BENIN

Son Excellence Monsieur Mathieu Kérékou, Président de la République du Bénin


La conjonction des trois défis majeurs de notre époque que sont la mondialisation de l'économie de marché, la mondialisation du système démocratique, et la mondialisation du système des communications, pose pour l'humanité tout entière, en cette fin de millénaire, des problèmes d'une ampleur et d'une complexité sans précédent qui interpellent la conscience des dirigeants du monde à qui incombe la lourde responsabilité d'oeuvrer quotidiennement pour l'amélioration des conditions de vie et de travail de tous les peuples de notre planète. A partir des grandes découvertes de la fin du XVe siècle, le développement prodigieux et accéléré des progrès scientifiques et agricoles et leur implication aux activités de production ont instauré l'ère de la révolution industrielle en Europe et ouvert pour l'ensemble des sociétés humaines des perspectives décisives pour la conquête de la matière, la maîtrise de l'environnement et l'amélioration du niveau de vie du monde.

C'est dans cette voie qu'au fil des siècles le génie inventif de l'homme n'a cessé d'accumuler des résultats toujours plus performants et des progrès toujours plus audacieux dans tous les secteurs de la recherche fondamentale et appliquée, depuis le moteur à explosion, jusqu'à la fusion nucléaire, en passant par la génétique, la télédétection, l'aéronautique spatiale, etc. Au total, en cette fin du deuxième millénaire, jamais l'humanité n'a réuni autant de conditions aussi favorables et d'atouts aussi précieux pour vivre en toute quiétude, réaliser son propre bonheur et s'épanouir harmonieusement dans la paix, mais hélas jamais autant qu'aujourd'hui, l'homme n'a cessé de s'éloigner de plus en plus de la Parole de son Créateur qui, dans son infinie bonté, l'a doté d'intelligence et lui a prescrit de se multiplier et de soumettre la terre.

C'est ainsi que l'état du monde offre de nos jours le spectacle affligeant et désolant de populations entièrement croupissant dans la misère la plus sordide, régulièrement décimées par la faim et les maladies. Sur l'ensemble de la population du globe, plus de 800 millions de personnes souffrent cruellement de la faim, de la malnutrition, des carences nutritionnelles, et quand on sait qu'en 1995 les dépenses militaires mondiales se sont élevées à la somme de 1 120 milliards de dollars américains, ce qui représente à elles seules environ la moitié des dépenses alimentaires mondiales, on se demande quel enseignement les champions de la course aux armements ont tiré quand ils croient avoir instauré la paix par l'équilibre de la terreur nucléaire et thermonucléaire, alors que dans le même temps les problèmes élémentaires de la sécurité alimentaire ne sont pas résolus, des programmes toujours plus ambitieux les uns que les autres, consacrés à la course spatiale, aux investigations dans les régions lointaines de notre galaxie, et à la recherche d'une vie hypothétique sur d'autres planètes, engloutissent des sommes encore plus considérables.

Dans ces conditions, la question que nous nous devons de nous poser sans complaisance aucune au cours de ce forum mondial, c'est de savoir si l'humanité continue d'avancer dans la voie de la rationalité et des exigences de progrès collectifs de l'espèce humaine ou si, au contraire, elle ne s'est pas engagée sur la pente dangereuse d'une aberration maléfique et suicidaire?

La paix, la sécurité et le bien-être auxquels aspirent légitimement tous les Peuples du Monde peuvent-ils être durablement préservés pendant que près du cinquième de la population mondiale continue d'être privé du minimum indispensable pour une vie décente?

En tout état de cause, toutes ces questions mettent en évidence avec une acuité particulière, la nécessité impérieuse et urgente à l'échelle planétaire, d'un mouvement de solidarité visant à éradiquer la faim, la malnutrition et la sous-alimentation.

En ce qui nous concerne, le présent Sommet n'aura de sens et de portée que si la Déclaration finale, le Plan d'Action et les Engagements qui en résultent se traduisent rapidement dans les faits par des actions concrètes dans le sens de cette solidarité internationale nécessaire et salutaire. Sinon, le pire est à craindre; car nul n'ignore, que la faim peut conduire à des extrêmes imprévisibles et incontrôlables, tant il est vrai, comme dit un adage populaire bien connu que: «Ventre affamé n'a plus d'oreille».

Si la cause est ainsi entendue, il reste à dissiper toute illusion et toute interprétation abusive et erronée, quant à la signification véritable et aux implications réelles d'une politique conséquente de sécurité alimentaire à l'échelle mondiale.

Pour nous, la solution au problème de la sécurité alimentaire ne saurait être recherchée dans une forme quelconque de charité internationale qui consisterait à déverser dans les pays pauvres, le surplus alimentaire enregistré dans les pays riches.

Tout en reconnaissant la nécessité d'interventions humanitaires ponctuelles visant à sauver de précieuses vies humaines, nous considérons que la sécurité alimentaire ne peut être acquise par la généralisation des opérations de distribution gratuite de vivres PAM.

Pour atteindre et garantir durablement la sécurité alimentaire, il faut, à notre avis, agir sur les conditions et les bases du développement dans les pays défavorisés, au moyen de l'accroissement de l'aide aux programmes du secteur du développement rural, des transferts de technologies adaptées qui permettent d'assurer la maîtrise de l'eau pour l'irrigation, la mécanisation de l'agriculture et le perfectionnement des techniques culturales, ainsi que la révision des prix. Il ne s'agit pas, pour nous qui sommes citoyens de pays pauvres de croire que ce sont les exodes de nos populations et que ce sont les interventions armées avec des tonnes de vivres, qui peuvent rétablir la paix sur le continent africain.

Géographiquement, économiquement et socialement, l'insécurité alimentaire revêt le caractère d'un phénomène de masse qui s'étend au-delà des frontières et des océans, mais ce n'est pas une fatalité. Nous avons les moyens de les éradiquer.

Cela suppose la mobilisation et la conjugaison des efforts de la Communauté internationale tout entière, inspirée d'une même vision du destin solidaire de l'humanité, d'une philosophie nouvelle de la culture, du partage et de la ferme volonté d'enrayer la tendance déplorable des nantis à se détourner du triste sort des nations pauvres. La vie et la survie de l'humanité sont à ce prix et à ce prix seulement; et si on me demandait quel message encore vous allez adresser à tous les peuples du monde, nous allons d'abord dire que nous sommes à Rome capitale historique de l'Italie, nous allons leur dire: référez-vous aux différentes lettres adressées par Paul aux romains.


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