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Chapitre 3 - La collecte de l'information

L'information nécessaire à la conduite d'un projet peut provenir de sources variées: des études ou rapports déjà réalisés dans la région, ou bien de données à recueillir par des enquêtes. Selon le moment de leur déroulement, les enquêtes répondent à des nécessités diverses allant de la connaissance du milieu et de l'appréciation de la situation de départ, à l'évaluation à mi-parcours et finale des effets du projet.

L'expérience des différents projets montrent que les sources d'information pertinentes à un projet de nutrition comprennent principalement les études socio-économiques de la zone d'intervention (profil des villages), les enquêtes sur la disponibilité alimentaire, les enquêtes de consommation et les enquêtes de santé-nutrition (Aide-mémoire No 3.1).

CHOIX DE LA METHODOLOGIE

II existe de nombreuses méthodologies pour conduire une enquête. Le choix de la méthodologie comporte l'évaluation du rapport entre le degré de détail et de précision souhaité et les coûts que cela entraîne en terme d'énergie, ainsi qu'en termes de temps d'exécution, de traitement et de disponibilité des résultats finaux.

En général, les enquêtes de consommation et les enquêtes nutritionnelles ont accaparé beaucoup de temps et d'énergie dans la vie des projets. Le degré de détail s'est traduit par une lourdeur d'exécution et une lenteur dans le traitement et l'analyse des données, à tel point que dans certains cas, les résultats de ces enquêtes n'ont pas pu être utilisés pour les fins préconisées (connaissances de la situation de départ, évaluation).

En général, des méthodes d'enquête rapides, type MARP, qui permettent un flux continu d'informations en provenance des bénéficiaires sont à privilégier. Les enquêtes de grande envergure sont difficilement en mesure de fournir des résultats en temps utile pour que les projets en tirent profit pour mieux orienter ou réorienter leurs stratégies.

La MARP (Méthode accélérée de recherche participative) est un outil pour le recueil des données sur les caractéristiques du milieu physique, humain et socio-économique, sur les systèmes d'exploitation des terres, sur l'utilisation des aliments produits, sur les modèles saisonniers de consommation, ainsi que sur la perception que les populations ont de leur alimentation (Aide-mémoire No 3.2).

ENQUETES SOCIO-ECONOMIQUES DE BASE

Elles renseignent sur les ressources humaines des villages et leur organisation sociale, sur les interrelations entre les ressources humaines et celles du milieu physique, sur la présence d'infrastructures et de services techniques.

A l'aide d'interviews des personnes-ressources et des groupes focalisés, et par des observations directes, les projets ont établi le profil des villages concernés. Des méthodes d'appréciation rapide ont été utilisées sur le terrain pour ce genre d'enquêtes.

ENQUETES SUR LA DISPONIBILITE ALIMENTAIRE

Elles renseignent sur la disponibilité des terres et la régime foncière, sur les systèmes d'exploitation agricole et maraîchère en vigueur, sur la production animale, sur la destination de la production, les circuits commerciaux et les pratiques traditionnelles de transformation et de conservation des produits.

Les projets ont focalisé leur attention sur la disponibilité en légumes et en fruits. A l'aide d'interviews, de fiches d'observation directe aux marchés et aux jardins potagers, les projets ont recueilli des informations de base sur les pratiques horticoles traditionnelles, sur les pratiques de conservation et de transformation des produits maraîchers, sur le partage de la charge de travail entre les sexes.

D'autre part, tous les projets ont recensé les espèces légumières et fruitières, cultivées et sauvages riches en pro-vitamine A et présentes dans la zone d'intervention. A l'aide des tables de composition de la FAO, ils ont établi des tables analogues concernant les aliments les plus couramment consommés dans la région. Certains produits d'espèce sauvage, dont la consommation n'est pas négligeable, ne se retrouvent pas dans les tables de composition existantes, mais le manque de structures locales adéquates et les coûts élevés n'ont pas permis de réaliser leur analyse en laboratoire. Seul le projet du Niger a réalisé une étude sur la teneur en provitamine A des feuilles traditionnelles au Niger grâce à un accord de collaboration avec l'université de Montréal (Canada).

ENQUETES DE CONSOMMATION

Elles permettent d'évaluer le taux de couverture des besoins nutritionnels. Elles peuvent être classées en deux groupes: 1) celles qui mesurent les quantités d'aliments utilisées pendant la préparation du repas, par pesée directe des aliments; 2) celles qui estiment les aliments consommés sur la base du rappel du consommateur sur les dernières 24 heures ou sur la semaine, et qui parviennent à une approximation des quantités consommées à l'aide des mesures locales. Certaines enquêtes relèvent seulement la fréquence de consommation des aliments. Les quantités obtenues sont traduites en apports en nutriments à l'aide de tables de composition des aliments qui sont comparés aux quantités recommandées.

Des enquêtes de consommation ont été menées dans quatre pays, en début et fin de projet, dans le but d'en évaluer les effets du projet sur la consommation des produits horticoles. Pour ce qui est de la méthodologie, aucun projet n'a utilisé la pesée des aliments, considérée trop lourde et consommatrice de temps.

Les enquêtes ont été menées à l'aide de questionnaires qui ont porté sur le menu du jour, le rappel des 24 heures, les fréquences hebdomadaires de consommation ainsi que les attitudes et pratiques des ménages dans le domaine de l'alimentation. On a pu estimer les quantités consommées grâce à l'évaluation préalable des mesures locales et du volume des ustensiles utilisés par les ménages (enquêtes légères semi-quantitatives).

Au Niger, les résultats des enquêtes initiales ont été utilisés pour la définition de la stratégie d'intervention du projet et pour le choix du contenu des messages éducatifs.

Sauf au Mali, le risque de non couverture des besoins en vitamine A dans les autres projets a été évalué à travers le calcul de l'ICA (Indice de Consommation de Vitamine A (méthode du Groupe consultatif international sur la vitamine A - IVACG).

Les enquêtes, bien que "légères", n'ont pas été dépourvues de difficultés.

Au Tchad, l'estimation préliminaire de la composition des différentes sauces a mis en évidence une variabilité trop grande dans la proportion des ingrédients. Cela n'a pas permis la standardisation nécessaire à l'application de la méthode. En plus, les résultats obtenus pendant la première enquête se sont révélés inexploitables et ont été abandonnés.

Les méthodes semi-quantitatives et le calcul pour l'attribution d'un coefficient à partir des portions consommées étaient une nouveauté pour la plupart des agents techniques participant aux enquêtes. Bien qu'ils aient reçu une formation, ils auraient eu besoin de compétences plus solides et de plus de pratique avant d'être lancés sur le terrain.

Des réserves sont à exprimer à propos de la méthode basée sur le rappel des 24 heures, utilisée pour évaluer l'alimentation des enfants. Souvent, les mamans ne se rappellent pas tous les aliments donnés à l'enfant le jour avant et ne savent pas ce qu'il a mangé en dehors des repas. En outre, le calcul de l'Indice de consommation de vitamine A de chaque enfant est difficile, car les enfants mangent en général dans un plat commun.

Le projet du Bénin n'a pas mené d'enquête de consommation. Par contre il a mis en oeuvre une stratégie de suivi des femmes dans leurs ménages avec des visites périodiques à domicile. Les animatrices en visite ont relevé la préparation du repas familial et celui des enfants en bas âge, la provenance des aliments utilisés, la dépense journalière pour l'alimentation, l'appréciation des femmes par rapport au repas en cours de cuisson. Elles ont enregistré les éléments issus de ces visites sur une fiche spéciale.

Les visites périodiques à domicile, dans les ménages impliqués dans les activités du projet, sont un moyen utile pour recueillir des informations sur les modèles saisonniers de consommation ainsi que sur le processus de changement des habitudes alimentaires préconisé par le projet.

ENQUETES NUTRITIONNELLES ET DE SANTE

L'anthropométrie est la méthode la plus utilisée pour évaluer l'état nutritionnel. L'état nutritionnel des enfants est pris souvent comme indicateur de l'état nutritionnel de la population entière: la sensibilité des enfants aux variations dans les disponibilités alimentaires est en effet bien connue. Les mesures utilisées d'habitude comprennent le poids, la taille et le périmètre brachial (Aide-mémoire No 3.3). Souvent, les enquêtes recueillent aussi des informations sur la morbidité, compte tenu des relations étroites entre l'état nutritionnel et la santé.

Des enquêtes nutritionnelles ont été menées dans le cadre des projets du Burkina Faso, du Niger et du Tchad. Elles ont porté sur les relevés anthropométriques des enfants de moins de 5 ans à l'aide de l'indicateur poids/taille. Elles ont porté aussi sur la morbidité et sur les facteurs de risque liés aux pratiques de sevrage et aux habitudes alimentaires. Dans le cas des projets du Niger et du Burkina, les signes ophtalmiques d'une carence en vitamine A ont été également relevés.

Les difficultés ici ont été liées à la lenteur dans le traitement et l'analyse des données. Dans le cas du projet du Burkina, par exemple, le retard dans l'obtention des résultats de la première enquête a conduit à la suppression des deux autres prévues pour l'évaluation à mi-parcours et finale du projet.

Nul projet n'a tenté l'analyse causale des taux de malnutrition relevés par les enquêtes.

Des réserves sont à émettre sur la signification de l'anthropométrie pour l'évaluation des projets promouvant la production et la consommation, l'état nutritionnel des enfants ne dépendant pas seulement de l'apport alimentaire mais aussi d'une série d'autres facteurs (hygiène du milieu, présence de maladies infectieuses ou parasitaires).

Le Bénin a introduit des activités de contrôle de la croissance à l'aide de l'indicateur poids/âge. Elles ont été exécutées périodiquement à la suite des séances éducatives et ont intéressé les enfants des femmes fréquentant les séances. Cela a permis un suivi direct des enfants, une analyse causale des cas de malnutrition par l'interview des mères et leur sensibilisation aux problèmes nutritionnels. Les activités de contrôle de la croissance ont été menées dans le cadre de la collaboration intersectorielle avec le personnel du Centre social. La détermination de l'âge des enfants s'étant révélée malaisée, un calendrier des événements locaux a été établi à cette fin. Le projet a également formé les agents villageois de santé à la prise du périmètre brachial pour le dépistage rapide des cas de malnutrition et leur signalement aux structures compétentes.

Les activités de contrôle de la croissance permettent le suivi des enfants et la sensibilisation des mères. Elles peuvent être menées en collaboration avec les structures sanitaires ou sociales. Dans les villages dépourvus de ces structures, on pourra former à la prise du périmètre brachial des personnes-ressources (maîtres d'école, agents villageois de santé, animatrices, accoucheuses traditionnelles).

Ce qu'il faut retenir

Aide-mémoire No 3.1
Les enquêtes d'un projet de nutrition au niveau communautaire

Informations à recueillir:

Profil des villages
(Méthode: discussion en groupe, interview des personnes-ressources)

- populations, distances, infrastructures, pédo-hydrologie

- existence de services techniques

- points d'eau: nombre, nature, distance, temps nécessaire pour la collecte de l'eau

- existence de forêts ou de savane arborée

- existence d'un marché et sa périodicité

- activités principales (agriculture, élevage, etc.)

- type d'organisations villageoises (groupements féminins, mixtes, etc.)

- canaux traditionnels de communication

- écoles (existence d'un jardin scolaire, d'une association de parents d'élèves, disponibilité d'eau et de terrain, activités pratiques)

- personnes-ressources

Disponibilité alimentaire
(Méthode: discussion en groupe, interview des personnes-ressources, observations directes)

Production

- disponibilité des terres
- régime foncière traditionnelle, mode d'acquisition et mode de faire-valoir des terres
- type de sol
- systèmes de production des aliments de base
- système d'exploitation maraîchère et arboricole
- calendrier des cultures
- espèces horticoles et arboricoles locales
- partage du travail entre les sexes
- techniques culturales
- sources d'eau, moyens de collecte et temps nécessaire
- destination de la production (autoconsommation, vente, semence)
- disponibilité des intrants, fournisseurs et circuits de distribution
- disponibilité et provenance de la main d'oeuvre
- techniques de conservation et de transformation
- disponibilité de petit matériel agricole et fournisseurs
- circuits dé distribution et de commercialisation des produits
- prix, et disponibilité saisonnière des variétés

Foresterie

- produits de la cueillette et de la chasse, disponibilité saisonnière et utilisation (consommation, transformation, vente)

- approvisionnement en fourrage

- systèmes de jachère forestière

- existence de techniques traditionnelles d'utilisation des arbres pour arrêter l'érosion

Petit élevage et pisciculture

- espèces élevées
- nombre d'éleveurs et rendements
- partage des tâches selon les sexes
- disponibilité des intrants
- existence de services techniques
- prophylaxie et soins médicaux
- destination des produits (autoconsommation, vente)
- circuits de commercialisation des produits
- variations saisonnières de la demande, de la disponibilité et des prix
- moyens de conservation

Consommation/habitudes alimentaires
Habitudes alimentaires (Méthode: visites périodiques à domicile)

- menu du jour
- origine des aliments
- typologie alimentaire selon les saisons
- place des produits de la cueillette et de la chasse dans l'alimentation
- possession d'un jardin potager et d'arbres fruitiers
- destination des aliments produits par le ménage (consommation, vente, don)
- méthodes de préparation culinaire
- méthodes de conservation et de transformation
- alimentation des enfants
- allaitement maternel et durée
- pratiques de sevrage
- alimentation des femmes enceintes et allaitantes

Nutrition
(Méthode: contrôle de la croissance)

- données anthropométriques (voir l'aide-mémoire No 3.3)

Santé
(Méthode: interview des mères au cours des séances de contrôle de la croissance des enfants de 0-5 ans)

- état vaccinal

- morbidité actuelle et relative aux deux dernières semaines (diarrhée, rougeole, paludisme, parasites intestinaux, maladies respiratoires)

- signes cliniques (oedèmes, anémie, cécité nocturne, signes oculaires, goitre)

- apports pharmacologiques de vitamines et autres micronutriments en cours

Aide-mémoire No 3. 2
Les méthodes participatives pour la collecte des données

La MARP (Méthode accélérée de recherche participative)

Définition

La MARP est un processus intensif, itératif et rapide d'apprentissage orienté vers la connaissance des conditions et problèmes des populations locales

Caractéristiques

- décentralise la collecte de l'information, en se basant sur un nombre limité de communautés ou de ménages sélectionnés, à l'opposé des enquêtes classiques qui sont contrôlées au niveau central et qui nécessitent un échantillonnage statistiquement correct

- établit des relations paritaires avec la population locale, dans le respect de leurs connaissances et de leurs compétences

- peut être utilisée de manière souple; à tout moment de nouveaux canaux d'investigation peuvent être explorés, des techniques existantes peuvent être adaptées et des nouvelles techniques improvisées

- permet un apprentissage rapide et progressif avec des révisions régulières et des contrôles croisés des données recueillies

- utilise la triangulation (contrôle croisé de l'information à travers l'utilisation de méthodes différentes de collecte des données et de sources multiples) en vue' obtenir une perspective plus précise et équilibrée de la situation en étude

- reconnaît le principe de l'ignorance optimale, qui affirme la nécessité de trouver un équilibre entre les coûts de collecte des informations et la valeur des informations obtenues

- fait appel à des intervenants de différentes structures locales impliquées dans le suivi

Principaux outils utilisés

- revue des données secondaires disponibles dans la région (rapports, articles, statistiques, cartes, etc.)

- observations directes (d'événements, de relations, de procédures, etc.)

- interviews semistructurées (en groupe focalisés, avec des personnes ressources, avec des individus sélectionnés à cette fin, etc.)

- cartes et transects

- profils historiques

- techniques de classification

- calendriers

- diagrammes de Venn

- récits, portraits, études de cas

- outils de quantifications

- photographies

- jeux

Aide-mémoire No 3.3
L'utilisation de l'anthropométrie pour l'évaluation de l'état nutritionnel des enfants

L'état nutritionnel des enfants peut être évalué à l'aide d'indices anthropométriques tels que:

Taille/âge (T/A)

- renseigne sur la croissance en taille

- son déficit indique une situation prolongée d'alimentation inadéquate ou d'un mauvais état de santé (malnutrition chronique).

Poids/taille (P/T)

- renseigne sur le poids du corps par rapport à la taille

- est indépendant de l'âge

- son déficit indique un processus récent de perte ou de non gain de poids dû à une alimentation inadéquate ou à un mauvais état de santé (malnutrition aiguë)

Poids/âge (P/A)

- met en relation la masse corporelle avec l'âge

- est influencé soit par la taille, soit par le poids

- les courbes basées sur le P/A peuvent être utilisées dans les activités de contrôle de la croissance dans les centres de santé et les centres sociaux.

Périmètre brachial (PB)

- indice alternatif à utiliser là où les conditions de terrain ne permettent pas de mesurer le poids et la taille; ne peut être utilisé comme indicateur de suivi '.

- est en corrélation avec la mortalité


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