AGENCY FOR CULTURAL AND TECHNICAL CO-OPERATION (ACCT) - AGENCE DE COOPERATION CULTURELLE ET TECHNIQUE - AGENCIA DE COOPERACION CULTURAL Y TECNICA

M. Emile Derlin-Zinsou, Président de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT)


Au nom des 49 Etats et Gouvernements membres de la Communauté francophone que j'ai l'honneur de représenter devant vous, de vous féliciter pour votre brillante élection.

Je me plais aussi à souligner le choix heureux qui a permis de confier à une femme la lourde tâche de préparer les travaux de cette conférence qui, en se référant, permettez-moi de le dire, à toute la symbolique de la fertilité, laisse augurer du plein succès de nos débats.

Comment pourrait-il en être autrement dans cette ville incomparable. Rome demeure pour la terre entière le creuset de multiples civilisations, elle qui a donné au monde un élan historique.

Je tiens ici à remercier particulièrement les autorités italiennes de leur chaleureuse hospitalité.

Si j'ai voulu donner à mon propos une dimension ouverte sur le monde, c'est d'abord parce que notre espace francophone rassemble lui-même des pays répartis sur tous les continents et qu'il se veut essentiellement un espace de solidarité.

Or, nul n'est ou ne peut être exempt de tous les fléaux qui sont au coeur de notre réflexion: la faim ne connaît pas de frontières et elle frappe sournoisement les pays les plus riches, où le nombre des exclus va croissant, comme elle maintient au-dessous du seuil de pauvreté encore trop de pays, au sud notamment.

Cette problématique me paraît devoir être appréhendée de façon globale, thématiquement autant que géographiquement, car les flux migratoires ont davantage pour conséquence de transposer les maux dont souffrent nos sociétés en transférant le sous-développement, que d'y apporter des remèdes.

C'est pourquoi nous avons tenu à être présents dans toutes les grandes rencontres internationales dont le Secrétaire général des Nations Unies Boutros Boutros-Ghali a pris ces dernières années l'initiative. Nous tenons à saluer l'inlassable dévouement et la persévérance exemplaire, avec lesquels il a inspiré notre réflexion et voulu susciter notre engagement dans des domaines tels que ceux de la population, du développement social, des femmes ou encore de la ville au seuil du XXIe siècle.

Ce sont, à nos yeux, autant d'enjeux de société et, plus encore, de véritables enjeux de civilisation.

Nous voici donc aujourd'hui, au coeur d'un thème transversal, celui de la faim, dans l'espoir de maîtriser les données de la sécurité alimentaire.

Nous savons tous qu'il s'agit là d'une tâche immense compte tenu de l'accroissement démographique, de l'appauvrissement des ressources génétiques végétales, de la dégradation de l'environnement, de la pénurie d'eau potable et des aléas climatiques; de même que, et j'y reviendrai, des crises dont l'homme est plus directement responsable, comme les conflits.

Je ne voudrais pas cependant que ce contexte, à priori accablant, nous fasse verser dans trop de pessimisme. Si nous nous trouvons réunis, c'est bien que nous sommes portés par la conviction qu'il nous appartient de réagir, et la Communauté francophone, avec les faibles moyens dont elle dispose, s'y est déjà employée.

En effet, dès leur première réunion au Sommet de février 1986 - voici 10 ans à Paris - les chefs d'Etat et de Gouvernement des pays ayant le français en partage ont voulu axer une partie des efforts de leur pays sur le domaine de l'agriculture, de même que sur celui de l'énergie, par exemple.

La francophonie dispose aujourd'hui d'un Institut spécialisé pour l'énergie et l'environnement, dont le siège est à Québec, qui a pour mission essentielle d'assurer des actions de formation destinées par priorité aux pays du Sud.

A travers son réseau d'universités 1'AUPELF-UREF, elle oeuvre encore dans ce domaine de la formation à un autre niveau pour perfectionner, dans le cadre de ses centres régionaux, l'enseignement spécialisé en agriculture, les CRESA, des professionnels de haut niveau.

Des filières d'enseignement spécialisé en agriculture s'ouvrent maintenant en Asie du Sud-Est, et notamment au Viet Nam qui accueillera à la fin de 1997 notre prochain Sommet de la Francophonie.

Elle a le mérite d'avoir encouragé au Sénégal la création de l'Université du Sahel, qui vise à lutter contre le redoutable fléau de la désertification, problème majeur que nous ne savons pas encore enrayer.

Je ne saurais conclure ce bref panorama de nos premières réalisations sans mentionner clairement le rôle de l'unique opérateur intergouvernemental de la francophonie, l'Agence de coopération culturelle et technique. Axée par vocation sur la promotion du développement. L'Agence a ouvert depuis le dernier Sommet un Programme Francophonie économie et développement auquel se rattachent les deux fonds qui lui permettent d'intervenir soit pour des projets concrets, soit dans le cas de crises ou de calamités naturelles, en urgence devant des situations particulièrement douloureuses. C'est de ce point de vue que je voudrais poursuivre mes propos.

La tragédie de la faim est perçue comme endémique, elle n'est pas nécessairement une fatalité. Et sa solution ne tient pas seulement à la collation des données statistiques ni à une recherche scientifique, si élaborée soit-elle. Elle ne tient pas non plus seulement à l'amélioration des circuits économiques qui en constituent pourtant l'un des supports essentiels.

Lorsque l'horreur de la faim s'étale au quotidien sous nos yeux, à l'image des multiples catastrophes dont les médias se font pour nous les miroirs, la tragédie de la faim peut hélas résulter de conflits politiques, ou plus fréquemment, d'un défaut de volonté politique de la communauté internationale pour apaiser ces conflits dans des délais supportables.

Qui d'entre nous n'a pas à l'esprit la vision des cohortes interminables de réfugiés errant dans la région des Grands Lacs et l'espoir que nous saurons mettre un terme à leur souffrance et leur éviter de s'acheminer vers une mort inexorable...

Cette profonde préoccupation m'a conduit à lancer, au nom du Conseil permanent de la francophonie que je préside et conjointement avec l'Assemblée internationale des Parlementaires de langue française (AIPLF), un appel pour que la mobilisation de la Communauté francophone trouve un écho sans délai tant auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies que des pays concernés.

Nous savons maintenant qu'une issue peut se dévoiler sous peu.

Je disais que la Communauté francophone se veut en effet solidaire et humaniste par essence.

Mais sa foi ne peut suffire là où le concert des nations ne parvient pas à s'accorder. C'est pour nous un problème de conscience avant d'être le domaine de la science, pour faire écho au philosophes, avant d'imaginer la ruine de l'homme.

Je sais que cette préoccupation n'est pas absente de vos réflexions. Il m'apparaît que c'est une démarche qui peut être plus directement à notre portée, avant même que le progrès ne nous fasse découvrir une humanité plus prospère et plus féconde.

Dans une vision plus sereine, je voudrais ajouter que le récent Sommet d'Istanbul nous avait déjà conduit à constater qu'il conviendrait de repenser la relation ville-campagne dans une perspective d'interaction équilibrée.

L'urbanisation du monde moderne entraîne la dégradation de l'environnement agreste et la disparition des terres arables indispensables à l'accroissement des ressources agricoles et alimentaires.

C'est là encore, me semble-t-il, un dessein politique qui doit nous inspirer, que ce soit pour freiner l'exode rural, facteur d'insécurité et de paupérisation, ou pour préserver l'équilibre économique autant qu'écologique.

Je ne voudrais pas conclure sans vous dire mon espoir de voir le monde de demain offrir à nos enfants un cadre de vie plus stable, plus riche et je dirais plus humain.

Tous les obstacles que nous avons recensés ne sont pas insurmontables et je veux croire que les perspectives ouvertes par nos travaux, telles qu'elles se dégagent de la Déclaration de notre conférence conduiront les nations, dans leur sagesse, à y parvenir.

Je suis heureux de vous dire que, demain, les Ministres chargés de l'agriculture de nos pays membres s'apprêtent à adopter une déclaration au nom de la francophonie qui témoignera de leur plein soutien aux conclusions que vous prévoyez de retenir.

Mais notre détermination ne doit pas nous dissimuler que toutes les grandes causes impliquent nécessairement des moyens correspondants à l'ambition de nos objectifs communs. Telle sera, notamment, la volonté que nous souhaitons voir partegée par tous.

Tel est du moins le voeu que je forme, et auquel s'associe, par ma voix, toute la Communauté des pays francophones, qui se veut porteuse de solidarité et d'avenir pour le plus grand bien-être au siècle prochain.


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