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Introduction

Les politiques de libéralisation de l'économie de la fin des années 80 et du début des années 90 ont relancé de façon prépondérante le secteur privé dans la quasi-totalité des pays africains. Qu'il s'agisse du marché intérieur ou des exportations, la commercialisation des produits agricoles est l'un des secteurs économiques où cette libéralisation s'est concrétisée de façon très marquée. Notamment, en ce qui concerne les produits vivriers, les entreprises nationales de commercialisation des céréales ont été supprimées ou ont vu leurs activités commerciales et de gestion accuser un recul considérable. Actuellement, ce sont les opérateurs du secteur privé qui achètent les céréales auprès des producteurs et qui les vendent aux transformateurs et aux consommateurs après avoir assuré leur transport en ville. Dans la plupart des pays, les industries de transformation agricole ont été vendues au secteur privé. Ces profonds changements qui sont intervenus dans le secteur de la commercialisation imposent aux encadreurs agricoles de nouvelles compétences.

Dans le passé, ces encadreurs ne s'occupaient pas réellement de commercialisation; c'étaient les succursales des entreprises publiques ou les agents agréés par l'État qui étaient chargés de la collecte des céréales auprès des producteurs, lesquels étaient payés au comptant ou à terme pour leurs produits. Dans certains cas, des crédits de campagne et des crédits pour les intrants agricoles étaient octroyés aux producteurs; ces sommes prélevées ensuite directement par l'entreprise publique sur le prix des produits livrés étaient restituées aux banques. Dans ce système de commercialisation, on faisait souvent appel aux encadreurs agricoles pour évaluer les besoins en intrants agricoles des producteurs et, surtout, pour apprécier leur solvabilité, mais ils n'étaient nullement chargés de résoudre des problèmes d'écoulement des produits. De fait, le problème de la recherche de marchés n'existait pas car il n'y avait qu'un seul circuit de commercialisation: celui organisé autour de la société publique de commercialisation.

Aujourd'hui, les producteurs ne peuvent plus dépendre d'un seul client officiel pour la prise en charge de toute leur production; ils doivent trouver des acheteurs, d'où la nécessité de connaître et de comprendre le mode de fonctionnement du marché et les conditions commerciales prévalantes (prix, conditions de vente, etc.). Dans l'ancien système, les céréales étaient livrées à l'Office national de commercialisation au moment de la récolte; désormais les commerçants n'achètent que les quantités qu'ils envisagent de vendre. Dans les cas d'excédents céréaliers, les producteurs ne sont même pas certains de trouver des acheteurs. C'est pourquoi ils doivent apprendre maintenant à stocker leurs produits et à planifier leurs ventes, alors qu'autrefois ils n'avaient pas à s'en soucier.

Avant la libéralisation du commerce des produits vivriers, les prix étaient homologués par les services publics pour chaque campagne agricole et sur toute l'étendue du territoire national. Aujourd'hui, les prix des produits sont libres; ils varient selon les localités et les saisons. Il peut même se révéler que dans un même endroit les prix pratiqués par les commerçants diffèrent. Ainsi, si les mesures de libéralisation économique ont créé les conditions nécessaires à l'amélioration du fonctionnement des marchés, grâce à la suppression des lourdes contraintes qui pesaient sur le commerce (prix non incitateurs, mauvaise gestion des offices, etc.); elles se sont néanmoins révélées insuffisantes à satisfaire entièrement les attentes des producteurs. En outre, comme les opérateurs du secteur privé en général, souvent ces producteurs n'étaient pas préparés à affronter les changements entraînés par les nouvelles mesures.

Le rôle des encadreurs agricoles dans le nouveau contexte de libéralisation du commerce consiste à chercher des réponses adaptées à certaines questions importantes afin de renforcer la productivité des agriculteurs. Pour ce faire, ils devront assister les producteurs en leur donnant des conseils utiles sur des questions de base: quelles céréales faut-il semer? Comment et où payer les semences et les engrais? Comment stocker les céréales? Les encadreurs agricoles doivent pouvoir aider les producteurs à décider s'il est plus rentable de stocker les céréales pour une vente différée ou s'il convient de les vendre immédiatement.

Ce guide fournit aux encadreurs agricoles des informations générales sur le système de commercialisation libéralisé et sur les techniques de séchage et de stockage des céréales. Le caractère général de l'information présentée ici vient du fait que les conditions de production et du marché varient nécessairement entre les pays et entre les régions. Il appartiendra donc aux encadreurs d'adapter ces données générales aux réalités spécifiques de leur zone en s'adressant aux sources d'informations nationales ou régionales qui existent dans le pays. Par exemple, le guide indique aux encadreurs agricoles dans quel cas il faut conseiller aux producteurs d'investir dans la construction d'infrastructures de stockage, mais les informations spécifiques sur les techniques de stockage les plus appropriées pour une zone donnée ne peuvent être obtenues qu'auprès des services compétents à l'échelon national ou régional.

Par ailleurs, contrairement à la version rédigée pour les pays d'Afrique de l'Est et australe, qui se concentre essentiellement sur le maïs, la présente version prend en compte d'autres céréales comme le mil, le sorgho et le riz. Enfin, on a introduit ici la notion de diversification agricole car, outre les céréales, le producteur doit tenir compte d'autres cultures (produits maraîchers, fruits, oléagineux) pour échapper aux aléas de la monoculture et avoir davantage d'occasions d'augmenter ses revenus (voir encadré 1).

Encadré 1

Le rôle de l'encadreur agricole dans un système de commerce libéralisé

Pour jouer ce rôle, l'encadreur agricole devra préparer un certain nombre de questions et essayer de trouver à chacune une réponse appropriée:

  1. doivent semer les producteurs?
  2. les producteurs obtiennent-ils les semences et les engrais?
  3. les producteurs financent-ils leurs achats d'intrants agricoles?
  4. la libéralisation a-t-elle changé les besoins de stockage des producteurs?
  5. sont les techniques de séchage et de stockage adaptées aux conditions locales?
  6. producteurs comprennent-ils les nouvelles exigences de la commercialisation?
  7. peut-on aider les producteurs à vendre les céréales?
  8. sont actuellement les acheteurs des céréales?
  9. quel prix et quand les producteurs vendent-ils leurs céréales?
  10. Ces questions sont approfondies dans les pages suivantes.

Les décisions concernant la campagne agricole et la commercialisation doivent être prises en début de campagne pour permettre la mise en œuvre concrète plus tard. Par exemple, si le cultivateur décide de semer une céréale différente de la culture habituelle, il lui faudra savoir auparavant où se procurer les intrants agricoles nécessaires, et connaître le type de stockage adapté à la nouvelle culture ainsi que les moyens d'écouler son produit sur un marché rémunérateur.



Malgré la simplicité avec laquelle elles sont formulées, les questions que doivent se poser les encadreurs pour assister les producteurs dans un système de commercialisation libéralisé ont rarement des réponses faciles. En fait, chaque question en suscite d'autres dont il faut aussi tenir compte. Examinons ces différentes questions et les choix qu'elles imposent.

1 Que doivent semer les producteurs?

  • Quels sont les facteurs susceptibles d'influencer la demande de céréales pour la campagne à venir?
  • Quelles sont les possibilités de vente des céréales que l'agriculteur entend cultiver?
  • Comment calculer la demande du marché?
  • Comment calculer les coûts de commercialisation?
  • Comment calculer les coûts de production?
  • Quelles sont les méthodes appropriées d'entreposage ou de traitement des stocks des céréales concernées?

2 Comment les producteurs obtiennent-ils les semences et les engrais?

  • Qui sont les fournisseurs d'intrants agricoles?
  • Quels sont les prix qu'ils pratiquent?
  • Offrent-ils des crédits?
  • Pourrait-on organiser des achats groupés et/ou le transport groupé des intrants agricoles?

3 Comment les producteurs financent-ils leurs achats d'intrants agricoles?

  • Les producteurs ont-ils de l'argent liquide pour leurs achats d'intrants?
  • Pourrait-on les inciter à l'épargne?
  • Quelles sont les possibilités de crédit sur place (banques locales de crédit agricole, banques commerciales, mutuelles de crédit, commerçants privés)?
  • Quelles sont les conditions de crédit pratiquées par les différents opérateurs?

4 Comment la libéralisation a-t-elle changé les besoins de stockage des producteurs?

  • Les céréales peuvent-elles être immédiatement vendues ou faut-il nécessairement les stocker pendant un certain temps?
  • Faut-il établir un ordre de priorité pour le stockage des variétés améliorées (maïs hybride, par exemple) par rapport aux variétés traditionnelles?
  • Comment calculer les gains tirés du stockage?

5 Quelles sont les techniques de séchage et de stockage les plus adaptées aux conditions locales?

  • Quelles sont les exigences de séchage et de stockage de la céréale concernée?
  • Où peut-on obtenir les informations relatives aux techniques de séchage et de stockage?
  • Quels sont les coûts des techniques envisagées?

6 Les producteurs comprennent-ils les nouvelles exigences de la commercialisation?

  • Comment aider les producteurs à comprendre:
  • qu'ils auront désormais affaire à plusieurs acheteurs au lieu d'un seul acheteur officiel habituel?
  • qu'aucun prix officiel n'est fixé désormais pour leurs produits?
  • qu'ils devront trouver des acheteurs offrant un prix avantageux?
  • que les coûts de commercialisation peuvent absorber un pourcentage élevé du prix?
  • Comment calculer les coûts de commercialisation?

7 Comment peut-on aider les producteurs à vendre leurs céréales?

  • Les producteurs devront-ils vendre eux-mêmes les céréales sur les marchés ou devront-ils les céder aux commerçants?
  • Les producteurs pourront-ils s'organiser en groupes non officiels afin de:
  • regrouper en un point convenu des quantités de céréales suffisantes pour intéresser un commerçant?
  • louer un véhicule pour transporter les céréales jusqu'au marché de la ville (ou aux unités de transformation)?

8 Qui sont les acheteurs des céréales aujourd'hui?

  • Quels sont les prix d'achat?
  • Les acheteurs accepteront-ils de venir au champ et quelle quantité minimum de céréales exigeront-ils pour justifier ce déplacement?
  • Leurs prix d'achat comprennent-ils le coût des sacs?
  • Paieront-ils les produits au comptant?
  • Autrement, quels seraient les délais de paiement?

9 Comment les producteurs vendent-ils leurs céréales et quand font-ils la mise en vente?

  • Devront-ils stocker et attendre que les prix montent?
  • Les informations sur le marché sont-elles disponibles?
  • Existe-t-il des possibilités de stockage?
  • Comment calculer la rentabilité du stockage?

LES OBJECTIFS À ATTEINDRE

  • Aider les agriculteurs à comprendre le nouveau système
  • S'assurer qu'ils connaissent les possibilités d'écoulement des autres cultures
  • Vérifier que les agriculteurs peuvent obtenir et payer les intrants nécessaires
  • Aider les agriculteurs à acheter leur maïs ou d'autres céréales
  • Réduire les pertes de stockage
  • Accroître au maximum le revenu des agriculteurs

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