14. Evaluation des progrès réalisables en matière de sécurité alimentaire

Documents d'information technique
© FAO, 1996


1. Introduction

1.1 Le présent document tente de définir l’ampleur de la tâche qui nous incombe pour obtenir des progrès en matière de sécurité alimentaire mondiale et les accélérer. Tout en reconnaissant que l’objectif prioritaire est de réduire la pauvreté en toutes situations, il démontre que, dans les pays où les disponibilités alimentaires par habitant sont très faibles et où l’incidence de la sous-alimentation est élevée, l’amélioration de la sécurité alimentaire passe en premier lieu par une augmentation de la quantité d’aliments disponibles. Comme la plupart de ces pays sont fortement tributaires de l’agriculture, c’est essentiellement en accroissant leur production agricole et en favorisant le développement rural plus général que l’on augmentera les revenus et les disponibilités alimentaires. Ce document analyse les conséquences pour les variables clés de l’alimentation et de l’agriculture (production, consommation, commerce, investissement). Il examine ensuite quel devrait être l’axe central des politiques pour maximiser les chances de progresser sur la voie de la sécurité alimentaire dans tous les pays, à la lumière des conclusions des documents d’information techniques.


2. Objectifs réalisables en matière de réduction de la sous-alimentation

L'ampleur de la tâche qui nous incombe

2.1 Le document du Sommet mondial de l’alimentation no 1, Alimentation, agriculture et sécurité alimentaire: évolution depuis la Conférence mondiale de l’alimentation et perspectives présente les estimations actuelles de l’incidence de la sous-alimentation et les perspectives jusqu’en 20101. Il conclut que, dans des conditions normales, la sous-alimentation touchera encore dans les pays en développement 680 millions de personnes, ou 12 pour cent de la population totale, en l’an 2010. Il indique aussi que l’absence de progrès sera visible, comme aujourd’hui, aux niveaux de disponibilités alimentaires par habitant destinées à la consommation humaine directe (ou disponibilités énergétiques alimentaires [DEA], un indicateur de la consommation) qui resteront très faibles dans de nombreux pays, dont la plupart se trouvent en Afrique et en Asie du Sud. Le document du SMA no 1 cité plus haut explique pourquoi cet indicateur est important pour évaluer et suivre l’état de sécurité alimentaire des différents pays. Le texte en question est reproduit ici, pour référence (encadré 1) (voir également tableau 1).

 

Encadré 1
DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES PAR HABITANT UTILISABLES POUR LA CONSOMMATION HUMAINE DIRECTE: LA VARIABLE QUI PERMET DE DIAGNOSTIQUER L'ÉNTENDUE DE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Les approvisionnements alimentaires disponibles pour la consommation humaine directe, dont il est question dans les bilans alimentaires, sont estimés sur la base des rapports nationaux contenant des données sur la production et le commerce des produits alimentaires d’où il ressort inévitablement que, pour plusieurs d’entre eux, les disponibilités alimentaires par habitant sont totalement insuffisantes pour assurer une bonne nutrition. Les paramètres de cette dernière sont bien connus, même s’ils prêtent à controverse. En premier lieu figure la disponibilité énergétique alimentaire (DEA) nécessaire au fonctionnement du corps humain (respiration, circulation sanguine, etc.), abstraction faite de tout mouvement ou activité. C’est ce que l’on appelle le métabolisme de base (MB). Elle est généralement de l’ordre de 1 300 à 1 700 Calories par jour pour des adultes de différentes conditions (âge, sexe, hauteur, poids corporel). On prend la structure âge/sexe et des poids corporels des populations adultes des différents pays en développement pour calculer le MB national moyen. En ajoutant ce qui est nécessaire à la croissance des enfants, on estime, en moyenne nationale, la quantité d’énergie qui doit être absorbée par personne lorsque toute la population se trouve au repos, ou «au lit» comme l’entendent les nutritionnistes.

Si l’on y ajoute une autre quantité pour une activité légère, estimée à environ 55 pour cent du MB, on obtient une fourchette comprise entre 1 720 et 1 960 Calories par personne par jour pour les différents pays en développement. Il s’ensuit que les groupes de population dans lesquels un individu moyen dispose d’un apport inférieur à ce niveau (le seuil) sont sous-alimentés parce qu’ils ne mangent pas suffisamment pour conserver leur santé et leur poids corporel et pour se livrer à une activité légère. Le résultat se traduit par une incapacité physique et mentale, caractéristique que les enquêtes anthropométriques mettent en évidence.

Si l’on ajoute à ce seuil une ration équivalant à une activité modérée, on obtient une estimation des besoins moyens nationaux qui se situe, pour les différents pays en développement, dans une fourchette comprise entre 2 000 et 2 310 Calories par personne par jour. Théoriquement, un pays ayant une DEA par habitant correspondant aux besoins moyens nationaux n’aura aucun problème de sous-alimentation à condition que l’offre alimentaire totale allant à chaque personne corresponde exactement à ses besoins respectifs. Ce n’est toutefois jamais le cas; certaines personnes consomment (ou ont accès à) plus de nourriture que ne nécessiteraient leurs besoins personnels1 pour une activité modérée, et d’autres personnes moins. Il faut donc prévoir une marge permettant d’obtenir une estimation des disponibilités moyennes telle qu’une quantité suffisante de nourriture revienne aux personnes qui se trouvent au bas de la distribution, car celles qui se trouvent aux échelons plus élevés consommeront par définition plus que la quantité correspondant à une activité modérée. Des données obtenues empiriquement laissent à penser que, même avec des niveaux d’inégalité modérés (un coefficient de variation de 0,2, signifiant que la différence moyenne de l’apport alimentaire des personnes – écart type – est de 20 pour cent par rapport à la moyenne nationale), il faut augmenter de près de 28 pour cent les besoins moyens nationaux pour tenir compte de ce facteur d’inégalité et faire en sorte que pratiquement personne n’ait un apport alimentaire inférieur au niveau-seuil. Cela porte le besoin moyen ajusté à un chiffre compris entre 2 600 et 2 950 Calories pour les différents pays en développement, suivant le seuil correspondant à la structure démographique (âge/sexe/poids corporel) pour 1990-1992.

Ces chiffres, ou normes, sont par conséquent une première indication quand il s’agit d’évaluer l’étendue de cette dimension clé de l’insécurité alimentaire, c’est-à-dire l’adéquation ou non des disponibilités alimentaires. De fait, la DEA est, comme il a été dit ailleurs (FAO, 1996), la principale variable utilisée pour obtenir des estimations de l’incidence de la sous-alimentation. De nombreux pays se situent en dessous de la norme du besoin moyen ajusté, et dans bien des cas, avec une marge considérable. Donc, même si l’on ne savait rien de plus concernant l’incidence de la sous-alimentation, on est inévitablement porté à conclure que cette incidence, qui est de moyenne à élevée ou très élevée selon les pays, ne peut être que significative, même quand l’inégalité des conditions d’accès à la nourriture est peu marquée. Les progrès à faire pour réduire ou pour éliminer la sous-alimentation doivent se traduire, en premier lieu, par une augmentation de la DEA par habitant. Naturellement, cela ne revient pas à dire que la DEA est en soi une variable fondamentale sur laquelle il est possible d’agir directement. Mais des modifications de cette variable révèlent véritablement la direction et l’ampleur de tout mouvement allant dans le sens d’une amélioration ou d’une aggravation de la sécurité alimentaire.

Il convient, à ce propos, de mentionner la question maintes fois soulevée du degré de fiabilité des bilans alimentaires qui, dans bien des cas, font apparaître de très faibles disponibilités alimentaires. La réponse est la suivante: ces bilans sont aussi fiables que les données primaires fournies par les pays concernant la production et les échanges. Ce sont ces données qui sont traitées sous forme de bilans alimentaires pour obtenir les indicateurs des disponibilités alimentaires par habitant utilisés ici. Les données primaires étant ce qu’elles sont, il est logique et inévitable de conclure que beaucoup de pays se trouvent dans une situation difficile du point de vue de la sécurité alimentaire.

1Y compris ceux qui exécutent des travaux pénibles: un homme de cette catégorie a besoin de 3 500 Calories par jour.

Tableau 1: Incidence de la sous-alimentation à différents niveaux de DEA et paramètre d’inéquite (coefficient de variation) pour deux seuils de sous-alimentation

2.2 Avant de conclure, et pour répondre à la question fréquemment posée sur le degré de fiabilité des données figurant dans les bilans alimentaires, qui font souvent état de niveaux de DEA extrêmement faibles, on peut dire qu’elles le sont tout autant que les données primaires sur la production et le commerce qui sont fournies par les pays. C’est à partir du traitement de ces données qu’est dressé le bilan alimentaire dont sont dérivés les indicateurs des disponibilités alimentaires par habitant utilisés ici. Vu ces données primaires, on est obligé de conclure que de nombreux pays sont dans une situation difficile, du point de vue de la sécurité alimentaire.

2.3 Il s’ensuit que le succès ou l’échec des efforts réalisés pour améliorer la sécurité alimentaire sera mesuré par rapport à l’évolution des DEA par habitant dans les pays qui sont en retard de ce point de vue. Il s’ensuit également que le débat sur le réalisme et la faisabilité de tous les engagements devant être convenus à ce stade peut être alimenté par une meilleure compréhension de l’ampleur de la tâche qu’implique l’élévation des DEA dans les pays où elles sont actuellement très faibles.

2.4 Ce qui précède peut être illustré par un exemple: normalement, un pays affecté par un taux de sous-alimentation élevé est caractérisé par un niveau de DEA d’environ 1 800 Calories, qui représente une diminution sans précédent de cette variable, un taux de croissance démographique d’environ 3 pour cent par an et, souvent, une grande dépendance à l’égard de l’agriculture. Avec une DEA aussi faible, même si l’accès aux vivres est réparti assez équitablement, 48 à 64 pour cent de la population resterait sous-alimentée (encadré 1). Une réduction sensible de l’incidence de la sous-alimentation implique un relèvement des DEA à environ 2 700 Calories et une inégalité d’accès réduite. Pour que ce niveau de DEA puisse être atteint d’ici l’an 2010, le taux de croissance annuel des disponibilités alimentaires par habitant devrait être de 2,2 pour cent. Si l’on tient compte de l’accroissement de la population, cela signifie que, pour parvenir à réduire sensiblement la sous-alimentation, il faudrait créer les conditions pour que la demande alimentaire totale du pays s’accroisse à raison de plus de 5 pour cent par an. Si la croissance des revenus doit être le moteur principal de l’augmentation de la consommation alimentaire, le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) requis devrait être très élevé, vraisemblablement de plus de 8 pour cent par an.

2.5 L’exemple qui précède est un cas extrême, encore qu’il n’ait pas été choisi parmi les pires, puisqu’il existe aujourd’hui des pays où les DEA sont comprises entre 1 600 et 1 800 Calories. Toutefois, il est assez représentatif des conditions qui caractérisent la situation de plusieurs pays. En 1990-1992, 16 pays avaient des DEA inférieures à 2 000 Calories, la moyenne étant de 1 850 Calories. Leur population totale était de 307 millions d’habitants, avec une croissance projetée de 2,7 pour cent par an. Pour porter les DEA moyennes de ce groupe à 2 700 Calories d’ici 2010, il faudrait que la consommation alimentaire totale augmente au rythme d’environ 5 pour cent par an pendant la période 1990 à 2010.

2.6 Si l’on adopte cette manière de voir les choses, il est évident que les progrès en matière de sécurité alimentaire dans des pays si mal nantis au départ (très faibles DEA et croissance démographique rapide) doivent se manifester sous l’une et l’autre de ces deux formes:

2.7 On fera valoir que la capacité de l’ensemble du monde de produire cette nourriture supplémentaire ne devrait pas constituer un obstacle décisif pour accomplir de nouveaux progrès sur la voie de la sécurité alimentaire. En effet, la consommation additionnelle que cela suppose représente une proportion infime des disponibilités alimentaires mondiales totales, qu’il s’agisse de celles produites aujourd’hui ou de celles projetées pour l’an 2010. Pour finir, l’issue de la bataille menée pour améliorer la sécurité alimentaire dans les pays qui sont en retard – victoire ou défaite – dépendra de la capacité de créer les conditions pour qu’ils puissent accroître leur consommation alimentaire totale aux rythmes requis.

2.8 Lorsque l’on examine les objectifs réalisables en matière de réduction de la sous-alimentation, il faut cependant bien reconnaître que les perspectives de croissance des revenus et de réduction de la pauvreté dans nombre des pays confrontés à une grave insécurité alimentaire ne sont guère encourageantes. En effet, selon la dernière évaluation faite par la Banque mondiale, le PIB de base en Afrique subsaharienne (où se trouvent nombre de ces pays) devrait s’accroître de 3,8 pour cent par an pendant la période 1996 à 2005 (soit 0,9 pour cent par an, en termes de revenu par habitant (Banque mondiale, 1996a). Dans ce contexte, on imagine difficilement comment les conditions pourraient être créées dans ces pays pour que la consommation alimentaire s’accroisse de 5 pour cent par an. La suite de ce document définit des objectifs qui sont ambitieux, mais qui sont réalistes, si des mesures exceptionnelles, du type de celles que le Sommet mondial de l’alimentation peut envisager, sont prises.

Un objectif global modeste qui peut être très rentable

2.9 Un niveau de DEA de 1 850 Calories (niveau moyen des pays étudiés plus haut) est proche du seuil utilisé pour définir la sous-alimentation. On en déduit, presque mathématiquement, que d’importantes proportions de la population ont des DEA inférieures à ce seuil, c’est-à-dire qu’elles sont sous-alimentées selon la définition utilisée ici (voir encadré 1 et FAO, 1996). Il s’ensuit aussi que des améliorations, même modestes, des DEA moyennes (par exemple jusqu’à 2 200 ou 2 300 Calories) permettraient de faire franchir ce seuil à une grande partie des personnes sous-alimentées et de réduire sensiblement l’incidence de la sous-alimentation, d’environ les deux tiers, en pourcentage de la population touchée et, compte tenu de la croissance démographique, d’environ les deux cinquièmes, en nombre absolu. Tout cela montre que les efforts permettant aux pays qui sont en retard de prendre les premières mesures pour porter, dans un avenir relativement proche (d’ici l’an 2010), les DEA de leur niveau actuel très faible (1 850 Calories) à un niveau moyen ou bas (2 300 Calories) peuvent être extrêmement rentables du point de vue de la réduction de la sous-alimentation, tout en poursuivant un objectif qui reste dans les limites du réalisme.

2.10 Compte tenu de ces considérations, on observe la règle suivante pour définir les objectifs d’augmentation des DEA entre 1990-1992 et 2010:

2.11 Les conséquences de cet objectif sont présentées dans le tableau 2. On voit clairement que sa réalisation pourrait réduire le nombre de personnes sous-alimentées de près de la moitié par rapport au niveau actuel ou de plus d’un tiers par rapport aux nombres projetés sans cela pour 2010.

Le monde est-il en mesure de produire les aliments supplémentaires requis?

2.12 C’est une question que posent de nombreux observateurs. On peut probablement répondre catégoriquement oui. En effet la quantité additionnelle de vivres est réellement infime par rapport à la forte augmentation totale de la production mondiale qui, selon les projections, permettra de répondre au surcroît de demande effective, principalement imputable à la croissance de la population mondiale3.

2.13 Le tableau 2 montre que les pays où la consommation alimentaire doit être supérieure au niveau projeté dans WAT2010 auront une population totale d’à peine moins de 3 milliards d’habitants en l’an 2010 et une consommation céréalière projetée de 184 kg par habitant (soit une hausse par rapport aux
174 kg de 1990-1992 et aux 161 kg de 20 ans plus tôt). Les céréales leur fournissent 60 pour cent de leurs DEA totales. Si ce pourcentage reste le même à l’avenir, il faudrait, pour atteindre les objectifs de DEA présentés dans la section précédente, que chaque personne dispose de 200 kg de céréales, ce qui représente une augmentation de 16 kg par habitant ou de 46 millions de tonnes au total. Aujourd’hui, ces 46 millions de tonnes représentent 8,5 pour cent de la consommation projetée de ce groupe de pays en 2010; 3,1 pour cent de celle de l’ensemble des pays en développement; et 2 pour cent de celle de l’ensemble du monde (tableau 3).

 

Tableau 2: Objectifs normatifs pour l’an 2010 et conséquences du point de vue de la réduction de la sous-alimentation dans 93 pays en développement

Tableau 3: Bilans céréaliers mondiaux (ensemble des céréales, y compris riz en équivalent usiné)

2.14 Le fait que cette faible augmentation additionnelle de la consommation mondiale puisse réduire dans une si large mesure l’incidence de la sous-alimentation n’a rien de surprenant, et ce pour deux raisons. Premièrement, cette augmentation devrait être concentrée dans les pays où les niveaux nutritionnels actuels sont très faibles et où l’on prévoit peu de changements pour l’an 2010. (Pour plusieurs de ces pays, cela suppose des taux de croissance de 4 à 6 pour cent par an de leur consommation céréalière totale entre 1990 et 2010.) Deuxièmement, en augmentant les DEA moyennes nationales de ces pays des 1 700 à 1 900 Calories actuelles et des 1 800 à 2 000 Calories projetées (qui restent proches ou en dessous du seuil de sous-alimentation) à 2 300 Calories en 2010, on permettra à d’importantes proportions de ces populations de dépasser ce seuil, même en l’absence de changements dans la répartition (voir encadré 1).

 

Encadré 2
PERSPECTIVES DU SECTEUR CÉRÉALIER JUSQU'EN 2010, À PARTIR DU MILIEU DE 1996

Faits nouveaux survenus entre 1990 et 1995

L’étude de 1995 de la FAO Agriculture mondiale: Horizon 2010 (WAT2010) prévoyait une production mondiale de 2 334 millions de tonnes en 2010, alors que la moyenne triennale pour 1988-1990, qui est la période de référence de l’étude, était de 1 679 millions de tonnes. Si la production mondiale avait connu une progression régulière (ce qui, d’après l’étude, n’a pas été le cas), elle aurait atteint 1 845 millions de tonnes en 1995. Or, son niveau effectif n’a été que de 1 712 millions de tonnes cette année-là ou, plus précisément, de 1 770 millions de tonnes en moyenne pour la période triennale 1994, 1995 et 1996 (prévision pour cette dernière année). Compte tenu de ce déficit important, on peut se demander si le niveau projeté pour 2010 est encore réaliste.

Pour répondre à cette question, l’évolution de la production doit être observée de façon plus détaillée. Si l’on procède ainsi, on voit clairement que le déficit mondial est principalement imputable aux faits nouveaux qui se sont produits en Europe de l’Est et dans l’ex-Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS). L’étude a souligné que les premières années de la période couverte par les projections seraient caractérisées par des diminutions de la production dans les économies en transition. Elle a aussi attiré l’attention sur le fait que les excédents structurels seraient plus faibles ou pourraient même disparaître et que les stocks détenus par les gouvernements pourraient diminuer à la suite des réformes des politiques introduites dans les principaux pays exportateurs. Ces événements se sont effectivement produits pendant la première moitié des années 90 et ils ont coïncidé avec des baisses de production imputables à des conditions météorologiques défavorables, en particulier aux Etats-Unis, premier exportateur mondial de céréales.

La production effective des pays en développement a suivi de très près la trajectoire des projections de l’étude. Leurs importations nettes moyennes pendant les deux dernières campagnes (juillet/juin 1994/95 et projections pour 1995/96) sont estimées à 107 millions de tonnes, soit là encore un niveau proche de celui qui pourrait être déduit d’une interpolation normale pour 1995, correspondant à la trajectoire des importations nettes de l’étude (passant de 90 millions de tonnes en 1988-1990 à 162 millions de tonnes en 2010). Logiquement, leur consommation céréalière totale (production plus importations nettes) a aussi évolué selon les prévisions de l’étude.

Réévaluer les perspectives de la production mondiale pour 2010

Ces faits nouveaux récents pourront conduire à des révisions significatives des projections concernant la production céréalière mondiale pour 2010 indiquées ci-
dessus, si l’un quelconque ou tous les facteurs qui expliquent les déficits de production des années récentes (réformes dans les pays à économie anciennement planifiée, chocs météorologiques, réformes des politiques dans les grands pays exportateurs entraînant une diminution des stocks publics) peuvent être considérés comme de nature à entraîner des modifications structurelles permanentes dans les fondements de l’économie céréalière mondiale, autres bien entendu que celles dont il a déjà été tenu compte dans les projections. Il est évident que les baisses de production enregistrées dans la région n’entrent pas dans cette catégorie. On peut supposer, sans grand risque d’erreur, qu’une fois que leurs économies se seront redressées, l’Europe de l’Est et l’ex-URSS se trouveront sur une trajectoire qui portera leur production à un niveau proche des plus de 300 millions de tonnes projetées pour 2010. Cependant, il est probable qu’une partie des diminutions de la consommation apparente de la région (essentiellement utilisations fourragères et déchets) seront permanentes et que la région, qui avait le statut de grand importateur net avant la réforme, deviendra un petit exportateur net, conformément aux prévisions de l’étude.

Il n’y a aucune raison valable de penser que les déficits de production imputables à des conditions météorologiques risquent d’être plus fréquents à l’avenir, ni que les facteurs climatiques risquent d’influencer la tendance prévue pour la production proprement dite. Il n’y a donc aucun motif qui impose une révision des projections concernant la production mondiale pour 2010 (envisagée sur une moyenne de trois ans au minimum), uniquement pour cette raison.

Enfin, quelle que soit la manière dont les conditions météorologiques évolueront à l’avenir, l’incidence de ces fluctuations sur les marchés mondiaux doit être étudiée conjointement avec le troisième facteur mentionné plus haut, à savoir les réformes des politiques visant à éviter la production d’excédents et à favoriser une réduction des stocks publics dans les gros pays exportateurs. Ce facteur peut en effet être à l’origine d’une modification structurelle permanente des fondements de l’économie céréalière mondiale. Il y a au moins un risque que, pour cette raison, les marchés céréaliers mondiaux deviennent plus fluctuants à l’avenir, en dépit de l’effet stabilisant d’un système de commercialisation de plus en plus libéralisé. L’ampleur de ce risque reste à déterminer, mais la FAO s’intéresse de près à cette question, ainsi qu’aux mesures requises pour préserver la sécurité alimentaire mondiale.

2.15 Comme on l’a déjà fait observer, le surcroît de production de 46 millions de tonnes représenterait seulement 2 pour cent des quelque 2,3 milliards de tonnes que le monde devrait produire en 2010, selon les projections de WAT2010. Cette augmentation suppose un taux de croissance de la production mondiale pour 1990-1992 à 2010 de 1,6 pour cent par an au lieu de 1,5 pour cent. Si l’on se réfère aux faibles niveaux de production des années plus récentes (moyenne de 1995 et prévision pour 1996) de 1 770 millions de tonnes, le taux de croissance pour 1995-1996 à 2010 devrait être de 2 pour cent par an, au lieu de 1,9 pour cent par an4. L’atteinte de ce taux de croissance plus élevé ne mettrait certes pas à rude épreuve la capacité du monde de produire les aliments supplémentaires requis. Mais il s’agit là d’une maigre consolation, car le vrai problème reste de trouver le moyen d’augmenter fortement la consommation alimentaire dans les pays qui sont à la traîne, sans pour autant empêcher les autres pays d’accomplir les progrès prévus.

Des disponibilités alimentaires à l'accès aux vivres

2.16 Ce qui importe le plus ici, c’est que les denrées supplémentaires soient produites selon des modalités également propres à contribuer au développement et à créer des revenus pour les pauvres. Ce sujet est analysé de façon plus approfondie plus loin. Il sous-entend que tout doit être fait pour maximiser la production de vivres supplémentaires dans les pays où l’on a décidé d’accélérer la croissance de la consommation. Un examen sommaire, pays par pays, des besoins de consommation additionnels que supposent ces objectifs plus élevés, complété par des hypothèses relativement optimistes sur la production intérieure et sur l’accès aux importations (aide alimentaire comprise), montre que si l’on parvenait à accélérer le taux de croissance de la production céréalière du Groupe 1, tel que défini au tableau 2, des 3,2 pour cent par an projetés dans WAT2010 (qui est déjà une perspective optimiste pour ce groupe) à 3,8 pour cent, et celui du Groupe 2, de 2,4 à 2,7 pour cent, la production additionnelle couvrirait 60 pour cent de leur consommation additionnelle requise. Le solde devrait être couvert par des importations nettes. Pour ces deux groupes, ces dernières augmenteraient par rapport aux 24 millions de tonnes de 1990-1992, pour atteindre environ 70 millions de tonnes en l’an 2010, au lieu des 50 millions de tonnes projetées pour 2010 dans WAT2010. L’autosuffisance totale en céréales de ces pays tomberait de 93 pour cent en 1990-1992 à 88 pour cent en 2010. Ce surcroît d’exportations est considéré comme rentrant dans les limites des possibilités des principaux pays exportateurs (ou de ceux qui pourraient le devenir, comme les pays à économie anciennement planifiée) de produire des excédents exportables (voir tableau 5 dans le document du SMA no 1).

Faisabilité des objectifs normatifs, d'après l'expérience passée

2.17 L’objectif normatif utilisé dans ce document pour étudier les possibilités d’améliorer la sécurité alimentaire peut sembler modeste, du point de vue de la réduction de l’incidence de la sous-alimentation (qui devrait diminuer de moitié entre 1990-1992 et 2010); mais il est très ambitieux, en termes des demandes additionnelles (bien au-delà de celles qu’impliquent les projections de WAT2010) requises dans les pays qui doivent réussir à accélérer la croissance de leur consommation et, dans la plupart des cas, de leur production alimentaires. L’objectif proposé est-il réalisable? Cette question se pose avec une acuité particulière pour les pays du Groupe 1 du tableau 2. Un examen des expériences passées suscite les observations suivantes:

Investissements requis pour faire de la croissance accélérée de la production une réalité

2.18 Investir dans l’agriculture n’est évidemment pas la seule condition préalable de l’accroissement de la production. Garantir la sécurité de jouissance, le fonctionnement des marchés et supprimer les désincitations, par exemple, sont des mesures tout aussi importantes qui conditionnent en outre l’investissement. Cependant, des biens de capital créés par l’homme, tels qu’irrigation, bétail, cultures arborées et machines, doivent être en place, dans le secteur agricole, pour que la production puisse progresser.

2.19 La présente section tente d’analyser dans quelle mesure les progrès supplémentaires en matière de sécurité alimentaire qui, selon les sections précédentes, doivent être réalisés dans les pays retardataires entraîneraient un relèvement du niveau des investissements requis, par rapport aux estimations du document du SMA no 10, Investissement dans le secteur agricole: évolution et perspectives, qui analyse les conditions requises pour atteindre les résultats de WAT2010. Alors que, dans les pays en développement, l’investissement brut dans l’agriculture primaire a atteint 77 milliards de dollars EU par an ces dernières années, des niveaux un peu plus élevés (86 milliards de dollars par an sur la période couverte par les projections) seraient nécessaires pour soutenir l’accroissement de production envisagé dans l’étude WAT2010.

2.20 Les indicateurs pertinents servant à évaluer les besoins supplémentaires requis pour atteindre les objectifs normatifs sont présentés dans le tableau 4. On constate qu’un investissement brut de 86 milliards de dollars par an représente environ 11 pour cent de la valeur annuelle brute moyenne de la production agricole6 de la période couverte par les projections, et qu’une augmentation de la production d’une valeur de 1 dollar nécessite en gros un investissement brut légèrement supérieur à 4 dollars. Le tableau 4 donne aussi des estimations du degré auquel l’investissement brut dans l’agriculture primaire devra être augmenté pour atteindre l’accélération de la croissance de production préconisée dans les deux groupes de pays retardataires. Pour l’ensemble des pays en développement, cet investissement devrait être de 92 milliards de dollars au lieu de 86 milliards. Ce chiffre représente une augmentation de 7 pour cent seulement pour l’ensemble des pays en développement, mais là encore, ce qui pose un problème, c’est que ces investissements doivent être supérieurs de 30 pour cent dans le Groupe 1 et de 17 pour cent dans le Groupe 2.

 

Tableau 4: Taux de croissance de la production et investissements bruts requis dans l’agriculture primaire

2.21 Le document du SMA no 11, Production alimentaire et impact sur l’environnement donne aussi des estimations des investissements bruts requis dans les secteurs post-production, dans les services de soutien public et dans les infrastructures (autres que les installations d’irrigation, comprises dans l’estimation des besoins concernant l’agriculture primaire). L’investissement brut total requis à ces trois fins s’élève à 166 milliards de dollars (à peu près deux fois le montant estimé pour l’agriculture primaire à elle seule) par an en moyenne sur la période couverte par les projections. On en déduit que pour atteindre les objectifs normatifs de consommation alimentaire dans les pays retardaires, les investissements bruts totaux de ces pays devront probablement être de 71 milliards de dollars par an, sur la période couverte par les projections (au lieu des 60 milliards de dollars prévus dans la projection initiale).


3. Centrer la réponse politique: la primauté de l'agriculture et du développement rural pour assurer la sécurité alimentaire dans les pays où l'incidence de la sous-alimentation est élevée

3.1 Il ressort de l’analyse qui précède que, si le problème de la sécurité alimentaire dépendait de la capacité de l’ensemble du monde de produire davantage de vivres, il serait probablement déjà résolu. En fait, le vrai problème est que les disponibilités alimentaires totales doivent augmenter très rapidement dans les pays où les DEA sont trop faibles aujourd’hui et qui, selon les projections, seront encore dans cette situation dans l’avenir prévisible. C’est pourquoi l’attention doit être centrée sur le vrai problème, qui est de parvenir à mettre en œuvre des politiques qui créeront les conditions propices à des augmentations rapides des DEA des pays retardataires.

3.2 A propos de politiques, on notera que le niveau des DEA en lui-même n’est pas une variable sur laquelle on peut intervenir directement, par exemple, simplement en augmentant les disponibilités totales grâce à une intensification de la production, des échanges et/ou grâce à des transferts. Il ne s’agit pas seulement de fournir plus d’aliments, encore faut-il que la demande de vivres s’accroisse, et du reste l’offre n’augmentera pas en l’absence d’une demande effective. Pourtant, dans la panoplie des interventions susceptibles d’améliorer la sécurité alimentaire, les mesures visant à accroître les disponibilités ont leur place, même s’il existe des contraintes du côté de la demande. Ce qui importe, dans ce cas, c’est que cette augmentation des disponibilités soit créée par des moyens qui stimulent aussi la demande. Pour l’ensemble du monde, cela signifie que la production doit être accrue au moyen de technologies qui élèvent la productivité et font baisser les coûts de production et les prix. Lorsque cela se produit, les perspectives de développement général s’améliorent, ce qui fait que les chances de réduire la pauvreté sont plus grandes que sans ces mesures. En outre, on stimule la demande de ceux pour qui elle est encore caractérisée par une élasticité-prix positive et souvent relativement élevée, qui sont précisément les populations à faible revenu dont les besoins alimentaires sont largement insatisfaits. L’expérience montre que, dans le passé, les augmentations de la consommation alimentaire mondiale ont été en partie dues à des baisses semblables des coûts de production et du prix réel des aliments.

3.3 Cependant cette approche axée sur le Monde dans son ensemble a ses limites car les personnes pauvres et sous-alimentées sont concentrées dans des régions du monde qui sont souvent trop peu intégrées dans l’économie
mondiale pour pouvoir tirer pleinement profit des gains de productivité obtenus ailleurs. Par exemple, pendant la majeure partie des deux dernières décennies et jusqu’à une époque relativement récente, les marchés mondiaux ont envoyé des signaux (chute des prix réels) attestant une surabondance de l’offre alimentaire mondiale, alors que la sécurité alimentaire se détériorait en Afrique et que l’Asie du Sud n’accomplissait que de maigres progrès. Les pauvres et les sous-alimentés n’ont tout simplement pas le ressort économique qui leur permettrait d’envoyer aux marchés alimentaires mondiaux les signaux de détresse qui provoqueraient la réponse requise des agriculteurs, des responsables politiques et des donateurs. Concrètement, les effets de stimulation de la demande des efforts visant à augmenter la production mondiale sont maximisés lorsqu’ils ont précisément pour objectif d’accroître la production dans les pays et les régions confrontés à l’insécurité alimentaire, où la majorité de la population vit de l’agriculture et d’activités économiques rurales. Ce point est approfondi ci-après.

3.4 Malgré ce qui précède, l’élévation des DEA dans les pays retardataires doit être considérée comme un objectif politique (plutôt que comme un instrument politique), dont la réalisation est subordonnée à la modification d’une multitude d’autres variables, dont quelques variables politiques qui relèvent justement du cadre de l’action des pouvoirs publics. Ces variables politiques peuvent relever d’actions très générales, qui conditionnent le cadre global de la société (administration publique, réduction des conflits, régime du droit, condition des femmes), d’interventions macroéconomiques (assainissement des finances publiques, taux de change, politiques des échanges et politiques concurrentielles) ou d’interventions spécifiques ayant des répercussions sur la condition des pauvres (politiques sociales et dispositifs de sécurité, accès équitable aux ressources et aux possibilités) ou d’interventions directement liées à la production alimentaire et à la création et à la répartition des revenus dans l’agriculture (fourniture de biens collectifs, tels que services d’éducation primaire, infrastructures, recherche agricole, régimes fonciers, protection du potentiel productif des ressources en terres et en eau).

3.5 Bien entendu, les problèmes et les conditions initiales varient considérablement d’un pays à l’autre, et il en est de même pour les politiques. Cependant quelques généralisations sont possibles (voir Chapitre 4). Toutes les politiques visant à améliorer la sécurité alimentaire ont un dénominateur commun, qui est de stimuler le développement, de maximiser ses effets de réduction de la pauvreté et de les renforcer par des actions sociales, dont certaines sont spécifiques au secteur alimentaire, tels les programmes vivres-contre-travail. Dans cette panoplie d’interventions, celles qui intéressent directement l’alimentation et l’agriculture tiennent une place spécifique et prépondérante. En effet, la grande majorité des pays gravement touchés par la pauvreté et l’insécurité alimentaire sont des sociétés agraires, où le phénomène de la pauvreté est largement concentré dans le secteur rural. Dans ces cas-là, promouvoir le développement et réduire la pauvreté revient dans une large mesure à promouvoir le développement agricole et rural. A travers l’histoire, très peu de pays de cette catégorie ont réussi à passer à un niveau de développement plus élevé sans au préalable, ou dans le même temps, passer par une révolution agricole. C’est là un des enseignements fondamentaux de l’histoire, dont on a souvent fait peu de cas, mais qui bénéficie aujourd’hui d’un regain d’intérêt (voir encadré 3).

3.6 Vu sous cet angle, l’accent mis sur les mesures visant à améliorer la productivité agricole et le développement rural dans les pays retardataires et, ce faisant, à accroître les disponibilités alimentaires, en développant le plus possible la production non locale, trouve sa justification dans le contexte du développement plus général. Dans ces pays, les revenus de la majorité de la population, c’est-à-dire des pauvres, et, partant, la demande d’aliments, dépendent, directement et indirectement (grâce aux interactions entre l’agriculture et l’ensemble de l’économie), d’améliorations de la productivité agricole. Mettre au premier plan l’agriculture et l’économie rurale dans les pays retardataires, à ce stade de leur développement, ce n’est certes pas faire preuve de fondamentalisme agricole, ni même exprimer une préférence abstraite pour l’autosuffisance. C’est plutôt chercher à renforcer l’autonomie, en s’attachant à créer les conditions citées plus haut pour que les DEA puissent augmenter, c’est-à-dire à faire en sorte que les vivres soient demandés et pas seulement fournis. Cela étant, les interventions ne sauraient se limiter à l’agriculture primaire. Au contraire, elles doivent être vues comme une composante importante de l’éventail plus large des interventions visant à favoriser le développement, auxquelles il est fait allusion plus haut. Dans le domaine plus étroit de l’alimentation et de l’agriculture, elles doivent englober tous les secteurs associés à l’agriculture, tant en amont qu’en aval. Produire plus d’aliments à l’intérieur du pays ne présente guère d’intérêt (et de toute façon, c’est un objectif irréalisable), sauf si le surcroît obtenu peut être entreposé, transporté ou commercialisé. Ce sujet a été étudié dans la section précédente, dans le cadre de l’analyse des investissements requis pour accroître la production et pour soutenir ces augmentations par des investissements dans les secteurs post-production et dans les infrastructures.

 

Encadré 3
LA PRIMAUTÉ DE L'AGRICULTURE ET DU DÉVELOPPEMENT RURAL, VUE PAR W.A. LEWIS (IL Y A 40 ANS) ET LA BANQUE MONDIALE (AUJOURD'HUI)

W.A. Lewis concluait ainsi ses recommandations au Gouvernement ghanéen (Lewis, 1953):

«Le principal obstacle (à l’industrialisation) est que la productivité agricole par travailleur stagne... La priorité absolue est donc de concentrer notre attaque sur le système de production alimentaire dans la Côte de l’Or, pour déclencher un processus d’accroissement continu de la productivité. Cela permettra de fournir le marché, le capital et la main-d’œuvre requis pour l’industrialisation.»

«Ce qui nous intéresse, ce n’est pas la quantité de vivres disponibles, mais la quantité de vivres produite par chaque personne qui travaille dans l’agriculture. Même si l’offre alimentaire était suffisante, la Côte de l’Or devrait s’efforcer de réduire le nombre d’agriculteurs, chacun d’entre eux produisant davantage, car c’est par ce moyen que l’on stimulera les autres secteurs de l’économie.»
«Elever le rendement par acre est généralement le moyen le moins cher.»

La Banque mondiale (1995):

«Examine les points suivants, qui sont confirmés par les enseignements dégagés des expériences de la Banque mondiale et d’autres organismes:

  • Une modification rapide des technologies est essentielle pour jeter les bases d’une croissance agricole et rurale soutenue dans les pays en développement et pour doubler les disponibilités alimentaires mondiales dans les 30 années à venir.
  • La pauvreté, la faim et la malnutrition continuent d’être concentrées dans les zones rurales dans une grande partie du monde en développement en dépit d’un exode rural massif. Sur les 720 millions de pauvres identifiés dans 38 fichiers de la pauvreté dressés par la Banque, 75 pour cent vivent dans les campagnes.
  • Aucun des pays qui ont adopté des politiques discriminatoires à l’égard du secteur rural n’a réussi à réduire de manière sensible la pauvreté rurale, au moyen de programmes ciblés.
  • Favoriser une croissance rapide de l’agriculture, dans le secteur des petites exploitations, est l’une des stratégies de lutte contre la pauvreté les plus puissantes et les plus efficaces par rapport aux coûts dont disposent les pays. Cela a été largement démontré en Asie du Sud-Est et, dans une moindre mesure, en Asie du Sud.
  • La croissance rapide de l’agriculture, secteur à forte intensité de main-d’œuvre, a un impact important sur la pauvreté urbaine, car elle permet de réduire les prix des aliments et d’accroître la masse de revenus provenant d’emplois non spécialisés dans toute l’économie. Les emplois ruraux peuvent être accrus, pour les hommes et les femmes, dans le secteur agricole comme dans d’autres secteurs.
  • La plupart des activités agricoles et rurales relèvent du secteur privé: c’est pourquoi il est capital d’introduire des mesures d’incitation appropriées, de garantir l’efficience des marchés et de mettre en œuvre des politiques qui n’ont pas d’effets de distorsion.
  • Il est indispensable de préserver et de renforcer les ressources naturelles – eau, sols, parcours, forêts, pêches et réserves de la biosphère – non seulement pour leur contribution à la croissance rurale durable et à la réduction de la pauvreté, mais aussi pour leurs contributions aux ressources collectives mondiales telles que la diversité biologique.»

«La croissance du secteur agricole qui fournit de nombreux emplois est le moteur essentiel d’une amélioration du bien-être rural et de l’aménagement des ressources naturelles.»

La Banque mondiale (1996b):

«Le défi qui prime tous les autres en Afrique est d’accélérer la croissance agricole. Là, bien plus que dans toute autre région, une agriculture prospère est le moteur indispensable pour réduire la pauvreté, aménager durablement les ressources naturelles et assurer la sécurité alimentaire... Le deuxième défi est de promouvoir la croissance rurale, plutôt qu’agricole.»

 

Cont.


Notas

1Pour de plus amples informations concernant les engagements et accords de la Conférence mondiale de l’alimentation, voir annexe.

2 On ne peut pas pour autant s’attendre à ce que ces progrès s’accomplissent automatiquement. L’étude WAT2010 explique clairement qu’il n’en est pas ainsi. Elle définit les conditions, plutôt exigeantes, qui doivent être réunies pour que ces progrès se matérialisent (aussi bien dans les pays qui devraient réaliser des améliorations sensibles que dans ceux où les perspectives sont plus modestes), en termes de variables agricoles concrètes (par exemple, utilisation des sols, rendements, irrigation, importations alimentaires) et de politiques, tant nationales qu’internationales. Ces exigences sont définies dans le document du SMA no 1, Alimentation, agriculture et sécurité alimentaire: évolution depuis la Conférence mondiale de l’alimentation et perspectives, tableaux 6 à 12. Une analyse plus approfondie figure dans l’étude intégrale (FAO, 1995).

3 Voir le document du SMA no 4, Besoins alimentaires et croissance démographique.

4 La production céréalière mondiale a été à peu près stationnaire pendant la première moitié des années 90, fluctuant dans une fourchette de 1,71 à 1,79 milliard de tonnes. On peut donc se demander si le niveau de 2,33 milliard de tonnes projeté pour 2010 dans WAT2010 reste un objectif plausible. Cette question est traitée dans l’encadré 2.

5 Les pays ayant enregistré pendant des périodes prolongées des taux de croissance de la production céréalière supérieurs à 5 pour cent par an sont: Ghana, 8,1 pour cent (1980-1995); Nigéria, 8,1 pour cent (1978-1995); Ouganda, 7,0 pour cent (1984-1995); Maroc, 6,7 pour cent (1977-1991); et Tchad, 5,7 pour cent (1980-1995). Fait plus important, un assez grand nombre de pays ont élevé leurs DEA de plus de 1 pour cen par an pendant deux décennies. Pour la période 1970-1990 on peut notamment citer les suivants: Algérie, 59 pour cent; Tunisie, 43 pour cent; El Salvador, 36 pour cent; Chine, 35 pour cent; Mauritanie, 35 pour cent; Iran, 33 pour cent; Indonésie, 31 pour cent; Myanmar, 25 pour cent; Burkina Faso, 24 pour cent; République-Unie de Tanzanie, 21 pour cent; et Yémen, 21 pour cent.

6 D’après les données disponibles pour les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 1996), le rapport entre l’investissement brut et la valeur brute de la production oscillait en 1993 entre 6,5 pour cent et 25 pour cent, avec une pointe de 42 pour cent pour le Japon. Certaines différences entre les secteurs agricoles des pays développés et en développement expliquent les ratios plus élevés dans la première catégorie de pays (principalement le caractère plus capitalistique de la production qui fait que des dépenses d’investissement massives sont nécessaires, ne serait-ce que pour remplacer les immobilisations de capitaux existantes; de fait, dans les pays développés, une grande part des investissements sont réalisés à des fins de remplacement),alors que d’autres justifient les ratios plus bas (principalement les taux de croissance de la production beaucoup plus faibles et les pourcentages plus bas de valeur ajoutée à la valeur brute de la production).