts: options respectant l’environnement

Utilisation des produits forestiers naturels

4.25 Le ramassage de produits alimentaires dans les forêts tropicales humides, pratique qui respecte l’environnement, ne peut faire vivre qu’un nombre limité d’hommes. Il est possible de développer l’utilisation et les exportations de produits forestiers non ligneux, comme on le fait dans certaines zones du bassin de l’Amazone. Il s’agit surtout de produits non alimentaires comme les matériaux destinés à l’industrie pharmaceutique, bien que les champignons, le miel, les fruits à coque et autres présentent aussi de l’importance. Les revenus tirés de ce genre d’activité peuvent jouer un rôle considérable dans la sécurité alimentaire des populations qui vivent dans les forêts et aux alentours en leur permettant de diversifier leurs revenus et leur alimentation.

4.26 Le bois de feu constitue une ressource indispensable pour la préparation et la conservation des aliments, par fumage ou séchage. Lorsque la demande de bois de feu dépasse la croissance naturelle des forêts, on peut accroître les disponibilités de ce produit à l’échelle locale grâce à l’agroforesterie et aux plantations d’essences bien adaptées.

4.27 La plantation des friches forestières en essences à croissance rapide qui peuvent produire du bois de feu en relativement peu de temps constitue un moyen de remédier aux pénuries de bois dans les zones humides et subhumides. Autour des habitations et dans les zones périurbaines, diverses essences d’arbres peuvent produire des fruits, des rameaux souples, des matériaux pour les meubles et la corderie qui apportent des suppléments utiles au revenu du ménage; ce revenu supplémentaire va souvent directement aux femmes et renforce la sécurité alimentaire.

Agroforesterie

4.28 Une large gamme de systèmes d’utilisation des terres exploite les végétaux pérennes ligneux (arbres et arbustes, palmiers, bambous, etc.) sur les mêmes unités de gestion que les cultures ou les animaux d’élevage. Certains systèmes particulièrement répandus dans les zones tropicales humides ont été largement étudiés: combinaison de plantations (par exemple arbres d’ombrage au-dessus de cacaoyers, caféiers ou théiers), plantations (cocotiers) associées au bétail, jardins familiaux ou parcelles arboricoles à étages multiples, jachères améliorées dans le cadre de la culture itinérante.

4.29 Les coupe-vent et ceintures de protection, la plantation d’arbres polyvalents sur les terres cultivées et les systèmes sylvopastoraux (plantation d’arbres et d’arbustes sur les pâturages intensifs ou extensifs) sont des formes d’agroforesterie couramment pratiquées dans les zones semi-arides et subhumides pour accroître la production de produits ligneux (bois de feu, poteaux, bois d’oeuvre), d’aliments (fruits), de produits fourragers ou de divers autres produits non ligneux (médicaments, fibres); ils améliorent également le micro-climat pour les végétaux ou les animaux en offrant de l’ombrage et en accroissant l’humidité. Dans de nombreux pays, on a l’habitude de planter des arbres pour créer des haies vives ou produire des fruits ou des aliments complémentaires pour les animaux.

4.30 Les systèmes d’agroforesterie permettent d’améliorer le rendement de certaines cultures vivrières mais seuls quelques modes d’utilisation ont été étudiés longuement (coupe-vent, parcs, arbres d’ombrage au-dessus des arbustes productifs et cultures en allées) (tableau 3).

4.31 L’agroforesterie offre également l’avantage d’accoître la valeur des récoltes et de diversifier les revenus agricoles. Ainsi, les coupe-vent établis pour protéger les arbres fruitiers ou d’autres formes d’horticulture permettent non pas d’augmenter le rendement total mais d’obtenir des produits de qualité supérieure ayant une valeur marchande plus élevée. L’établissement d’arbres d’ombrage au-dessus des cacaoyers abrite ces derniers pendant les deux premières années d’établissement, réduit l’érosion du sol, fournit des éléments nutritifs en l’absence d’application d’engrais et diminue les invasions de ravageurs, de maladies et d’herbes adventices.

Tableau 3

CONSERVATION DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE

4.32 On reconnaît généralement que l'amélioration de la productivité sur les terres déjà défrichées et l'établissement de zones tampons mixtes pour protéger les aires existantes est un bon moyen de conserver la diversité biologique naturelle. Il est tout aussi important de conserver la diversité agrobiologique en protégeant toute une gamme de végétaux, d'animaux et d'insectes utiles dans les réserves génétiques des différentes races de pays et espèces proches.

4.33 La diversité des végétaux cultivés peut être renforcée par la rotation (dans le temps) et la disposition (dans l’espace) des cultures sous forme de cultures de couverture, de cultures mixtes, d’agroforesterie et d’exploitations mixtes culture/élevage. La mise sur le marché d’une plus large gamme de variétés et la sélection végétale de type participatif et adapté au site peuvent également jouer un rôle positif. La diversification des cultures et des variétés contribue à maîtriser les ennemis des cultures et à assurer la nutrition et la conservation des sols.

4.34 En règle générale, un écosystème est d’autant plus stable et résiste mieux aux perturbations qu’il comprend une gamme d’espèces plus large. Même si les systèmes d’exploitation diversifiée n’ont pas toujours une production brute aussi élevée que les systèmes de monoculture spécialisés, ils sont généralement moins vulnérables. Les cultures traditionnelles, les cultivars du siècle dernier et les variétés de riz et de plantes racines et tubercules utilisés par les populations indigènes sont également dotés d’une diversité qui réduit les risques causés par les ravageurs et les maladies. La réduction de la variabilité génétique des végétaux et des animaux réduit leur capacité à s’adapter au stress. En conséquence, les systèmes d’exploitation mixte végétaux/animaux offrent des caractères de souplesse, de productivité et de durabilité qui sont particulièrement bien adaptés aux populations rurales exposées à l’insécurité alimentaire.

UNE DEUXIÈME RÉVOLUTION VERTE

4.35 Devant la réussite de la révolution verte lancée dans les années 60, certains souhaitent qu'une action analogue soit entreprise pour accroître la production alimentaire dans les zones pauvres souffrant d'insécurité alimentaire. La carte 3 ci-après présente la répartition des terres productives dans le monde, les classes de productivité agricole estimative étant exprimées en équivalent céréales (t/ha/an). On constate que de vastes zones ont une productivité faible par rapport à celle qu'elles pourraient atteindre avec des apports d'intrants plus élevés (carte 4). Enfin, la carte 5 indique l'écart estimatif de rendements obtenu par superposition des cartes 3 et 4.

4.36 L’écart de rendements - différence entre celui que les chercheurs peuvent obtenir dans des conditions expérimentales et celui que les agriculteurs obtiennent réellement - est souvent considéré comme le premier obstacle à l’accroissement de la production vivrière. Divers facteurs devraient être réunis pour lancer une deuxième révolution verte mais il ne faudrait pas fonder la réduction de l’écart de rendements uniquement sur des mesures scientifiques ou techniques. Il est aussi nécessaire de compléter ces mesures par des mécanismes participatifs d’incitation, de formation et de réforme institutionnelle et politique.

4.37 Certains ont parlé de double ou de nouvelle révolution verte(3) car il s’agirait non pas d’accroître simplement la production vivrière mais aussi de le faire d’une manière durable et respectant l’environnement. La révolution verte, qui s’est réalisée principalement en Asie dans les années 60 et 70, a contribué à accroître la production vivrière mais elle a entraîné pour l’environnement diverses conséquences évitables, faute d’appliquer nombre de principes importants d’agro-écologie comme la diversité et la résilience qui sont bénéfiques pour les populations mêmes qui ont besoin de nourriture.

4.38 L’Asie où la révolution verte a évidemment été bénéfique arrive tout juste à maintenir les résultats acquis ainsi en raison de la croissance démographique et des disponibilités limitées de terres arables. L’Afrique, qui n’a pas bénéficié de cette révolution, a sans aucun doute besoin d’une nouvelle action, mais les ressources humaines et les infrastructures institutionnelles sont nettement plus faibles sur ce continent. Les obstacles naturels - climat instable, sols peu fertiles, ressources hydriques limitées et manque de variétés végétales adaptées spécifiquement à ces conditions instables - posent également des problèmes qui sont fondamentalement différents de ceux qui ont été rencontrés pendant la première révolution verte mais ne sont pas insolubles. Ainsi, la première révolution verte ne pourra sans doute pas servir de modèle pour la prochaine.

4.39 Les résultats dépendront beaucoup plus d’une utilisation et d’une gestion améliorées du capital social et naturel (ressources humaines, ressources naturelles, agrosystèmes, etc.), accompagnées par des mécanismes d’action qui permettent à la nouvelle révolution verte d’être axée sur les préoccupations des paysans, éleveurs ou cultivateurs pauvres. Les ingrédients classiques que représentent la sélection végétale et animale, les engrais et l’irrigation, joueront un rôle essentiel mais ils ne sauraient à eux seuls assurer la réussite.


5.Des approvisionnements alimentaires sûrs dans les limites de la nature

ÉLÉMENTS D'UNE PRODUCTION VIVRIÈRE RESPECTANT L'ENVIRONNEMENT

5.1 Comme on l'a vu plus haut, il existe de nombreuses solutions techniques permettant d'améliorer l'efficience et les rendements de la production vivrière pratiquement sans modifier la superficie exploitée aujourd'hui. Bien que toutes les techniques n'aient pas été étudiées à fond et ne soient pas prêtes à être vulgarisées, l'humanité devrait pouvoir continuer à se nourrir à condition que les meilleures pratiques soient rapidement diffusées et adoptées et que les autres conditions indispensables à une production vivrière durable soient remplies. Il y a trois éléments clés à cette fin: efficience de l'utilisation des ressources, cadre de planification et d'exécution et bonne administration.

5.2 Efficience de l’utilisation des ressources: il s’agit de convertir des ressources peu abondantes (naturelles, sociales et financières) en produits et services utiles d’une manière qui soit économiquement viable tout en limitant au minimum l’impact sur l’environnement. Toutefois, l’agriculture durable et respectueuse de l’environnement ne pourra se diffuser sans heurts; la production vivrière continuera d’avoir des impacts négatifs sur l’environnement dans l’avenir prévisible. Les stratégies à venir devront donc avoir un objectif double: favoriser la transformation à long terme de la production vivrière en une utilisation des ressources durable et respectant l’environnement et atténuer les effets nuisibles à court terme.

5.3 L’idée selon laquelle la production vivrière peut suivre la croissance démographique projetée tout en respectant l’environnement repose sur des bases scientifiques mais cette idée générale n’est pas applicable partout. Les zones où des terres marginales sont exploitées à l’heure actuelle sont souvent aussi particulièrement exposées à la pression démographique, à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire. Ces zones sont généralement difficiles d’accès et manquent d’infrastructures et de capitaux d’investissement ainsi que de connaissances techniques. Elles ne possèdent généralement pas les ressources requises pour les productions commerciales, elles restent donc souvent exclues des mesures en faveur de la production vivrière. Il incombe aux pouvoirs publics d’intervenir plus particulièrement pour promouvoir le développement rationnel dans ces zones.

5.4 Des cadres de planification et d’exécution appropriés sont nécessaires pour diffuser les sciences et les technologies et mettre les politiques en oeuvre. Certains pays devront diversifier leur économie en créant des emplois dans les secteurs non agricoles, améliorer leurs infrastructures de transport et éliminer les obstacles qui gênent le fonctionnement des mécanismes de marché. Dans d’autres pays, la création d’emplois et de revenus devra être favorisée dans le secteur agricole lui-même dans des domaines comme le traitement et la commercialisation(4) des produits et les services de soutien.

5.5 Des plans de conservation et d’amélioration de l’environnement sont indispensables pour constituer un système national de sécurité alimentaire durable. Outre les éléments habituels de conservation des terres et des eaux, de diversité biologique et de lutte contre la pollution, ces plans devraient être reliés aux actions visant à freiner la conversion de terres arables à potentiel élevé à d’autres usages, à améliorer la sécurité alimentaire et à utiliser le système des zones agroécologiques (ZAE) dans les plans pour évaluer la capacité de charge démographique des terres, évaluation qui permet d’orienter rationnellement les investissements nationaux dans l’alimentation et l’agriculture.

5.6 La production vivrière a généralement un certain coût pour l’environnement: perte de végétation naturelle et de diversité biologique, érosion des sols et épuisement des eaux superficielles et souterraines. Bien entendu, le mode d’utilisation des terres - cultures industrielles, cultures vivrières, conservation de la nature ou industrie - suscite des divergences de vues. De tels conflits surgissent pour les zones côtières et intérieures et les ressources collectives (forêts, pâturages, mers et océans). Des procédures précises doivent être prévues pour régler les conflits de besoins et d’intérêts de la société pour la génération présente, compte tenu aussi des besoins à venir. Il faut donc faire participer les intéressés (agriculteurs, responsables locaux des terres, organisations gouvernementales et non gouvernementales, consommateurs, etc.) et évaluer le coût pour l’environnement des différentes utilisations possibles des terres.

5.7 Les mécanismes démocratiques et l’opinion du grand public concernant les questions d’environnement contribuent à dégager les préférences et à fixer des objectifs appropriés en matière d’utilisation des terres, notamment l’accès à la nourriture et à un régime alimentaire permettant une vie saine et active. La transformation des systèmes de production alimentaire existants et à venir exige une planification de l’utilisation des terres ou des ressources et la formulation d’objectifs explicites pour les diverses utilisations possibles des terres. La planification est également nécessaire pour définir les incitations à l’utilisation durable et encourager les changements de mentalité et de valeurs en faveur de l’exploitation améliorée des terres. Les graves pressions que subissent actuellement les stocks de poissons marins montrent comment une politique peu judicieuse et l’absence de plans peuvent aboutir à l’utilisation désordonnée d’une ressource naturelle commune.

5.8 Les forces du marché répondent rarement bien aux problèmes d’environnement, à moins d’être encouragées ou orientées par la politique gouvernementale. Le tableau 4 ci-après indique, par région, certains domaines importants dans lesquels la sauvegarde de l’environnement est déjà bonne ou pourrait être améliorée. Elle pourrait aussi servir de référence générale aux pays pour évaluer l’impact sur l’environnement de la production vivrière sur leur propre territoire afin de fixer un ordre de priorités et d’affecter des ressources.

Tableau 4

5.9 Le cadre administratif et politique dans lequel la production alimentaire peut augmenter sans compromettre de façon généralisée l’environnement doit comporter au moins quatre grands éléments:

5.10 L’expérience a montré que les pays dotés d’une bonne administration bénéficient d’une croissance économique plus régulière et durable. Il faut donc promouvoir le dialogue avec les divers groupes d’intérêts, partager les pouvoirs de décisions et d’affectation des ressources avec les autorités locales tout en décourageant la corruption ou le manque d’efficacité. Un gouvernement éclairé doit aussi travailler en collaboration avec les organisations non gouvernementales, les associations d’exploitants et le secteur privé. L’exclusion des femmes des décisions et de l’accès aux ressources a aussi de multiples effets négatifs sur la production vivrière. Il incombe aux pouvoirs publics de sensibiliser les femmes aux questions d’environnement en promouvant des interventions qui améliorent leur accès à l’éducation, la formation, l’énergie, le crédit, etc.

5.11 Les gouvernements d’un certain nombre de pays doivent entreprendre la réforme des régimes fonciers, orienter l’investissement vers les zones rurales et appliquer des mesures complémentaires qui traduisent une éthique nationale de développement durable adaptée à la situation nationale; ce sont là des tâches complexes et difficiles.

AJUSTEMENT STRUCTUREL EN FONCTION DE L'ENVIRONNEMENT

5.12 Les définitions actuelles de la viabilité économique sont axées sur la productivité et la rentabilité sans tenir compte de la durabilité. Les pays qui tentent de mesurer leurs gains et leurs pertes économiques nets ne font pas non plus figurer le coût des effets négatifs sur l'environnement dans leurs comptes nationaux. Les pertes de biens et de services écologiques sont particulièrement dangereuses pour les pays pauvres dont l'économie est plus tributaire des ressources naturelles et donc plus sensible à leur destruction. Il faut travailler activement à améliorer et mettre à l'essai des méthodes de comptabilité nationale écologique, notamment établir le coût de la dégradation des sols et des eaux, de l'épuisement des éléments nutritifs des végétaux, de la destruction de la couverture forestière et de la diversité biologique, et des pratiques non durables du point de vue économique et environnemental.

5.13 Il est également nécessaire de calculer le coût pour l’environnement de différentes productions végétales (intensité potentielle de la pollution ou de la dégradation des ressources) afin de bien comprendre les conditions requises pour une bonne production. Par exemple, en Afrique du Sud, on a corrigé le revenu agricole pour tenir compte de divers types de dégâts pour l’environnement, comme l’érosion, le durcissement superficiel, le compactage, l’acidité et la salinisation des sols et la perte d’éléments nutritifs des végétaux, qu’entraîne la production vivrière.

5.14 Pour des raisons économiques, politiques, de sécurité alimentaire ou autres, de nombreux pays continuent de promouvoir des politiques qui sont opportunes à court terme mais finissent par dégrader l’environnement et ne contribuent guère au développement économique durable. Alors que les dispositifs réglementaires (autorité et contrôle) font souvent surgir de nouveaux problèmes, les mesures fiscales tendant à promouvoir les techniques respectant l’environnement et les incitations économiques ont souvent permis de corriger à bon compte les erreurs de politique et les défaillances du marché. Il peut s’agir de taxes en cas d’utilisation destructrice des ressources naturelles (culture sur des pentes raides, destruction de haies ou de coupe-vent) ou d’émissions qui sont fondées sur le coût de réalisation de taux de concentrations convenus (principe du pollueur-payeur). Les méthodes dites de la carotte et du bâton qui offrent des récompenses ou des pénalités proportionnelles à l’impact négatif constaté sur l’environnement permettent également de modifier la situation.

5.15 Il n’est pas possible à court terme de remplacer les réglementations autoritaires par des instruments économiques dans le cas de tous les problèmes écologiques; il est donc nécessaire d’aborder en premier les problèmes prioritaires.

FORMATION ET RENFORCEMENT DU CADRE INSTITUTIONNEL

5.16 On a constaté que les agriculteurs adoptent rapidement des innovations si celles-ci se révèlent bénéfiques. Ainsi, les chercheurs nationaux et internationaux sont appelés à concevoir des innovations et des incitations qui apportent des avantages économiques à chaque producteur tout en respectant l'environnement. La protection intégrée (PI) et les systèmes intégrés de nutrition des plantes (SINP) sont fondés sur ce principe mais une interaction permanente entre agriculteurs, vulgarisateurs et scientifiques est nécessaire pour susciter une prise de conscience et aboutir à un consensus entre les intéressés.

5.17 Un certain nombre de mesures peuvent contribuer à favoriser les méthodes de production respectant l’environnement et à modifier les modes d’utilisation des terres:

EVALUATION PRÉALABLE ET SURVEILLANCE DE L'IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT

5.18 L'utilisation rationnelle des données et des informations peut être très importante pour éviter et atténuer les effets nuisibles sur l'environnement mais les lacunes et les problèmes d'accès constituent des obstacles majeurs. Indépendamment de l'absence de données et d'informations importantes, il est fréquent que les données existantes ne soient pas utilisées parce qu'elles ne sont pas mises en commun, que les utilisateurs ne savent pas qu'elles existent ou qu'elles ne sont pas organisées d'une manière qui permette de les analyser facilement.

5.19 Depuis 10 ans, l’évaluation de l’impact sur l’environnement (EIE) est devenue un outil important de planification et d’analyse dans le secteur rural. La plupart des banques multilatérales de développement et un grand nombre de pays contrôlent les projets pour savoir s’ils risquent d’avoir des effets négatifs sensibles et si une telle évaluation préalable doit être entreprise. Il reste cependant tout à fait nécessaire:

5.20 Après des décennies d’aide au développement, on manque malheureusement encore de données rassemblées systématiquement sur le couvert végétal, l’utilisation et la dégradation des terres, les disponibilités d’eau, la diversité biologique et d’importantes dimensions sociale et juridique de la production vivrière. Pour remédier à ces lacunes, la Banque mondiale, la FAO, le PNUE et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) travaillent ensemble à mettre au point des indicateurs de la qualité des terres qui aideront les pays à organiser les données et informations disponibles et à identifier les indicateurs clés permettant de suivre toute une gamme de questions liées aux terres. Les pays identifieront les principaux problèmes de qualité des terres, fixeront des objectifs politiques et suivront l’évolution de la situation en ce qui concerne l’érosion du sol, la baisse de fertilité, le recul de la diversité biologique naturelle, l’insécurité alimentaire, le chômage rural, etc. Il est aussi tout à fait nécessaire de rassembler des données nouvelles mais les ressources requises manquent le plus souvent.

5.21 La FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco ), le PNUE, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Conseil international des unions scientifiques (CIUS) ont déjà pris des dispositions pour suivre l’évolution à long terme de la couverture et de l’utilisation des terres à l’échelle mondiale en créant un système mondial d’observation terrestre (SMOT) qui doit observer les modifications des systèmes naturels et agricoles grâce à des études terrestres et à la télédétection. Ce système rassemblera des informations sur les modifications de l’utilisation et la dégradation des terres, la durabilité des écosystèmes organisés, la gestion des ressources hydriques, la pollution et la toxicité, la perte de diversité biologique, et complétera les Systèmes mondiaux d’observations du climat (SMOC) et des océans (SMOO).

INCIDENCES POUR LES PLANIFICATEURS ET LES RESPONSABLES

5.22 Au cours des vingt dernières années, le rôle des pouvoirs publics s'est réduit, accroissant ainsi les responsabilités des individus et du marché. On a soutenu que les pouvoirs publics ne doivent intervenir que pour respecter au mieux l'intérêt général (protection de l'environnement, sécurité alimentaire) et doivent cesser de lier les transferts de revenu aux mesures d'incitation ou de découragement à l'affectation des ressources et à la production. En effet, les interventions des pouvoirs publics ont souvent fait surgir des problèmes écologiques. Ainsi, dans certains pays développés, les subventions à l'agriculture ont encouragé une intensification de l'exploitation qui s'est révélée coûteuse et non rentable; dans les pays en développement, les prix des intrants agricoles ont été maintenus artificiellement à un niveau bas. Ces mesures ont eu pour effet d'encourager les producteurs à se spécialiser dans certaines cultures et à intensifier l'utilisation d'intrants, entraînant ainsi la dégradation des terres et des eaux et d'autres formes de mauvais aménagement de l'environnement.

5.23 Les pouvoirs publics devraient avoir pour principe général de limiter leur intervention aussi longtemps que la pollution et la dégradation n’ont pas d’effets notables sur l’environnement, tout en laissant au secteur privé le soin de promouvoir une agriculture rationnelle et productive.

5.24 Le commerce des produits alimentaires continuera de jouer un grand rôle dans les économies nationales du monde entier mais les problèmes d’environnement et de santé continueront aussi à prendre de l’importance. Comme il est difficile d’appliquer les mêmes normes dans tous les pays, la capacité de concurrence des pays à normes élevées a suscité des préoccupations. Simultanément, les pays en développement se préoccupent de l’effet du recours aux mesures commerciales fondées sur des normes écologiques pour limiter leur accès aux marchés. Divers organismes internationaux étudient actuellement cette question pour régler ces conflits potentiels mais des divergences de vues persisteront probablement dans l’avenir prévisible.

5.25 Il faut continuer à travailler à conserver les écosystèmes naturels qui servent d’habitat aux espèces végétales et animales sauvages propres à devenir des cultures vivrières ou des sources de produits pharmaceutiques ou autres à l’avenir. De bonnes mesures d’aménagement sont nécessaires pour protéger les végétaux sauvages parents des espèces de végétaux cultivés et des plantes alimentaires sauvages dans des aires protégées ou autres. Il faut aussi veiller plus activement à conserver à l’exploitation les races de pays ou les variétés végétales cultivées traditionnelles et tenir compte de ce problème dans les stratégies de développement agricole. Dans les zones marginales où vivent la plupart des petits exploitants, le renforcement de la gestion des ressources phytogénétiques à l’exploitation et l’amélioration des races de pays grâce à la sélection permettent à la fois de redresser le niveau de vie des exploitants et de prévenir la dégradation des terres.

5.26 En outre, il faut reconnaître que les disponibilités d’énergie sont un facteur indispensable pour assurer la sécurité alimentaire et la protection de l’environnement car elles sont essentielles pour accroître l’efficacité du travail et diversifier les activités économiques dans les zones rurales. Les pays qui utilisent l’énergie du bois pour le traitement et la préparation des aliments devraient affecter une partie de leurs terres à la production de bois de feu; ils devraient aussi étudier les possibilités de produire de la biomasse en vue d’en tirer de l’énergie et de tirer profit des terres marginales ou dégradées en y produisant des biocombustibles. Plus important encore, les responsables de l’agriculture doivent collaborer plus étroitement avec leurs homologues du secteur énergétique pour accroître les disponibilités d’énergie classique ou renouvelable en milieu rural. Cela suffirait à encourager fortement les populations rurales à rester sur place et à gérer plus rationnellement leurs ressources naturelles tout en élargissant leur gamme d’activités économiques.

5.27 Les pouvoirs publics peuvent travailler avec le secteur privé et les organisations non gouvernementales pour accroître le volume et la qualité de la nourriture disponible de diverses manières:

CONCLUSION

5.28 En ce qui concerne l'atténuation de la pauvreté et la sécurité alimentaire, les principaux obstacles à une production vivrière durable et respectant l'environnement sont l'inaction et l'indifférence des hommes et non les facteurs naturels ou sociaux. Aux problèmes à court terme de dégâts infligés aux sols, aux eaux, aux forêts et aux pêcheries s'ajoutent le changement de climat, la perte de diversité biologique et la pression démographique croissante prévisibles à long terme.

5.29 Pour formuler les principes de l’agriculture et du développement rural durable (ADRD), le mieux est de reprendre les termes de la Déclaration de den Bosch qui constatait en 1991:

«.... la vaste diversité des conditions écologiques, culturelles, sociales et économiques qui influencent les pratiques agricoles à l’échelle de la planète ... le premier devoir de l’agriculture est d’assurer à tous et avant toute chose la sécurité alimentaire, tant en quantité qu’en qualité des approvisionnements, d’offrir des emplois et de meilleures conditions de vie et de sécurité des revenus en milieu rural».

5.30 La CNUED a précisé le concept d’agriculture et de développement rural durables en 1992 dans le Programme «Action 21»:

«Pour créer les conditions propres à un développement rural et agricole durable, il faudra procéder à des ajustements majeurs dans la politique agricole, environnementale et macro-économique, aux niveaux national et international, tant dans les pays développés que dans les pays en développement. L’objectif essentiel d’un développement agricole et rural durable est d’assurer un accroissement soutenu de la production alimentaire et d’améliorer la sécurité alimentaire. Pour ce faire, il faudra organiser des activités d’éducation, adopter des mesures d’incitation économiques et promouvoir des technologies nouvelles appropriées de manière à garantir une offre stable de denrées alimentaires d’une valeur nutritive adéquate, auxquelles les groupes vulnérables auront accès et permettant une production commerciale; créer des emplois et des revenus pour réduire la pauvreté; gérer les ressources naturelles et protéger l’environnement. La priorité doit être accordée au maintien et à l’amélioration de la capacité des terres agricoles à fort potentiel de subvenir aux besoins d’une population croissante. Toutefois, pour maintenir des ratios terre/hommes viables, il sera également nécessaire de conserver et de restaurer les ressources naturelles des terres à faible potentiel».

5.31 Les lecteurs ne doivent pas tirer du présent document l’impression que les problèmes d’environnement et les défis qui attendent l’agriculture ne peuvent trouver de solution. Le potentiel biologique et les technologies disponibles sont largement en mesure de produire assez de nourriture pour couvrir la demande mais les besoins alimentaires des populations souffrant d’insécurité alimentaire chronique doivent sans aucun doute être satisfaits immédiatement. Il serait tout aussi faux de croire que les problèmes peuvent être réglés par les démarches adoptées depuis 40 ans - la nature même du développement doit changer. Le cadre de changement que constitue le programme «Action 21» a été adopté par les chefs d’Etat – plus de 160 – qui ont assisté à la CNUED.

5.32. Les gouvernements nationaux, associés avec les organismes intergouvernementaux, les organisations non gouvernementales et le secteur privé, doivent s’engager à appliquer des stratégies fondées sur des estimations réalistes du potentiel de production et de la capacité de charge démographique. Ces stratégies doivent tenir dûment compte des priorités nationales de développement et être en majeure partie mises au point, lancées et dirigées par ceux qui en subiront les effets. On manque de longueur de vue en ignorant les problèmes d’environnement car on compromet ainsi le développement à venir et la qualité de vie de ceux qui ont le plus besoin de nourriture.

5.33 Le grand message à transmettre à tous les pays c’est que la participation, l’équité, le dialogue, les mécanismes d’action, l’émancipation et les incitations ouvriront la voie à une agriculture respectant l’environnement et à la sécurité alimentaire. En l’absence de ces facteurs, les puissants instruments techniques et politiques dont nous disposons ne pourront pas donner de résultats positifs durables.


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Cartes

Carte 1

Principales zones agroclimatiques

Source: FAO, IIASA, ISRIC. Projection Miller. Avril 1995.

Carte 2

étendue de la dégradation dans les principales zones agroécologiques d’afrique, 1996

Source: ISRIC, FAO, ISSA. Projection Miller. Février 1996. Calculs effectués par J.W. Resink et M.H.C.W. Starren.

Carte 3

Classes de productivité agricole estimative, en équivalent céréales, 1995

Carte 4

Classes de production agricole potentielle avec apport élevé d’intrants et faible disponibilité d’eau, en équivalent céréales

Source: AB-DLO. Projection Miller cylindrique. Avril 1996. Calculs effectués par J.W. Resink et M.H.C.W. Starren.

Carte 5

écart estimatif de rendements avec apport élevé d’intrants et disponibilité limitée d’eau

Source: FAO, IIASA, ISRIC. Projection Miller cylindrique. Avril 1996. Calculs effectués par J.W. Resink et M.H.C.W. Starren.


Notes

1Voir également le document du SMA no 3, Cadre sociopolitique et économique pour la sécurité alimentaire.

2Voir également le document du SMA no 12, L’alimentation et le commerce international.

3Voir le document du SMA no 16, Les leçons de la révolution verte - vers une nouvelle révolution verte.

4Voir également le document SMA no 8, Produits alimentaires destinés aux consommateurs: commercialisation, transformation et distribution.