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Chapitre 1: Introduction


Le SIDA
Antécédents et objectifs de l'étude en Afrique de l'Ouest
Situation du SIDA dans les deux pays de l'enquête
Liens entre le SIDA et l'agriculture
Facteurs propices à la propagation


Le SIDA

Le SIDA est le nom donné aux conséquences cliniques fatales d'une infection de longue durée causée par le VIH, un virus qui détériore le système immunitaire. La présence du VIH favorise le développement d'autres maladies, dites opportunistes, qui autrement seraient combattues par l'organisme (notamment la tuberculose, un type de cancer de la peau, une forme de pneumonie et des diarrhées à répétition).

C'est en 1981 que le SIDA a été identifié pour la première fois et deux ans plus tard que le VIH, l'agent causal du SIDA, a pu être isolé. Le VIH s'est largement répandu, semble-t-il, vers la fin des années 70 ou au début des années 80, parmi les hommes et les femmes ayant des partenaires multiples, en Afrique orientale et centrale, ainsi que dans la population masculine homosexuelle et bisexuelle ainsi que chez les drogués de certaines zones urbaines des Amériques, d'Europe occidentale, d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Aujourd'hui, le virus se propage dans tous les pays et la majorité des cas concerne des individus hétérosexuels.

Que ce soit en termes relatifs ou absolus, l'Afrique au sud du Sahara représente la région du monde la plus lourdement touchée par l'épidémie. Sur les 22 millions d'adultes affectés par le VIH à la fin de 1996, 14 millions provenaient Afrique subsaharienne, soit plus de 60 pour cent du total mondial. Les pays de l'Afrique de l'Ouest, dont le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Nigeria contribuent pour environ 15 pour cent du nombre total d'adultes et d'adolescents porteurs du VIH en Afrique (voir tableau 1 et figure 1).

Tableau 1: Nombre approximatif de cas de VIH pour 100 000 adultes

Amérique du Nord

425

Amérique latine et Caraïbes

470

Europe et Eurasie

100

Maghreb et Moyen-Orient

33

Afrique subsaharienne

2 725

Asie orientale et Pacifique

3

Asie du Sud-Est et du Sud

120

Océanie

210

Source: PANOS, 1993.

Antécédents et objectifs de l'étude en Afrique de l'Ouest

En 1993-1994, la FAO entreprenait une étude de l'impact du SIDA sur les systèmes de production agricole dans trois pays de l'Afrique de l'Est: l'Ouganda, la Zambie et la Tanzanie (FAO 1994). Le présent travail y donne suite dans deux des pays de l'Afrique de l'Ouest les plus touchés par le VIH/SIDA: le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire.

Figure 1: Nombre estimé de personnes vivant avec le VIH/SIDA à la fin de 1996, par région

Note: Les chiffres ayant été arrondis leur somme ne correspond pas nécessairement au total.

Source: Relevé épidiomologique hebdomadaire, No 48, 1996.

Les principaux objectifs de cette seconde étude sont:

· d'analyser les répercussions du SIDA sur différents systèmes d'exploitations agricoles;

· de mettre en lumière les stratégies de survie développées par les membres des unités de production affectées par le SIDA pour faire face à la situation; et

· de formuler des propositions à l'intention de différents types d'intervenants pour que la prévention devienne effective en milieu paysan avec une participation active de la population, grâce à des mécanismes permettant de combattre la transmission du VIH et de faire face aux répercussions négatives du SIDA sur l'alimentation, la production agricole et les autres moyens de survie.

Situation du SIDA dans les deux pays de l'enquête


Burkina Faso
Côte d'Ivoire


Burkina Faso

L'évolution du VIH/SIDA a été très rapide au Burkina Faso. Les 10 cas cumulés et déclarés en 1986 étaient passés à 2 886 en 1992 et 7296 en 19951. En 1995, les résultats d'une étude de prévalence des maladies sexuellement transmissibles et des infections à VIH au Burkina Faso conduite dans les villes de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Ouahigouya et Fada-Ngourma, auprès d'un échantillon de femmes enceintes, de serveuses de bars et prostituées de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, révélait une séropositivité de 7 pour cent et des prévalences spécifiques atteignant 8,5 pour cent pour les femmes enceintes dans la population générale (mais 11 pour cent dans un échantillon à Ouagadougou et 12,7 pour cent à Bobo-Dioulasso), 13,1 pour cent pour les chauffeurs routiers, 23 pour cent chez les porteurs de maladies sexuellement transmissibles, 29 pour cent chez les tuberculeux, 43 pour cent chez les prostituées de Bobo-Dioulasso et 64 pour cent chez celles de Ouagadougou (Lankoande et al., 1995).

1 L'intérêt de ces chiffres est de fournir une valeur indicative de la rapidité de la propagation de la maladie. D'aucune façon ils ne témoignent du nombre réel de cas qui échappent pour la plupart aux relevés officiels.

En milieu rural, l'insuffisance de moyens de surveillance épidémiologique ne permet pas de disposer de statistiques fiables et complètes mais il est généralement admis que le taux de prévalence est élevé, en particulier dans les régions pourvoyeuses de main-d'œuvre pour les régions côtières. L'agence de coopération technique allemande (GTZ), rapportait pour 1991 des taux de 17,1 pour cent pour la petite ville de Gaoua dans le Sud-Ouest (Taverne, 1996).

Côte d'Ivoire

Selon l'ONUSIDA (1996), le premier cas de SIDA rapporté en Côte d'Ivoire remonte à 1985. Au 31 décembre 1995, il y avait environ 32 000 cas cumulés de SIDA et 640 000 de VIH. A la même date, le taux de prévalence du VIH était estimé à 11 pour cent et le ratio homme/femme 1,6/1. Comme au Burkina Faso, le mode de transmission du VIH/SIDA est presque exclusivement hétérosexuel et ces données doivent être prises avec beaucoup de réserves pour ce qui est du milieu rural. La plupart des données proviennent de postes sentinelles situés en milieu urbain que ne fréquentent pas, ou très peu, les populations rurales.

Liens entre le SIDA et l'agriculture

Il est désormais admis que le SIDA ne se limite pas à un problème de santé publique. Ses conséquences sociales et économiques deviennent de plus en plus notoires en Afrique, au sud du Sahara.

A cause de son mode de transmission principalement sexuel, le SIDA touche surtout la tranche d'âge des 15-49 ans qui regroupe des personnes en pleine force de l'âge, habituellement économiquement actives. En milieu rural, un nombre grandissant d'agriculteurs sont plus ou moins directement affectés par cette maladie. Les diminutions de main-d'œuvre et de ressources financières qui s'ensuivent entraînent des modifications du mode de production agricole et de l'alimentation. Les répercussions du SIDA fragilisent des couches de la société ou des types de personnes déjà très vulnérables (petites exploitations agricoles, femmes et enfants, par exemple).

Facteurs propices à la propagation


Migrations interfrontalières
Mobilité interne au sein de chaque pays
Persistance de certaines coutumes


Migrations interfrontalières

L'importance des migrations dans la diffusion du SIDA en Afrique de l'Ouest est documentée depuis presque 10 ans. Il est désormais reconnu que dans la sous-région, le VIH/SIDA s'est répandu des régions côtières vers les pays de l'intérieur, grâce aux migrations circulaires qui y prennent place. Selon Lalou et Piché (1994), l'Afrique de l'Ouest est sans conteste l'une des régions du monde où la liaison entre migrations et SIDA est la plus forte.

Très succinctement, les rapports entre les migrations et le SIDA s'expliquent de la façon suivante. Mariés ou non, les hommes qui migrent vers la côte voyagent non accompagnés de femmes. Les migrations de travail temporaires et souvent répétitives dominent largement. Les conditions de travail et le niveau de la rémunération dans les chantiers et plantations sont tels qu'ils ne permettent pas la survie de toute la famille.

Les migrations concernent donc principalement des hommes d'origine rurale, jeunes (15-34 ans), célibataires ou migrant seuls (même quand ils sont mariés), sans ou avec peu d'instruction, vivant le plus souvent dans des lieux d'habitation denses, où l'organisation sociale des contacts sexuels est très ouverte. Les cas analysés dans cette étude reflètent cette situation: les hommes constituent un peu plus de 60 pour cent de l'échantillon.

Depuis une vingtaine d'années cependant, des modèles de migrations de plus longue durée se développent. Même si ces migrations sont encore à prédominance masculine, de plus en plus de femmes y sont impliquées. Vu l'étroitesse du marché salarié, plusieurs femmes se retrouvent aussi dans des situations de précarité économique qui favorisent leur mobilité sexuelle.

Mobilité interne au sein de chaque pays

Les migrations internationales, à elles seules, n'expliquent pas entièrement la diffusion de la maladie. La mobilité à l'intérieur de chaque pays constitue également un catalyseur de la propagation du VIH/SIDA. Hommes et femmes se rendent en ville en quête de travail salarié, d'autres circulent d'un marché à l'autre pour vendre et acheter des produits, vivant et travaillant dans des conditions d'extrême instabilité, propices à susciter des relations passagères avec des partenaires occasionnels et multiples.

Persistance de certaines coutumes

La mobilité spatiale, assimilable à des déplacements migratoires à des fins économiques, ne rend pas compte à elle seule de la propagation de la maladie. De multiples coutumes locales sont susceptibles de créer des circonstances propices à la transmission du SIDA, de l'intérieur. En font partie:

i) les circoncisions, excisions, scarifications et accouchements, avec l'aide d'accoucheuses traditionnelles, qui sont encore pratiques courantes, et qui se font avec des instruments ancestraux qui répondent certes à des exigences rituelles, mais rarement à des normes d'hygiène acceptables;

ii) les périodes d'euphorie et de permissivité, presque obligatoires, qui accompagnent certains marchés périodiques (le «21» de Rhéo au Burkina Faso, par exemple), des réjouissances annuelles (Pâques, après la commercialisation du café/cacao chez les Baoulé de Côte d'Ivoire) ou des rites de passage marquants (les funérailles en pays Bété en Côte d'Ivoire), où il est non seulement accepté, mais pratiquement recommandé, pour une femme de rencontrer un nombre élevé de partenaires, faute de quoi elle risque de mourir à brève échéance.


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